Publié le 11 Octobre 2017

T-REX de Douglas Preston

Prologue. 1972. L’expédition Apollo 17 ramène de la lune des échantillons de roche qui finissent par disparaitre, mystérieusement « égarés ». Trois décennies plus tard, Marston Weathers est abattu, au Nouveau Mexique, par un tueur à gages, Jimson Maddox. Avant de mourir, l’agonisant confie à un certain Tom Broadbent un carnet, rédigé en code, qu’il destine à sa fille, Robbie. N’ayant guère confiance dans la police, Tom s’adresse à un personnage improbable comme il n’en existe que dans les romans : Wyman Ford, ancien expert en décryptage de codes secrets reconverti moine dans un monastère perdu. Mais Maddox cherche, lui aussi, à mettre la main sur le fameux carnet.

Spécialiste du techno-thriller, Douglas Preston est fréquemment associé à Lincoln Child, notamment pour la très réussie série consacrée à Pendergast. Il a également écrit, seul, une poignée de romans dans un style similaire et qui démontrent son solide métier de « page turner ». Les chapitres sont très courts (généralement 3 ou 4 pages) et donc fort nombreux (une centaine pour un total de 500 pages) : ils nous baladent avec une science éprouvée entre les principaux protagonistes, tous assez peu vraisemblables mais bien typés. Tom Broadbent, apparu dans CODEX, le précédent bouquin de Preston rassemble ainsi toutes les qualités du pur héros de roman, aussi riche qu’honnête, prêt à tout risquer pour tenir la promesse faite à un inconnu agonisant. Jimson Maddox est un tueur à gages sadique traditionnel qui ne tarde pas à enlever l’épouse du héros, bien décidé à la violer. Le moine ancien de la CIA, Wyman Ford, aussi original que peu crédible, reviendra dans plusieurs romans ultérieurs de Preston. Nous trouvons également l’assistante en mal de reconnaissance d’un paléontologue et un scientifique désireux de s’emparer du squelette d’un tyrannosaure.

Le roman alterne donc les points de vue des protagonistes afin de maintenir l’intérêt et l’auteur n’hésite pas à proposer de nombreux (petits) cliffhangers qui relancent régulièrement la machine. Pourtant, le tout ne parait pas franchement original : T-REX s’inscrit dans la tradition du techno-thriller littéraire à grand spectacle qui mélange joyeusement aventures et action avec une pointe d’espionnage et une dose de science-fiction. Un style popularisé, entre autre, par Clive Cussler, Michael Crichton ou Tom Clancy et depuis repris par bien des auteurs américains, Dan Brown en tête. Preston accommode efficacement sa tambouille sans éviter les nombreux clichés.  Malgré la couverture et l’accroche prometteuse (« mort il y a soixante-cinq millions d’années il peut encore tuer ») qui annonçait une sorte de JURASSIC PARK le lecteur ne verra jamais le tyrannosaure en action, il faudra se contenter de son squelette. On peut donc avoir l’impression de s’être fait avoir jusqu’à l’os, d’autant que les descriptions de l’animal régulièrement dispensées par l’auteur tiennent finalement de l’anecdote et n’auront aucune incidence sur l’intrigue.

La courte poursuite voulue haletante, l’intervention de militaires au service du gouvernement désireux d’étouffer l’affaire, la révélation finale, l’enlèvement de l’héroïne,…Rien de bien neuf, que du déjà lu et relu avec néanmoins une impression générale d’efficacité : T-REX se lit donc très rapidement mais ne peut échapper au syndrome de la grenouille se prenant pour le bœuf. Autrement dit, tout cela ressemble fort à un de ses petits bouquins de gare qui pullulait dans les années ‘70 et ‘80 sauf qu’ici l’auteur se prend davantage au sérieux et s’étend sur 500 pages (au lieu de 200) pour boucler son intrigue. De plus, à force de surenchère dans le dernier acte la crédibilité, déjà entamée, en prend un coup et les personnages sont définitivement trop stéréotypés et manichéens pour que l’on puisse douter une seule seconde de la fin.

Bref, T-REX s’impose comme un divertissement correct (quoique longuet) mais qui manque vraiment d’originalité, de suspense ou même d’une certaine hargne tant l’ensemble prend soin de rester très grand public, y compris lors des scènes violentes.

Si le livre « fait le job », il ne peut prétendre dépasser la moyenne des (trop nombreux) bouquins d’aventures de ce style.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #science-fiction, #Aventures, #Thriller, #Technothriller, #Douglas Preston

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Publié le 9 Octobre 2017

L'OEIL DE VERRE de Earl Stanley Gardner

Un homme, Peter Brunold, se présente au célèbre avocat Peter Mason car il a perdu un de ses « œil de verre ». Or, pour Brunold, cela ne peut vouloir dire qu’une chose : quelqu’un souhaite utiliser l’accessoire, éminemment reconnaissable et aussi incriminant que des empreintes digitales, pour l’accuser d’un crime. Peu après, en effet, Harry Bassett se suicide et on découvre, dans sa main crispée, un œil de verre. Un suicide, vraiment ? Pourquoi, dans ce cas, le mort avait-il trois révolvers sur lui ?

Sixième roman de la longue série des Perry Mason, le bouquin introduit le futur ennemi (uniquement dans le prétoire !) récurrent de notre expert du barreau : H.M. Burger. L’intrigue, passablement tarabiscotée et rocambolesque, débute par une série d’explications, d’ailleurs plutôt intéressantes, sur la création des « œil de verre » aux Etats-Unis. Un travail effectué par de véritables artistes, fort peu nombreux, et au travail immédiatement identifiable. La suite du récit ménage bien des rebondissements et retournements de situations, dans une veine très feuilletonnesque plaisante et enlevée, bien qu’il ne faille pas s’arrêter aux détails d’une intrigue à la crédibilité relative.

Le dernier acte, comme toujours, se déroule au tribunal où Maitre Mason use de tous ses talents orateurs (et de sa roublardise coutumière) pour qu’éclate la vérité. Classique mais efficace. Quoique le roman soit riche en péripétie, l’enquête policière laisse le lecteur dans le brouillard et il faut attendre la brillante démonstration de Mason, en fin de volume, pour que la solution se fasse jour. Notons d’ailleurs que la méthode purement déductive de l’avocat ne se base sur rien de réellement concret : il « découvre » le coupable et ses motivations en usant uniquement de son intelligence et précise qu’avec un peu de réflexion la solution est limpide. Le juge acquiesce d’ailleurs : « tout cela me parait évident à présent : si on ne s’était pas laissé aveuglé par des détails secondaires on pouvait arriver à la solution de cette affaire ».

La manière de procéder de Mason se situe donc bien loin de la méticulosité d’un Holmes ou des savants recoupements d’un Poirot. L’avocat professe en outre une conception très personnelle de la loi : il n’hésite pas à trafiquer les preuves, multiplie les mensonges afin d’arriver à ses fins et opère même une peu crédible substitution de témoin. La moitié des actions accomplies par Mason dans ce court roman aurait justifié de le voir rayé du barreau, voire emprisonné. Mais puisqu’il agit pour le « plus grand bien » chacun lui pardonne, y compris le juge qu’il a ridiculisé et qui s’exclame après réflexion « bon, n’en parlons plus ».

Mais qu’importe, le plaisir de lecture est, une nouvelle fois, présent en dépit du côté « forcé » des derniers chapitres où l’intrigue s’emballe littéralement sans laisser au lecteur le temps de souffler. La présence d’une émule féminine de Barbe-Bleue accumulant les maris (condamnés à périr) et l’incongruité de la situation de départ rendent cet ŒIL DE VERRE (aussi connu sous le titre du BORGNE BIZARRE) divertissant à souhait, au point que l’on pardonne les coïncidences et invraisemblances un peu trop nombreuses du récit. Un bon moment.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Policier, #Whodunit, #Golden Age, #Perry Mason

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Publié le 6 Octobre 2017

LA TOUR DE FRANKENSTEIN de Jean-Claude Carrière

Ecrivain, scénariste, acteur, metteur en scène et homme de théâtre plusieurs fois nominé à l’Oscar ou au César, Jean-Claude Carrière (né en 1931) s’est également frotté au cinéma bis et à la littérature populaire. Il rédigea ainsi « Le diabolique Docteur Z » et « Cartes sur table » pour Jésus Franco et fit ses premières armes de littérateur en signant, sous le pseudonyme collectif de Benoit Becker, six suites au classique de Mary Shelley.

Originellement publiés à la fin des années ’50 et devenus introuvables, ces bouquins, considérés comme des fleurons de la mythique collection « Angoisse » furent réédités en deux volumes, agrémentés d’une préface et d’une postface explicatives, au Fleuve Noir en 1995.

LA TOUR DE FRANKENSTEIN débute en 1875. Une jeune étudiante en médecine, Helen Coostle, revient passer ses vacances auprès de sa grand-mère dans le petit village irlandais de Kanderley. L’ambiance est pesante dans la région : plusieurs personnes ont en effet été assassinées par une main inconnue. De plus, Helen découvre l’existence d’une tour, réputée hantée, non loin de chez elle. Là vit le vieux Blessed, lequel a jadis connu le docteur Frankenstein au point de lui consacrer un petit musée rempli d’objets hétéroclites. Bien évidemment, Blessed lui dévoile la fameuse Créature, endormie (morte ?) dans son sarcophage. Une Créature qui, bientôt, revient à la vie pour roder dans les campagnes environnantes.

Voici donc un hommage en six volumes au célèbre mythe créé par Mary Shelley. Peut-être pour souligner la rareté d’un récit horrifique écrit par une femme (du moins à l’époque), l’écrivain donne, dans ce premier tome, la vedette à une jeune femme qui de destine à des études de médecine. Elle croise la route du Monstre pour une intrigue quelque peu linéaire, voire prévisible, mais qui ressuscite avec un certain bonheur le fantastique rétro et l’épouvante gothique.

Contemporain de la remise au goût du jour du mythe de Frankenstein par Terence Fisher et la Hammer Films, ces romans se réfèrent cependant bien davantage aux classiques de la Universal. La réédition arbore d’ailleurs le faciès caractéristique de Boris Karloff.

LA TOUR DE FRANKENSTEIN pourra donc sembler aujourd’hui quelque peu anachronique (le roman l’était même probablement déjà à l’époque de sa sortie) mais il dégage justement un charme suranné fort appréciable qui en rend la lecture agréable. De quoi donner envie de poursuivre la saga…

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Horreur, #Collection Angoisse Fleuve Noir

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Publié le 5 Octobre 2017

BATGIRL AND THE BIRDS OF PREY - Qui est Oracle?

Les Birds of Prey, groupe à géométrie variable composé de diverses super-héroïnes de l’univers Batman, a connu bien des bouleversements (résumés dans les deux pages introductives bien pensées pour les novices) au fil des années et des changements dans l’univers DC. Avec le Rebirth, nous avons droit à une nouvelle incarnation des Oiseaux suite à la réunion entre Black Canary, Batgirl et Huntress. Nos trois héroïnes de charme unissent en effet leur force pour traquer un mystérieux Oracle (l’alias sous lequel oeuvrait Barbara Gordon après avoir été paralysée par les balles du Joker) qui semble tout connaitre de nos demoiselles.

BATGIRL AND THE BIRDS OF PREY - Qui est Oracle?

Comme bien des récits servant à poser les bases d’un nouveau groupe et d’un nouveau statu quo, cet arc développe une intrigue assez basique qui constitue surtout un prétexte à rassembler notre trio de charme. Les sœurs Benson, responsables du scénario de la série à succès (mais pourtant bien ennuyeuse) « Les 100 » s’attaquent donc à Batgirl, Black Canary et Huntress afin de les redéfinir pour cette nouvelle continuité basée sur l’ancienne sans toutefois faire totalement table rase de la précédente pour ceux qui suivent et comprennent encore quelque chose à la ligne temporelle à géométrie variable de chez DC. Mais bon, que l’on ait suivi ou pas les séries mettant en scène nos héroïnes, ce récit parvient à convaincre en utilisant une narration sans temps mort, une trame générale policière et mystérieuse et un rythme enlevé qui toutefois laissent nos demoiselles s’exprimer.

BATGIRL AND THE BIRDS OF PREY - Qui est Oracle?

Les révélations du final sont pour leur part inattendues et laissent la porte grande ouverte à un cliffhanger plutôt efficace (quoique plus classique et prévisible) qui démontrent l’indéniable passif (le mot semble bien choisi) de nos scénaristes dans le domaine de la série télévisée pour ados aux intrigues tarabiscotées et interminables. Un bémol finalement léger vu le bon niveau général de ce récit toutefois gâché par des graphismes horribles. En effet, au niveau des planches, celles de Claire Roe sont franchement ratées avec des visages anguleux et disgracieux posés sur des corps mal dessinés. Un amateurisme bâclé qui rend la lecture pénible. Heureusement, à mi-parcours, Roge Antonio prend le relais pour des dessins bien plus réussis que les gribouillages des premiers épisodes et permet de terminer cette histoire sur une impression nettement plus positive.

Rien d’indispensable et aucune chance de voir un jour QUI EST ORACLE ? figurait dans un top des meilleurs récits de DC comics mais un bon moment sans prétention proposé à un prix très attractif. On peut donc s’y risquer si on apprécie les Birds of Prey.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Comic Book, #DC, #Superhéros, #Batman

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Publié le 4 Octobre 2017

TREIZE INVITES de Joseph Jefferson Farjeon

Treize invités…Voici un titre court et particulièrement bien choisi pour ce whodunit classique. Il se déroule dans la propriété – Bringley Court – de Lord Aveling. Ce-dernier organise une partie de chasse et douze personnes sont donc réunies. La plupart ne se connaissent pas mais elles constituent un échantillon représentatif de la « bonne société » comprenant homme politique, journaliste, actrice en vue, artiste peintre, etc.

John Foss, pour sa part, n’appartient pas vraiment au même monde. Cependant, il se tord la cheville sur le quai d’une gare et le voilà accueilli à Bringley Court. Très vite, les invités discutent, se jaugent et nul ne semblent apprécier un dénommé Chater, personnage louche un peu trop porté sur les ragots et, peut-être, le chantage. Evidemment, ce qui devait arriver arrive. Un tableau est vandalisé, un chien assassiné et, finalement, Chater et un inconnu sont retrouvés morts. Mais a-t-on idée aussi de rassembler treize invités…

Joseph Jefferson Farjeon (1883 – 1955) connut le destin classique de bien des auteurs du Golden Age : en dépit d’une adaptation par Alfred Hitchock (NUMERO 17), son œuvre sombra dans l’oubli avant d’être récemment redécouverte à l’occasion d’une réédition du MYSTERE DE LA MONTAGNE en 2014 par la British Library. L’ouvrage se vendit en Angleterre à 60 000 exemplaires (!), entrainant un regain d’intérêt pour Farjeon qui vit également Z et 13 INVITES réédités.

Farjeon utilise ici la fameuse superstition voulant que lorsque treize personnes se retrouvent à la même table l’une d’elles connaitra un sort funeste dans l’année. Agatha Christie s’en était servie quelques années auparavant dans LE COUTEAU SUR LA NUQUE et, par la suite, d’autres romanciers utiliseront cette base afin de construire leur whodunit. Un nombre conséquent de suspects, une touche d’irrationnel avec les craintes superstitieuse, un lieu clos,… quoi de plus inspirant pour un spécialiste du récit d’énigme.

 

L’auteur use d’une technique éprouvée en présentant, certes rapidement, les différents invités et leurs griefs. Cependant, il ne semble pas se décider à choisir un héros, partagé entre le partiellement immobilisé John Foss, un journaliste fouineur et l’inspecteur Kendall qui se manifeste, classiquement, dans la seconde moitié du roman. Le tout se montre également quelque peu verbeux et les nombreux personnages (certains à peine esquissés) rendent l’intrigue longuette à se mettre en place.

13 INVITES possède donc le charme so british et quelque peu suranné de ces romans d’énigmes situés dans un lieu clos et entre « gens de bonne compagnie » mais, s’il se lit sans déplaisir, il ne peut prétendre figurer parmi les classiques du genre. Cependant, le bouquin donne envie de se pencher avec plus d’attention sur la pléthorique production de Farjeon.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Policier, #Whodunit, #Golden Age

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Publié le 2 Octobre 2017

LE GEOMETRE AVEUGLE de Kim Stanley Robinson

Kim Stanley Robinson fait partie des valeurs sures de la science-fiction actuelle. On lui droit quelques « briques » comme son imposante CHRONIQUE DES ANNEES NOIRES (une superbe uchronie) ou sa fameuse trilogie dédiée à la planète MARS qui récolta de nombreux prix prestigieux (Hugo, Nebula, Locus et British Science-fiction).

Ce recueil se compose d’une novella (« Le géomètre aveugle ») et de sept nouvelles plus courtes pour un total de 320 pages.

« Le Géomètre aveugle » s’intéresse à Carlos, un aveugle passionné de mathématique qui a transformé son handicap en avantage dans le domaine de la géométrie à n dimensions. Il prend contact avec Marie, une jeune femme aux propos peu cohérents, et soupçonne les services secrets de surveiller leurs échanges verbaux. Il entame une relation amoureuse avec Marie mais comprend également qu’il est manipulé par le gouvernement…La nouvelle se base explicitement sur un théorème élaboré au XVIème siècle par le mathématicien français Girard Desargues et considéré comme la base de la géométrie projective. Si tout cela parait complexe ou même obscur (références mathématiques, « name dropping » de compositeurs de musique expérimentale, etc.), l’intrigue se suit aisément. Kim Stanley Robinson privilégie l’histoire d’amour, agrémentée d’une trame d’espionnage pas franchement originale mais efficace, pour accoucher d’une novella réussie justement récompensée par le Prix Nebula et nominée pour le Hugo et le Locus.

Les autres nouvelles abordent des thèmes divers. Sans les citer toutes, mentionnons l’intéressant « Les lunatiques », une histoire assez longue (plus de quarante pages) consacrée au calvaire des mineurs extrayant, de la lune, un métal indispensable aux Terriens. La science-fiction s’y trouve réduite au minimum (le contexte) pour privilégier un récit dystopique particulièrement sombre (au propre comme au figuré) sur l’esclavage moderne.

Autre nouvelle relativement longue, « Au retour de Rainbow Bridge » développe, sur cinquante pages, une jolie intrigue saupoudrée d’une pincée de fantastique. L’irrationnel se montre, en effet, discret dans cette balade accomplie autour du Rainbow Bridge, un pont rocheux naturel situé en Utah et considéré par les Amérindiens comme un lieu sacré. Le narrateur y entre en contact avec le mysticisme et à la vie sauve grâce à l’intervention providentielle d’un sorcier indien. Une lecture agréable.

Après le tableau dépressif et à peine prospectif que constitue le peu convaincant « Crève la faim en l’an 2 000 », nous arrivons à une plaisante uchronie, « Leçon d’histoire » au sujet de cinéastes occupés, sur la lune, à proposer de nouvelles versions d’anciens classiques du cinéma et de la télévision. La question centrale, proposée au lecteur, consiste à savoir si deux ou trois grands Hommes « font l’Histoire » où si celle-ci est plus globale, autrement dit moins dépendante des actes de l’un ou l’autre individu servant de modèle héroïque au plus grand nombre. Une interrogation traditionnelle qui divise philosophes et historiens depuis des siècles. Peu à peu nous apprenons les divergences entre ce monde et le nôtre : la crise des otages à Téhéran s’est réglée différemment, Carter a été réélu, une femme a sauvé John Lennon des balles de son assassin, etc. Les cinéastes s’interrogent également pour savoir si la « vérité doit absolument correspondre à la réalité » (des événements). Une belle réussite de la science-fiction spéculative bien sûr davantage soucieuse de questionnement que d’action pétaradante.

Le dernier récit, « la meilleure part de nous-même » mélange science, rationalisme et religion. L’auteur propose une relecture des textes évangéliques sans que l’on puisse toujours comprendre où il veut en venir ou quelle est sa position sur les sujets abordés, notamment l’inévitable opposition entre la foi (les miracles) et le rationnel (Jésus était-il un extraterrestre détenteur d’une technologie évoluée ?). Des questions encore une fois intéressantes mais un récit, cette fois, seulement à demi convaincant.

Au final, ce recueil laisse une impression mitigée (qui penche cependant vers le positif) mais demeure une bonne manière d’aborder la production, personnelle et originale, d’un auteur majeur de la science-fiction actuelle.

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Publié le 29 Septembre 2017

FLEURS D'EPOUVANTE de Lewis Mallory

Peu d’informations sont disponibles sur Lewis Mallory qui a publié trois romans chez Gore : LES PORTES DE L’EFFROI, CAUCHEMAR QUI TUE et ce FLEURS D’EPOUVANTE. Apparemment, il n’a rien écrit d’autre, étant venu et aussitôt réparti dans le petit monde de l’horreur sanglante. FLEURS D’EPOUVANTE appartient donc à cette vague du pulp horrifique anglais très vivace au début des années ’80. Plus porté sur le climat d’angoisse et l’atmosphère pesante que sur les scènes sanglantes et sexuelles ayant assurés la réputation de la collection « Gore », le bouquin comporte néanmoins une poignée de passages brutaux et se permet de martyriser des enfants, fait rare y compris dans le domaine de l’horreur transgressive.

Divertissant, FLEURS D’EPOUVANTE développe une intrigue intéressante, très série B dans l’esprit, et rappelle à la fois le film « La petite boutique des horreurs » et le cinéma catastrophe des années ’70 à base de révolte de la nature courroucée à la manière de DAY OF THE ANIMALS ou PROPHECY.

Le domaine de Kelsted Hall sert aux expériences d’un scientifique, le fou et génial professeur Durrant, qui crée des fleurs carnivores géantes. A sa mort, la propriété passe aux mains de ses héritiers, lesquels s’y installent et découvrent la vérité sur l’étrange nurserie. Nous suivons aussi la découverte progressive du secret de Kelsted Hall par une jeune femme qui y engagée, Belinda. Entre les nurses errant dans les couloirs, les nourrissons élevés pour des motifs inavouables l’horreur se dévoile peu à peu.

Tout cela avance sur un rythme posé (on peut dire lent mais ce serait trop péjoratif pour une œuvre misant surtout sur l’atmosphère d’angoisse) et de manière plutôt linéaire. Si les révélations se montrent assez attendues on prend néanmoins plaisir à suivre les péripéties de ce petit roman qui, tradition oblige, se termine de manière très ouverte en laissant supposer que le pire reste à venir.

L’œuvre étant courte (160 pages dans sa version originale anglaise), on peut supposer qu’elle n’a aucunement souffert de la traduction.

Pas grand-chose d’autres à ajouter sur ces FLEURS D’EPOUVANTE sympathique qui démontrent une fois de plus que la Collection Gore ne se limitait pas à des romans alignant à un rythme métronomique les scènes chaudes et sanglantes mais savait aussi proposer des bouquins d’épouvante plus classique et plus « noble ». A redécouvrir, le tout donne d’ailleurs envie de se pencher sur les deux autres livres de Lewis Mallory édité par le Fleuve.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Horreur, #Gore

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Publié le 26 Septembre 2017

POISON IVY - CIRCLE OF LIFE AND DEATH d'Amy Chu

Voici un récit (en six parties) consacré à une des trois principales super vilaines (les deux autres étant Harley Quinn et Catwoman évidemment…qui font d’ailleurs de la figuration dans cette histoire) de l’univers Batman.

Désirant s’éloigner de sa compagne Harley Quinn, Poison Ivy reprend son identité de Pamela Isley et son métier de chercheuse pour les jardins botaniques de Gotham. Ses travaux visent notamment à la création d’hybrides entre l’Homme et le végétal, des êtres dont la longévité seraient exceptionnelles. Elle donne ainsi naissance à deux bébé, Rose et Noisette, qu’elle élève loin des humains. Malheureusement divers scientifiques de son équipe se mettent à décéder de manière violente et Ivy devient rapidement la principale suspecte. Avec l'aide d'Harley, de Catwoman et du défenseur de la Sève Alec Holland (alias Swamp Thing), la belle Ivy essaie de découvrir la vérité sur ces crimes.

CIRCLE OF LIFE AND DEATH constitue, dans l’ensemble, une bonne surprise. En donnant la vedette à Ivy (débarrassée de l’omniprésente Harley qui a droit, néanmoins, à quelques apparitions toujours bien cadrées pour accentuer son côté sexy), le récit confère une réelle profondeur à cette anti-héroïne souvent cantonnée à un rôle de belle plante, voire de potiche. La transition du personnage, amorcée depuis quelques années, est plaisante, Ivy n’étant plus une super vilaine à moitié folle (et à moitié nympho) mais davantage une éco terroriste vaguement justicière à la morale élastique. Ici, elle s’essaie à la maternité et rencontre un certain Darshan Bapna, sorte de punk pacifiste vegan avec lequel elle entretient une relation platonique (faudrait pas rendre jalouse Harley, ça pourrait mal se terminer !).

POISON IVY - CIRCLE OF LIFE AND DEATH d'Amy Chu

L’intrigue, elle, adopte le ton d’une enquête avec des meurtres et un coupable inattendu révélé durant le dernier chapitre, ponctué d’apparitions de divers super vilains et d’un argument science-fictionnel déjanté (la recherche de l’immortalité par l’hybridation de l’Homme et de la plante). La série se réfère d’ailleurs ouvertement à Scooby-Doo dans son mélange de murder mystery à l’ancienne et de folie douce.

Le récit s’avère donc plaisant quoique tout ne soit pas pleinement réussi pour autant : le personnage de Darshan se montre envahissant, comme si Amy Chu ne parvenait pas à laisser l’intrigue pesait sur les charmantes épaules d’Ivy. Le côté papa de substitution pour les « enfants plantes » se montre de son côté trop expédié pour fonctionner. Dommage car, avec un minimum de développement, cette partie aurait pu être intéressante, de même que les relations compliquées entre les humains et les filles plantes, lesquelles se limitent à une échauffourée en discothèque.

POISON IVY - CIRCLE OF LIFE AND DEATH d'Amy Chu

Bien que sympathique et original, le scénario se montre parfois peu crédible : comment le passé de l’empoisonneuse peut-il ne pas resurgir après qu’elle se soit débarrassée d’un collègue trop entreprenant ? On passera sur ce manque de vraisemblance pour apprécier une histoire globalement bien menée et éloignée des clichés super-héroïques coutumiers.

Sans être indispensable, CIRCLE OF LIFE AND DEATH permet de passer un bon moment. De plus, pour la publication française, Urban soigne le produit : deux pages d’introduction sur le personnage, quelques paragraphes à chaque épisode pour éclairer le novice et une courte histoire (datée de 1988) bonus revenant sur les origines secrètes de Poison Ivy qui bénéficie du talent narratif de Neil Gaiman. Le tout à un prix défiant toute concurrence, surtout celle de Panini. Une bonne affaire pour les admirateurs de la vénéneuse Ivy.

L'édition française chez Urban

L'édition française chez Urban

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Whodunit, #science-fiction, #Comic Book, #DC, #Superhéros, #Batman, #Neil Gaiman

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Publié le 25 Septembre 2017

LE MORT DE LA TOUR D'ANGLE d'Yves Dermèze

Paul Bérato (1915 – 1989) est un écrivain aujourd’hui quelque peu oublié. C’est bien dommage : il fut un pilier de la littérature populaire sous divers pseudonymes, principalement celui de Paul Béra (une vingtaine de « Fleuve noir Anticipation », de Paul Mystère (une douzaine de romans) et, enfin, de Yves Dermèze. Il reçut le Prix du roman d’aventures en 1950 pour SOUVENANCE PLEURAIT et le Prix de l’imaginaire pour l’ensemble de son œuvre en 1977. On conseille notamment deux romans de science-fiction très ruéssis et originaux : LE TITAN DE L’ESPACE et VIA VELPA.

LE MORT DE LA TOUR D’ANGLE fut publié dans une éphémère collection (le Gibet) riche de dix-huit titres appartenant tous au « policier historique » (avant que le terme et le genre ne soit à la mode). Le Gibet avait la volonté de publier des titres peu portés sur le sexe et la violence comme en témoigne la présentation, en fin de volume, de la collection.

L’intrigue, située au Moyen-âge, se montre plaisante. Elle débute comme un « meurtre en chambre close » et, superstition oblige, le crime se voit imputé à Satan. Toutefois, l’explication (basique et déjà souvent employée) est donnée au tiers du bouquin. Cependant, pour une fois, trouver le comment n’entraine pas immédiatement de comprendre qui est l’assassin.

Gacherat, une très âgée voyante, prédit un sort funeste au seigneur Guillaume de Séchelles mais celui-ci refuse de s’en alarmer. Il gagne ainsi le castel d’Alzon mais, la nuit tombée, notre homme meurt poignardé dans sa chambre pourtant close. Les nobles Marigny, Varennes et Aussey se précipitent, constatent que la porte était fermée de l’intérieur et s’épouvantent ! On crie à Satan avant d’imputer le crime à l’intervention du Malin. Seul le bourgeois Perrinet réfute cette explication : il démontre comment l’assassin a procédé. Et pour le mobile, il procède de la manière la plus classique qui soit en cherchant simplement la femme, à savoir demoiselle Gisèle, en âge de prendre époux. Un bien beau parti. Si le meurtrier a éliminé son plus dangereux rival il reste donc trois suspects : Marigny, Varennes et le très chevaleresque Aussey, dit sans cervelle pour son manque d’intelligence. A Perrinet de déterminer le coupable et rapidement car « les trois seigneurs ne sont d’humeur à lui pardonner ses accusations ». Une seule personne connait la vérité, la Gacherat. Mais celle-ci est retrouvé « accommodée », comprenez frappée au cœur à coup de poignard. Et, comme le dit Perrinet « Carogne ! Ne pouvait-elle me faire quérir avant de trépasser ? »

Roman sympathique, relativement court (moins de deux cents pages) et rythmé, LE MORT DE LA TOUR D’ANGLE utilise un vocabulaire et des tournures volontairement obsolète qui empruntent à l’ancien français. Cela lui donne son style mais en rend parfois la lecture moins fluide quoique l’Heroic Fantasy nous ait, depuis, habitué à ces tournures désuètes. A cette époque on n’est pas tué pas mais occis et les dialogues sont donc construits à l’aide de « non point », « oui-da », « que nenni », « n’est-il point », « carogne », « fol », « messire », etc.

L’enquête policière, pour sa part, s’avère plaisante et réserve son lot de rebondissements. Une seconde tentative de meurtre impossible (la victime est frappée dans une pièce close dont le sol est recouvert de farine) se voit rapidement résolue par l’apprenti détective. Une seule explication était, en effet, possible.

Si les habitués des récits à la John Dickson Carr ne seront guère mystifiés par les procédés utilisés par l’assassin, les amateurs de Paul Doherty devraient apprécier ce mélange précurseur entre énigme policière et contexte historique bien typé.

Un roman agréable qui mérite la redécouverte.

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Publié le 22 Septembre 2017

LE MERCENAIRE - LA LOI DU SILENCE d'Axel Kilgore (Jerry Ahern)

Jerry Ahern (1946 – 2012), surtout connu pour avoir lancé la saga du SURVIVANT et, par conséquent, toute une littérature post apocalyptique et survivaliste, a également publié, sous le génial pseudonyme d’Axel Kilgore, une vingtaine de romans consacrés à Hank Frost, dit le Mercenaire. Ressemblant à un pirate avec son bandeau noir qui lui couvre l’œil, Frost n’est ni aussi impitoyable que l’Exécuteur ni aussi drôle que l’Implacable mais on sent Kilgore sous l’influence de ces séries à succès.

Dans cette septième aventure, Hank Frost doit protéger une jeune femme ayant décidé de témoigner contre des grands pontes de la Mafia. Evidemment, cela va lui attirer de nombreux ennuis et Hank devra la protéger de (très) près durant un voyage qui la verra régulièrement menacée par des tueurs pas gentils du tout.

Série plaisante mais assez routinière, LE MERCENAIRE (réédité ensuite sous l’appellation de « Hank le mercenaire ») constitue une classique « men’s adventure ». Autrement dit, le roman est court (un peu plus de 200 pages), rythmé, découpé en brefs chapitres et linéaire.

Cette aventure reprend un schéma des plus convenus qui a déjà servi à de nombreux romans de gare mais également à des kilos de séries B d’action, citons simplement pour le plaisir le trop décrié et pourtant ultra divertissant COBRA. Une demoiselle, forcément jeune et jolie, menacée, un baroudeur chargé de la protéger : dues rebondissements prévisibles (en particuliers les trahisons de l’un ou l’autre), deux ou trois passages érotiques entre la belle et la brute, des scènes d’action violentes, etc.

Rien de bien neuf mais un indéniable savoir-faire dans le registre du roman de gare, vite écrit, vite lu, vite oublié mais plaisant sur le moment. Jerry Ahern possède du métier et ne se fiche pas du public : si le récit est sans surprise (on note pas mal de similitudes avec l’époque « guerre à la mafia » de L’EXECUTEUR) il offre au lecteur exactement ce qu’il est venu chercher, à savoir trois heures de divertissement mêlant avec efficacité sexe et violence.

Pas grand-chose d’autre à dire sur ce roman sans prétention (auquel on peut préférer le plus énergique et original LE COMMANDO DU QUATRIEME REICH dans la même série) mais, dans ce genre de littérature, LE MERCENAIRE reste une valeur sûre. Ces petits bouquins besogneux encombraient jadis les présentoirs des supermarchés mais, aseptisation oblige, ne peuvent plus se dénicher, aujourd’hui, qu’au fond des caisses poussiéreuses des brocantes. Bizarrement, le temps s’est montré clément et ils ont, à présent, gagné un réel charme nostalgique.

Pas indispensable mais, si on cherche un roman « viril » et rondement mené, il y a bien pire que cette LOI DU SILENCE.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Aventures, #Roman de gare, #Thriller, #Gérard de Villiers, #Jerry Ahern

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