Ce livre précis et documenté analyse longuement les long-métrages (et quelques épisodes de séries télé et téléfilms) de celui qu'on aime à surnommer "Bloody Sam". Lorsque ce-dernier débute, le western a déjà fait son temps au cinéma, du moins en Amérique. Le salut provisoire viendra d'Italie et nul doute qu'avec "La Horde sauvage", le Sam s'est inscrit dans un courant violent et destructeur des mythes américains. C'est une partie du propos de l'auteur qui inscrit d'abord le réalisateur dans son environnement familial, ce qui explique son attachement à la famille, la religion et la vie des hommes simples de l'Ouest.
Après un premier film impersonnel, "New Mexico", notre cinéaste tourne son chef d'œuvre, "Coups de feu dans la Sierra", un film testament sur l'Ouest dans lequel les cow-boys laissent la place aux businessmen en costard / chapeau melon et où les automobiles remplacent les chevaux. Les pistoleros, eux, sont déjà du passé: héros 20 ans plus tôt et à présent complètement anachroniques.
Une constante des westerns de Sam: l'Ouest est conquis, le temps des pionniers révolu. Ses westerns ne se situent pas à la grande époque de la ruée vers l'or mais bien dans les premières années du XXème siècle, juste avant la Première Guerre Mondiale. Les bandits de grand chemin tirent leurs dernières cartouches ("La Horde sauvage" et son fameux "on y va? – pourquoi pas"), Pat Garrett est abattu par ses anciens amis longtemps après qu'il ait lui-même tué le Kid, le prospecteur d'eau de "Un nommé Cable Hogue" meurt écrasé par une voiture symbole évident du progrès en marche… De manière similaire, durant les seventies, lorsque le western a définitivement tiré sa révérence, le Sam ira vers l'aventure et le polar. Mais il reprendra cependant de nombreux éléments de l'Ouest dans ses "westerns modernes" comme le décontracté "Le convoi" et les nihilistes "Bring me the head of Alfred Garcia" ou "Getaway".
L'auteur revient sur tous ces films, longuement, et étaie son propos par des citations tirées des dialogues qui donnent envie de les revoir suite à cette éclairage pertinent. D'ailleurs attention! Les films sont explicités quasiment de la première à la dernière image donc prudence pour ceux qui ne les auraient pas déjà visionnés. Spoiler Alert comme on dit aujourd'hui!
L'analyse est double: d'une part plus technique, davantage destinée aux accros du cinéma (composition des plans, mise en scène, cadrage, etc.) et d'autre part plus contextualisée: réception des films (souvent hostile, la reconnaissance critique viendra plus tard pour la majorité d'entre eux), petites histoires du tournage, lutte avec les studios, etc.
Car celui qui est intronisé "héritier de John Ford" au début des sixties percute rapidement contre les diktats des studios. Son intransigeance (et ses abus d'alcool et de coke) mettent à mal sa carrière. A la quasi exception de la "Horde Sauvage" ("un film mien à 96%" disait le Sam), ses métrages vont être modifiés, remontés, censurés, tronçonnés ("Cable Hogue", "Major Dundee", "Pat Garrett",…). Lorsque différentes versions existent l'auteur les compare, prenant le meilleur et le pire de ces montages alternatifs. Car, c'est tout à son honneur, l'auteur remet certes les pendules à l'heure mais n'accable pas uniquement les studios. Il pointe aussi le côté têtu de Sam, son refus du compromis, ses tournages entamés sans scénario définitif, ses excès d'alcool et de drogues qui entrainent des conflits, etc. Bref, il parle du réalisateur / auteur et de sa lutte pour imposer ses idées sans manichéisme ou angélisme.
En 300 pages l'auteur livre donc un bel ouvrage. Entre biographie et analyse critique, il retrace le parcours de Sam Peckinpah de manière chronologique et capture une carrière (et une vie) finalement assez courte mais riche en œuvres marquantes.
Enrichi de photos (petites mais bien choisies), dense et érudit sans tomber dans le prêchi-prêcha pédant, voici un ouvrage très abordable et intéressant pour tous les amateurs de cinéma américain en général et de westerns en particulier.