Publié le 31 Août 2022
La nouvelle livraison d’Oksana et Gil Prou prend pour héroïnes les musiciennes du groupe de deathdoom danois Konvent. Lorsque le roman débute, les jeunes femmes s’apprêtent à jouer sur la scène du festival de Copenhell au Danemark. Bref, quasi à domicile.
Et puis…Un puit sans fond s’ouvre « brutalement au milieu du festival de Copenhell ». C’est noir, c’est inquiétant. Les musiciennes n’ont aucune envie d’explorer ce gouffre. Mais une voix leur ordonne de le faire : « descendez ! ». Du coup, le lecteur se voit convier à un nouveau VOYAGE AU CENTRE DE LA TERRE. Serait-ce un puit sans fond ? Les musiciennes vont-elles découvrir la fin de cet abime ? A moins qu’il s’agisse d’un labyrinthe sous-terrain ? Bref, elles partent en exploration. Mais pourquoi continuer alors qu’il leur suffirait de ressortir ? Peut-être parce dans ce cas « l’immense brèche ne ferait que s’agrandir. Elle engloutirait très vite la ville de Copenhague puis le Danemark, l’Europe et des continents entiers ».
Par la suite nos musiciennes « comprennent que leur mission sera beaucoup plus complexe et riche d’innombrables surprises que tout ce qu’elles avaient pu imaginer jusque-là ». En effet, la descente des deathmetalleuses dans cet enfer les conduits à affronter d’étranges adversaires au cours d’une « titanomachie » sonore. Les premiers monstres sortent de toiles d’araignées gigantesques : il faudra « une confrontation phonique face à des créatures lucifériennes » pour résoudre cet affrontement. Mais comment les musiciennes peuvent-elles combattre sans leur instrument ? Ils surgiront du néant car « le vide quantique est la matrice de tout ». Dès lors, il leur faut se battre sans pouvoir obtenir de réponses à leurs questions. Pourquoi ces batailles ? Une réponse sera, peut-être, livrée « lorsque vous aurez livré votre troisième bataille », précise leur guide.
Comme Bill and Ted dans le troisième volet de leurs aventures cinématographiques, nos deathmetalleuses ont pour mission de « jouer pleinement leur musique au profit de la plus noble des causes : sauver notre planète et tous ses habitants ». Mais, petit à petit elles se prennent au jeu : « la victoire est une nécessité bien sûr mais le plaisir venait en plus ». Les épreuves se succèdent donc avec traversée de lac de feu et projection de lave, sans oublier une poignée de créatures aux noms improbables et imprononçables (Stychöodacth, Hiryaxis, etc.). Elles doivent gagner pour assurer la survie d’une espèce humaine égoïste et malmenée par les crises récentes, pandémie comprise.
UN CRI DANS L’ABIME s’avère déstabilisant et surprenant. On ne peut lui contester son originalité étonnante. On plonge ainsi dans un univers très bizarre dans lequel le lecteur peut se perdre. Le dynamique duo Oksana / Gil convoque death metal, Hugo, intrication quantique, Goethe, etc. Mieux vaut ne pas se poser trop de question et se laisser porter par l’étrangeté du récit en regrettant un côté parfois répétitif des motifs.
Heureusement, aux côtés des notions parfois obscures et cryptiques développées (« boucle alpha », « incubateur de plantète », etc.), l’humour est bien présent dans les relations entre les quatre héroïnes. Pourquoi les avoir choisies pour ce récit ? Par amitié sans doute. Bon, un groupe entièrement féminin qui joue du death / doom n’est pas si courant, on jettera donc une oreille au premier méfait des demoiselles, sorti chez Nuclear Blast en 2020.
Avec une écriture riche, aux termes parfois précieux ou rares, le roman s’apprécie également (surtout ?) comme un bel hommage au heavy-métal et à sa communauté. « Brothers of true metal, proud dans standing tall » chantaient Manowar, aujourd’hui on pourrait ajouter « and sisters of death metal will save the world».
Honnêtement, on ressort de cette lecture quelque peu tourneboulé, sans savoir vraiment où le roman voulait nous conduire mais en se disant que, en ces temps de bouquins formatés, cette plongée dans l’abime s’avère rafraichissante.