Roland Lacourbe s’est fait le spécialiste des récits de meurtres en chambre close et autres crimes impossibles via de nombreuses collections de nouvelles souvent efficaces. Cette nouvelle anthologie ne surprendra donc pas l’amateur, d’autant que la plupart des textes furent précédemment publiés dans d’autres « compilations » de Lacourbe. Heureusement, les récits s’avèrent de bonne tenue et les lire (ou, le plus souvent, les relire) permet de passer un bon moment.
Les nouvelles sont souvent anciennes, notamment « Le suicide de Kiairos » de Frank L. Baum (auteur du fameux MAGICIEN D’OZ) datée de 1897 que l’on peut donc qualifier de classique ou de précurseur du thème. Matthias McDonnel Bodkin propose de son côté une amusante enquête à propos de diamants disparus tandis que la Machine à Penser, le fameux détective de Jacque Futrelle, brille à nouveau avec une histoire de boule de cristal et de voyance fort bien orchestrée. Une des réussites du recueil qui invite à se pencher sur le « best of » que Lacourbe a consacré spécifiquement à Futrelle, écrivain disparu voici plus d’un siècle lors du naufrage du Titanic.
Dans les grands classiques que l’on prend plaisir à lire ou relire « Le problème du pont de Thor » demeure une des rares occasions où Sherlock Holmes s’est trouvé confronté à un crime apparemment impossible. La solution, très ingénieuse dans sa simplicité, ne déçoit pas. Une des meilleurs énigmes concoctées par Conan Doyle. Michel Leblanc, lui aussi, a offert un meurtre impossible dans la tradition du MYSTERE DE LA CHAMBRE JAUNE à son Arsène Lupin confronté à une mort inexplicable dans une cabine de chambre. Pas mauvais mais un peu trop inspiré de Leroux.
De son côté, G.K. Chesterton se sert, une fois de plus, du récit policier pour permettre à son Père Brown de discourir de manière philosophique tout en résolvant un crime dont la victime serait une sorte de vampire. L’Oncle Abner, autre détective de l’âge d’or, débroussaille une énigme insoluble à la solution certes tarabiscotée mais fort ingénieuse. Plaisant.
Autre classique, « l’indice de la feuille de thé », récit quasi archétypal du meurtre impossible déjà publié à maintes reprises. La simplicité de la solution et son élégance en rendent la lecture toujours aussi agréable.
Lacourbe termine par deux nouvelles plus récentes : « du mouron pour les petits poissons » qui témoigne une nouvelle fois de l’imagination débordante de Joseph Commings en proposant le meurtre d’un scaphandrier, poignardé alors qu’il explore, seul, un navire naufragé. Enfin, dans un registre tout aussi imaginatif, Edward D Hoch termine ce recueil avec son fameux docteur Hawthorne, lequel tente de disculper un Bohémien du meurtre du prêtre local, assassiné dans son clocher. L’auteur propose ici une première solution (quelque peu décevante) avant une seconde, plus élaborée, qui s’assortit d’une réflexion sur la justice personnelle.
Au final, une bonne anthologie que l’on conseillera néanmoins plutôt aux lecteurs profanes, la plupart des nouvelles étant bien connues des amateurs, lesquels seront toutefois satisfaits de cette sélection de bonne qualité.