hautement recommande

Publié le 18 Août 2022

CORDELIA VORKOSIGAN de Lois McMaster Bujold

Lois McMaster Bujold entame réellement sa saga après le préquelle OPERATION CAY et délivre un space opéra bien mené, rythmé, efficace, qui a le bon goût de ne jamais se délayer dans d’inutiles digressions. 316 pages et basta ! Du coup, l’intrigue avance sans ralentir en nous présentant Cordélia Naismith de la colonie de Beta. La voilà propulsée au cœur d’une guerre absurde contre les forces de Barrayar menées par le terrible seigneur Aral Vorkosigan, surnommé le « Boucher de Komarr ». Mais Cordélia découvre que Vorkosigan n’est peut-être pas le militaire sadique et meurtrier qu’elle pensait. Se pourrait-il qu’elle en tombe amoureuse ?

CORDELIA VORKOSIGAN est un space opéra écrit par une femme et dont la principale protagoniste est une femme. Les fans de SF s’effraient déjà : ce sera mièvre et bourré de romance. En fait pas du tout ! Même si l’histoire d’amour entre les deux « ennemis » occupe une large portion du récit, le roman n’en oublie pas l’action, les combats spatiaux, les affrontements virils, etc.

Le bouquin se découpe en trois parties : la première raconte la première rencontre entre Cordélia et Aral sur une planète inhospitalière où ils vont devoir s’associer pour survivre. La seconde voit Cordélia accusée du crime d’une commandant barrayaran sadique tout en étant soupçonnée de trahison par les Bétans. Enfin, nos héros finissent encore par se retrouver alors qu’ils touchent tous les deux le fond avec dépression et addictions.

Lois McMaster Bujold développe ses personnages, tous bien brossés et attachants, son univers avec ses différentes planètes aux coutumes et mœurs parfois déstabilisantes. Elle oppose d’ailleurs les conceptions de Barrayar et de Beta sur les questions sociales, politiques, etc. sans prendre vraiment parti. La romancière critique les deux mais sans forcer le trait et en jouant souvent sur l’humour. Le tout avec une plume fluide et très agréable, quasiment dégraissée de toutes longueurs rébarbatives. Le lecteur s’imprègne de ce vaste univers en douceur, par petites touches intégrées au récit sans passer par de larges portions descriptives. « Show, don’t tell » !

A la fois hommage à la science-fiction d’antan par ses thématiques (conflits planétaires, intrigues de cour, complots et trahisons,…), roman d’amour gentiment féministe, étude de personnages impeccablement décrits et critique sociétale teintée d’humour, CORDELIA VORKOSIGAN constitue le début d’une très vaste saga. Un classique fort bien écrit et traduit avec des dialogues souvent alertes et qui « sonnent » vrais. Bref, un incontournable !

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Hautement recommandé, #Space Opera, #science-fiction

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Publié le 8 Juin 2022

TRAQUEMORT: TOME 1 - LE PROSCRIT de Simon R. Green

Golgotha, capitale de l’infâme Empire Galactique, sous le joug de Lionnepierre, dite la Garce de Fer. Les puissants écrasent toutes possibilités de révolte et se délectent des combats de gladiateurs dans les arènes. Owen Traquemort appartient aux privilégiées et se satisfait de son existence, partagée entre les plaisirs de la vie et l’étude de l’Histoire. Jusqu’au jour où, sur une lubie de Lionnepierre, il perd tout et devient un proscrit. Erudit peu concerné par les combats et la politique, Owen doit fuir vers l’unique planète qui échappe à l’Empire, Brumonde, repère des pires contrebandiers et crapules de la galaxie. De là, peut-être, pourra t’il lancer la rébellion.

Saga en huit tomes, chacun de 700 pages bien tassées, TRAQUEMORT débute rapidement par la chute de son héros, lequel passe de notable tranquille à proscrit. Déboussolé, il doit s’allier avec quelques personnages peu recommandables : une jeune criminelle, une chasseuse de primes, un révolutionnaire légendaire mais à bout de course, etc. Première étape dans le plan de révolte de Traquemort : ramené à la vie son ancêtre, le « Premier Guerrier » d’antan, placé en stase depuis près d’un millénaire. Et ensuite trouver une arme mythique. Et une armée. Oui, ça ne sera pas simple !

Traquemort (Deathstalker en VO, nom emprunté à une tétralogie de Conaneries à petit budget très sympathiques) ne cherche pas à réinventer la roue mais aligne aux contraires les conventions de la SF spectaculaire avec une bonne santé réjouissante. On y retrouve une bande de vauriens cools et d’aristocrates associés pour combattre un Empire tout puissant, un noble cinglé adepte de toutes les drogues possibles, des êtres modifiés dotés de pouvoirs psy (les Espis), des clones, des IA impertinentes, des combats dans l’Arène, un tout puissant Gladiateur Masqué à l’identité mystérieuse, un héros légendaire ramené à la vie après plus de neuf siècles, des intrigues de palais et des rivalités claniques qui se résolvent dans le sang, des combats à l’épée (car les pistolasers c’est efficace mais ils nécessitent deux minutes entre chaque tir pour redevenir opérationnels),…

Simon R. Green délivre un roman très feuilletonnant, mélange de science-fiction et de fantasy dans une ambiance proche du péplum décadent avec un gros parfum de cape et épée. Space et Planet Opera dominent le récit, avec les références attendues : « Star Wars » bien sûr, « Dune » évidemment et même les plus anciens « John Carter », « Flash Gordon », etc. Une touche d’Albator (parallèle accru par la couverture), une pincée des vénérables ROIS DES ETOILES et autres space op’ d’antan à la Leigh Brackett ou E.E. Doc Smith, des héros fatigués mais encore vaillants à la Gemmell pour lesquels ne restent que l’honneur. Green ratisse large et convoque aussi les grands ancêtres façon TROIS MOUSQUETAIRES, les intrigues du TRONE DE FER ou les rivalités familiales des PRINCES D’AMBRE, le tout dans une ambiance fiévreuse pleine de bruit et de fureur façon Robert E. Howard etc.

L’auteur ne se prive jamais de références parfaitement assumées, entre hommage, ré imagination et clins d’œil (« Nouvel Espoir ») et y ajoute des éléments fun, soit hérités de la SF d’antan soit tout aussi référentiels mais plus proches de la fantasy ou du fantastique. Ainsi des combattants assoiffés de sang sont nommés des Wampyres, des mutants féroces comme des loups sont, forcément, surnommés les Garous, etc. Green n’a pas peur de la surenchère ni de la grandiloquence. Vulgairement on pourrait même résumer ce tome 1 par un « plus épique tu meurs ». Les héros cherchent quand même une arme trop puissante…et quand on dit puissante c’est le niveau au-dessus de l’Etoile Noire, c’est plutôt du registre de l’Anéantisseur Ultime des Marvel Comics. Une arme capable d’anéantir des milliers d’étoiles d’un coup. Heureusement elle est cachée dans un dédale qui rend fou tous ceux qui osent s’y aventurer.

Avec TRAQUEMOT, Simon Green propose un livre-univers attrayant avec énormément de personnages, certains très sympas et d’autres vraiment très méchants. Beaucoup de péripéties, de voyages d’un bout à l’autre de galaxie, de duels à l’épée, de fantaisie et d’imagination. Certes il touille une tambouille connue mais le plat est si bien cuisiné qu’on le déguste et qu’on en redemande. Les 750 pages passent d’ailleurs comme une lettre à la poste, grâce également à l’humour de l’auteur, parfois noir et parfois absurde : « british » dirait-on pour simplifier (comme en témoigne aussi sa saga fantasy de HAVEN),… Quelques défauts bien sûr, l’une ou l’autre longueurs (vu la taille de la brique c’est quasi inévitable), un sentiment parfois de « trop plein »… mais un rythme soutenu et des péripéties prenantes. Bref une saga enthousiasmante et un premier tome qui donne envie de poursuivre rapidement avec le deuxième opus de la saga.

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Publié le 6 Mai 2022

SPIDERMAN: LA SAGA DU REDEMPTEUR de Peter David

Également connu sous l’appellation « La mort de Jean DeWolf », LA SAGA DU REDEMPTEUR reste un des classiques de Spidey, souvent reprise en haut des classements de ses meilleures aventures. Réalisée au milieu des années ’80, cette saga se distingue par une tonalité sombre et sérieuse éloignée des habituelles vannes lancées par l’Araignée préférée du quartier. Ici, le vilain, le Rédempteur (ou Sin-Eater) s’éloigne radicalement des super criminels folkloriques : c’est un taré, un vrai, qui se lance dans une croisade purificatrice armé d’un seul fusil à double canon. Au début du récit, notre Rédempteur tue Jean DeWolf, une des rares flics à apprécier Spiderman. Dès lors, ce dernier, qui porte à l’époque son costume noir, se lance à sa recherche, aidé par Daredevil et un policier et collègue de la défunte, le sergent Stan Carter, ancien du S.H.I.E.L.D.

Peu après, le Rédempteur fait une nouvelle victime, un juge ami et mentor de Matt Murdock. Par la suite, alors qu’il évite une balle lui étant destinée, Spidey provoque la mort accidentelle d’un passant…Devenu véritablement enragé, notre monte-en-l’air pourrait bien franchir la ligne rouge si l’Homme sans peur n’était pas là pour l’obliger à retenir ses coups.

Cet arc reste une pierre angulaire de la mythologie arachnéenne. Outre la mort d’un personnage importante, il marque aussi une collaboration accrue entre Spidey et DD, ce-dernier dévoilant à Peter son identité lors de l’épilogue afin d’égaliser les choses : DD a, en effet, percé à jour l’identité secrète de Spiderman en comparant son rythme cardiaque à celui de Peter. L’intrigue, entre polar et « vigilante », fonctionne parfaitement et la révélation concernant le Rédempteur se montre fort bien amenée et surprenante.

LA SAGA DU REDEMPTEUR se compose de deux parties, publiées dans « Peter Parker The Spectacular Spiderman ». La première, en quatre épisodes, va des N°107 à 110, la suite occupe les N°134 à 136. Cette séquelle, un peu moins réussie mais néanmoins très efficace, prend place un an après les premiers événements : le Rédempteur est un infirme, brisé physiquement et mentalement par Spidey. Libéré il ne trouve aucune possibilité de réinsertion et accepte de monnayer ses « mémoires » à un journaliste, ce qui suscite à nouveau la fureur de Spidey. Mais celui-ci se sent également coupable d’avoir rendu infirme son ennemi, ce que met à profit Electro. Plus classique, plus typiquement « super héroïque », ce coda à la saga n’en reste pas moins largement supérieur à la plupart des histoires de Spidey lues jusque-là.

En résumé, les deux volets de cette saga forme une belle et puissante réussite avec des dessins impeccables (et quelques clins d’œil comme la présence de Charles Bronson parmi les passants) et une intrigue pertinente qui n’a pas vieilli d’un iota. Définitivement incontournable d’autant que la saga complète a été rééditée dans un volume « discount » par Panini avec quelques textes de présentation, le tout pour 6,99 euros.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #BD, #Comic Book, #Hautement recommandé, #Marvel Comics, #Spiderman

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Publié le 23 Décembre 2017

LE CLUB de Michel Pagel
LE CLUB de Michel Pagel

Les romans du Club des Cinq (les Famous Five dans la langue de Lennon) ont été rédigés par Enid Blyton et publiés entre 1942 et 1963. L’auteur en écrira 21 avant que la traductrice française Claude Voilier en propose 24 supplémentaires, présentés de manière étrange avec du texte sur une page et une bande dessinée en vis-à-vis. Bien sûr, les histoires furent adaptées pour le public français. Dans l’édition originale les personnages principaux vivent en Angleterre tandis que dans la version traduite ils passent leurs vacances en Bretagne. Georgina Kirrin devient Claude Dorsel, Julian Kirrin est renommé François Gauthier et le chien Tim s’appelle Dagobert.

Claudine, la chef de la bande, a onze ans. Ce garçon manqué préfère se rebaptiser Claude et adore son chien, le brave Dagobert aussi intelligent qu’affectueux. Les Gauthier, pour leur part, comprennent le très raisonnable et responsable François, archétype du garçon sérieux qui, à 13 ans, veille sur son frère Mick et sa sœur Annie, la gentille « sosotte » de presque 10 ans. Aux côtés des Cinq, on trouve les parents de Claude, le savant travailleur Henri et son épouse attentionnée Cécile, aidés par leur cuisinière Maria. D’autres enfants voisinent les héros : la jeune gitane Jo, le rigolo Pierre-Louis Lagarde, dit Pilou, qui adore imiter le bruit des voitures et Jean-Jacques, un jeune pêcheur amoureux de Claude.

Nous retrouvons ces personnages une trentaine d’années plus tard, après le « cataclysme », alors que l’innocence de l’enfance s’est envolé. Car si les héros des livres sont évidemment demeurés éternellement jeunes (les « enfants parfaits et ennuyeux » que souhaitent les parents qui achètent encore les aventures du Club) leurs contreparties « réelles » ont beaucoup changé : Pilou, toujours casse-cou et devenu pilote, multiplie les conquêtes, François – quarante ans toujours puceau – est un flic solitaire obsédé par son métier, Claude vit avec sa compagne Dominique mais ne dédaigne pas coucher avec Jean-Jacques, Annie a vécu trois divorces, s’est empâtée, à sombrer dans l’alcool et rejette les ratés de son existence sur sa fille. Tante Cécile est grabataire. Et Dagobert ? Il est, bien sûr, mort depuis longtemps.

Avec une  connaissance irréprochable de la saga littéraire dont il s’inspire, Michel Pagel se permet divers clins d’œil (ainsi seules les aventures écrites par Blyton sont considérées comme canoniques, les autres, écrites par la traductrice après l’arrêt de la série originale « n’ont jamais existé »). Il compare aussi les personnages « traduits » aux « originaux » qui vivent, eux, de l’autre côté de la Manche, dans le Dorset. Eux n’ont pas changés et n’ont pas eu à subir le point des ans (ni les remaniements de leurs aventures pour s’inscrire davantage dans le politiquement correct), bref ils sont restés les héros éternels des enfants d’hier. Et les autres ? Les traductions, les François et les Claude ?  Ils ont mal vieillis, la plupart ont même mal tournés et sont devenus des adultes au bout du rouleau qui regardent parfois avec nostalgie ce qu’ils étaient jadis. Car ils savent qu’ils furent jadis les membres du Club et qu’ils ne sont plus, aujourd’hui, que des adultes ennuyeux. La puberté est arrivée et a détruit leur innocence, les enfants se sont changés en adolescents dévorés par leurs désirs et leurs envies. Seul François a refusé le changement, a refusé de s’incarner. Ne s’étant pas fait chair il est resté, du moins en partie, un être de papier, un être imaginaire.

Pagel plante son court récit deux jours avant Noel, dans une Bretagne déjà enneigée où un crime est commis : qui a assassiné la tante Cécile ? Le Club, une nouvelle fois, mène l’enquête façon Cluedo en huis-clos. Mais le whodunit intéresse peu l’auteur, le lecteur comprenant rapidement qui est le coupable et quelles sont ses motivations. Davantage préoccupé par la confrontation entre l’imaginaire et la réalité, Pagel livre un roman complètement sombre, une entreprise de destruction – aussi virulente que paradoxalement respectueuse – d’un mythe de la littérature jeunesse. Une éclatante réussite au style prenant et rythmé, bouclé en environ 160 pages par un romancier au meilleur de sa forme.

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