Publié le 29 Septembre 2017

FLEURS D'EPOUVANTE de Lewis Mallory

Peu d’informations sont disponibles sur Lewis Mallory qui a publié trois romans chez Gore : LES PORTES DE L’EFFROI, CAUCHEMAR QUI TUE et ce FLEURS D’EPOUVANTE. Apparemment, il n’a rien écrit d’autre, étant venu et aussitôt réparti dans le petit monde de l’horreur sanglante. FLEURS D’EPOUVANTE appartient donc à cette vague du pulp horrifique anglais très vivace au début des années ’80. Plus porté sur le climat d’angoisse et l’atmosphère pesante que sur les scènes sanglantes et sexuelles ayant assurés la réputation de la collection « Gore », le bouquin comporte néanmoins une poignée de passages brutaux et se permet de martyriser des enfants, fait rare y compris dans le domaine de l’horreur transgressive.

Divertissant, FLEURS D’EPOUVANTE développe une intrigue intéressante, très série B dans l’esprit, et rappelle à la fois le film « La petite boutique des horreurs » et le cinéma catastrophe des années ’70 à base de révolte de la nature courroucée à la manière de DAY OF THE ANIMALS ou PROPHECY.

Le domaine de Kelsted Hall sert aux expériences d’un scientifique, le fou et génial professeur Durrant, qui crée des fleurs carnivores géantes. A sa mort, la propriété passe aux mains de ses héritiers, lesquels s’y installent et découvrent la vérité sur l’étrange nurserie. Nous suivons aussi la découverte progressive du secret de Kelsted Hall par une jeune femme qui y engagée, Belinda. Entre les nurses errant dans les couloirs, les nourrissons élevés pour des motifs inavouables l’horreur se dévoile peu à peu.

Tout cela avance sur un rythme posé (on peut dire lent mais ce serait trop péjoratif pour une œuvre misant surtout sur l’atmosphère d’angoisse) et de manière plutôt linéaire. Si les révélations se montrent assez attendues on prend néanmoins plaisir à suivre les péripéties de ce petit roman qui, tradition oblige, se termine de manière très ouverte en laissant supposer que le pire reste à venir.

L’œuvre étant courte (160 pages dans sa version originale anglaise), on peut supposer qu’elle n’a aucunement souffert de la traduction.

Pas grand-chose d’autres à ajouter sur ces FLEURS D’EPOUVANTE sympathique qui démontrent une fois de plus que la Collection Gore ne se limitait pas à des romans alignant à un rythme métronomique les scènes chaudes et sanglantes mais savait aussi proposer des bouquins d’épouvante plus classique et plus « noble ». A redécouvrir, le tout donne d’ailleurs envie de se pencher sur les deux autres livres de Lewis Mallory édité par le Fleuve.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Horreur, #Gore

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Publié le 26 Septembre 2017

POISON IVY - CIRCLE OF LIFE AND DEATH d'Amy Chu

Voici un récit (en six parties) consacré à une des trois principales super vilaines (les deux autres étant Harley Quinn et Catwoman évidemment…qui font d’ailleurs de la figuration dans cette histoire) de l’univers Batman.

Désirant s’éloigner de sa compagne Harley Quinn, Poison Ivy reprend son identité de Pamela Isley et son métier de chercheuse pour les jardins botaniques de Gotham. Ses travaux visent notamment à la création d’hybrides entre l’Homme et le végétal, des êtres dont la longévité seraient exceptionnelles. Elle donne ainsi naissance à deux bébé, Rose et Noisette, qu’elle élève loin des humains. Malheureusement divers scientifiques de son équipe se mettent à décéder de manière violente et Ivy devient rapidement la principale suspecte. Avec l'aide d'Harley, de Catwoman et du défenseur de la Sève Alec Holland (alias Swamp Thing), la belle Ivy essaie de découvrir la vérité sur ces crimes.

CIRCLE OF LIFE AND DEATH constitue, dans l’ensemble, une bonne surprise. En donnant la vedette à Ivy (débarrassée de l’omniprésente Harley qui a droit, néanmoins, à quelques apparitions toujours bien cadrées pour accentuer son côté sexy), le récit confère une réelle profondeur à cette anti-héroïne souvent cantonnée à un rôle de belle plante, voire de potiche. La transition du personnage, amorcée depuis quelques années, est plaisante, Ivy n’étant plus une super vilaine à moitié folle (et à moitié nympho) mais davantage une éco terroriste vaguement justicière à la morale élastique. Ici, elle s’essaie à la maternité et rencontre un certain Darshan Bapna, sorte de punk pacifiste vegan avec lequel elle entretient une relation platonique (faudrait pas rendre jalouse Harley, ça pourrait mal se terminer !).

POISON IVY - CIRCLE OF LIFE AND DEATH d'Amy Chu

L’intrigue, elle, adopte le ton d’une enquête avec des meurtres et un coupable inattendu révélé durant le dernier chapitre, ponctué d’apparitions de divers super vilains et d’un argument science-fictionnel déjanté (la recherche de l’immortalité par l’hybridation de l’Homme et de la plante). La série se réfère d’ailleurs ouvertement à Scooby-Doo dans son mélange de murder mystery à l’ancienne et de folie douce.

Le récit s’avère donc plaisant quoique tout ne soit pas pleinement réussi pour autant : le personnage de Darshan se montre envahissant, comme si Amy Chu ne parvenait pas à laisser l’intrigue pesait sur les charmantes épaules d’Ivy. Le côté papa de substitution pour les « enfants plantes » se montre de son côté trop expédié pour fonctionner. Dommage car, avec un minimum de développement, cette partie aurait pu être intéressante, de même que les relations compliquées entre les humains et les filles plantes, lesquelles se limitent à une échauffourée en discothèque.

POISON IVY - CIRCLE OF LIFE AND DEATH d'Amy Chu

Bien que sympathique et original, le scénario se montre parfois peu crédible : comment le passé de l’empoisonneuse peut-il ne pas resurgir après qu’elle se soit débarrassée d’un collègue trop entreprenant ? On passera sur ce manque de vraisemblance pour apprécier une histoire globalement bien menée et éloignée des clichés super-héroïques coutumiers.

Sans être indispensable, CIRCLE OF LIFE AND DEATH permet de passer un bon moment. De plus, pour la publication française, Urban soigne le produit : deux pages d’introduction sur le personnage, quelques paragraphes à chaque épisode pour éclairer le novice et une courte histoire (datée de 1988) bonus revenant sur les origines secrètes de Poison Ivy qui bénéficie du talent narratif de Neil Gaiman. Le tout à un prix défiant toute concurrence, surtout celle de Panini. Une bonne affaire pour les admirateurs de la vénéneuse Ivy.

L'édition française chez Urban

L'édition française chez Urban

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Whodunit, #science-fiction, #Comic Book, #DC, #Superhéros, #Batman, #Neil Gaiman

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Publié le 25 Septembre 2017

LE MORT DE LA TOUR D'ANGLE d'Yves Dermèze

Paul Bérato (1915 – 1989) est un écrivain aujourd’hui quelque peu oublié. C’est bien dommage : il fut un pilier de la littérature populaire sous divers pseudonymes, principalement celui de Paul Béra (une vingtaine de « Fleuve noir Anticipation », de Paul Mystère (une douzaine de romans) et, enfin, de Yves Dermèze. Il reçut le Prix du roman d’aventures en 1950 pour SOUVENANCE PLEURAIT et le Prix de l’imaginaire pour l’ensemble de son œuvre en 1977. On conseille notamment deux romans de science-fiction très ruéssis et originaux : LE TITAN DE L’ESPACE et VIA VELPA.

LE MORT DE LA TOUR D’ANGLE fut publié dans une éphémère collection (le Gibet) riche de dix-huit titres appartenant tous au « policier historique » (avant que le terme et le genre ne soit à la mode). Le Gibet avait la volonté de publier des titres peu portés sur le sexe et la violence comme en témoigne la présentation, en fin de volume, de la collection.

L’intrigue, située au Moyen-âge, se montre plaisante. Elle débute comme un « meurtre en chambre close » et, superstition oblige, le crime se voit imputé à Satan. Toutefois, l’explication (basique et déjà souvent employée) est donnée au tiers du bouquin. Cependant, pour une fois, trouver le comment n’entraine pas immédiatement de comprendre qui est l’assassin.

Gacherat, une très âgée voyante, prédit un sort funeste au seigneur Guillaume de Séchelles mais celui-ci refuse de s’en alarmer. Il gagne ainsi le castel d’Alzon mais, la nuit tombée, notre homme meurt poignardé dans sa chambre pourtant close. Les nobles Marigny, Varennes et Aussey se précipitent, constatent que la porte était fermée de l’intérieur et s’épouvantent ! On crie à Satan avant d’imputer le crime à l’intervention du Malin. Seul le bourgeois Perrinet réfute cette explication : il démontre comment l’assassin a procédé. Et pour le mobile, il procède de la manière la plus classique qui soit en cherchant simplement la femme, à savoir demoiselle Gisèle, en âge de prendre époux. Un bien beau parti. Si le meurtrier a éliminé son plus dangereux rival il reste donc trois suspects : Marigny, Varennes et le très chevaleresque Aussey, dit sans cervelle pour son manque d’intelligence. A Perrinet de déterminer le coupable et rapidement car « les trois seigneurs ne sont d’humeur à lui pardonner ses accusations ». Une seule personne connait la vérité, la Gacherat. Mais celle-ci est retrouvé « accommodée », comprenez frappée au cœur à coup de poignard. Et, comme le dit Perrinet « Carogne ! Ne pouvait-elle me faire quérir avant de trépasser ? »

Roman sympathique, relativement court (moins de deux cents pages) et rythmé, LE MORT DE LA TOUR D’ANGLE utilise un vocabulaire et des tournures volontairement obsolète qui empruntent à l’ancien français. Cela lui donne son style mais en rend parfois la lecture moins fluide quoique l’Heroic Fantasy nous ait, depuis, habitué à ces tournures désuètes. A cette époque on n’est pas tué pas mais occis et les dialogues sont donc construits à l’aide de « non point », « oui-da », « que nenni », « n’est-il point », « carogne », « fol », « messire », etc.

L’enquête policière, pour sa part, s’avère plaisante et réserve son lot de rebondissements. Une seconde tentative de meurtre impossible (la victime est frappée dans une pièce close dont le sol est recouvert de farine) se voit rapidement résolue par l’apprenti détective. Une seule explication était, en effet, possible.

Si les habitués des récits à la John Dickson Carr ne seront guère mystifiés par les procédés utilisés par l’assassin, les amateurs de Paul Doherty devraient apprécier ce mélange précurseur entre énigme policière et contexte historique bien typé.

Un roman agréable qui mérite la redécouverte.

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Publié le 22 Septembre 2017

LE MERCENAIRE - LA LOI DU SILENCE d'Axel Kilgore (Jerry Ahern)

Jerry Ahern (1946 – 2012), surtout connu pour avoir lancé la saga du SURVIVANT et, par conséquent, toute une littérature post apocalyptique et survivaliste, a également publié, sous le génial pseudonyme d’Axel Kilgore, une vingtaine de romans consacrés à Hank Frost, dit le Mercenaire. Ressemblant à un pirate avec son bandeau noir qui lui couvre l’œil, Frost n’est ni aussi impitoyable que l’Exécuteur ni aussi drôle que l’Implacable mais on sent Kilgore sous l’influence de ces séries à succès.

Dans cette septième aventure, Hank Frost doit protéger une jeune femme ayant décidé de témoigner contre des grands pontes de la Mafia. Evidemment, cela va lui attirer de nombreux ennuis et Hank devra la protéger de (très) près durant un voyage qui la verra régulièrement menacée par des tueurs pas gentils du tout.

Série plaisante mais assez routinière, LE MERCENAIRE (réédité ensuite sous l’appellation de « Hank le mercenaire ») constitue une classique « men’s adventure ». Autrement dit, le roman est court (un peu plus de 200 pages), rythmé, découpé en brefs chapitres et linéaire.

Cette aventure reprend un schéma des plus convenus qui a déjà servi à de nombreux romans de gare mais également à des kilos de séries B d’action, citons simplement pour le plaisir le trop décrié et pourtant ultra divertissant COBRA. Une demoiselle, forcément jeune et jolie, menacée, un baroudeur chargé de la protéger : dues rebondissements prévisibles (en particuliers les trahisons de l’un ou l’autre), deux ou trois passages érotiques entre la belle et la brute, des scènes d’action violentes, etc.

Rien de bien neuf mais un indéniable savoir-faire dans le registre du roman de gare, vite écrit, vite lu, vite oublié mais plaisant sur le moment. Jerry Ahern possède du métier et ne se fiche pas du public : si le récit est sans surprise (on note pas mal de similitudes avec l’époque « guerre à la mafia » de L’EXECUTEUR) il offre au lecteur exactement ce qu’il est venu chercher, à savoir trois heures de divertissement mêlant avec efficacité sexe et violence.

Pas grand-chose d’autre à dire sur ce roman sans prétention (auquel on peut préférer le plus énergique et original LE COMMANDO DU QUATRIEME REICH dans la même série) mais, dans ce genre de littérature, LE MERCENAIRE reste une valeur sûre. Ces petits bouquins besogneux encombraient jadis les présentoirs des supermarchés mais, aseptisation oblige, ne peuvent plus se dénicher, aujourd’hui, qu’au fond des caisses poussiéreuses des brocantes. Bizarrement, le temps s’est montré clément et ils ont, à présent, gagné un réel charme nostalgique.

Pas indispensable mais, si on cherche un roman « viril » et rondement mené, il y a bien pire que cette LOI DU SILENCE.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Aventures, #Roman de gare, #Thriller, #Gérard de Villiers, #Jerry Ahern

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Publié le 20 Septembre 2017

SECRET INVASION de Brian M. Bendis et Francis Yu

Après l’excellence de HOUSE OF M et CIVIL WAR, deux crossovers parfaitement réussis et dont la richesse autorise plusieurs (re)lectures, l’annonce de SECRET INVASION laissait augurer le meilleur pour la Maison des Idées.

Le concept de base, en effet, se révélait passionnant et intriguant : depuis plusieurs années d’importants héros et alliés (Elektra, le majordome Jarvis, etc.) de la Terre ont été remplacés par des extra-terrestres protéiformes, les Skrulls. Brian Michael Bendis a lancé des pistes à ce sujet depuis plusieurs années au sein de série comme New Avengers et, avec son dessinateur et complice habituel, Leinil Yu, il explore enfin les conséquences de cette lente invasion. 

L’intrigue semblait donc taillée pour une atmosphère de paranoïa grandissante (illustrée par les taglines en partie mensongère comme « who do you trust ? »), de conflit larvé, voire d’infiltration à grande échelle. On pouvait exploiter les répercussions de cette invasion sur la population, voire éclore des mouvements de résistance ou de collaboration puisque les Skrulls promettent un avenir pas forcément sombre aux humains.  Forcément, certains se laissent tenter et les accueillent même à bras ouvert…Des développements intéressants…sauf que la scène dure quelques cases, noyées dans un torrent de bastons inoffensives. Car, à la progression narrative, Marvel préfère le rouleau compresseur des combats et seul Le Fauve suggère un instant « d’arrêter de se frapper pour réfléchir ». Une modération vite balayée, à l’image de ce court moment de réflexion interrompu par un Wolverine qui déclare « on s’en tape ». Ce qui résume malheureusement ce que le lecteur pense d’une SECRET INVASION plus pataude que passionnante. Pourtant, le début de l’histoire promettait beaucoup, entre science-fiction à l’ancienne (Bendis affirmait vouloir rendre hommage aux classiques séries B d’invasion des fifties) et blockbusters d’action plus actuels. Les premières planches donnent ainsi l’impression d’une catastrophe planétaire imminente avec des scènes marquantes comme l’autopsie d’un Skrull ayant pris l’apparence d’Elektra ou le crash récurent d’un héliporteur du Shield.

Elektra était un Skrull!

Elektra était un Skrull!

De l’efficace rondement mené. Mais la suite…ben justement elle ne suit pas. Ayant grillé toutes ses cartouches dans les premières pages, Bendis meuble ensuite par des surprises pas franchement crédibles, des incohérences, de la bagarre sans enjeu, sans émotion, sans…rien ! Des super-méchants protéiformes aux pouvoirs quasi illimités contre les gros vendeurs de la Maison Marvel (Spider Man, Iron Man, Wolverine, etc.) et une conclusion bâclée qui voit s’écrouler en quelques minutes le plan patiemment élaboré par les extra-terrestres. Là on frôle dangereusement le foutage de gueule intégral. Et ce ne sont pas les dessins, corrects mais sans inspiration, qui relèvent le niveau.

L’event offre néanmoins quelques passages sympathiques, comme cette référence lointaine, issue d’un légendaire album des Fantastic Four, à la transformation des premiers Skrulls débarqués sur terre en vaches. Quelques passages, dans un esprit blockbusters pop-corn et régressifs, fonctionnent également, ce qui permet d’arriver au bout de ce comic aussi raté que répétitif.

Baston!!!!!!!!

Baston!!!!!!!!

Si SECRET INVASION se résume à une série de combats sans grande originalité là où il aurait fallu, au contraire, une terreur paranoïaque dans l’esprit (toutes proportions gardées) de L’INVASION DES PROFANATEURS ou THE THING, le dénouement, vite expédié, conduit cependant à un nouveau statu quo intéressant. Ainsi Iron Man, désavoué, se voit destitué de son poste et remplacé par Norman Osborn qui accède à un pouvoir quasi absolu et convoque aussitôt sa cour, composée de Fatalis, Hood, Loki, Emma Frost et Namor. Le tout annonce le prochain event, la prochaine ère Marvel, Dark Reign qui (spoilers !) ne tiendra pas les promesses de cette introduction intrigante.

Le titre s’étant bien vendu (250 000 exemplaires du N°1 ce qui, à notre époque, constitue un beau chiffre) en dépit de critiques souvent mitigées voire hostiles, Marvel a – logiquement - poursuivi dans sa folie du crossover et de l’event tout azimut, aboutissant à l’inextricable situation actuelle dans laquelle toutes les séries sont en état de « crossover permanent » au mépris de tout réel investissement narratif.
 

Bref, SECRET INVASION c’était (déjà) la fin d’un bref renouveau / âge d’or qualitatif de Marvel au début du XXIème siècle.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #science-fiction, #Comic Book, #Marvel Comics

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Publié le 18 Septembre 2017

MEURTRES EN MAJUSCULES de Sophie Hannah

En 1975, Hercule Poirot quittait la scène après une ultime enquête. Depuis, le détective belge a été revu dans de nombreux épisodes de série télévisée et quelques long-métrages mais, à l’exception de la novelization de la pièce de théâtre BLACK COFFEE publiée en 1999 par Charles Osborne (qui procéda de la même manière pour plusieurs autres œuvres dramatiques de Christie), nous en étions sans nouvelles.

Tout change en 2014. Sophie Hannah, poète et écrivain anglaise (né en 1971) se voit choisie pour poursuivre les aventures de Poirot. Cette première « nouvelle » enquête se déroule en 1929. Poirot, réfugié de la Grande Guerre, y est encore au début de sa carrière de détective quoiqu’il ait déjà résolu plusieurs épineuses affaires. Nous sommes, dans le « canon », entre LE TRAIN BLEU et LA MAISON DU PERIL. Hastings (qui, en réalité, n’apparait que dans huit des romans originaux) en est absent, remplacé ici par le jeune policier Edward Catchpool, lequel sert de narrateur principal à l’intrigue.

Cette dernière débute par la visite d’une jeune femme terrifiée, Jennie, à Hercule Poirot, en vacances à quelques centaines de mètres à peine de son logement londonien. Le récit de Jennie s’avère plutôt incohérent mais il en ressort qu’elle se sent menacée de mort tout en excusant par avance son futur assassin. Poirot aimerait l’aider mais la demoiselle s’enfuit. Bien évidemment, le détective, aidé d’Edward Cathpool, prend l’enquête en main et relie rapidement cette visite impromptue à un étrange triple meurtre ayant eu lieu à l’hotel Bloxham. Les victimes ont été découvertes dans une position similaire, à trois étages différents, et chacune a un bouton de manchette placé dans la bouche. Pour Poirot aucun doute n’est possible, le bouton manquant est destiné à Jennie, future quatrième personne à tomber sous les coups du mystérieux criminel.

Poirot se montre ici toujours aussi fier de ses petites cellules grises. Sûr de lui et suffisant, il tente de guider le jeune Catchpool mais se refuse à répondre à ses questions où à lui servir la solution sur un plateau. Le jeune policier aura donc parfois bien du mal à supporter le petit Belge plutôt avare d’informations.

On retrouve le défaut coutumier d’auteurs comme John Dickson Carr qui n’hésitent pas à interrompre les explications afin de retarder les révélations. Les romans de Christie se montraient cependant plus « coulant » et moins alambiqués en dépit des énigmes développées parfois très complexes. Ici, Sophie Hannah semble ne pas pouvoir se restreindre et son bouquin s’étire sur près de 400 pages. C’est beaucoup, surtout lorsque les explications finales en occupent une large part.

On sent qu’Hannah veut bien faire mais elle rate, en partie, le coche : au lieu d’un plaisant ping pong verbal elle assomme le lecteur sous des bavardages incessants, au lieu d’une intrigue tortueuse explicité en quelques lignes elle propose un récit plutôt convenu (on devine rapidement plusieurs twists narratifs) mais rendu extrêmement tordu par les épuisantes explications de l’interminable climax.

Poirot lui-même ne semble pas au mieux de sa forme, en dépit de sa prétention coutumière certaines de ses déductions apparaissent capilotractées…à sa décharge le plan d’ensemble du criminel semble lui aussi hasardeux, relativement stupide et fort peu crédible.

Bref, dans l’ensemble, MEURTRES EN MAJUSCULE s’avère fort moyen, pour ne pas dire médiocre. Il eut sans doute fallu élaguer une bonne centaine de pages, resserrer l’intrigue, mieux équilibrer le récit (on comprend beaucoup de choses rapidement puis le livre semble faire du sur place jusqu’à la conclusion…ais-je déjà mentionné à quel point elle était interminable ?) et rendre Poirot un poil plus sympathique (la pédanterie caractérise le personnage mais doit-on n’en retenir que ses aspects les plus agaçants ?) pour obtenir un roman divertissant. Sans être un complet ratage, MEURTRES EN MAJUSCULE ne peut donc que décevoir.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Policier, #Whodunit, #Golden Age, #Agatha Christie

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Publié le 15 Septembre 2017

ANNIHILATION CONQUEST (tomes 1 & 2) de Dan Abnett et Andy Lanning

Vu le succès mérité du crossover cosmique ANNIHILATION, Dan Abnett et Andy Lanning proposent une saga similaire, ANNIHILATION CONQUEST, publiée en 2007. Aux côtés de la mini-série principale, Marvel a forcément publié de séries annexes. Les deux tomes français (originellement édités en version « deluxe » puis repris dans le format plus abordable du « select ») comprennent donc (dans le tome 1) « Annihilation Conquest Prologue », les quatre numéros de « Annihilation Conquest : Star Lord », les quatre épisodes de « Annihilation Conquest : Quasar » et les numéros 4 et 5 de « Nova » auxquels s’ajoutent (dans le tome 2) les quatre chapitres consacrés à « Spectre », deux épisodes supplémentaires de « Nova » et la mini-série « Annihilation Conquest » en elle-même (et en six parties). Ouf, un menu copieux pour de longues heures de lecture !

Cette fois, le Phalanx menace la galaxie, aidé par les Chevaliers de l’Espace « convertis » au mal. L’Empire Kree est menacé et différents héros (notamment Quasar, Star Lord et Ronan l’accusateur, à présents bien connus) se liguent pour juguler cette nouvelle invasion.

Au fil des pages, le lecteur découvre des personnages peu connus dont certains sont amenés à un bel avenir, notamment cinématographique, comme l’arbre vivant Groot et le raton laveur mutant Rocket Ragoon, membres fondateurs des nouveaux Gardiens de la Galaxie.

On retrouve également Phila-Vell, fille du décédé Captain Marvel qui a repris le flambeau, le costume et le nom de papa. Elle fait équipe avec sa compagne, Moondragon, laquelle devient finalement un authentique dragon, transformant le récit en une sorte d’heroic-fantasy futuriste pas désagréable auquel s’ajoute une histoire d’amour homosexuelle (encore assez peu courante dans les comics Marvel de l’époque).

ANNIHILATION CONQUEST (tomes 1 & 2) de Dan Abnett et Andy Lanning

Le nouveau venu Spectre, un mutant Kree avide de venger son père, complique la donne et tous les personnages principaux, auxquels s’ajoutent les revenants (Adam Warlock, le Super Skrull, Gamora, Captain Universe, Blaastar, etc.) se rassemblent pour affronter le Phalanx mené par le toujours charismatique et impitoyable Ultron. Les victimes du Phalanx sont, pour leur part, contaminées par une sorte de virus qui les intègre à l’entité collective tout en gardant un minimum de libre-arbitre. Bref, ils sont assimilés par des parasites cosmiques assez proches des célèbres Borg de « Star Trek » (on note les évidentes similitudes entre cette saga Marvel et « Star Trek Premier Contact »).

Dans l’ensemble ANNIHILATION CONQUEST s’avère un honnête divertissement malgré sa longueur (600 pages bien tassées) et ses longueurs. Le grand nombre de protagonistes rend parfois le tout un brin confus et la publication en volume laisse de côté certaines séries annexes, d’où des ellipses agaçantes. Cependant, elles ne sont pas vraiment problématiques, la saga restant, dans ses grandes lignes, globalement accessibles avec un minimum de connaissances de l’univers cosmique de la Maison des Idées. Bien sûr, Panini reste fidèle à ses habitudes en proposant, au niveau éditorial, le strict minimum : aucune contextualisation du récit, aucun texte explicatif et pour une unique bonus quelques couvertures reproduites en fin de volume. N’est pas Urban qui veut.

On peut chipoter en arguant (avec raison) qu’ANNIHILATION CONQUEST constitue, finalement, une simple redite moins inspirée d’ANNIHILATION (aucune des séries n’arrivent à égaler celles de ce titre phare du renouveau Marvel) mais, à tout prendre, on passe malgré tout un agréable moment avec cette vaste épopée alliant space-opéra, fantasy, science-fiction et super héros.

ANNIHILATION CONQUEST (tomes 1 & 2) de Dan Abnett et Andy Lanning

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Rédigé par hellrick

Publié dans #science-fiction, #Comic Book, #Superhéros, #Marvel Comics

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Publié le 14 Septembre 2017

LE SECRET DE HIGH ELDERSHAM de Miles Burton [John Rhode]

Militaire britannique, Cecil Street (1884 - 1965) fit carrière dans le roman policier sous les pseudonymes de John Rhode et Miles Burton. En 1925, il débute avec THE PADDINGTON MYSTERY, premier des quelques quatre-vingt romans signés John Rhode qui mette en scène le docteur Lancelot Priestley. Sous le pseudonyme de Miles Burton, l’écrivain lance, en 1930, une nouvelle série dont le héros récurent est cette fois l’officier de marine Desmond Merrion. LE SECRET DE HIGH ELDERSHAM (publié en français en 1946 dans la collection « Le Corbeau ») constitue la première aventure de ce Merrion appelé à en vivre bien d’autres.

Petit village typique, High Eldersham vivote tranquillement. Certes, on n’y aime pas beaucoup les étrangers mais de là à les assassiner…C’est pourtant ce qui arrive à Whitehead, le propriétaire du bar local, La Rose et la Couronne, découvert poignardé dans son établissement. L’inspecteur Young entre en scène accompagné d’un de ses amis, Desmond Merrion, lequel se trouve attiré par la jeune Mavis. Les enquêteurs s’intéressent rapidement à un culte satanique très vivace dans la région et dont les membres pourraient être responsable du meurtre de Whitehead.

Présenté comme un roman d’énigme classique, LE SECRET DE HIGH ELDERSHAM se révèle un roman particulièrement bizarre dont l’originalité constitue à la fois un défaut et une qualité. En effet, ce qui débute comme un typique whodunit de l’Age d’or prend après une cinquantaine de pages une tournure très différente : les deux protagonistes soupçonnent des sorciers, se réunissant en sabbats les soirs de pleine lune, de commettre divers crimes.

Hélas, à partir de là, la machine déraille : cette sous-intrigue, qui pouvait donner une réelle plus-value au récit en lui conférant une originalité appréciable, occupe en effet l’essentiel du récit, la recherche du coupable devenant, dès lors, accessoire. Pire, les deux enquêteurs paraissent totalement largués durant la quasi-totalité du roman. Merrion agit de manière absurde, au petit bonheur la chance, espionne de ci de là les cultistes et délaisse complètement l’enquête concernant la mort de Whitehead. Une sous-intrigue supplémentaire, à base de contrebandiers et de trafiquants de drogue, vient encore se greffer à ce roman boursouflé et pourtant relativement divertissant dans ses excès. Tout cela rappelle le récent film « Hot Fuzz » avec son village entier participant aux activités illégales pour Le Plus Grand Bien. Loin du classicisme des whodunit de cette époque, LE SECRET DE HIGH ELDERSHAM s’enfonce donc dans un délire (pas si éloigné des intrigues abracadabrantes d’Edgar Wallace ou des pires John Dickson Carr) que le lecteur jugera, au choix, amusant ou imbuvable.

La conclusion s’avère assez incroyable :

Spoiler:
{Le grand méchant trafique de la drogue et pour que les villageois gardent le silence, notre dealer à grande échelle ressuscite un culte satanique qui s’appuie sur la crédulité des natifs et leurs craintes superstitieuses. Avec l’aide du médecin local, notre méchant (dont nous tairons l’identité) élabore des drogues qui plongent les participants aux sabbats dans une sorte de transe érotique afin de les garder sous sa coupe. De plus, le docteur administre secrètement du poison aux personnes désignées à la vindicte populaire par les « sorciers » afin de les rendre réellement malade, renforçant l’idée que les sortilèges à base de poupée vaudou du Grand Prêtre Satanique fonctionnent ! }

Et le meurtre initial ? Une banale affaire de vengeance résolue avec beaucoup de chance par nos héros qui, durant 250 pages, ne fouillent pas le passé de la victime. Lorsqu’ils se décident à accomplir cette base de l’investigation le mobile et l’identité du meurtrier apparaissent immédiatement. Décevant.

Dans l’ensemble, LE SECRET DE HIGH ELDERSHAM manque de rythme, souffre de pauvres dialogues et sa partie centrale parait à la fois erratique et interminable, ce qui rend la lecture du bouquin plutôt pénible. L’aspect déjanté du dernier acte et les références au satanisme sauvent quelque peu les meubles quoique l’auteur sacrifie alors toute vraisemblance au profit de la seule distraction.

Avis mitigé donc pour cette première rencontre avec un écrivain majeur (mais aujourd’hui bien oublié) de l’Age d’or.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Policier, #Whodunit, #Aventures, #Golden Age, #John Rhode - Miles Burton

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Publié le 12 Septembre 2017

LES VAISSEAUX DE LA LIBERTE de Christophe Lambert

Dernier tome de la trilogie que Christophe Lambert consacre à l’univers d’Arkhadie, LES VAISSEAUX DE LA LIBERTE constitue un final épique à souhait à ce vaste space opéra.

Nous retrouvons nos héros, le contrebandier Lohn Kossayan, le moine guerrier David Cunkel et le soldat Dogmaël peu après leur évasion du terrible Bagne de Mephisto (cf. tome précédent). La Reine Blanche, de son côté, souhaite emmener son peuple vers la terre promise, loin de la domination des Hommes Lézards Pyrhusiens. Pour cela, il faut passer par un tunnel spatial, à travers le portail de l’Ekluse. Mais ce-dernier se trouve sous la domination des cruels Entropistes.

Destiné à un public adolescent mais pouvant s’apprécier des adultes, LES VAISSEAUX DE LA LIBERTE constitue un hommage enamouré à la saga STAR WARS dont Lambert est un grand fan. Mais on peut également y voir une version actualisée des romans de space-opera ou de fantasy de l’Age d’Or, ceux-là même auxquels se référait George Lucas lors de la mise en place de son univers.

LES VAISSEAUX DE LA LIBERTE dévoile ainsi une mythologie riche et un bestiaire développé qui renvoie à des sagas littéraires fameuses élaborées par les Grands Anciens de la science-fiction littéraire. Citons le cycle du FULGUR de E.E. « Doc » Smith, l’excellent LES ROIS DES ETOILES d’Edmond Hamilton (également auteur du CAPITAINE FUTURE) ou la saga martienne de JOHN CARTER signée Edgar Rice Burroughs. A cela s’ajoute les bandes dessinées à la Flash Gordon et l’heroic-fantasy d’antan pour un cocktail très divertissant.

Moine guerrier, méchants hommes lézards, gentils félins humanoïdes (les chats de Tyndalos en référence discrète à Lovecraft), reine en détresse, pirate de l’espace, etc. Ils sont venus, ils sont tous là pour une conclusion riche en action, le roman accélérant encore le rythme (déjà soutenu) des deux précédents pour un tome qui ne laisse jamais au lecteur le temps de souffler. Et comme Lambert possède un solide métier, il use de chapitres courts et enlevés qui alternent les actes des différents protagonistes jusqu’à la spectaculaire bataille finale.

Le style est vif, les phrases souvent courtes et l’écriture très visuelle confère un côté immédiatement cinématographique à ce space opéra grandiose qui n’attend plus que le metteur en scène capable de le porter à l’écran pour la plus grande joie des petits et des grands.

Alors, bien sûr, LES VAISSEAUX DE LA LIBERTE n’est sans doute pas le plus original des Christophe Lambert et, parfois, le clin d’œil envers l’Empire se montre un peu trop appuyé. La trilogie d’Arkhadie dans son ensemble peut paraitre trop proche de STAR WARS pour susciter un enthousiasme débordant. Ce n’est pas tout à fait faux. Mais l’art de l’auteur à concocter un récit sans temps morts permet d’oublier ce bémol et la lecture de ce troisième tome se révèle délectable. Alors ne chipotons pas et ne boudons pas notre plaisir, embarquons avec nos valeureux héros sur ces VAISSEAUX DE LA LIBERTE fort estimables.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Aventures, #science-fiction, #Jeunesse, #Christophe Lambert

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Publié le 11 Septembre 2017

DES AMIS DANS LA POLICE de Pierre Siniac

Avoir des relations c’est important. Et des amis dans la police encore plus. Surtout si on est la complice d’un assassinat.

Voici un roman dans la grande tradition de Pierre Siniac (1928 – 2002), défenseur de la littérature populaire qui n’hésitait pas à mélanger les deux frères ennemis que sont le polar et le récit d’énigme dans des récits « hénaurmes » mâtinés d’une fantaisie flirtant avec le fantastique et saupoudré d’une bonne louche d’humour. Il fut d’ailleurs publié aussi bien à la Série Noire qu’au Masque et cette livraison malaxe avec bonheur des personnages de polar et une intrigue abracadabrante au point de départ délirant.

Nous sommes dans la petite ville de Gisors, au pied du château-fort. Un ancien inspecteur de police pas vraiment futé, plutôt du genre pistonné, Germain Gouyaude, coule une retraite paisible en compagnie de la beaucoup plus jeune Aline. A temps partiel, l’ex flic, comme beaucoup de ses collègues, exerce le métier de gardien d’usine. Mais Germain, connu dans la ville sous le surnom de l’Albinos, est surtout un passionné de lecture qui fréquente assidument la bouquinerie de Mérouilleux. Il lui achète beaucoup de polars, quelques pornos et aussi, plus rarement, des « romans romans ». Autrement dit, de vrais livres, écrits avec des mots compliqués. Comme le dernier Sagan pris sur un coup de tête, complètement par hasard. Et dans lequel il découvre ce petit mot accusateur : « Je sais que vous avez tué une femme et que ce crime est resté impuni ». Bizarre, non ? Mais Germain n’a guère de temps pour s’interroger puisque, le soir même, il succombe à une crise cardiaque foudroyante. Y aurait-il un impensable lien de causalité ?

Aline, à son tour, découvre l’énigmatique message. Elle pourrait s’en désintéresser ou croire à une plaisanterie d’un goût douteux si, huit ans plus tôt, Germain n’avait pas tué à coup de démonte pneu son ancienne compagne, Colette. Aline a assisté à la scène sans intervenir. Elle a même aidé son homme à découper le cadavre avant de l’enterrer dans leur modeste maison de campagne. Pour tout le monde Colette est partie aux Etats-Unis, comme elle en avait toujours émis le souhait. Bref un crime tout bête, banal. Mais aussi un crime parfait dont personne n’a jamais entendu parler, que personne n’a même soupçonné. Or, aujourd’hui, Aline prend peur.  Elle s’imagine déjà victime d’un maitre chanteur, voire tuée par une main vengeresse. A qui se confier sinon au meilleur ami de Germain, l’inspecteur Jo Chalampin, bon flic insignifiant qui vivote depuis des années, trop indifférent à la politique, trop peu enclin à serrer des mains ou à cirer des pompes ? Mais par où commencer, comment entamer cette enquête, à part chez les bouquinistes ?

DES AMIS DANS LA POLICE constitue un court roman (les Anglo-saxons parleraient de « novella » puisqu’il fait 124 pages) enlevé et rythmé. Comme souvent avec Siniac (on se souvient des excellents SOMBRES SOIREES CHEZ MADAME GLAUQUE ou AIME LE MAUDIT), le point de départ est particulièrement intriguant. Jusqu’au dénouement, forcément surprenant, le lecteur baigne dans le mystère, complètement dépassé par l’impossibilité apparente de la situation : seules deux personnes étaient au courant du crime alors comment l’ancien policier peut-il se voir accusé par un message anonyme glissé entre les pages d’un livre acheté par hasard ?

Les explications finales paraitront probablement invraisemblables ou « capilotractées » mais qu’importe, elles tiennent la route (à condition d’enclencher la désormais célèbre suspension d’incrédulité) et, vu le caractère extravagant du problème posé, c’est déjà une vraie gageure d’aboutir à une solution satisfaisante. Et puis ce type de roman d’énigme, proche des crimes impossibles et des mystères en chambres closes, reste essentiellement ludique, un grand jeu où il importe davantage de s’amuser et se laisser surprendre que de chercher à battre en brèche la fragile construction narrative élaborée par l’auteur. Lequel se délecte également de nombreux clins d’œil, cultivant même l’auto citation en déclarant que certaines élites intellectuelles ne dédaignent pas lire un « Luj Inferman ». En cachette évidemment. Car les bouquins se divisent en catégories, allant de la vraie littérature (aux phrases complexes et aux mots que le lecteur moyen ne peut comprendre) à l’autre, cet indéfini qui comprend le polar, le gore, le fantastique, etc. Sans oublier, tout en bas dans la boue, le roman rose que l’on cache au fond d’un sac.  On devine Siniac plus attendri par cette littérature fangeuse que par les Académiciens.

« Chacun à sa place, comme dans la vie. Les gens convenables d'un coté - ici les romans dits littéraires, les choses psychologiques -, le petit peuple dans son coin : là les polars, les espionnages, les science-fiction, les fantastiques, les gores, enfin toute l'armée de la fiction, de l'évasion. Et dans un ghetto très spécial : les malades, les anormaux : les ouvrages licencieux, coquins, pornographiques, obscènes, excitants, louches, à lire sous la douche... »

Pour une soirée divertissante ou un petit trajet, DES AMIS DANS LA POLICE se révèle idéal et se lit en deux heures. A découvrir !

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Policier, #Whodunit, #Impossible Crime, #Polar, #Pierre Siniac

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