hard science

Publié le 1 Avril 2024

DE L'ESPACE ET DU TEMPS d'Alastair Reynolds

Cette novella débute à la façon d’un film catastrophe, comme un roman à la JE SUIS UNE LEGENCE ou un comic-book (comme dans Y LE DERNIER HOMME) mais prend rapidement une tournure très différente. L’Humanité a été décimée par un virus inconnu. Quelques survivants réfugiés sur Mars finissent par périr à leur tour et notre héros, Renfrew, devient donc le dernier Humain dans l’Univers. Il se sent bien seul sur Mars, n’est pas John Carter qui veut. D’où des pensées suicidaires compréhensibles…à quoi bon continuer à vivre dans ces conditions ? Mais notre homme est tenace et peut heureusement compter sur l’hologramme d’Elton John pour lui tenir compagnie. Nous suivons donc la vie et les questionnements du Rocket Man pendant quelques dizaines de pages, avant que le court roman ne prenne une tournure différente et plonge dans l’anticipation cosmo philosophique.

Cette première partie est fort réussie, la suite un peu moins mais l’ensemble reste de haut niveau. Alastair Reynolds a déjà exploré la destinée vertigineuse, cosmique et divine de l’Humanité dans plusieurs œuvres, dont LA MILLIEME NUIT précédemment publiée dans la même collection. Quoique catalogué dans la Hard Science, l’œuvre de Reynolds reste étonnamment lisible, surtout dans le format du roman court. On apprécie néanmoins les idées d’ampleur immense propre à la veine spéculative de ce sous-genre littéraire, ici via l’intervention d’une race extraterrestre bénéfique et toute puissante.

Avec son récit assez classique, assorti d’une postface explicative et honnête, DE L’ESPACE ET DU TEMPS n’est pas révolutionnaire et ne provoque pas des « ouah » à chaque page mais demeure une agréable novella. Le récit se lit avec plaisir et demeure fort abordable, démontrant que dans le domaine de la Hard Science, le format court s’impose comme le plus agréable. Pour les allergiques aux romans qui nécessitent un dictionnaire de physique pour être appréciés, DE L’ESPACE ET DU TEMPS constitue une bonne porte d’entrée entre Hard SF, Sense of Wonder et humour. Bref, une histoire appréciable et dépaysante, ce qui n’est déjà pas si mal. 

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Hard Science, #science-fiction, #Novella (roman court)

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Publié le 16 Avril 2023

L'OEUF DU DRAGON de Robert Forward

Originellement publié en 1980 aux Etats-Unis, ce roman fut par la suite édité en France chez Ailleurs et Demain en 1984 et en poche en 1990. Il est cette fois réédité chez Mnemos agrémenté d'une série d'indications techniques sur l'univers développé et d'une interview de la fille de l'auteur, décédé en 2002. Le récit se situant à l'origine en 2020, les dates ont été légèrement modifiées pour rester dans un "futur proche".

Ce roman est de la pure Hard Science avec les qualités et les défauts inhérents au genre. L'intrigue traite d'un corps céleste détecté dans le système solaire. Une expédition part à sa rencontre et découvre une civilisation intelligente. Jusque là pas de grande originalité, nous sommes dans le classique "premier contact" cher à le SF. Oui mais…sur ce corps céleste, en réalité une étoile à neutron de 20 km de diamètre à la densité inimaginable, une civilisation s'est développée. Ses minuscules habitants, les Cheelas, le temps s'écoule relativement un million de fois plus vite que sur Terre. Difficile, dès lors, de communiquer avec des êtres dont l'existence entière, pour un humain, semble ne durer que 30 minutes. Pourtant, il y aurait surement beaucoup de choses à tirer de cette civilisation qui progresse également un million de fois plus vite que la nôtre. Des tribus idolâtres peinant dans le désert à la propulsion supraluminique, les cheelas parcourent l'échelle de l'évolution… en quelques jours "terriens".

L'ŒUF DU DRAGON est un bouquin parfois passionnant et parfois rébarbatif. La moitié du récit se consacre à l'évolution des cheelas, ce qui se montre tour à tour intéressant et convenu, avec l'émergence d'une religion organisée, les expéditions d'exploration, etc. Les créatures fascinent avec leur douze yeux, leur apparence de crêpes aplaties de quelques millimètres, leurs nombreux pédoncules, leur sexualité active et leur découverte des bases mathématiques, sur une base douze. Malgré la différence radicale entre les Humains et les cheelas, Forward joue donc la carte d'un certain anthropomorphisme pour nous rendre acceptable son récit. L'Histoire des cheelas mimique ainsi la nôtre, avec ses tentations dictatoriales et sa religion monothéiste basée sur une étrange bénédiction (un balayage laser) et un prophète qui se déclare Elu de Dieu.

L'écriture de Forward est typiquement hard science: si les concepts sont ici abordables, la manière de les présenter n'est pas toujours évidente pour le lecteur "de base". Les dialogues s'avèrent rudimentaires, en particulier du côté des humains, pas spécialement attachants. Nous avons un équipage ultra éduqué, multiculturel et, autant le dire, interchangeable. Ils n'ont guère d'intérêt, les cheelas se révélant nettement plus intéressants.

Durant les trois quarts du roman, la lecture reste ardue, pas tellement en raison de la complexité scientifique (le bouquin demande de l'attention mais se suit sans difficulté particulière) mais de cette écriture sèche et exempte de poésie ou d'envolée littéraire. Le "sense of wonder" attendu se manifeste néanmoins dans les derniers chapitres, lors du premier contact entre les Humains et les cheelas. Le bouquin semble un brin longuet: le début est excellent, le dernier tiers formidable avec le dépassement de l'humanité par les cheelas mais Forward se perd souvent dans des détails superflus. Le récit aurait probablement mieux convenu à une novella qu'à un roman de plus de 300 pages…

Gros classique, L'ŒUF DU DRAGON possède surtout une idée géniale et bien développée, cette différence temporelle apparemment impossible à combler entre deux espèces en outre radicalement différentes. Si le lecteur pouvait espérer une intrigue plus prenante, le roman demeure, en dépit de ses longueurs, une pièce importante de la science-fiction.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Hard Science, #science-fiction, #Prix Locus

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Publié le 13 Juillet 2022

MARS LA ROUGE de Kim Stanley Robinson

Déjà un classique de la science-fiction, lauréat du prix Nebula, MARS LA ROUGE est une brique, 660 pages bien tassées…qui se poursuivent par deux autres tomes, lesquels, rassemblés, forment une trilogie de plus de 1600 pages. Autant dire que cette lecture demande du temps et de l’investissement : nous sommes, en effet, en présence de hard science, autrement dit d’une science-fiction spéculative rigoureuse et d’une anticipation crédible. Pas vraiment de la grosse fantasy commerciale ou du space opéra « easy reading ». Une première tentative m’avait d’ailleurs laissé dubitatif. Cette fois, en sachant davantage à quoi s’attendre, ce fut la bonne. Car MARS LA ROUGE est un roman touffu et exigeant, sans être rébarbatif ou illisibles comme certains textes qui se résument à de l’infodump bourré de jargon technique.

Ici Kim Stanley Robinson décrit la lente terraformation d’une planète. Il envisage ainsi toutes les conséquences de ce processus à très long court. En se focalisant sur une poignée de personnages, appartenant aux « 100 premiers colons », Robinson décrit l’évolution de Mars : problèmes psychologiques, sociologiques, religieux, économiques, écologiques,…L’auteur s’intéresse également à la politique de cette planète Mars et le roman mérite donc bien le qualificatif de « planète opéra ». De plus, cette intrigue s’étale sur des siècles mais le romancier recourt à un petit tour de passe-passe bien pensé : l’augmentation de la longévité humaine à plusieurs centaines d’années. Ce qui permet de suivre les mêmes personnages au fil des siècles. Bien évidemment, les personnages « principaux » sont nombreux et impose une lecture attentive pour ne pas s’égarer dans les différentes sous-intrigues. Selon les sensibilités de chacun certaines sont, d’ailleurs, plus ou moins intéressantes puisqu’elles abordent différentes problématiques ou thématiques.

Si le background est d’une grande richesse, l’action, en revanche, se voit réduite à la portion congrue. Elle est surtout concentrée dans les derniers chapitres et les lecteurs qui attendent du « pétaradant » peuvent, par conséquent, passer leur chemin.

En sachant dans quel type de SF on s’aventure, MARS LA ROUGE reste un modèle de SF « scientifique » rigoureuse et une lecture prenante et intelligente. Elle donne d’ailleurs envie d’enchainer avec le deuxième tome, MARS LA VERTE.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Hard Science, #Prix Nebula, #anticipation, #science-fiction

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Publié le 15 Novembre 2021

JARDINS DE POUSSIERE de Ken Liu

Nouvelle valeur montante de la SF (on peut même, déjà, parler de valeur sûre), Ken Liu choisit le plus souvent la forme courte pour s’exprimer, comme en témoignait son anthologie fort récompensée, LA MENAGERIE DE PAPIER. Ce second recueil, JARDINS DE POUSSIERE, rassemble 25 nouvelles, assorties d’un avant-propos et d’une bibliographie, pour 544 pages de lecture. Il s’agit ici des nouvelles courtes, allant de deux pages à une quarantaine, les « romans courts » de l’auteur (le plaisant LE REGARD et le formidable L’HOMME QUI MIT FIN A L’HISTOIRE) étant par ailleurs disponibles dans la collection Une Heure lumière.

Certains des textes ici rassemblés ont été précédemment publiés dans diverses anthologies (« La fille cachée » dans EPEES ET MAGIE, « Sept anniversaires » dans le hors-série de la collection précitée « Une Heure lumière ») ou revues (« Souvenir de ma mère », « le Fardeau », « Une brève histoire du tunnel transpacifique » dans Bifrost qui a toujours mis en avant Ken Liu, « Long courrier » et « Nœuds » dans Galaxies), les autres sont inédits.

Après le court et poétique « Jardin de poussière », nous embrayons avec « La fille cachée », récit de Fantasy proche de la « chevalerie » des films Wu Xia Pian de la Shaw Brothers. « Bonne chasse » reste dans le domaine de la fantasy chinoise avec le personnage de la Renarde (vu dans pas mal de films) dont le héros tombe amoureux, à la manière des « Histoires de fantômes chinois ». Un récit agrémenté d’une réflexion sur le temps qui passe et la mort de la magie dans une ambiance steampunk. Autre réussite, « Rester » traite du monde d’après la Singularité, alors que la majorité de l’humanité a choisi de laisser mourir son corps physique pour ne plus exister qu’à l’état de simulation dans le cyberspace »…Nouvelle illusion ou immortalité ? Le récit s’intéresse surtout à ceux qui, comme le titre l’indique, on choisit de « rester » et de continuer à vivre physiquement…mais jusqu’à quand pourront-ils maintenir un semblant de civilisation ? Le recueil se poursuit sur d’autres récits qui évoquent la Singularité et le post-humanisme, envisageant un monde dans lequel 300 milliards d’humains ont été digitalisé et stockés pour une nouvelle vie éternelle. Le très court « Souvenir de ma mère » joue de la relativité du temps pour permettre à une mère atteinte d’un mal incurable d’accompagner sa fille tout au long de sa vie.

Plus léger mais tout aussi réussi, « Le Fardeau » montre des archéologues étudier une vaste saga épique découverte dans les ruines d’une lointaine planète. Bien que ses habitants aient disparus depuis un million d’années, le poème philosophique continue d’inspirer les Terriens et suscite même l’émergence de nouvelles religions basées sur cette sagesse ancestrale. Mais une jeune femme découvrira la vérité sur ce récit. Un récit très « âge d’or » (on imagine très bien les Grands Anciens comme Asimov ou Clarke tentés par le sujet) à la chute savoureuse.

Dans « Nul ne possède les cieux », un homme commet un sacrilège en disséquant un faucon sacré, ce qui va entrainer le de développer les dirigeables et assurer à son pays la suprématie sur les airs et de nombreuses victoires militaires.

 

La nouvelle uchronique « Une brève histoire du tunnel transpacifique » constitue une autre indéniable réussite avec ce monde qui a choisi, pour échapper à la Grande Dépression, de creuser un tunnel sous le Pacifique, donnant ainsi un emploi aux nombreux chômeurs.

La suite reste globalement de très bon niveau (« Dolly ») avec des interrogations très actuelles, notamment sur la discrimination positive (« Vrais visages » qui prouve l’absurdité de vouloir gommer son genre et son ethnie) mais aussi sur le clonage et les manipulations génétiques dans le but d’engendrer des hybrides humains / animaux (« Animaux exotiques »,) dignes du docteur Moreau. L’auteur parle aussi réchauffement climatique (« Message du berceau » et sa visite d’une Boston engloutie sous les eaux), transhumanisme (« Sept anniversaires » et ses humains débarrassés de leur identité corporelle pour devenir des avatars numériques immortels).

Quoiqu’il utilise des thèmes classiques et n’hésite pas à proposer une SF exigeante et « hard », Ken Liu ne renonce pas, pour autant, à l’émotion et au « sense of wonder », quitte à parfois vouloir « faire pleurer dans les chaumières » (« Dolly », « Animaux exotiques », « La dernière semence »,…). Mais pourquoi y voir un défaut ? La SF ne doit pas être toujours aussi froide que celle de Stephen Baxter ! Avec Ken Liu le lecteur éprouvera un panel d’émotions et de réflexions qui confirment la place de l’auteur chinois au sommet de son art. Si on aime la science-fiction, impossible de ne pas aimer Ken Liu et ce recueil imparable en constitue une nouvelle preuve.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantasy, #Hard Science, #Recueil de nouvelles, #Uchronie, #science-fiction

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Publié le 11 Avril 2021

LES ETOILES MEURENT AUSSI de Christophe Lambert

La collection « Quark Noir », lancée par Flammarion, ne dura qu’un an, entre février 1999 et février 2000. Huit romans furent publiés, écrits par des valeurs sures de la science-fiction ou des étoiles montantes de l’imaginaire francophone : Andrevon, Bordage, Canal, Ayerdhal, Riou, Wintrebert,… Et Christophe Lambert qui s’empare du héros astrophysicien Mark Sidzik. Le projet de la série, assez proche du Poulpe dans sa démarche, consistait à laisser le personnage aux mains d’une série d’auteurs qui devaient imaginer des intrigues dans lesquelles « la science kidnappe le polar ». Nous sommes donc dans un techno-thriller teinté de science-fiction, ou du moins d’anticipation, et saupoudré d’influences cyberpunk et hard-science (mais très abordable !). Groupes industriels tout puissants, lobbies divers, recherche d’une énergie propre (la fusion nucléaire), manipulations diverses,…Sidzil œuvre pour le World Ethics and Research afin que la science garde sa « propreté », à l’abris des bidouillages financiers, politiques, etc. Bref une question toujours (et même davantage !) d’actualité vingt ans après la publication de ce roman, surtout que la découverte d’une potentielle énergie « miraculeuse » comme la fusion nécessite des investissements colossaux. De plus, les répercussions seraient incroyables, en particuliers (mais pas seulement) auprès des producteurs d’autres formes d’énergie. On le voit, les questions posées dépassent largement la naïveté des techno thrillers d’antan (modelés sur James Bond) dans lesquels un savant fou souhaite devenir maitre du monde grâce à une invention révolutionnaire.  

Avec une progression maitrisée, l’auteur plonge son héros au cœur du problème jusqu’à ce qu’il soit pratiquement dépassé par les enjeux de cette course vers la fusion. La documentation nécessaire à l’intrigue est solide, avec quelques pages en postface explicatives, donnant une plus-value pédagogique (au sens large et non péjoratif) au récit qui mêle donc polar, espionnage et anticipation. Quelques notes peuvent amuser : la campagne présidentielle de Cohn-Bendit, sachant que l’affaire est de toutes façons pliées entre Jospin et Chirac (hum !). Il existe également une association mystérieuse surnommée les Watchmen dont les noms des intervenants sont empruntés à la célèbre BD d’Alan Moore. Notons également une visite aux bureaux de SF Mag, lequel était, à cette époque, géré par Flammarion. Mais ça n’allait pas durer. Pas de chance pour les pigistes qui y ont travaillés bénévolement (dont moi-même), nous n’avons jamais connu de bureaux dans la Tour Montparnasse.

En résumé, LES ETOILES MEURENT AUSSI se lit avec plaisir: un bouquin bien mené qui ressuscite avec bonheur certaines conventions du roman populaire d’antan (encore une fois ce n’est pas une critique, bien au contraire il s’agit d’un compliment) mais en leur conférant un rythme plus moderne, plus haletant et cadencé par les cliffhangers et autres twists, aujourd’hui indispensable à garder l’intérêt du public. Les aspects anticipatifs et scientifiques, de leur côté, émaillent l’histoire sans l’alourdir, apportant les informations nécessaires sans noyer le lecteur dans les détails superflus. Bref, du divertissement intelligent tout à fait réussi !

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Publié le 3 Août 2020

LE SULTAN DES NUAGES de Geoffrey A. Landis

Finaliste du Prix Nebula et lauréat du Sturgeon dans la catégorie « roman court », LE SULTAN DES NUAGES s’intéresse, en une centaine de pages, à la colonisation de la réputée infernale et invivable Vénus. Pour s’y établir les Hommes se sont installés dans des villes flottantes sous la domination de  Carlos Fernando Delacroix Ortega de la Jolla y Nordwald-Gruenbaum, jeune homme (environ 12 ans en années terrestre) décidé à trouver une compagne (via le rituel de l’œuf, du livre et de la pierre qui l’autorise à courtiser) et à accélérer la « terraformation » de la planète.

Ecrivain rare et peu publié chez nous, Geoffrey A. Landis a pourtant obtenu pas mal de prix pour ses nouvelles (Asimov, Hugo, Nebula, Locus, Analog,…). Son œuvre traduite se résume a peu de chose mais on trouve deux de ses récits dans les vénérables anthologies « Asimov présente » publiées début des années ’90 chez Pocket. Le texte proposé ici rappelle d’ailleurs les textes de l’âge d’or de la science-fiction, lorsque Clarke imaginait des univers complexe ou qu’Asimov pensait les habitations futures des hommes réfugiés dans LES CAVERNES D’ACIER. Un parfum quelque peu rétro plane donc sur ce court roman.

En effet, LE SULTAN DES NUAGES constitue une plaisante novella qui fonctionne davantage sur les idées que sur les péripéties ou sur l’action : l’auteur prend le temps de nous décrire les curieuses villes volantes vénusiennes et s’attarde longuement sur la pratique du mariage, divisé en « haut mariage » et « bas mariage ». En résumé, un jeune homme épouse une femme plus âgée qui va « l’initier » puis, une fois vieux, il prendra à son tour une jeune épouse pour perpétuer les traditions à la manière d’une « tresse ». L’intrigue mélange donc un côté « hard science » dans ses idées (sans que l’on soit englouti de considérations techniques), quelques touches cyberpunk (pour la prise de pouvoir des mégacorporations et les détails scientifiques), d’anticipation philosophique (au sens large puisque le héros se voit confronté à des modes de vie étrangers et, comme l’aurait dit Farmer, à des « rapports étranges » entre les sexes) et de « sense of wonder » (par cet environnement complètement hostile et pourtant fascinant). Cependant, le tout reste léger : on sent que la ligne narrative constitue un simple prétexte à approcher un environnement et des modes de vie profondément différents. On peut d’ailleurs s’étonner de la réaction du héros qui, confronté aux « mariages tressés » a une réaction bien peu scientifique en les assimilant immédiatement à de la perversion sexuelle, pour ne pas dire à de la pédophilie institutionnalisée. Il est d’ailleurs surprenant qu’il n’ait pas une connaissance, même sommaire, de cette coutume avant de se rendre sur Venus. Passons sur cette facilité narrative qui permet au lecteur de la découvrir en même temps que le principal protagoniste.

Solide et agréable, LE SULTAN DES NUAGES rappelle quelque peu (aussi étonnant que cela puisse paraitre) le dessinateur François Schuiten : l’intrigue proprement dite reste anecdotique et sert simplement de fil conducteur à une exploration très précise des particularités architecturales (et dans une moindre mesure sociétales) d’un univers étonnant. Le grand plan de l’antagoniste se montre d’ailleurs quelque peu survolé et la conclusion, expédiée en deux pages, démontre si besoin que l’important était ailleurs.

Malgré ces bémols, LE SULTAN DES NUAGES demeure une novella agréable et globalement réussie qui permet de passer une ou deux heures d’évasion pour un divertissement intelligent et dans l’ensemble convaincant. Un bon moment si on accepte de fermer les yeux sur les quelques défauts du récit.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Hard Science, #Roman court (novella), #anticipation, #science-fiction

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Publié le 13 Avril 2020

2061 - ODYSSEE III d'Arthur C. Clarke

Clarke semble inspiré par le passage de la comète de Halley qui était le grand événement astronomique du milieu des années ’80. Il se transporte donc près d’un siècle dans le futur pour une aventure spatiale qui rappelle le côté à la fois naïf et didactique de ses premiers romans dits de « la trilogie de l’espace ». Nous sommes donc en 2061 mais Heywood Floyd, maintenant centenaire, est toujours vivant. Un demi-siècle auparavant le Monolithe a transformé Jupiter en un second soleil, rebaptisé Lucifer. Les Hommes ont accès à tous les mondes à l’exception de la lune Europe, territoire décrété interdit par le Monolithe. Evidemment, un vaisseau finit par s’y poser à la suite d’un détournement…

Après une entrée en matière effectuant le lien avec les deux précédents tome, 2061 s’éloigne des aspects métaphysiques et de la recherche d’une Intelligence extra-terrestre pour se recentrer plus classiquement sur un récit d’aventures spatiales agréables mais au fil conducteur des plus ténus. Tout tourne autour d’une véritable montagne de diamants et de ses applications possibles, notamment pour la construction d’un ascenseur spatial. Si le récit s’avère agréable il se montre également un peu trop convenu pour susciter une véritable passion, nous sommes vraiment dans les histoires typiques d’explorations du système solaire saupoudrées de considérations scientifiques, bref une sorte de space opéra teinté de hard science (hard mais très abordable) fort proche des premiers bouquins de Clarke comme LES SABLES DE MARS ou ÎLES DE L’ESPACE.

Les derniers chapitres, repris quasiment sans modification de 2010 (Clarke assume cet auto plagiat dans la postface) font la jonction avec les deux précédentes « Odyssées de l’espace » et les deux ultimes pages nous projettent en 3001 pour un final qui annonce 3001 ODYSSEE FINALE via un cliffhanger réussi et intrigant.

En résumé, 2061 ODYSSEE III constitue un bouquin globalement plaisant, d’une lecture assez facile et agréable mais dont seul une trentaine de pages paraissent réellement connectées aux trois autres volumes de la tétralogie. Les deux cents et quelques pages restantes formant une histoire divertissante mais également un brin décevante.

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Publié le 24 Mars 2020

LES ÎLES DE L'ESPACE d'Arthur C. Clarke

Datant du début des années ’50 (et publié une première fois au tout début de la collection « Anticipation » du Fleuve Noir), ce roman de jeunesse (et pour la jeunesse) de Clarke reste assez représentatif de son style, mélange de sense of wonder (tout est vu par les yeux d’un jeune homme ayant gagné, grâce à un concours, le droit de visiter une station spatiale) et de hard-science abordable, l’auteur ayant manifestement envie de partager son savoir scientifique (aujourd’hui en partie dépassé par les innovations récentes) au plus grand nombre sans devenir rébarbatif pour autant. On mesure l’influence énorme que ce genre de romans a pu avoir, par exemple, sur un Stephen Baxter puisqu’ici aussi ILES DE L’ESPACE se montre fort descriptif et plus intéressé par les faits et gestes quotidiens de ses personnages que par leur caractère ou leur pensée. Le bouquin aligne les péripéties mais sans que celles-ci ne versent dans l’excès spectaculaires, Clarke plaisante même sur l’impossibilité de rencontrer des pirates de l’espace (le coût des vaisseaux rendant sans intérêt la pratique de la piraterie) et nous n’aurons pas droit à de grandes catastrophes, plutôt aux nombreux aléas quotidiens que peuvent rencontrer des astronautes.

L’ensemble se lit donc plaisamment, la durée restreinte (environ 200 pages), ne permettant pas au lecteur de s’ennuyer. Il faudra évidemment passer outre les invraisemblances des prémices ou quelques scènes fort peu crédibles comme cette superproduction hollywoodienne tournée dans l’espace sous les yeux du héros.

Premier volume d’une informelle « trilogie de l’espace », LES ILES DE L’ESPACE fonctionne agréablement et élève quelque peu le « sense of wonder » dans ses dernières pages alors que le héros rencontre des colons établis sur Mars. Après le dur retour à la réalité (et à la terre), le roman se conclut par un vibrant ode à l’espace et à « aller bravement là où l’homme n’a jamais mis le pieds » comme dirait l’autre.

Pas un classique (on est loin des grandes réussites ultérieures de Clarke comme les ODYSSEES DE L’ESPACE ou RAMA) mais un « juvénile » satisfaisant qui se lit avec plaisir.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Hard Science, #Jeunesse, #anticipation, #science-fiction

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Publié le 3 Mars 2020

CERES ET VESTA de Greg Egan

Greg Egan a signé d’excellentes nouvelles de science-fiction tendance Hard Science reprises par exemple dans le recueil AXIOMATIQUE. La collection « Une heure lumière » nous propose ici un texte plus long, une novella (ou roman court, long d’une centaine de pages) au sujet de deux astéroïdes colonisés par l’Homme, Cérès et Vesta. Sur ce dernier se développe peu à peu une haine envers une des classes, les Sivadiers, descendants des colons n’ayant œuvré au bien-être commun « que » par des découvertes et du travail « intellectuel ». Un fait accepté depuis longtemps mais à présent remis en question par la classe gouvernante qui leur impose de payer un impôt de « privilégiés ».

On le devine, l’auteur jongle ici avec les questions de l’exclusion, d’autant que les Sivadiers sont immédiatement reconnaissables et que leurs efforts de résistance ont bientôt des conséquences dramatiques. La futilité de l’origine de la querelle illustre, avec un certain détachement mais aussi une pertinence très actuelle, les mécanismes sociaux et l’effet de meute, faisant immédiatement du roman une parabole assez transparente de l’antisémitisme.

Si le message est efficace et le monde futuriste bien pensé, Egan ne semble pas très à l’aise dans la construction de ses protagonistes, assez schématiques. Leurs actions ne sont pas toujours très crédibles non plus (en particulier pour le personnage de Camille) même si elles restent acceptables d’un point de vue dramatique (et relativement plausibles dans des situations de crise).

Le principal problème réside toutefois dans la construction du récit : celle-ci ne parait pas franchement claire de prime abord et le lecteur peut s’y sentir perdu. L’ensemble est même quelque peu confus avec les changements de point de vue, de lieu, d’époque, ou des concepts pas toujours abordables (du moins sur le moment) comme celui des « surfeurs ». Bref, on ne comprend véritablement les enjeux que durant les dernières pages, non pas en raison de la complexité des notions théoriques mais simplement par la faute d’une construction touffue (ou embrouillée diront les mauvasies langues).

Bref, on sent ici le potentiel d’un récit ambitieux mais peut-être pas complètement abouti. Egan semble assis entre deux chaises entre une nouvelle strictement « d’idées » comme l’auteur s’en est fait le chantre ou, au contraire, un roman plus touffu et creusé au niveau de ses personnages. Le format de la novella (pourtant souvent stimulant pour l’auteur de SF) parait donc, cette fois, inadapté. Trop court ou trop long, CERES ET VESTA se lit sans déplaisir ni véritable implication… Ce qui, pour un auteur d’un tel calibre, s’appelle une déception.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Hard Science, #Roman court (novella), #anticipation, #science-fiction

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Publié le 21 Février 2020

VOYAGE - TOME 1 de Stephen Baxter

Quoique divisé en deux tomes pour des questions de longueur, VOYAGE raconte une histoire unique : à la fin du tome 1 il faudra donc impérativement poursuivre la lecture avec le tome 2. Voici donc un très gros pavé de près de 900 pages dans son édition de poche !

VOYAGE inaugure la « trilogie de la NASA » et célèbre les astronautes décidés à explorer, quel que soit le prix à payer, « l’espace, frontière de l’infini ». La science-fiction y est donc minimale une fois le principe de base établi : JFK a réchappé à sa (tentative) d’assassinat à Dallas et les USA n’ont pas abandonné leurs projets de conquête spatiale. Le vol vers Mars, envisagé dès les années ‘60 par la Nasa, n’a pas été mis de côté par Nixon, contrairement aux sondes spatiales inhabitées et à la navette réutilisable.

Nous allons donc suivre la grande aventure de ces héros qui partent vers la planète rouge la tête remplie de la prose de Wells, Clarke, Bradbury, Heinlein et les autres. Baxter choisit deux trames pour illustrer son propos : la première s’intéresse à la réalisation proprement dite du projet avec les magouilles politiques (on parle par exemple de la « marre aux requins de la politique de la Nasa »), les jeux d’influence et de pouvoir, la sélection des astronautes puis leur entrainement, etc. Sans oublier les aspects économiques et le souhait de ménager l’électeur pour qui tout ça ne sert pas à grand-chose, excepté à planter un drapeau sur un tas de poussière à des millions de kilomètres.

La seconde ligne narrative prend place à bord de la fusée Arès ave le quotidien des astronautes finalement choisis pour ce voyage de deux ans (avec seulement un petit mois sur la planète rouge…mais ce premier tome ne nous permet pas encore de nous y poser).

VOYAGE pourrait sans doute donner lieu à une bonne série TV tant Baxter en reprend les éléments clés (avant que ceux-ci ne deviennent la norme scénaristique) : vaste intrigue générale et multitude de petites sous-intrigues, plus personnelles, avec le parcours des différents protagonistes.

Beaucoup de personnages sont ainsi conviés à l’aventure : astronautes, responsables de projet, scientifiques, ingénieurs, etc. On s’y perd parfois et certains passages, très techniques (mais parfaitement abordables contrairement à d’autres romans hard-science où interviennent des notions très pointues), peuvent ennuyer un brin par leur jargon et leur précision maniaque sur chaque détail du projet, accompagnés de nécessaires mais parfois lourdes notes de bas de page.  

L’auteur de focalise davantage sur ces trois astronautes : Phil Stone, Ralph Gershon et Natalie York. Avec quelques classiques de la narration pour compenser le côté très froid et documentaire du récit : les relations extraconjugales et les hésitations sentimentales de son héroïne, Natalie York, géologue décidé coute que coute à poser le pied sur Mars même si elle doit, pour cela, sacrifier dix ans de sa vie. On comprend aussi les difficultés quotidiennes de la vie d’un astronaute : chaque petits gestes devient une bataille à mener (prendre sa douche, manger, aller aux toilettes, dormir,…). Ca ne donne pas franchement envie de s’embarquer et Baxter, bien qu’épaté par l’entreprise titanesque décrite, semble questionner la futilité d’un tel vol habité. Il faut attendre près de 400 pages pour que la tension monte d’un cran avec les défaillances d’une capsule Apollo N. Le roman prend alors, durant quelques dizaines de pages, les allures d’un récit catastrophe à la « Apollo 13 » (ou aux « Naufragés de l’espace » pour les plus vieux)

Linéaire dans son déroulement (en dépit des deux époques envisagées), VOYAGE convie le sense of wonder pour une expédition réaliste qui pourrait constituer la suite du grand film « L’étoffe des héros ». On peut cependant estimer que le roman aurait gagné à se voir élaguer d’une bonne centaine de pages pour le rendre plus digeste.

En dépit d’évidentes longueurs et de scènes un brin fastidieuses (un défaut aggravé par le côté technique des descriptions, associé à un style d’écriture purement fonctionnel), ce premier tome s’avère suffisamment intéressant pour donner envie de poursuivre le voyage. Peut-être pas vers l’infini et au-delà mais au moins jusqu’aux montagnes martiennes…et au tome 2.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Hard Science, #anticipation, #Uchronie, #science-fiction

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