hard science

Publié le 18 Janvier 2019

DANS LA GUEULE DU DRAGON de Laurent Genefort

Publié au Fleuve Noir, voici un plaisant space opéra de la part d’un Genefort encore relativement débutant (ayant début fort jeune il avait déjà du métier) qui propose un mélange de hard science et de sense of wonder bien équilibré.

Nous suivons un enquêteur d’élite, Jarid Moray, au service d’une gigantesque entreprise, la Semeru. Jarid doit rétablir l’ordre lorsque les troubles menacent et, justement, la situation se détériore sur Muspellsheim, une planète de lave, véritable enfer en fusion. Celui-ci abrite pourtant une colonie humaine établie sur l’île artificielle d’Ymir qui navigue, telle un navire, sur les flots bouillonnants. Deux gouverneurs ont déjà été assassinés et Jarid doit résoudre ce mystère afin d’éviter le pire.

A la manière de certains Brussolo, DANS LA GUEULE DU DRAGON part d’une idée en apparence délirante (une colonie humaine qui vit – ou survit – sur une boule de lave inhospitalière à l’extrême) mais Genefort, contrairement à son confrère aimant s’enfoncer dans l’excès, parvient au contraire à la crédibiliser.

Déjà solidement rôdé et conseillé par des experts (d’ailleurs remerciés en fin de volume) scientifiques, l’auteur s’appuie sur des données scientifiques vraisemblables. Il rend ainsi son récit intéressant et crédible en lui conférant un background rigoureux qui plonge volontiers dans une hard science efficace sans devenir inutilement pesante ou exagérément didactique. Limité par les contraintes du Fleuve Noir, l’écrivain ne peut sans doute pas s’appesantir autant que souhaité sur son univers mais cela lui permet de garder un rythme soutenu et d’éviter les disgressions qui rendent certains romanciers de hard-science parfois peu digeste pour quiconque ne possède pas un doctorat en physique. Genefrot adopte ici une construction façon polar qui maintient l’intérêt du lecteur et soigne la caractérisation de ses protagonistes et les implications géopolitiques. Cependant ce sont surtout les descriptions, assez incroyables et vertigineuses, de cet environnement brûlant qui concourent à l’originalité et à la réussite du livre.

Si Genefort n’avait pas encore donné sa pleine mesure, il prouvait déjà avec ce DANS LA GUEULE DU DRAGON sa maitrise des codes du space opera, du polar science-fictionnel et de la hard science, faisant de lui, à moins de 30 ans, un des grands espoirs de la SF française. Un bon divertissement intelligent et un bon « Fleuve Noir »… même si on n’aurait pas craché sur une version plus longue (pour une fois !) d’une centaine  de pages afin d’explorer davantage ce « dragon ».

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Publié le 4 Décembre 2018

SINGULARITE de Stephen Baxter

Ce roman de Stephen Baxter, écrit en 1992, s’inscrit dans sa vaste histoire du futur, le cycle des Xeelees. Il s’agit d’un neo space opéra mêlant l’aventure spatiale à des considérations philosophiques et scientifiques ardues héritées de la hard science et empruntant également aux interrogations technologiques sur le devenir de l’homme souvent évoqué dans le cyberpunk. On y retrouve donc logiquement la notion de « singularité » théorisée par Vernon Vinge qui veut (en résumé et en gros traits) que l’intelligence artificielle entraine un emballement des progrès techniques et une déshumanisation progressive de l’Homme. L’évolution technique deviendrait si rapique que l’humanité, en très peu de temps, serait incapable de la maitriser voir même de la comprendre.

Dans SINGULARITE, le roman, Baxter imagine des trous noirs envoyé dans l’avenir pour créer des passages temporels mais tombant dans un futur où l’humanité vit sous la coupe des Qax. Un autre vaisseau, celui des Amis de Wigner, plonge dans le passé pour transformer Jupiter et frapper les Qax dans ce passé tandis qu’un Qax venu d’un futur où l’humanité a triomphé de l’envahisseur grâce à un certain Bolder vient compliquer la situation…

Paradoxes temporels, univers potentiels ou alternatifs, singularités diverses,…Pas de doute, Baxter joue dans la cour des férus d’hard-science et ceux qui se sont senti perdus devant des films comme « Looper », « L’armée des 12 singes » ou « Retour vers le futur » risquent de devoir consommer un tube entier d’aspirines pour arriver au terme de ce roman pourtant relativement (relativement est important car la lecture s’avère ici quelque peu ardue sans toutefois être indigeste) court.

Par sa longueur acceptable (300 pages) et son mélange de passages hard-sciences pas toujours aisés d’accès et de science-fiction plus « grand public », SINGULARITE demeure une porte d’entrée conseillée dans l’univers d’un des auteurs majeurs de la SF contemporaine. On peut buter sur des descriptions ou des séquences rébarbatives pour le non scientifique tout en se laissant prendre à la vision véritablement cosmique et grandiose du romancier qui apporte, en dépit de son aspect complexe, un véritable plaisir à l’amateur de science-fiction ambitieuse non dénuée d’un réel « sense of wonder ».

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Hard Science, #Space Opera, #science-fiction

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Publié le 23 Novembre 2018

ANTi-GLACE de Stephen Baxter

Roman steampunk et uchronique, ANTI-GLACE débute de belle manière : en pleine guerre de Crimée les Anglais utilisent une nouvelle arme de destruction massive, l’anti-glace, laquelle met un terme brutal au conflit à la manière d’Hiroshima un siècle plus tard. Après cette démonstration dévastatrice, le fabuleux matériau n’a plus connu d’utilisation militaire mais suffit à assurer la suprématie de l’Angleterre sur le reste du monde. Cependant, d’autres conflits ne peuvent être évités. La Prusse s’apprête ainsi à entrer en guerre contre la France. De son côté, Ned Vickars, jeune diplomate anglais, se voit chargé de couvrir l’exposition universelle de Manchester, en 1870. Il y rencontre Françoise, une jeune Française dont il tombe amoureux, puis part pour la Belgique où il fait la connaissance de Sir Traveller, grand spécialiste de l’anti-glace et inventeur de génié. Hélas un attentat mené par un révolutionnaire franc-tireur le précipite aux côtés de l’inventeur, dans un vaisseau spatial, vers la lune et sans espoir de retour.

Délaissant (en partie) la hard-science, Stephen Baxter se lance dans l’aventure uchronique mais sans se départir de tous ses tics. Ainsi, il explique de manière scientifique (ou du moins plausible) une rocambolesque intrigue rendant un hommage appuyé à Jules Verne et H.G. Wells, là où les auteurs précités restaient flous sur les moyens d’atteindre la lune (le célèbre boulet de canon de Verne), Baxter tente de crédibiliser son récit.  Malheureusement, tout cela n’est pas toujours très passionnant : les discussions pseudo savantes alourdissent cet ANTI-GLACE qui eut gagné à verser plus volontiers dans le merveilleux.

L’auteur y ajoute en outre des palabres politiques, notamment des considérations sociales ou des discours sur l’anarchisme, qui paraissent tomber comme des cheveux dans une soupe parfois indigeste. Le rythme reste cependant soutenu (le bouquin fait moins de 300 pages) mais ne parvient pas toujours à maintenir l’intérêt…Paradoxalement, le cœur du livre (le voyage spatial qui en occupe une bonne moitié des pages) s’avère beaucoup moins intéressant que l’introduction et la conclusion, lesquelles possèdent une ampleur plus importante et se montrent plus imaginative dans leur recréation uchronique.

Au final, cette anti-glace s’avère un simple prétexte pour permettre un voyage vers la lune alors qu’on eut aimé voir Baxter développer davantage le côté uchronique et les avancées technologiques rendues possibles par ce nouveau matériau fabuleux.

Un titre relativement divertissant et facile d’accès (loin des gros pavé hard SF ultérieurs de Baxter) mais malheureusement seulement à demi convaincant.

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Publié le 5 Octobre 2018

STARPLEX de Robert J. Sawyer

A la lecture de la quatrième de couverture (et, a fortiori, du titre) on pense immédiatement à « Star Trek ». Et, effectivement, on retrouve dans ce roman quelques thématiques proches des voyages de l’Enterprise. On y trouve également des dauphins intelligents devenus auxiliaires des humains dans l’exploration spatiale ce qui rappelle, évidemment, la saga de l’ELEVATION de David Brin. Le thème des portes spatiales créées par une race disparue et permettant de voyager d’un point à l’autre de l’univers évoquera, de son côté, LA GRANDE PORTE de F. Pohl ou pour les plus jeunes (mais plus tant que ça) le film et la série « Stargate ».

L’intrigue générale, pour sa part, navigue entre space opera et hard science sans négliger des passages plus ardus imprégnés d’un mélange de philosophie et d’extrapolations scientifiques pas toujours aisé à digérer. L’aventure, néanmoins, est présente et, une fois encore, rappelle « Star Trek » puisque le vaisseau spatial, censé maintenir la paix, va se trouver malgré lui au cœur d’un conflit. L’auteur décrit également une foultitude de créatures bizarres forcées de cohabiter dans le Starplex.

Au cours du XXIème siècle l’humanité a découvert un réseau de trous de vers, dénommés transchangeurs, qui permettent de voyager à travers les étoiles. Une base terrienne a été construite près du transchangeur le plus proche, à proximité de l’étoile Tau Ceti. Cela a permis à l’humanité de découvrir deux espèces extra-terrestres, les Walahulds et les Ebis. En 2094, le Starplex, dirigé par le commandant Lansing découvre d’immenses sphères constituées de matière noire capables de passer à travers les transchangeurs. Peu après des vaisseaux waldahuds attaquent le starplex.

Du bon et du moins bon dans ce roman : le capitaine Lansing est plutôt sympathique et joue le mimétisme avec James T. Kirk : un quadragénaire en pleine « midlife crisis » à la libido développée. L’intrigue, pour sa part, fonctionne agréablement mais hésite entre une SF « sérieuse » et une SF plus légère, le tout donnant souvent l’impression (voulue ?) d’un épisode de « Star Trek » revisité façon hard science. Ou, pour les moins réceptifs, d’un space opéra plaisant mais encombré d’explications scientifiques pesantes et incompréhensibles aux non-initiés. Le lecteur se permettra donc de survoler certaines scènes pour apprécier davantage un roman intéressant mais rarement passionnant que l’on qualifiera donc de « moyen ». Comme hommage à Gene Roddenberry STARPLEX reste cependant largement plus réussi que l’imbuvable RED SHIRTS.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #science-fiction, #Space Opera, #Hard Science, #Star Trek

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Publié le 5 Juillet 2018

2010 - ODYSSEE 2 d'Arthur C. Clarke

Avec cette suite tardive (près de vingt ans se sont écoulés) au roman (et surtout au film puisque l’auteur se base – étonnamment - sur ce-dernier et non pas sur sa version littéraire légèrement différente et surtout fort occultée), Arthur C. Clarke nous ramène dans les étoiles pour un nouveau contact avec les extra-terrestres.

En 2010, le docteur Heywood Floyd, à bord du vaisseau spatial russe Leonov, file vers Jupiter dans le but de rejoindre le Discovery afin de remettre en état l’ordinateur Hal 9000, responsable de l’échec de la mission précédente. Floyd et ses collègues doivent également étudier un immense artefact alien, réplique gigantesque du fameux monolithe noir découvert sur la lune neuf ans auparavant. Mais un événement cosmique d’une ampleur sans précédent s’apprête à avoir lieu…

Plus classique, plus linéaire et conforme aux attentes des lecteurs férus d’explorations spatiales que le précédent volet, 2010 ODYSSEE 2 se montre également – et logiquement – plus explicatif sur les événements décrits. Au risque, parfois, de se montrer ennuyeux, notamment lors du très descriptif chapitre consacré au retour de l’enfant des étoiles Dave Bowman. Clarke reprend également des théories classiques (celle, par exemple, des « Ingénieurs » venus ensemencer la Terre, idée reprise ensuite dans le film « Prometheus ») et les développe avec une certaine lourdeur.

Le premier roman apparaissait déjà plus explicatif que sa version cinématographique aussi n’était-il sans doute pas nécessaire d’en reprendre de longs passages et d’y ajouter encore une nouvelle couche d’éclaircissements. Le lecteur est ainsi pris par la main, comme si Clarke craignait de le désorienter…étrange tant la lecture de 2001 ODYSSEE DE L’ESPACE rendait déjà limpide les passages les plus abscons du film de Kubrick. Bref, cette deuxième odyssée n’apporte finalement pas grand-chose à la mythologie établie par Clarke. Toutefois, le tout se lit sans ennui : reste, heureusement, de jolies scènes qui plongent le lecteur dans l’immensité spatiale et lui offrent l’émerveillement souhaité. Reste aussi un final intéressant où l’humanité – minuscule en regard de l’immensité de l’univers – se confronte à une puissance si étrangère qu’elle apparait forcément comme divine et omnipotente.

Une adaptation cinématographique très réussie et sous-estimée (car sans cesse comparée au Kubrick) vit le jour en 1984, ajoutant un élément important de tension, à savoir la menace d’une guerre nucléaire mondiale entre la Russie et les Etats-Unis. Par contre, les tentatives chinoises pour prendre de vitesse les deux super puissances en envoyant vers la planète géante leur propre vaisseau seront, elles, élaguées. De plus, le long-métrage supprimera les problèmes conjugaux d’Heywood et sa rupture avec son épouse restée sur Terre, rendant l’ensemble plus tendu tout en proposant, en outre, de fabuleuses scènes spatiales aux effets spéciaux encore magnifiques après plus de trois décennies. Bref, le scénario de 2001 se reproduit avec cette séquelle : un roman honnête et plaisant transcendé par son adaptation pour les salles obscures.

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Publié le 27 Mars 2018

RENDEZ-VOUS AVEC MEDUSE d'Arthur C. Clarke

Cette novella d’Artur C. Clarke, originellement publiée dans Playboy, remporta en 1972 le Nebula Award. Bien plus tard, en 2016, Alastair Reynolds et Stephen Baxter lui donnèrent une suite, sous forme de roman, avec THE MEDUSA CHRONICLES.

Howard Falcon est le capitaine d’un nouveau dirigeable expérimental, le Queen Elizabeth IV, qui, tel le Hindenburg un siècle et demi plus tôt, s’écrase lors de son vol d’essai au-dessus du Grand Canyon. Falcon, grièvement blessé, demande, quelques années plus tard, à explorer l’atmosphère de Jupiter. L’expédition découvre ainsi l’existence d’étranges formes de vie, des sortes de raies-mantas et une gigantesque créature ressemblant à une méduse.

Clarke joue ici la carte du mystère et de l’étrangeté : comment aborder l’atmosphère jovienne qui semble, par essence, impossible à explorer de manière conventionnelle ? Le romancier plonge le lecteur dans les nuages chargés de gaz, au cœur des tempêtes électriques, et le guide vers la découverte d’une forme de vie radicalement différente, tout comme il le fera plus tard dans son classique RENDEZ VOUS AVEC RAMA.

Certains passages de la nouvelle annonce aussi les différentes séquelles données par Clarke à son fameux 2001 et, en particulier, l’excellent 2010 écrit une dizaine d’années après ce RENDEZ VOUS AVEC MEDUSE.

Le récit mélange avec un certain bonheur hard science (Clarke décrit avec soin l’équipement nécessaire à ce voyage vers Jupiter) et sense of wonder (les extra-terrestres sont très originaux) tout en y ajoutant quelques touches plus spéculatives sur le devenir de l’homme lors d’une conclusion surprenante empreinte de questionnement un brin philosophique.

Récompensée par le Nebula, voici donc un court roman (également connu sous le titre FACE A FACE AVEC MEDUSE) de belle tenue qui se lit avec beaucoup de plaisir et d’émerveillement. Une réussite supplémentaire pour celui qui fut, sans contestation possible, un des plus grands auteurs de science-fiction du XXème siècle.  

 

Publiée dans de nombreuses anthologies, la novella se retrouve forcément dans la très copieuse INTEGRALE DES NOUVELLES dont nous reparlerons ultérieurement.

Publiée dans de nombreuses anthologies, la novella se retrouve forcément dans la très copieuse INTEGRALE DES NOUVELLES dont nous reparlerons ultérieurement.

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Publié le 1 Mars 2018

COOKIE MONSTER de Vernor Vinge
COOKIE MONSTER de Vernor Vinge

Vernor Vinge a déjà reçu deux fois le prix Hugo pour ses monumentaux space opéra UN FEU SUR L’ABIME et AUX TREFONDS DU CIEL. En 2004, il obtient à nouveau la récompense enviée du meilleur roman mais, cette fois, dans la catégorie du « roman court ». COOKIE MONSTER, en une centaine de pages, s’avère donc une belle manière de découvrir cet auteur phare de la science-fiction contemporaine.

Nous suivons la vie, pas toujours folichonne, de Dixie Mae, laquelle vient d’être engagée au service-client de la plus grosse compagnie de nouvelles technologies de la Silicon Valley, Lotsa Tech. Cependant, rapidement, elle reçoit un courriel agressif contenant de nombreux détails intimes qu’elle seule peut, en théorie, connaitre. En compagnie de son collègue Victor, la jeune femme part à la recherche de l’auteur du mystérieux message et découvre une réalité incroyable.

Récit hard science mâtiné de cyber punk (ou vice-versa), COOKIE MONSTER s’avère étonnamment abordable et digeste en dépit des thématiques scientifiques ardues abordées. Revisitant les contes de fées (ALICE AU PAYS DES MERVEILLES et LE MAGICIEN D’OZ en particulier) en les plongeant dans un bain de technologies, d’anticipation et d’intelligence artificielle, Vinge offre un tableau très crédible et prophétique d’un futur déshumanisé qui semble, plus que jamais, terriblement proche.

L’auteur jongle ainsi avec divers concepts et ouvre des perspectives philosophiques certes classiques (un amusant dialogue – à coup de référence à des textes science-fictionnels antérieurs plus ou moins célèbres - démontre d’ailleurs que l’idée n’est pas neuve) mais toujours pertinentes qui visent, au final, à définir l’humain.

La question éternelle du cyberpunk (y a-t-il un ghost in the machine ?) sous-tend ce texte à la fois rythmé, divertissant et profond qui rappelle à la fois l’excellent roman SIMULACRON 3 et la trilogie « The Matrix », pour ne citer que deux références bien connues des amateurs. Mais Vinge aborde aussi les thèses transhumaniques ou se réfère à la théorie de Moore (laquelle postule un doublement de la puissance des ordinateurs tous les 18 mois) qui conduisent certains à penser que, dans moins de 20 ans, l’intelligence artificielle aura définitivement pris le pas sur l’Homme.

En dire davantage ruinerait une partie des surprises proposées par ce récit court mais diablement intelligent et ponctué de diverses révélations jusqu’à une fin à la fois ouverte et vertigineuse. Ajoutons que Vinge donne plus de profondeur à son intrigue et de consistance à ses personnages en 100 pages que certains romanciers en plusieurs centaines. Bref, COOKIE MONSTER est hautement conseillé pour deux heures de grande science-fiction ! Un prix Hugo (pour une fois !) incontestablement mérité.

COOKIE MONSTER de Vernor Vinge

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Publié le 2 Octobre 2017

LE GEOMETRE AVEUGLE de Kim Stanley Robinson

Kim Stanley Robinson fait partie des valeurs sures de la science-fiction actuelle. On lui droit quelques « briques » comme son imposante CHRONIQUE DES ANNEES NOIRES (une superbe uchronie) ou sa fameuse trilogie dédiée à la planète MARS qui récolta de nombreux prix prestigieux (Hugo, Nebula, Locus et British Science-fiction).

Ce recueil se compose d’une novella (« Le géomètre aveugle ») et de sept nouvelles plus courtes pour un total de 320 pages.

« Le Géomètre aveugle » s’intéresse à Carlos, un aveugle passionné de mathématique qui a transformé son handicap en avantage dans le domaine de la géométrie à n dimensions. Il prend contact avec Marie, une jeune femme aux propos peu cohérents, et soupçonne les services secrets de surveiller leurs échanges verbaux. Il entame une relation amoureuse avec Marie mais comprend également qu’il est manipulé par le gouvernement…La nouvelle se base explicitement sur un théorème élaboré au XVIème siècle par le mathématicien français Girard Desargues et considéré comme la base de la géométrie projective. Si tout cela parait complexe ou même obscur (références mathématiques, « name dropping » de compositeurs de musique expérimentale, etc.), l’intrigue se suit aisément. Kim Stanley Robinson privilégie l’histoire d’amour, agrémentée d’une trame d’espionnage pas franchement originale mais efficace, pour accoucher d’une novella réussie justement récompensée par le Prix Nebula et nominée pour le Hugo et le Locus.

Les autres nouvelles abordent des thèmes divers. Sans les citer toutes, mentionnons l’intéressant « Les lunatiques », une histoire assez longue (plus de quarante pages) consacrée au calvaire des mineurs extrayant, de la lune, un métal indispensable aux Terriens. La science-fiction s’y trouve réduite au minimum (le contexte) pour privilégier un récit dystopique particulièrement sombre (au propre comme au figuré) sur l’esclavage moderne.

Autre nouvelle relativement longue, « Au retour de Rainbow Bridge » développe, sur cinquante pages, une jolie intrigue saupoudrée d’une pincée de fantastique. L’irrationnel se montre, en effet, discret dans cette balade accomplie autour du Rainbow Bridge, un pont rocheux naturel situé en Utah et considéré par les Amérindiens comme un lieu sacré. Le narrateur y entre en contact avec le mysticisme et à la vie sauve grâce à l’intervention providentielle d’un sorcier indien. Une lecture agréable.

Après le tableau dépressif et à peine prospectif que constitue le peu convaincant « Crève la faim en l’an 2 000 », nous arrivons à une plaisante uchronie, « Leçon d’histoire » au sujet de cinéastes occupés, sur la lune, à proposer de nouvelles versions d’anciens classiques du cinéma et de la télévision. La question centrale, proposée au lecteur, consiste à savoir si deux ou trois grands Hommes « font l’Histoire » où si celle-ci est plus globale, autrement dit moins dépendante des actes de l’un ou l’autre individu servant de modèle héroïque au plus grand nombre. Une interrogation traditionnelle qui divise philosophes et historiens depuis des siècles. Peu à peu nous apprenons les divergences entre ce monde et le nôtre : la crise des otages à Téhéran s’est réglée différemment, Carter a été réélu, une femme a sauvé John Lennon des balles de son assassin, etc. Les cinéastes s’interrogent également pour savoir si la « vérité doit absolument correspondre à la réalité » (des événements). Une belle réussite de la science-fiction spéculative bien sûr davantage soucieuse de questionnement que d’action pétaradante.

Le dernier récit, « la meilleure part de nous-même » mélange science, rationalisme et religion. L’auteur propose une relecture des textes évangéliques sans que l’on puisse toujours comprendre où il veut en venir ou quelle est sa position sur les sujets abordés, notamment l’inévitable opposition entre la foi (les miracles) et le rationnel (Jésus était-il un extraterrestre détenteur d’une technologie évoluée ?). Des questions encore une fois intéressantes mais un récit, cette fois, seulement à demi convaincant.

Au final, ce recueil laisse une impression mitigée (qui penche cependant vers le positif) mais demeure une bonne manière d’aborder la production, personnelle et originale, d’un auteur majeur de la science-fiction actuelle.

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Publié le 23 Juin 2017

RENDEZ-VOUS AVEC RAMA d'Arthur C. Clarke

Publié en 1973, ce roman demeure l’un des plus célèbres de Clarke, couronné par une foultitude de prix : Hugo, Nebula, John Campbell Award, Locus, etc. Un véritable classique qui se relit avec plaisir plus de quatre décennies après sa sortie.

Après la destruction quasi-totale de l’Italie par un astéroïde en 2077, un centre de crise destiné à prévenir de telles catastrophes est établi. Cinquante années plus tard, alors que l’espèce humaine a colonisé la Lune, Mars, Mercure et divers satellites des principales planètes, un gigantesque artefact extra-terrestre est repéré en approche du système solaire. Baptisé Rama, ce vaisseau de 50 km de long et 20 de diamètre, devient le centre de toutes les attentions. L’équipage de l’Endeavour, un vaisseau spatial terrien, se voit chargé de l’explorer. Pendant ce temps, sur Terre, les ambassadeurs des différentes colonies réagissent différemment à cette situation inédite.

La principale innovation de Clarke est de proposer une approche réaliste (si tant est qu’on puisse employer ce terme dans le cadre d’une œuvre de science-fiction) du fameux « premier contact » avec une intelligence extra-terrestre. Dans la SF primitive de l’Age d’Or (et même ensuite), les aliens se montraient généralement sous une apparence humanoïde et ne différaient de l’Homme que par la taille ou la couleur de peau. D’où les « petits hommes verts » qui firent le beau jour des pulps et des séries B. Ces extra-terrestres avaient, en outre, le bon goût de parler anglais ou, lorsqu’ils baragouinaient un improbable idiome, un petit coup de traducteur universel permettait de les comprendre sans la moindre difficulté. Clarke, pour sa part, imagine une vie extra-terrestre si radicalement étrangère qu’il est pratiquement impossible de la concevoir avec un mode de pensée humain.

Certes, le thème n’est pas complètement neuf puisqu’il avait été abordé par Fritz Leiber dans son VAGABOND (Prix Hugo 1965). Par la suite d’autres romanciers se pencheront sur le sujet : John Varley avec sa trilogie de GAIA, Robert Reed avec LE GRAND VAISSEAU, Greg Bear avec la saga EON, Larry Niven avec L’ANNEAU MONDE. Mais Clarke a peut-être livré le livre définitif sur le thème. Il condense son récit en 250 pages là où bien des écrivains actuels auraient dilaté l’intrigue sur plusieurs tomes (notons cependant que Clarke, en collaboration avec Gentry Lee, poursuivra le cycle avec trois séquelles avant que Lee seul ne poursuive l’aventure pour deux autres romans) et confère un bon rythme à cette histoire. Pas de temps à perdre, nous sommes directement plongés dans l’intrigue et, après quelques courts chapitres, l’exploration de Rama débute. Car ce vaisseau inconnu ne tardera pas à repartir dans les profondeurs spatiales et les humains ont peu de temps devant eux pour en percer les mystères.

Vu l’abondance de chroniques positives et le nombre de prix reçu par RENDEZ VOUS AVEC RAMA permettons nous quelques critiques minimes : le roman est essentiellement descriptif et manque un peu d’action (quoique le dernier acte se montre davantage alerte en usant d’un procédé classique à savoir la possible destruction de Rama par un tir de missile). Comme la plupart des œuvres de Clarke, il s’agit surtout de hard science et les personnages restent peu développés en dépit de quelques traits intéressants tel le double mariage du principal protagoniste. Toutefois, le bouquin gagne des points en jouant la carte du bon vieux « sense of wonder » via l’exploration de ce vaisseau où tout, de l’architecture à la physique en passant par les formes de vie, s’avère complètement différent et étranger aux perceptions humaines. Clarke se gardera bien d’ailleurs d’explications qui n’auraient pu que décevoir : au final le lecteur n’en saura guère plus sur Rama ou ses concepteurs. La morale, simple, est tout simplement que ces-derniers se fichent de ces humains présomptueux s’étant imaginé être le centre d’attention des habitants de l’univers. Et la fin ouverte, dans sa simplicité (la dernière phrase), démontre l’efficacité du romancier. Un incontournable de la science-fiction.

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Publié le 7 Juin 2017

CHANTS DE LA TERRE LOINTAINE d'Arthur C. Clarke

Arthur C. Clarke reste une institution de la science-fiction, doublement récompensé par le Hugo et le Nebula (pour RENDEZ VOUS AVEC RAMA et LES FONTAINES DU PARADIS), créateur de la saga des « Odyssées de l’espace » (se composant de la suite 2001, 2010, 2061 et 3001). Comme d’autres romans de l’écrivain (notamment le célèbre 2001), celui-ci se base sur une nouvelle datant de 1958 jadis publiée dans le recueil L’ETOILE. Près de 30 ans plus tard, Clarke développe l’idée pour en tirer un scénario jamais tourné et, finalement, ce roman nostalgique, sorte de space-opera apaisé (ni combats spatiaux ni guère d’action dans ce récit centré sur les personnages et leurs sentiments) teinté de philosophie.

Alors que la Terre se meurt, un million de colons sont envoyés, cryogénisés, dans l’espace à bord du vaisseau Magellan afin d’atteindre un nouveau monde très lointain, Sagan Deux. Les voyageurs effectuent une longue escale sur la planète océanique Thalassa afin de réparer le bouclier de glace protégeant leur vaisseau. Sur Thalassa, les Terriens rencontrent d’autres colons, envoyés précédemment par la terre sous forme d’embryon à bord d’un « vaisseau semeur ». La colonie s’est développée et a pris l’apparence d’un petit paradis libertaire préservé des superstitions, de la religion et, pour l’essentiel, de la violence. Parmi l’équipage du Magellan, beaucoup s’interrogent sur le bien-fondé de leur mission et se demandent s’il ne serait pas plus simple de stopper l’exil et de s’installer sur Thalassa. D’autant que certains membres de l’équipage nouent des liens intimes avec les locaux.

La vision future de Clarke est apaisée, voir tranquille, en dépit de l’aspect dramatique et inéluctable de la mort annoncée de la Terre suite à la transformation du Soleil en nova). D’ailleurs, même en sachant la Terre condamnée, chacun poursuit sa vie comme si de rien était. Après tout, qui se soucie de ce qui surviendra dans une cinquantaine de générations ? « On aurait pu penser que, à mesure que la nouvelle fuirait et répandrait lentement, l’annonce de la fin du monde provoquerait une certaine panique. Au contraire, la réaction générale fut d’abord un silence de stupeur, suivi d’un haussement d’épaules indifférent et de la reprise du train-train quotidien. »

Le romancier quitte donc, avec quelques regrets mais sans vrai chagrin, cette planète agonisante pour une colonie édénique qui s’est débarrassée de la religion, tout comme des textes sacrés (« on ne pouvait leur permettre de réinfester des planètes vierges avec les anciens poisons des haines religieuses ») et du surnaturel. La population, que l’on pourrait qualifiée de hippie, vit une existence paisible, connait une (bi)sexualité libérée et heureuse. A vrai dire, il ne se passe pas grand-chose dans ses CHANTS DE LA TERRE LOINTAINE contemplatif : le début de mutinerie est vite avorté et la rencontre avec des créatures extraterrestres à peine évoquée. Pourtant, la science de Clarke rend l’ensemble très plaisant à lire et jamais ennuyeux quoique le romancier ne se soucie aucunement de générer un quelconque suspense ou de proposer un cliffhanger haletant en fin de chapitre. Le tout s’apparente surtout à une sorte de légende des temps futurs, un récit chaleureux, dans lequel la hard science revendiquée par l’auteur (qui refuse les facilités du voyages transluminiques et se pique de proposer une œuvre rigoureuse et crédible) voisine avec un humanisme naïf et une certaine poésie assez inhabituelle chez lui. On peut toutefois regretter que le romancier n’aille pas au bout de son pitch de départ et ne fasse que survoler son sujet sans trop se préoccuper des enjeux

En quittant sa zone de confort, Clarke n’a pas livré son chef d’œuvre mais il propose cependant un bon roman de science-fiction (qu’il considérait comme son préféré), aux thèmes intéressants qui assure l’essentiel : réflexion et dépaysement.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #anticipation, #science-fiction, #Arthur C. Clarke, #Hard Science

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