Publié le 28 Juin 2021
Serge Jacquermard (1928 – 2006) débute sa carrière au début des années ’70 et devient rapidement un pilier du Fleuve Noir. Il publie beaucoup dans les collections phares, la « Spéciale Police » et « Espionnage » avec des titres qui donnent immédiatement envie : SAFARI SANG ET SEXE, MARIAGES BLANCS ET GARCES JAUNES, ESPIONS SECTION SEXE, EN SOUVENIR D’UN BORDEL SS. En 1980, il lance sa propre saga, celle des « Flics de choc » (qui sera adapté au cinéma dans un petit polar gentiment crapuleux typique des années ’80 au niveau sexe et violence). Là aussi, les titres annoncent la couleur : LA MARQUISE DU SEXE, CINE PORNO, PUTES CONNECTION, SEXO MANIAQUE, etc. Il endosse également, en 1987, l’identité fluctuante de Paul Kenny pour poursuivre jusqu’à son terme (à la fin des années ’90) les aventures de l’agent secret Francis Coplan.
TU EN VOMIRAS TES TRIPES est donc un des nombreux volumes des « Flics de choc » et on y retrouve une intrigue particulièrement invraisemblable et délirante. Donc bis et marrante. Parce que les polars de gare traditionnels et sans surprise c’est sympa deux minutes mais ensuite le lecteur en veut davantage. Et donc ici il se trouve confronté à deux intrigues qui, forcément, finiront par se rejoindre. Mais après beaucoup de circonvolutions improbables. D’un côté un truand à l’ancienne, du genre « ni arme ni haine ni violence », surnommé Maestro, cherche à monter un braquage dans une riche propriété. Mais pour cela il lui faut un expert en coffre-fort et le meilleur est pour le moment en prison. Qu’à cela ne tienne, il envisage de le faire évader. Or, son avocate, tombée amoureuse du voyou, a d’autres ambitions : le bonhomme ira au bout de sa peine et dans un an, libéré délivré, il deviendra un honnête homme. Ca c’est la première intrigue, classique mais déjà embrouillée. La seconde, elle, délire beaucoup plus : un mec complètement frappé sombre dans le sadisme le plus effréné. Il fréquente des prostituées qu’il flagelle joyeusement mais, peu à peu, ses sens s’émousse. Le bonhomme en veut plus. Il imagine donc d’infecter les belles de nuit avec le virus de la rage, bidouillé par ses soins pour devenir plus rapidement fatal. Les décès des putes passent inaperçus jusqu’au jour où le sadique tombe sur une riche héritière complètement maso qu’il infecte à son tour. Et voilà notre nymphette qui décède en bavant et en mordant. Comprenant la situation, la cousine de la défunte cherche à étouffer l’affaire, incinère le corps et lance son garde du corps sur les traces du détraqué pour résoudre le problème de manière expéditive.
En dépit d’un argot déjà difficilement compréhensible aujourd’hui, TU EN VOMIRAS TES TRIPES reste un polar rondement mené, bien ficelé en dépit du côté farfelu du récit. C’est rythmé, violent, saupoudré d’une petite touche sexy, parfois carrément saignant, et ça avance à plein gaz vers sa résolution où, de manière presque incroyable, les différents fils narratifs se rejoignent de manière satisfaisante. Alors bien sûr tout ça n’est pas de la grande littérature, on sent parfois un peu trop les ficelles de l’auteur qui se place surement en pilotage automatique pour toutes les scènes « d’enrobages » (les relations compliquées entre les différents flics par exemple) mais soigne suffisamment les passages chocs pour emporter l’adhésion. Trois heures de divertissement agréable qui donne envie d’en reprendre une louche et donc de lire l’un ou l’autre Flics de Choc supplémentaires.