MAGICIEN TOME 1: L'APPRENTI (LA GUERRE DE LA FAILLE 1) de Raymond Feist
Publié le 9 Juin 2021
Raymond Feist entame sa monumentale saga de fantasy en 1982 avec ce qui s’appelle alors « Les chroniques de Krondor ». Comme bien des auteurs du genre, Feist débute par une trilogie. Le premier tome est cependant découpé en deux parties : la première, alors titré PUG L’APPRENTI, compte environ 500 pages, son éditeur ayant effectué quelques coupes. Dix ans plus tard, Feist est devenu un auteur confirmé, sa saga s’est vendu par millions, le bouquin figure sur des listes prestigieuses des « meilleurs romans », et l’univers de Krondor s’est déjà développé au point d’être rebaptisé « la guerre de la faille ». Une édition intégrale du texte est forcément permise et PUG L’APPRENTI devient MAGICIEN, un gros volume qui sera néanmoins lui-aussi divisé en deux pour son édition « poche » (puis en quatre sans doute pour ne pas effrayer les plus jeunes…attention donc à ne pas s’embrouiller chaque édition changeant le titre !). L’APPRENTI voit sa pagination portée à près de 650 pages. Un bien ? Les longueurs déjà présentes dans la première version s’avèrent forcément encore plus flagrantes. Cette relecture, après près de vingt ans, ne change donc pas fondamentalement la donne : L’APPRENTI reste une high fantasy divertissante et dans l’ensemble agréable mais aux défauts évidents.
La première moitié du livre, la plus classique, demeure la plus réussie (eh oui !) et l’auteur assume complètement l’héritage du SEIGNEUR DES ANNEAUX. Pug, un jeune garçon, se désespère d’être accepté par un maitre. Il finit par être pris en main par un puissant magicien au cours d’une cérémonie attendue avec crainte par tous les jeunes appelés. Pug entame son apprentissage mais la période est difficile : un peuple malfaisant venu d’une autre dimension, les Tsuranis, menace l’univers en provenant d’une faille dimensionnelle. Au cours de leur voyage pour avertir les peuples des terres du milieu (pardon de Midkemia), nos amis rencontrent des elfes très beaux et très sages, des nains bons vivants, de méchants gobelins, des créatures surnaturelles, etc. Ils doivent même emprunter un chemin plus rapide qui passent par des mines souterraines mal fréquentées vu que les nains ont réveillés quelque chose. Bon, jusque là on comprend où l’auteur veut en venir mais ce n’est pas déplaisant. Par la suite, le roman prend une autre tournure, plus politique, plus complexe, avec des jeux d’influences entre diverses factions qui se tirent dans les pattes. Feist y ajoute une pointe de romance et une princesse partagée entre deux amis, Pug (qu’elle croit mort) et Roland. Le final s’oriente vers une grosse bagarre, laquelle s’étale sur pas mal de pages mais constitue seulement le prélude à la guerre totale qui s’annonce.
L’APPRENTI est donc une fantasy très classique, très rétro, qui s’inspire beaucoup de Tolkien et annonce quelque peu HARRY POTTER. Le déroulement de l’intrigue, certes plaisant, manque d’originalité pour passionner et sans doute également d’un minimum de « sense of wonder ». Lorsque Frodo voyage il s’émerveille de ses découvertes et le lecteur avec lui. Lorsque Pug rencontre les Nains, les Elfes, etc. il ne ressent pas grand-chose et le lecteur pas davantage. Rien ne sort vraiment d’un cadre formaté qui tient davantage du scénario de jeu de rôle que du roman maitrisé. Et les longueurs deviennent, à mitan, vraiment problématiques : l’auteur semble reculer la confrontation avec les ennemis en meublant par de nombreuses descriptions et dialogues pas vraiment passionnant. La multiplication des personnages et des points de vue rend l’ensemble plus brouillon que complexe et survoler certains passages ne fera pas perdre grand-chose au récit. Il aurait sans doute fallu qu’un éditeur se penche sur le bouquin et en coupe un cinquième. Comment ? Ca a été fait jadis ? Ah oui j’oubliais. Mieux vaut peut-être lire ou relire cette édition dans ce cas. En bref, un « director’s cut » n’est pas toujours pertinent quoiqu’il flatte l’égo du romancier.
Malgré tout ces bémols, MAGICIEN reste appréciable : ceux qui aiment la high fantasy à la Tolkien et les bouquins façon jeux de rôles ou « livre dont vous êtes le héros » passeront un relatif bon moment en n’hésitant pas à survoler en diagonales les passages les plus barbants. Et en rappelant que Feist fera mieux par la suite, par exemple avec son CONCLAVE DES OMBRES. Une introduction honorable au vaste monde créé par le romancier.