Publié le 15 Novembre 2024
Après (entre autres) SWING A BERLIN et LES MESSAGERES, Christophe Lambert poursuit dans sa veine « historique » avec ce roman basé sur des faits réels peu connus.
Nous sommes en 1943, à Washington. Markus Eisenberg, dix-huit ans, est un juif originaire d’Allemagne émigré aux USA. Il souhaite s’engager pour aller combattre en Europe et vengé son père, assassiné durant la Nuit de Cristal. Il vit avec sa tante, paralysée depuis cet événement, et sa mère. Cependant, sa passion des échecs change la donne : ses supérieurs lui assignent une mission différente. En effet, il existe un camp de prisonniers destinés aux scientifiques allemands et aux officiers détenant des renseignements importants. Ils vivent dans une « prison dorée » et les Américains y utilisent la manière douce afin de préparer l’après-guerre. Mais il faut gagner leur confiance. Hans Reinhardt, un haut gradé allemand, ne se livre pas facilement et la mission de Markus va consister à gagner sa confiance. En effet, le Nazi n’a qu’une seule passion : les échecs. Or Markus est très doué à ce jeu et parle parfaitement la langue de Rammstein. Dès lors, le voici contraint de faire « ami ami » avec son ennemi.
Le PO Box 1142 était, durant la Seconde Guerre Mondiale, un camp secret où furent enfermé plusieurs scientifiques ou militaires importants, en particulier Werner von Braun. L’auteur utilise ce fait peu connu comme base d’un récit qui se joue sur un échiquier à deux niveaux. De manière « réelle » tout d’abord puisque le duel entre le « jeune Juif » et le Nazi se déroule au fil des parties d’échecs, de manière plus symbolique ensuite puisque la relation entre les deux protagonistes évolue. Le premier finit par sacrifier bien des choses (nous n’en dirons pas plus) à son obsession de gagner, le second apparaissant finalement comme humain, comme un « monstre ordinaire ».
Cette partie du récit reprend une structure proche de la novella « Un élève doué » de Stephen King (d’ailleurs fort bien adaptée dans un film malheureusement oublié), une influence revendiquée par Lambert dans la postface. Le thème des échecs entraine évidemment une autre influence, plus récente et également avouée, celle de la série « Le jeu de la dame ». Enfin, on note un clin d’œil à James Bond avec un personnage de spécialiste en gadgets. On peut également retrouver, dans la relation entre les deux sœurs, quelques échos (heureusement en moins dramatique) de « Qu’est-il arrivé à Baby Jane ? ».
Si le déroulé du roman peut sembler linéaire et sans surprise il n’en est rien car l’auteur garde un atout dans sa manche pour diverses révélations durant les derniers chapitres. L’ensemble du livre est donc à réévalué à la suite de ses divulgations surprenantes et, une fois de plus, Lambert réussit un roman très réussit qui se lit vite et tient en haleine jusqu’au dénouement.
Pour les non familiers des échecs, de très nombreux diagrammes illustrent en outre les parties (basées sur celles de divers grands maîtres) et permettent de visualiser l’évolution des forces en présence, entre le héros et son adversaire.