Publié le 25 Octobre 2021
Publié anonymement par Aragon (qui a toujours nié, malgré l’évidence, en être l’auteur), en 1928, ce court roman (88 pages) constitue un des fragments ayant survécu d’un roman plus vaste mais inachevé. Considéré comme un classique de la littérature érotique, c’est surtout un texte déstabilisant, peu clair et pas toujours évident à comprendre ni à appréhender. En dépit de longues descriptions à la fois crues et poétiques de la fente d’Irène, le tout embrasse surtout le surréalisme et l’expérimentation littéraire, notamment par des passages de plusieurs pages sans ponctuation, avec des mots répétés en litanie qui transforment l’ensemble en une sorte de poésie en prose dans laquelle la manière de scander les termes s’avère plus importante que le récit proprement dit. Il y a donc de belles tournures de phrases, un rythme alerte, des métaphores inédites, une réelle force du mot.
Annonciateur de mouvement comme le « nouveau roman », LE CON D’IRENE se débarrasse rapidement de l’intrigue pour privilégier les sensations, les impressions et les évocations en multipliant les points de vue : visite d’une maison close, chronique familiale, transgression des tabous (en particulier l’homosexualité et surtout l’inceste), digressions étranges sur la sexualité des poissons, réflexions sur la littérature et surtout sur son versant érotique (aujourd’hui on qualifierait sans doute ces notes sur l’érotisme dans un texte qui se veut cru de « méta »).
Malgré sa brièveté, le texte passe donc d’un genre à l’autre, d’un narrateur à un autre, alternant les passages consacrés au paralytique voyeur incestueux et ceux consacrés à sa fille qui déteste les hommes avec des dérapages surréalistes tour à tour étranges, déstabilisants ou incongrus.
Plus qu’un véritable roman, le tout se déguste comme une œuvre à part dans laquelle, finalement, et en dépit de nombreux passages « osés », l’érotisme n’a droit qu’à la portion congrue. Le tout s’avère plutôt agréable et, heureusement, sa longueur raisonnable évite que l’exercice ne tourne à vide et ne devienne imbuvable. Une curiosité !