Publié le 30 Juin 2017

AU CŒUR DU LABYRINTHE de Margery Allingham

Publiée en 1930, cette seconde aventure d’Albert Campion continue à brouiller les pistes concernant cet étrange protagoniste, envisagé au départ comme une parodie du Lord Peter de Dorothy Sayers. Son identité est d’ailleurs mystérieuse, quoique l’on sache qu’il se prénomme en réalité Rudolph. Ayant utilisé de nombreux alias, souvent aux frontières de la légalité comme en témoignent ses connaissances dans le crochetage des serrures, Campion doit aider un juge américain, Crowdy Lobbett, à déjouer les plans de l’organisation criminelle Simister. Après avoir échappé à plusieurs tentatives de meurtres, Lobbett voyage sur un navire en partance pour l’Angleterre. Là, l’intervention opportune de Campion lui sauve à nouveau la vie. Par la suite, le gentleman aventurier prend sous son aile l’homme de loi qu’il cache dans le château de ses amis Giles et Biddy Paget, dans le petit village de Mystery Mile. Toutefois, l’arrivée d’un étrange chiromancien entraine des événements tragiques, dont le suicide du pasteur Swithin Cush. Peu après le juge Lobbett disparait au cœur du labyrinthe placé dans le jardin du château et Campion ne découvre qu’une valise remplie de livres pour enfants. C’est ensuite Biddy qui est enlevée et retenue en otage par l’organisation Simister.

Après la déception constituée par CRIME A BLACK DUDLEY, la première enquête d’Albert Campion, AU CŒUR DU LABYRINTHE ne s’avère guère plus convaincant. Les personnages sont relativement falots, Campion lui-même se montre souvent irritant et l’intrigue se révèle un peu confuse en multipliant les sous-intrigues, les coups de théâtre et les révélations concernant l’identité des uns et des autres. L’enquête en elle-même n’est pas très palpitante et la juxtaposition des clichés du whodunit classique (un château isolé dans lequel se confrontent divers suspects, un gentleman exerçant en dilettante ses talents de détective) et du thriller à base de mafia et autres organisations criminelles omniscientes dirigées par un grand méchant mystérieux (assimilé textuellement à un émule de Fantomas) ne fonctionne pas vraiment. Le tout se rapproche des romans policiers d’Edgar Wallace dans lesquels la science déductive du héros est peu exploitée, l’auteur privilégiant les machinations criminelles, les coups tordus, les enlèvements, meurtres et autres séquestrations qui conduisent l’intrigue et la font progresser de retournements de situations en révélations fracassantes au détriment d’une véritable enquête. AU CŒUR DU LABYRINTHE avance dès lors de manière quelque peu erratique : les tentatives de meurtres sur le juge cèdent la place à son enlèvement qui passe à son tour au second plan une fois Biddy kidnappée.

Les romans d’Allingham délaisseront, par la suite, ce côté thriller pour se conforter davantage aux conventions du whodunit…Tout n’est donc pas perdu pour les amateurs du genre.

 

 

AU CŒUR DU LABYRINTHE de Margery Allingham

Disponible dans l'omnibus "La maison des morts étranges et autres aventures d'Albert Campion"

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Policier, #Whodunit, #Golden Age, #Margery Allingham

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Publié le 28 Juin 2017

LE REFLUX DE LA NUIT de Jean-Pierre Andrevon

D’abord publié aux éditions Fleuve Noir (collection Angoisse) sous le pseudonyme d’Alfonse Brutsche puis réédité plusieurs fois sous le nom de Jean-Pierre Andrevon, LE REFLUX DE LA NUIT constitue un pur roman fantastique et d’épouvante sur le thème, à présent, balisé des morts-vivants. L’approche choisie ici demeure toutefois très différente des récits actuels puisque l’auteur opte pour l’intimiste avec une intrusion, lente et progressive, du surnaturel dans le quotidien banal de son principal protagoniste, Pierre Merlin. Veuf depuis un an, Merlin a perdu tout goût de communiquer avec ses semblables et préfère se rendre régulièrement au cimetière pour y dialoguer avec son épouse décédée. Un jour, Merlin rencontre un personnage étrange, sorte de magicien qui lui promet de ramener la morte à la vie. La suite, quelque peu prévisible, n’en est pas moins intéressante et mise sur une ambiance pesante d’épouvante à l’ancienne assortie de quelques clins d’œil (dont une référence lovecraftienne évidente avec la rue Auguste Derleth).

La progression du récit et la reconstitution d’une famille forcément dysfonctionnelle anticipe sur le SIMETIERRE de Stephen King mais, malgré un format restreint (180 pages), le livre parait parfois tirer quelque peu à la ligne lorsque le romancier délaie l’intrigue dans les considérations de son « héros ». La seconde partie du livre trahit d’ailleurs une accentuation de cet essoufflement par la linéarité de ce scénario dans lequel les rebondissements et surprises sont rares. Heureusement, l’ambiance lourde est bien rendue, tout comme la solitude de ce veuf confronté au surnaturel, ce qui évite de s’ennuyer jusqu’à la conclusion forcément dépourvue de happy end.

Une version plus courte, façon longue nouvelle, aurait peut-être davantage convenu à ce roman, ce que confirme une « chute » macabre attendue mais efficace. Toutefois, LE REFLUX DE LA NUIT reste une lecture agréable pour les amateurs d’un fantastique horrifique feutré comme la collection « Angoisse » nous en proposait jadis de nombreux exemples.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Horreur, #Collection Angoisse Fleuve Noir

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Publié le 26 Juin 2017

LES TENEBRES DE L'AUBE d'Eric Palumbo

Bien connu des amateurs de cinéma populaire, Eric « Draven » Palumbo nous propose son premier roman, à mi-chemin entre le thriller et l’horreur. Ce qui débute comme une classique enquête plonge en effet rapidement dans le fantastique.

Un romancier spécialisé dans l’épouvante qui souhaite changer de registre et dont la copine est tombée sous les coups d’un tueur en série : voici le héros (très « Stephen Kingien ») de cette intrigue menée tambour battant sur un peu plus de 300 pages. Rapidement, notre écrivain rencontre un flic soupçonneux dont la fille, à son tour, est assassinée par le même serial killer. Réunis par la tragédie, les deux hommes mènent leur enquête, laquelle les conduit vers le village maudit de Lôbe, ravagé sept ans plus tôt par un incendie. Sur place, ils iront de surprise en surprise avant de dévoiler une vérité incroyable.

Débutant comme un thriller à la Maxime Chattam, le roman s’oriente ensuite vers l’épouvante teintée de gore : une fois arrivé à Lôbe, nos deux héros sont confrontés à de nombreux phénomènes surnaturels et deviennent prisonniers de cet endroit hanté.  

Assumant ses quelques clins d’œil (la tête de cerf animée à la « Evil Dead » et les jouets meurtriers échappés de « X-Tro » ou de « Puppetmasters »), le roman se déroule à un rythme des plus soutenus, en particuliers durant la seconde partie, située dans un village maudit d’où nul ne semble pouvoir s’échapper. L’auteur se rit même de certains clichés lorsque les héros découvrent qu’ils n’ont (forcément !) plus de connexion réseau et s’exclament « on se croirait dans un mauvais film d’horreur ». On note d’autres pointes d’humour comme ce clown maléfique baptisé George Clowny en référence au comédien révélé par « Urgences ».

Avec son ambiance fantastique ponctué de scènes sanglantes et son climat de noir secret évoquant le Peter Straub de GHOST STORY, le bouquin ménage ses révélations successives de manière très fluides (seules les dernières pages peuvent paraitre un rien précipitées) avec une écriture maitrisée qui use de valeurs sûres pour maintenir l’intérêt (passage d’un personnage à un autre, chapitres courts, cliffhangers utilisés à bon escient) et d’un style fort efficace.

Les influences sont, elles, bien digérées : on pense aux premiers James Herbert (comme FOG) pour la manière dont le romancier passe d’un personnage à l’autre et orchestre leur rencontre avec l’indicible mais aussi à Dean Koontz pour cette précision très américaine dans la construction narrative (qui mixe la rationalité d’une enquête de polar à l’horreur) ou à Graham Masterton pour le déchainement surnaturel du dernier acte. Sans oublier, bien sûr, l’ombre de Stephen King, aussi inévitable que parfaitement assumé dans le texte.

Pour les nostalgiques des collections de littérature horrifique d’antan (J’ai lu épouvante, Presse Pocket Terreur, Fleuve Noir Gore, etc.), voici une lecture vivement conseillée !

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Rédigé par hellrick

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Publié le 23 Juin 2017

RENDEZ-VOUS AVEC RAMA d'Arthur C. Clarke

Publié en 1973, ce roman demeure l’un des plus célèbres de Clarke, couronné par une foultitude de prix : Hugo, Nebula, John Campbell Award, Locus, etc. Un véritable classique qui se relit avec plaisir plus de quatre décennies après sa sortie.

Après la destruction quasi-totale de l’Italie par un astéroïde en 2077, un centre de crise destiné à prévenir de telles catastrophes est établi. Cinquante années plus tard, alors que l’espèce humaine a colonisé la Lune, Mars, Mercure et divers satellites des principales planètes, un gigantesque artefact extra-terrestre est repéré en approche du système solaire. Baptisé Rama, ce vaisseau de 50 km de long et 20 de diamètre, devient le centre de toutes les attentions. L’équipage de l’Endeavour, un vaisseau spatial terrien, se voit chargé de l’explorer. Pendant ce temps, sur Terre, les ambassadeurs des différentes colonies réagissent différemment à cette situation inédite.

La principale innovation de Clarke est de proposer une approche réaliste (si tant est qu’on puisse employer ce terme dans le cadre d’une œuvre de science-fiction) du fameux « premier contact » avec une intelligence extra-terrestre. Dans la SF primitive de l’Age d’Or (et même ensuite), les aliens se montraient généralement sous une apparence humanoïde et ne différaient de l’Homme que par la taille ou la couleur de peau. D’où les « petits hommes verts » qui firent le beau jour des pulps et des séries B. Ces extra-terrestres avaient, en outre, le bon goût de parler anglais ou, lorsqu’ils baragouinaient un improbable idiome, un petit coup de traducteur universel permettait de les comprendre sans la moindre difficulté. Clarke, pour sa part, imagine une vie extra-terrestre si radicalement étrangère qu’il est pratiquement impossible de la concevoir avec un mode de pensée humain.

Certes, le thème n’est pas complètement neuf puisqu’il avait été abordé par Fritz Leiber dans son VAGABOND (Prix Hugo 1965). Par la suite d’autres romanciers se pencheront sur le sujet : John Varley avec sa trilogie de GAIA, Robert Reed avec LE GRAND VAISSEAU, Greg Bear avec la saga EON, Larry Niven avec L’ANNEAU MONDE. Mais Clarke a peut-être livré le livre définitif sur le thème. Il condense son récit en 250 pages là où bien des écrivains actuels auraient dilaté l’intrigue sur plusieurs tomes (notons cependant que Clarke, en collaboration avec Gentry Lee, poursuivra le cycle avec trois séquelles avant que Lee seul ne poursuive l’aventure pour deux autres romans) et confère un bon rythme à cette histoire. Pas de temps à perdre, nous sommes directement plongés dans l’intrigue et, après quelques courts chapitres, l’exploration de Rama débute. Car ce vaisseau inconnu ne tardera pas à repartir dans les profondeurs spatiales et les humains ont peu de temps devant eux pour en percer les mystères.

Vu l’abondance de chroniques positives et le nombre de prix reçu par RENDEZ VOUS AVEC RAMA permettons nous quelques critiques minimes : le roman est essentiellement descriptif et manque un peu d’action (quoique le dernier acte se montre davantage alerte en usant d’un procédé classique à savoir la possible destruction de Rama par un tir de missile). Comme la plupart des œuvres de Clarke, il s’agit surtout de hard science et les personnages restent peu développés en dépit de quelques traits intéressants tel le double mariage du principal protagoniste. Toutefois, le bouquin gagne des points en jouant la carte du bon vieux « sense of wonder » via l’exploration de ce vaisseau où tout, de l’architecture à la physique en passant par les formes de vie, s’avère complètement différent et étranger aux perceptions humaines. Clarke se gardera bien d’ailleurs d’explications qui n’auraient pu que décevoir : au final le lecteur n’en saura guère plus sur Rama ou ses concepteurs. La morale, simple, est tout simplement que ces-derniers se fichent de ces humains présomptueux s’étant imaginé être le centre d’attention des habitants de l’univers. Et la fin ouverte, dans sa simplicité (la dernière phrase), démontre l’efficacité du romancier. Un incontournable de la science-fiction.

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Publié le 21 Juin 2017

NARCOSE de Christianna Brand

 

L’inspecteur Cockerill revient pour la seconde de ses sept enquêtes dans ce classique du whodunit qui figure d’ailleurs en 84ème position sur la fameuse liste des « cent meilleurs romans policiers » établie par la Crime Writers’ Association.

L’histoire se déroule durant la Seconde Guerre Mondiale (ce qui, finalement, n’est pas si fréquent) et prend place dans cette période trouble du blitz, avec cette crainte des bombes qui tombent régulièrement et cet hôpital peuplé de blessés dans lequel, pourtant, la vie continue de manière quasi normale entre les alertes. Un jour, suite à une de ces attaques, le facteur Higgins est conduit sur la table d’opération. Cela devrait être une intervention de routine mais, pourtant, il décède lors de l’anesthésie. Rapidement, cette mort semble suspecte et l’inspecteur Cockrill débarque pour tenter de découvrir l’assassin. Après une deuxième victime, le policier semble persuadé que le criminel appartient à un petit cercle de six suspects tous membres du personnel hospitalier. Bien sûr, chacun d’eux possédait une raison de tuer le pauvre facteur, à l’exception, peut-être, du major Moon. Mais, comme on dit, dans les romans policiers le plus innocent se révèle toujours coupable au final…

Sans doute le roman le plus célèbre de Brand (adapté sous le même titre pour l’écran en 1946), voici un exemple classique mais fort bien mené d’énigme policière : lieu clos, nombre de suspects réduit, inspecteur de police obstiné qui a tout compris mais ne peut rien prouver, révélations en cascades, secrets enfouis qui ressurgissent, etc.

Brand joue admirablement de la « misdirection » pour pointer du doigt l’un ou l’autre coupables potentiels avant un coup de théâtre final qui surprendra probablement la majorité des lecteurs quoique tous les indices aient été habilement disséminés au cours d’un roman adepte du fair-play. Bien sûr, l’ensemble peut sembler quelque peu suranné, notamment dans les dialogues (un brin artificiel mais ce défaut est peut-être imputable à la traduction) et certaines situations parfois proches du mélodrame hospitalier. On y retrouve ce côté nonchalant lorsque les suspects se réunissent et discutent de manière très détachée des crimes commis par l’un d’entre eux. Mais, à côté de cette énigme astucieuse, Brand décrit également l’atmosphère de cet hôpital plongé dans la guerre avec ses rivalités, ses amourettes et ses petites mesquineries, véritable ilot en partie préservé du conflit qui fait rage aux alentours.

NARCOSE de Christianna Brand

En ce qui concerne la version cinématographique, elle se montre fort fidèle mais se permet quelques divergences en supprimant notamment l’un des personnages principaux (et toute la sous intrigue lui étant associée) ainsi, fatalement, que la conclusion. Le long-métrage bouleverse quelque peu la chronologie des événements mais, dans ses grandes lignes, il reste proche du texte original.

 

Du procédé utilisé par l’assassin au climax étonnant, NARCOSE peut se qualifier d’ingénieux et trois quart de siècle après sa publication, ce roman relativement court (220 pages) se savoure toujours avec le même plaisir. Un classique du whodunit, à redécouvrir.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Policier, #Whodunit, #Golden Age, #Christianna Brand

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Publié le 19 Juin 2017

SHERLOCK HOLMES ET LE MYSTERE DU HAUT KOENIGSBOURG de Jacques Fortier

Les pastiches littéraires de Sherlock Holmes sont aujourd’hui innombrables à tel point que le « canon » légué par Conan Doyle parait bien mince face à ces dizaines (centaines ?) d’imitations plus ou moins inspirées.

Cette nouvelle enquête se situe en 1909 alors que l’Alsace-Lorraine est retourné dans le giron allemand et que Guillaume II s’est mis en tête de restaurer le château du Haut-Koenigsbourg alors en ruines. Détective à la retraite, Sherlock Holmes, sollicité par son frère Mycroft, mène l’enquête, sous couvert d’écrire un guide des forteresses médiévales, en compagnie de l’indispensable Watson. Un trésor inestimable serait, en effet, enfoui au cœur du château. Mais il pourrait s’agir d’une bien plus redoutable arme qui pourrait s’avérer décisive dans la Grande Guerre annoncée…

Ecrit pour célébrer le cent-cinquantième anniversaire de la naissance de Doyle, ce roman fut un joli succès de librairie qui eut même droit à son adaptation en bande dessinée. Mérité car l’auteur, le journaliste alsacien Jacques Fortier, connait bien la région décrite et le roman se veut, en quelque sorte, un guide de voyage destiné à faire découvrir au lecteur les richesses de l’Alsace, tant architecturales que culturelles, historiques et culinaires. Le tout débute ainsi en 1190, à la mort de l’empereur Barberousse, avant de voyager à travers les siècles jusque 1909, année où se déroule l’affaire que Watson relatera bien des années plus tard, ce qui permet de visiter non seulement le Haut-Koenigsbourg mais également Strasbourg, sans oublier un détour par Pierrefonds.

Nous sommes en présence d’un pastiche enlevé, court (192 pages) et donc rythmé en dépit de quelques descriptions informatives qui ralentissent la lecture en particulier durant les premiers chapitres parfois très (trop ?) proches de celles du « guide du routard ». L’enquête en elle-même manque peut-être un peu de tonus mais se suit sans déplaisir et Holmes préfigure parfois Indiana Jones puisqu’il finit par découvrir un artefact religieux légendaire convoité par l’Allemagne à des fins de propagande (non il ne s’agit pas du Graal). Les puristes de Conan Doyle risquent par conséquent de tiquer mais le personnage a depuis longtemps perdu sa stature réaliste pour devenir une sorte d’archétype, voire de super-héros, aussi ingénieux que courageux, inégalé dans la déduction et infaillible dans la résolution de mystères souvent aux frontières du réel.

Roman d’aventures policières teinté de références historiques et ésotériques (nous étions alors – en 2009 - en pleine vogue de ce genre de thrillers mystiques ayant assuré le succès de Dan Brown), SHERLOCK HOLMES ET LE MYSTERE DU HAUT KOENIGSBOURG avance jusqu’à sa conclusion sans ennuyer le lecteur, l’auteur agrémentant son récit de touches humoristiques bienvenues et des inévitables références littéraires aux énigmes les plus célèbres résolues par Holmes. Dans la masse des pastiches holmésiens, cette énigme rhénane se révèle au final plutôt convaincante.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Policier, #Whodunit, #Aventures, #Sherlock Holmes

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Publié le 16 Juin 2017

DOUBLE ETOILE de Robert Heinlein

Figure tutélaire de la science-fiction américaine, Robert Heinlein obtient avec DOUBLE ETOILE le premier de ses quatre Prix Hugo du meilleur roman (auxquels s’ajoutent trois retro-Hugo posthume).

L’intrigue, ramassée sur 220 pages, nous est contée à la première personne par un comédien célèbre, Lawrence Smythe, dit le Grand Lorenzo. Celui-ci, désoeuvré, se voit proposer par un certain Dak de réaliser la parfaite imitation d’un homme politique très connu, John Joseph Bonforte, leader du parti expansionniste d’opposition. Or, Bonforte a été kidnappé et sa présence est requise lors d’une cérémonie martienne : son absence serait une grave entorse au protocole et remettrait en question la paix entre Mars et la Terre. Après la libération de Bonforte, très affaibli par les traitements subis, Lorenzo se voit contraint de continuer à endosser son rôle durant la campagne électorale…

Ce court roman méritait-il le prix Hugo ? La question reste posée. C’est un bon livre bien sûr, mais qui ne possède pas l’ambition d’EN TERRE ETRANGERE par exemple, sans doute le chef d’œuvre d’Heinlein, lequel lui permis d’obtenir un nouveau Hugo, une large reconnaissance (notamment parmi les hippies) et de se défaire quelque peu de son étiquette réactionnaire.

Toutefois, DOUBLE ETOILE demeure intéressant par sa critique assez savoureuse de la politique, affirmant clairement que les chefs de parti sont des marionnettes qui peuvent aisément être remplacés, que seule l’image (et le charisme) est importante, bref que tout cela n’est qu’une vaste comédie.

L’important ne réside pas dans un programme solide mais bien dans des petits faits que le politicien peut exploiter pour jouer sur la proximité : Bonforte note dans ses carnets des détails insignifiants sur les électeurs qu’il rencontre afin de les amadouer plus facilement par la suite.

Les conseillers œuvrent réellement, dans l’ombre, pour diriger le pays et le chef effectue une simple représentation. Un acteur de talent peu par conséquent le remplacer sans grande difficulté, se contentant de ressasser d’anciens discours. Et lorsqu’un journaliste signale que les paroles ne sont pas neuves, le politicien rétorque brillamment qu’elles restent vraies.

La morale, elle, est assez convenue, tout comme la conclusion du roman (située un quart de siècle après l’intrigue principale) : Lorenzo assume totalement le rôle du politicien dont il copie les attitudes, discours et opinions au point que sa personnalité propre s’est totalement dissolue dans celle de son « personnage ».

Sans beaucoup de rebondissements mais avec des protagonistes fouillés et une thématique générale pertinente et toujours très actuelle (quoique certains passages – en particuliers tout ceux consacrés à Mars – aient pris un coup de vieux), DOUBLE ETOILE frappe aussi par sa concision appréciable en ces temps de pavé parfois interminable.

Fort plaisant.

Prix Hugo 1956

 

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Rédigé par hellrick

Publié dans #science-fiction, #Robert Heinlein, #Prix Hugo

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Publié le 14 Juin 2017

LA LOQUE A TERRE de Georges de Lorzac (Jean-Pierre Bouyxou)

Le Bordelais Jean-Pierre Bouyxou (né en 1946) est un touche-à-tout bien connu des amateurs de cinéma bis et de paralittérature. Il a écrit pour les revues les plus diverses, de Ciné Revue à Métal Hurlant en passant par l’Echo des savanes, Sex Star System, Siné Hebdo, Paris-Match ou Lui. On le retrouve également acteur (dans la plupart des films de Rollin), scénariste (pour « Les raisins de la mort » de Jean Rollin et quelques pornos), réalisateur (notamment du « fameux » film X « Entrez vite, vite je mouille » en 1979).

Sous divers pseudo, Bouyxou livre une foultitude de romans pour les éditions du Bébé Noir ou de la Brigandine dont ce très étrange LA LOQUE A TERRE, lequel dénote l’amour de l’écrivain pour le fantastique du quotidien et l’angoisse. Le livre aurait, en effet, très bien pu figurer dans la légendaire collection « Angoisse » du Fleuve Noir. Ce récit d’errance débute par l’arrivée de Laurent, mec de 34 ans sans emploi régulier venant d’être largué par sa copine Christine, devant une haute tour d’immeuble. L’ascenseur est en panne et ses parents résident au dernier étage. Du coup, Laurent entreprend l’ascension du HLM par les escaliers. Manquant d’exercice physique et à court de cigarette, le jeune homme s’épuise rapidement et finit, assoiffé, par sonner à la porte d’une quadragénaire, Zizou, avec qui il fait l’amour sans en ressentir ni envie ni plaisir. Par la suite, Laurent quitte l’appartement et continue de grimper les étages…Le temps s’écoule, interminable, au rythme des volées d’escaliers, vers un dernier étage en apparence inaccessible.

LA LOQUE A TERRE constitue un pur roman d’angoisse et de fantastique au sens le plus noble du terme puisque le héros perd contact avec la réalité qui se disloque peu à peu sous ses pas, d’un palier au suivant. Il grimpe, grimpe, grimpe toujours mais semble incapable d’arriver au sommet de l’immeuble, revenant inexplicablement sur ses pas. Bien qu’il tambourine à différentes portes, aucun occupant ne lui ouvre et il ne croise personne dans son errance. Les seules rencontres qu’il fera au cours de cette journée conduisent aux deux scènes sexuelles du roman (lesquelles, bien que riches en descriptions pornographiques, se révèlent étonnamment non érotiques voire même dépressives). Dans la première, Laurent couche avec Zizou en essayant de se souvenir de son ex. Dans la seconde, il tombe aux mains d’un couple de lesbiennes complètement folles qui menacent de le castrer. Zizou vient d’ailleurs s’en mêler. D’où le vertige de notre héros lorsqu’il se rend compte que la dite Zizou vit deux étages en dessous…alors qu’il lui a semblé gravir des dizaines d’escaliers.

Le dernier acte du roman plonge encore plus dans le sordide, convoque Sigmund Freud (« ce con », dixit le chapitre qui lui est dédié) pour un final purement psychanalytique échappant à toute tentative de rationalisation.

Saupoudré de quelques réflexions gauchisantes (heureusement point trop envahissantes) et d’un humour absurde sympathique (le héros s’imagine vivre un rêve, faire un mauvais trip au LSD et se dit, avant de basculer totalement dans la « folie » qu’il tirerait bien un bouquin de cette aventure insolite), LA LOQUE A TERRE constitue une belle réussite à redécouvrir dans le recueil « Trois romans érotiques de la Brigandine » récemment publié par les dignes héritiers de la Musardine.

LA LOQUE A TERRE de Georges de Lorzac (Jean-Pierre Bouyxou)

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Erotique, #Roman de gare

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Publié le 12 Juin 2017

SILHOUETTES DE MORT SOUS LA LUNE BLANCHE de Kââ

Prof de philo en Bretagne, Pascal Marignac (1945 – 2002) se lance dans le roman noir en 1984 avec ce SILHOUETTES DE MORT SOUS LA LUNE BLANCHE publié sous le pseudonyme de Kââ. Par la suite il signera une quinzaine de polars, quatre « gore » sous le nom de Corselien et un autre récit d’horreur pour la collection concurrente Maniac sous le pseudo de Behemoth.

Le principal protagoniste de SILHOUETTES DE MORT SOUS LA LUNE BLANCHE a abattu, au cours d’un hold-up, le jeune Vila, gangster détraqué un peu trop prompt à défourailler sur tout un chacun. Depuis, il se planque avec son complice Straub et se réfugie dans une maison auvergnate, traqué par les deux frangins de la victime, bien décidés à lui faire la peau. Il supprime aussi son copain Detwiller, trop porté sur la trahison, et se barre avec sa veuve, plutôt joyeuse, Corinne. Le trio fuit à travers la France, affrontant régulièrement les frères Vila, les gendarmes ou de soi-disant amis qui mettraient bien la main sur le butin ou sur Corinne ou sur les deux…

SILHOUETTES DE MORT SOUS LA LUNE BLANCHE est un roman noir sanglant, sexualisé, brutal, avec des personnages en fuite qui se la jouent Bonnie & Clyde. Un anti-héros atypique amateur de littérature, de musique classique et fin gourmet. Une belle veuve pas tellement éplorée qui prend un peu trop vite goût aux armes à feu. Un type blessé. Des gangsters aux abois embarqués dans un road trip désespéré qui ne peut que mal finir, façon western option « Horde sauvage ».

Le style, haché, de Kââ est déjà bien reconnaissable dans ce premier roman annonçant ses œuvres ultérieures. Il est particulier, composé de phrases très courtes, de ruptures brusques. Parfois, l’épure est telle qu’il semble manquer des mots tant le romancier démontre une économie langagière pour aller droit vers l’essentiel, visant l’efficacité maximale et dégraissant le récit à la manière d’un Brussolo (qui saluait en Kââ le meilleur auteur de roman noir de ces dernières années). Quelques longueurs pointent cependant, une certaine répétitivité des situations dans la seconde partie du bouquin, nourri de coups fourrés, de trahisons et de fusillades.

Les personnages ne sont pas des anges, loin de là, plutôt des cyniques, en particuliers le « héros » amateur de vin et de bouffe. Un bon vivant qui, parfois (et même souvent) bute les gêneurs, sans en éprouver de plaisir mais sans grand regret non plus. Il trace sa route en lettre de sang.

et l’auteur nous propose un véritable panier de crabes où chacun se trahit ou retourne sa veste par vengeance, appât du gain ou pour des raisons plus troubles comme en témoigne Corinne, sans doute la plus frappadingue : une veuve très excitée qui s’embarque avec le meurtrier de son mari dans une cavale dominée par le sexe et le sang. Deux ingrédients que Kââ utilisera beaucoup durant son passage remarqué par la collection Gore.

Avec SILHOUETTES DE MORT SOUS LA LUNE BLANCHE, Kââ livre un polar âpre, violent et nihiliste. Pas vraiment un bouquin divertissant donc, ce qui lui confère à la fois sa force et sa faiblesse car ce n’est sans doute pas le genre de lecture « coup de poing » dont on aura envie régulièrement. Mais cette plongée violente se lit toutefois avec intérêt et devrait enthousiasmer les amateurs de romans très noirs.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Polar, #roman noir

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Publié le 7 Juin 2017

CHANTS DE LA TERRE LOINTAINE d'Arthur C. Clarke

Arthur C. Clarke reste une institution de la science-fiction, doublement récompensé par le Hugo et le Nebula (pour RENDEZ VOUS AVEC RAMA et LES FONTAINES DU PARADIS), créateur de la saga des « Odyssées de l’espace » (se composant de la suite 2001, 2010, 2061 et 3001). Comme d’autres romans de l’écrivain (notamment le célèbre 2001), celui-ci se base sur une nouvelle datant de 1958 jadis publiée dans le recueil L’ETOILE. Près de 30 ans plus tard, Clarke développe l’idée pour en tirer un scénario jamais tourné et, finalement, ce roman nostalgique, sorte de space-opera apaisé (ni combats spatiaux ni guère d’action dans ce récit centré sur les personnages et leurs sentiments) teinté de philosophie.

Alors que la Terre se meurt, un million de colons sont envoyés, cryogénisés, dans l’espace à bord du vaisseau Magellan afin d’atteindre un nouveau monde très lointain, Sagan Deux. Les voyageurs effectuent une longue escale sur la planète océanique Thalassa afin de réparer le bouclier de glace protégeant leur vaisseau. Sur Thalassa, les Terriens rencontrent d’autres colons, envoyés précédemment par la terre sous forme d’embryon à bord d’un « vaisseau semeur ». La colonie s’est développée et a pris l’apparence d’un petit paradis libertaire préservé des superstitions, de la religion et, pour l’essentiel, de la violence. Parmi l’équipage du Magellan, beaucoup s’interrogent sur le bien-fondé de leur mission et se demandent s’il ne serait pas plus simple de stopper l’exil et de s’installer sur Thalassa. D’autant que certains membres de l’équipage nouent des liens intimes avec les locaux.

La vision future de Clarke est apaisée, voir tranquille, en dépit de l’aspect dramatique et inéluctable de la mort annoncée de la Terre suite à la transformation du Soleil en nova). D’ailleurs, même en sachant la Terre condamnée, chacun poursuit sa vie comme si de rien était. Après tout, qui se soucie de ce qui surviendra dans une cinquantaine de générations ? « On aurait pu penser que, à mesure que la nouvelle fuirait et répandrait lentement, l’annonce de la fin du monde provoquerait une certaine panique. Au contraire, la réaction générale fut d’abord un silence de stupeur, suivi d’un haussement d’épaules indifférent et de la reprise du train-train quotidien. »

Le romancier quitte donc, avec quelques regrets mais sans vrai chagrin, cette planète agonisante pour une colonie édénique qui s’est débarrassée de la religion, tout comme des textes sacrés (« on ne pouvait leur permettre de réinfester des planètes vierges avec les anciens poisons des haines religieuses ») et du surnaturel. La population, que l’on pourrait qualifiée de hippie, vit une existence paisible, connait une (bi)sexualité libérée et heureuse. A vrai dire, il ne se passe pas grand-chose dans ses CHANTS DE LA TERRE LOINTAINE contemplatif : le début de mutinerie est vite avorté et la rencontre avec des créatures extraterrestres à peine évoquée. Pourtant, la science de Clarke rend l’ensemble très plaisant à lire et jamais ennuyeux quoique le romancier ne se soucie aucunement de générer un quelconque suspense ou de proposer un cliffhanger haletant en fin de chapitre. Le tout s’apparente surtout à une sorte de légende des temps futurs, un récit chaleureux, dans lequel la hard science revendiquée par l’auteur (qui refuse les facilités du voyages transluminiques et se pique de proposer une œuvre rigoureuse et crédible) voisine avec un humanisme naïf et une certaine poésie assez inhabituelle chez lui. On peut toutefois regretter que le romancier n’aille pas au bout de son pitch de départ et ne fasse que survoler son sujet sans trop se préoccuper des enjeux

En quittant sa zone de confort, Clarke n’a pas livré son chef d’œuvre mais il propose cependant un bon roman de science-fiction (qu’il considérait comme son préféré), aux thèmes intéressants qui assure l’essentiel : réflexion et dépaysement.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #anticipation, #science-fiction, #Arthur C. Clarke, #Hard Science

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