Publié le 20 Décembre 2018
Romancier peu connu, Ward Moore ne fut guère prolifique mais signa cependant deux classiques de la SF : ENCORE UN PEU DE VERDURE et ce AUTANT EN EMPORTE LE TEMPS écrit en 1955. Dans cette belle uchronie, très cohérente en dépit de l’un ou l’autre détails étranges, l’écrivain imagine la victoire du Sud lors de la Guerre de Sécession. Ce qui nous change un peu d’une victoire nazie durant la Seconde Guerre Mondiale. Le monde proposé semble cependant avoir évolué dans le bon sens : pas de guerre mondiale (pas encore devrait-on dire car un conflit couve), une France dirigée par Napoléon VI,… Mais tout n’est pas rose : les Juifs ont été massacré quasiment jusqu’au dernier, l’esclavage existe toujours, le Nord vit dans la pauvreté et ses habitants non aucune chance de s’élever face à la toute puissante du Sud. L’électricité n’existe pas, les avions et autres véhicules « plus lourds que l’air » une chimère, les voitures réservées à l’élite,…
Hodgins McCormick Backmaker va nous conter sa jeunesse et son rêve de s’instruire alors que sa famille cultive le souvenir humiliant de la défaite des Unionistes. Le jeune homme aura la chance de rencontrer un libraire bienveillant (et membre d’une organisation séditieuse) qui, en échange d’une aide, lui permettra de lire à satiété. Il parviendra par la suite à un intégrer une sorte de fondation dédiée à l’art et la culture et tombera amoureuse d’une femme mettant au point une machine à voyager dans le temps. Hodgins, devenu historien, aura alors l’occasion de vérifier de plus près ses théories concernant la Guerre de Sécession. Il ira jusqu’à Gettysburg, à la veille d’une fameuse bataille, et lui, le petit homme insignifiant, changera l’Histoire…
AUTANT EN EMPORTE LE TEMPS (bravo au traducteur ayant trouvé ce superbe titre !) relève du roman initiatique et nous suivons un protagoniste principal au long de son existence. On pourrait parler de roman réaliste sans le contexte particuliers et uchronique qui lui sert de toile de fonds : cet emballage science-fictionnel n’est donc pas le cœur de l’ouvrage (ce qui pourrait en décevoir certain) mais il lui donne néanmoins tout son sel. Parsemé de réflexions quasiment philosophiques, de débats moraux, de passages sur le Bien et le Mal, le livre s’achemine lentement vers son final, certes attendu, mais néanmoins vertigineux et superbement (d)écrit.
Sans nul doute un incontournable de l’uchronie, à placer parmi les 10 meilleurs romans de ce style.
La réédition du roman comprend en outre une étude d’une quarantaine de pages signée Francis Valery qui s’intéresse successivement à Ward Moore, au bouquin qui nous occupe et à l’uchronie avec d’intéressantes pistes de lecture.