Marcel Lanteaume reste un écrivain très mystérieux et aujourd’hui hélas oublié. Né en 1902 (et décédé en 1988), il écrira plusieurs romans policiers pour distraire ses compagnons de Stalag entre 1940 et 1942. Après-guerre, trois d’entre eux furent publiés dans la collection « Le Labyrinthe » mais souffrirent de ventes insuffisantes. Le romancier cessa alors d’écrire et, selon la légende (et son fils), détruisit alors au moins cinq manuscrits ! Des trois romans existants, l’un reste quasiment introuvable (LA 13ème BALLE), les deux autres ayant été réédités au Masque à la fin des années ’90.
ORAGE SUR LA GRANDE SEMAINE constitue un parfait exemple de « chambre close » : deux frères, Marc et Edgar Kuss, invitent quelques personnes, dont le détective privé Bob Slowman et son biographe Charles Termine à diner. Une amie des frères, l’actrice américaine Gertrud Ross, est également de la partie. Mais la jeune femme, enfermée dans la salle de bain, est brutalement assassinée alors que pièce ne comporte aucune issue excepté une porte constamment surveillée par les convives. Slowman mène l’enquête et découvre que la maison servait jadis à des cultes sataniques. De plus un ancien amant de Gertrud, « initié » aux arts noirs, voulait sa mort. Tout comme un mystérieux « club des 9 », un réseau d’espionnage à qui Gertrud a dérobé d’importants documents. Ou encore José Montero, un gangster que la belle avait doublé ! Si les suspects ne manquent pas, restent à déterminer qui est l’assassin, et surtout comme il a pu agir.
Après un excellent démarrage, l’enquête patine un peu et le lecteur peut se sentir quelque peu dérouté, voire perdu, devant la multiplication des personnages et de leurs mobiles. Heureusement Bob Slowman (avatar transparent de l’auteur Lenteaume) nous offrira quelques belles démonstrations de son talent, avec, en outre, l’explication d’un fameux numéro d’illusionniste. Si la partie centrale du roman reste en deçà de son entrée en matière fracassante et de sa conclusion, elle reste, toutefois, agréable à lire.
Le meurtre impossible en chambre – pardon, en salle de bain ! – close se verra finalement et logiquement expliqué dans les dernières pages. Beau joueur, l’écrivain avait offert, peu avant, un énorme indice afin d’orienter le lecteur vers l’explication. Mais le familier du genre avait probablement deviné l’essentiel assez rapidement : il est, en effet, vite évident qu’une seule solution est possible. Car, c’est le paradoxe (ou pas ?) du genre : plus la situation parait inextricable et moins il existe de possibilité réelle pour le criminel d’avoir procédé pour commettre son méfait. Lorsqu’une pièce est « simplement » close le problème se montre, au final, plus compliqué à résoudre que lorsque l’auteur multiplie les impossibilités : une pièce petite, sans cachette possible, sans fenêtre, dont l’unique porte d’entrée est surveillée par plusieurs témoins dignes de foi. En appliquant la méthode dite de « Sherlock Holmes » et en étant attentif aux indices dissimulés (mais relativement transparent) par l’auteur, le lecteur devrait parvenir à résoudre le mystère. L’écrivain prend d’ailleurs la peine d’inclure un de ses fameux défis, si cher à Ellery Queen, pour lui signaler le moment où, ayant tous les indices en sa possession, il peut découvrir le qui, le comment et le pourquoi.
Si ORAGE SUR LA GRANDE SEMAINE reste en deçà de TROMPE L’ŒIL, le 3ème roman de Lenteaume à la solution stupéfiante, il n’en demeure pas moins un classique francophone du crime en chambre close.