anticipation

Publié le 25 Septembre 2022

VERS LES ETOILES de Mary Robinette Kowal

Avec son triplet magique (Hugo, Nebula, Locus), VERS LES ETOILES titille l’amateur de SF. Le résultat se montre t’il à la hauteur des attentes ? Globalement… oui mais avec plusieurs réserves. Nous sommes en présence d’une uchronie proche de la série « For all manking » : la course à l’espace doit être accélérée. Si, dans la série précitée, il s’agit d’une simple rivalité entre les USA et les Russes, ici la motivation s’avère plus sérieuse : la survie de l’Humanité. Mais dans les deux cas, le récit se braque sur les femmes et montre leur contribution à la conquête spatiale, notamment via les « calculettes », déjà évoquées par le film « Les figures de l’ombre ».

En 1952, une météorite détruit Washington et dévaste une large portion des Etats-Unis. Des millions de morts, encore davantage de réfugiés. Elma York, génie des mathématiques juive, et son mari Nathaniel échappent à la mort et s’installent dans une base militaire. En étudiant le phénomène, ils se rendent compte que l’Humanité est condamnée à disparaitre : une élévation sans précédent des températures va envoyer les Hommes aux côtés des dinosaures en tant qu’espèce éteinte. Pour la Terre, il n’y a plus rien à faire si ce n’est limité les dégâts du réchauffement climatique pour gagner quelques années. La seule solution réside donc dans la course à l’espace : recruter et former des astronautes pour coloniser la galaxie. Bien sûr le projet nécessite des femmes. En dépit des réticences des autorités, Elma est décidée à participer ! Malgré son anxiété maladive dès qu’elle doit parler en public elle va élever la voix afin de devenir la première Lady Astronaute.

L’uchronie débute après la seconde guerre mondiale : Dewey est élu président à la place de Truman en 1948. Mais l’événement qui chamboule radicalement l’Histoire se produit quatre ans plus tard : la chute d’une météorite raye de la carte une large part des Etats-Unis. Dès lors, la course à l’espace s’accélère avec pour premier objectif d’installer, pour commencer, une base lunaire. Pas pour la gloire mais parce qu’il s’agit de l’étape nécessaire pour permettre à l’humanité d’essaimer dans le système solaire. Voire plus loin. Vers les étoiles.

Roman intéressant par sa reconstitution historique « alternée », VERS LES ETOILES souffre cependant de pas mal de longueurs. Les « problèmes personnels » de l’héroïne occupent une (trop ?) large place et mettent souvent au second plan la conquête spatiale proprement dite. L’opposé du très technique (et un peu ennuyeux) VOYAGE de Stephen Baxter. Cela dit, ici aussi on s’ennuie parfois. La seconde moitié du roman souffre d’un gros ventre mou…L’aspect post (et pré !) apocalypse semble oublié, les conséquences de la chute du météorite peu évoquées, si ce n’est par quelques brèves scènes (émeutes d’affamés) et de courts textes, en forme d’articles de journaux, introduisant les différents chapitres. Beaucoup de pages se consacrent aux problèmes d’Elma, de son agoraphobie / anxiété, des relations avec son époux (compréhensif), de sa fatigue, etc. Le tout est également très manichéen : la jeune et jolie Juive super intelligente doit s’imposer face aux mains baladeuses et à l’opposition systématique de l’inévitable homme blanc d’âge mûr fier de sa supériorité machiste. Ce centrisme sur le personnage d’Elma pose d’autres problèmes : que se passe t’il dans le reste du monde ? La catastrophe a forcément eu des conséquences dramatiques pour toute la planète mais l’auteur se cantonne presque uniquement aux USA. On apprend simplement que d’autres pays tentent également de conquérir les étoiles et, shocking !, que la France ne parvient plus à produire du bon vin. A part ça, rien.

Mary-Robinette Kowal court plusieurs lièvres à la fois. A l’aventure spatiale (façon « l’étoffe des héros ») s’ajoute de longues considérations notes sur la condition de la femme et des Noirs dans l’Amérique des années ’50. Nul doute que cela lui a permis de décrocher Hugo et compagnie. Cependant la science-fiction reste la portion congrue : si on se dirige vers les étoiles, on est loin d’y aller. Il faut attendre les derniers chapitres pour que le roman décolle réellement, au propre comme au figuré. Sur 560 pages, le tout patine et aurait facilement pu être allégé d’une centaine de pages pour lui donner davantage de rythme.

Pourtant, en dépit de tous ces défauts, VERS LES ETOILES reste un « bon bouquin » : si on bataille parfois en se disant qu’il faudrait accélérer cette course à l’espace, l’ampleur du récit possède suffisamment de « sense of wonder » pour soutenir l’intérêt quelque peu défaillant. Les 150 premières pages et les cinquante dernières sont suffisamment prenantes et réussies pour compenser les grosses faiblesses de la partie centrale. Du coup, on ressort de la lecture quelque peu déçu mais en se disant qu’on poursuivra éventuellement le voyage, VERS MARS ou SUR LA LUNE.

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Publié le 7 Septembre 2022

LADY ASTRONAUTE de Mary Robinette Kowal

Mary Robinette Kowal, né en 1969, signe une première tétralogie (« Jane Ellsworth ») avant d’obtenir la reconnaissance grâce à sa série consacrée à la « Lady Astronaute ». Pour l’instant, le cycle se compose de trois romans (dont VERS LES ETOILES lauréat des Hugo, Nebula et Locus) et de ce court recueil de cinq nouvelles. En 128 pages, l’auteur nous propose donc cinq récits (dont un ultra bref), à commencer par « Nous interrompons cette émission » qui relate la destruction de Washington par un astéroïde détourné de sa course par un mégalomane. La suite, « L’expérience Phobos », s’intéresse à une expédition sur les lunes de Mars. « Le Rouge des fusées » traite de la tentative de proposer un feu d’artifice sur la planète rouge avec les clins d’œil attendus (le dôme protecteur Bradbury) et une thématique moins science-fictionnelle qu’émouvante : un homme retrouve sa mère et se rend compte du temps qui passe.

Elma York, alias la « lady astronaute », boucle le recueil dans une nouvelle récompensée par le Hugo. Sexagénaire, Elma veille sur son époux en train de mourir d’une longue maladie. De quoi la décourager d’accepter de partir, une dernière fois, vers les étoiles. L’intrigue science-fictionnelle, basée sur une conquête de l’espace uchronique, constitue une simple trame de fond pour un récit humaniste sur la fin de la vie et le renoncement à ses rêves. Encore une fois, le temps qui s’écoule, le renoncement et la vieillesse sont le cœur de l’œuvre mais l’emballage SF n’en est pas moins soignée.

Un recueil de nouvelles (vaguement liées entre elles par l’univers et les thèmes abordés, en particulier l’écoulement du temps et les difficultés d’y faire face) intéressante mais dont on retiendra surtout l’excellente histoire qui lui donne son titre, le reste étant plus dispensable sans être désagréable. Une bonne introduction à l’univers de la « lady astronaute ».  

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Publié le 13 Juillet 2022

MARS LA ROUGE de Kim Stanley Robinson

Déjà un classique de la science-fiction, lauréat du prix Nebula, MARS LA ROUGE est une brique, 660 pages bien tassées…qui se poursuivent par deux autres tomes, lesquels, rassemblés, forment une trilogie de plus de 1600 pages. Autant dire que cette lecture demande du temps et de l’investissement : nous sommes, en effet, en présence de hard science, autrement dit d’une science-fiction spéculative rigoureuse et d’une anticipation crédible. Pas vraiment de la grosse fantasy commerciale ou du space opéra « easy reading ». Une première tentative m’avait d’ailleurs laissé dubitatif. Cette fois, en sachant davantage à quoi s’attendre, ce fut la bonne. Car MARS LA ROUGE est un roman touffu et exigeant, sans être rébarbatif ou illisibles comme certains textes qui se résument à de l’infodump bourré de jargon technique.

Ici Kim Stanley Robinson décrit la lente terraformation d’une planète. Il envisage ainsi toutes les conséquences de ce processus à très long court. En se focalisant sur une poignée de personnages, appartenant aux « 100 premiers colons », Robinson décrit l’évolution de Mars : problèmes psychologiques, sociologiques, religieux, économiques, écologiques,…L’auteur s’intéresse également à la politique de cette planète Mars et le roman mérite donc bien le qualificatif de « planète opéra ». De plus, cette intrigue s’étale sur des siècles mais le romancier recourt à un petit tour de passe-passe bien pensé : l’augmentation de la longévité humaine à plusieurs centaines d’années. Ce qui permet de suivre les mêmes personnages au fil des siècles. Bien évidemment, les personnages « principaux » sont nombreux et impose une lecture attentive pour ne pas s’égarer dans les différentes sous-intrigues. Selon les sensibilités de chacun certaines sont, d’ailleurs, plus ou moins intéressantes puisqu’elles abordent différentes problématiques ou thématiques.

Si le background est d’une grande richesse, l’action, en revanche, se voit réduite à la portion congrue. Elle est surtout concentrée dans les derniers chapitres et les lecteurs qui attendent du « pétaradant » peuvent, par conséquent, passer leur chemin.

En sachant dans quel type de SF on s’aventure, MARS LA ROUGE reste un modèle de SF « scientifique » rigoureuse et une lecture prenante et intelligente. Elle donne d’ailleurs envie d’enchainer avec le deuxième tome, MARS LA VERTE.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Hard Science, #Prix Nebula, #anticipation, #science-fiction

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Publié le 9 Mai 2022

VERS UN AILLEURS MEILLEUR de Johan Heliot

La SF ayant abandonné l’utopie depuis le début du XXIème siècle, voici une nouvelle dystopie destinée aux ados. A la suite d’une catastrophe et d’un effondrement généralisé (pandémie, réchauffement climatique et autres), la France est coupée en deux. Le Nord est soumis à une dictature “à la chinoise” avec points de crédits social et reconditionnement des récalcitrants. Le Sud est considéré comme une zone libre plus avantageuse. Mais il faut encore y parvenir. Après avoir perdu tout son crédit, Maya n’a d’autre choix que de fuir avec son petit frère autiste. En chemin le duo se voit aidé par un autre migrant, Arno. Ils auront bien besoin de ce coup de main pour traverser la zone désertique qui sépare le Nord du Sud.

Johan Heliot est productif. Très productif même. Une centaine de bouquins à son actif dont quelques déjà classiques comme la trilogie de LA LUNE SEULE LE SAIT. FAERIE HACKERS, DRAGONLAND, LE TEMPESTAIRE, le référentiel LA GUERRE DES MONDES N’AURA PAS LIEU…Autant d’œuvres plaisantes et souvent originales. VERS UN AILLEURS MEILLEUR parait, hélas, beaucoup plus conventionnel. La principale originalité réside dans la narration en alternance mais le cadre est, lui, très classique. Une sorte de Mad Max pour jeunes adultes qui se résume en gros à une fuite en avant vers le monde meilleur espéré par les protagonistes. Un contexte pas vraiment développé qui permet surtout à l’auteur d’asséner quelques réflexions sur l’état actuel du monde. Reste que le roman peine à vraiment passionner, on a connu Heliot beaucoup plus inspiré et on eut aimé davantage d’innovations ou de surprise.

Ensuite, même si ce n’est pas véritablement un défaut imputable au roman, lire encore une dystopie post-Effondrement à base de réchauffement climatique, de famine et de pandémie n’est pas le plus distrayant par les temps qui courent. Bien sûr, la science-fiction a, de tout temps, développé une volonté d’avertissement dans le but de sensibiliser le lecteur aux problématiques à venir (et même déjà présentes) mais le manque total d’espoir des écrivains de SF actuels n’incite guère à l’optimisme. Ils sont dans doute plus réalistes et lucides (ou mieux informés) que la majorité mais le résultat est là: pour le divertissement le lecteur repassera.

Bref qui aime bien châtie bien, VERS UN AVENIR MEILLEUR est un roman correct mais loin des plus belles réussites de l’auteur…que je remercie néanmoins pour l’envoi du livre.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Jeunesse, #Johan Heliot, #Post Apocalypse, #anticipation, #science-fiction

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Publié le 24 Août 2021

LE CADAVRE DU JEUNE HOMME DANS LES FLEURS ROUGES de Jêrome Leroy

Né à Rouen en 1964, Jêrome Leroy publie depuis la fin du XXème siècle. Un coup d’œil à sa bibliographie révèle, dès les titres, qu’il se spécialise dans le post-apo et la littérature apocalyptique reprenant les thèses de la collapsologie : UNE SI DOUCE APOCALYPSE, UN PEU TARD DANS LA SAISON, LE GRAND EFFONDREMENT, BIG SISTER, etc. Il se réfère à Dick, Orwell et Ballard et cette novella condense, en 112 pages, toutes les anticipations d’une dystopie du monde d’après l’effondrement.

L’intrigue, quelque peu prétexte, suit un universitaire parisien, spécialisé dans l’étude du roman noir du XXème siècle, décidé à retourner à Rouen pour une réunion « d’anciens ». En chemin il se remémore son grand amour de jeunesse et constate la dégradation de la société.

Car nous sommes dans un futur proche, sans doute au mitan du XXIème siècle, et les nations se sont effondrées, rassemblées en méga-Etats: tout est privatisé, sponsorisé (Université Tolbiac Toyota),…Le dérèglement climatique est complet : plus moyen de se baigner, plus de neiges en montagne, des températures de 45° en Ile de France. Costume protecteur et masques de rigueur : plus de couche d’ozone, épidémies à foison, pollution, etc. La société a été divisée une vingtaine d’années auparavant lors de la Séparation : d’un côté les nantis, les Inclus, de l’autre les exclus, les Outer, autrement dit les banlieusards. La guerilla, proche de la guerre civile, est perpétuelle. Heureusement, pour tenir le coup, les Inclus disposent de nombreuses drogues et médicaments légalisés, ce qui compense la montée du puritanisme, l’interdiction de l’alcool et le recours quasi exclusif au sexe virtuel plutôt que réel.

Si les thèmes ne sont pas nouveau dans la SF « annonciatrice du pire », LE CADAVRE DU JEUNE HOMME DANS LES FLEURS ROUGES reste une lecture prenante, rythmée par des flashs d’information catastrophistes, qui se termine de manière complètement désespérée et nihiliste. On évitera donc de lire cette novella les jours de déprime mais on la conseillera pour tous les autres jours, après avoir planqué les cordes, les lames de rasoirs et les tubes de somnifère.

Comme aurait pu le dire son héros fan de Ellroy et compagnie, noir c’est noir !

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Roman court (novella), #anticipation, #science-fiction

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Publié le 23 Août 2021

LE COMBATTANT DE L'AUTOROUTE (UN LIVRE DONT VOUS ÊTES LE HEROS) de Ian Livingstone

Ce « défi fantastique » s’éloigne du cadre fantasy prisé de nombreux « Livre dont vous êtes le héros » pour proposer un environnement post-apo totalement pompé sur « Mad Max II ». En 2022 (demain quoi), une pandémie décime 85% de la population mondiale. Les survivants se répartissent rapidement en enclaves désireux de rebâtir un semblant de civilisation et en hordes barbares sans foi ni loi. Au volant de son Interceptor (!), le lecteur / joueur doit rejoindre une raffinerie pour ramener une précieuse citerne d’essence. Et c’est parti pour une longue traversée du désert sur des routes infestées de tarés en tout genre.

Le système de jeu est classique, c’est celui des « défis fantastiques », il est donc simple et bien rodé, ce qui évite d’interminables jets de dés. De plus, l’Interceptor dispose de nombreuses armes et, avec des stats correctes, il est possible de réussir l’épreuve en 3 ou 4 tentatives. Une petite carte des paragraphes étant, comme toujours, le meilleur moyen de progresser. Sans cela, le risque de s’égarer dans le désert est grand.

Les adversaires ne sont d’ailleurs pas particulièrement difficiles et comme l’Interceptor est équipée de quatre roquettes il ne faut pas hésiter à les utiliser. Sur l’aventure le lecteur / joueur devra réaliser une demi-douzaine de combats motorisés, deux ou trois affrontements à mains nues et quelques duels au pistolet. Ce qui donne un bon équilibre. Bref, si le véhicule adverse parait costaud, une roquette résout le problème et les vrais combats seront réservés aux adversaires moins puissants.

Un solide blindage est toutefois nécessaire, les possibilités de réparer son véhicule étant réduites. Le « boss final » (L’Animal) est prenable, même sans posséder de poing américain (qui donne un bonus de dégât appréciable mais encore faut-il le trouver).

Pour arriver à destination, le lecteur devra cependant se ravitailler en essence à trois reprises : trouver un bidon, un garage ou disposer d’un tuyau en plastique pour siphonner une épave sera donc indispensable. Sans cela la panne sèche est assurée et la mission se termine prématurément.

Par contre le bouquin ne demande pas de disposer d’objets précis pour être terminé, ce qui évacue une bonne dose de frustration ressentie avec de nombreux « livre jeu ». Au cours de son périple, il est également possible de sauver le président (façon « New York 1997 » le cynisme en moins) mais si le lecteur n’y parvient pas il n’encourt pas de pénalité.

Quelques pièges et explosions peuvent mettre un terme à l’aventure de façon brutale mais avec un peu de logique (savoir à qui faire – ou non – confiance), tout devrait se dérouler sans trop de difficulté.

L’essence permettra de conclure le récit : sans en posséder suffisamment, c’est fichu. Veiller donc à se réapprovisionner avant une trop longue route.

L’ambiance est bien retranscrite, les erreurs de traduction peu nombreuses et le roman se déguste comme une bonne série B d’action, offrant quelques heures de distraction sans qu’il soit nécessaire de reparcourir inlassablement le même parcours pour trouver la solution. Une bonne pioche pour ce « défi fantastique » original et fort agréable.

LE COMBATTANT DE L'AUTOROUTE (UN LIVRE DONT VOUS ÊTES LE HEROS) de Ian Livingstone

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Publié le 11 Avril 2021

LES ETOILES MEURENT AUSSI de Christophe Lambert

La collection « Quark Noir », lancée par Flammarion, ne dura qu’un an, entre février 1999 et février 2000. Huit romans furent publiés, écrits par des valeurs sures de la science-fiction ou des étoiles montantes de l’imaginaire francophone : Andrevon, Bordage, Canal, Ayerdhal, Riou, Wintrebert,… Et Christophe Lambert qui s’empare du héros astrophysicien Mark Sidzik. Le projet de la série, assez proche du Poulpe dans sa démarche, consistait à laisser le personnage aux mains d’une série d’auteurs qui devaient imaginer des intrigues dans lesquelles « la science kidnappe le polar ». Nous sommes donc dans un techno-thriller teinté de science-fiction, ou du moins d’anticipation, et saupoudré d’influences cyberpunk et hard-science (mais très abordable !). Groupes industriels tout puissants, lobbies divers, recherche d’une énergie propre (la fusion nucléaire), manipulations diverses,…Sidzil œuvre pour le World Ethics and Research afin que la science garde sa « propreté », à l’abris des bidouillages financiers, politiques, etc. Bref une question toujours (et même davantage !) d’actualité vingt ans après la publication de ce roman, surtout que la découverte d’une potentielle énergie « miraculeuse » comme la fusion nécessite des investissements colossaux. De plus, les répercussions seraient incroyables, en particuliers (mais pas seulement) auprès des producteurs d’autres formes d’énergie. On le voit, les questions posées dépassent largement la naïveté des techno thrillers d’antan (modelés sur James Bond) dans lesquels un savant fou souhaite devenir maitre du monde grâce à une invention révolutionnaire.  

Avec une progression maitrisée, l’auteur plonge son héros au cœur du problème jusqu’à ce qu’il soit pratiquement dépassé par les enjeux de cette course vers la fusion. La documentation nécessaire à l’intrigue est solide, avec quelques pages en postface explicatives, donnant une plus-value pédagogique (au sens large et non péjoratif) au récit qui mêle donc polar, espionnage et anticipation. Quelques notes peuvent amuser : la campagne présidentielle de Cohn-Bendit, sachant que l’affaire est de toutes façons pliées entre Jospin et Chirac (hum !). Il existe également une association mystérieuse surnommée les Watchmen dont les noms des intervenants sont empruntés à la célèbre BD d’Alan Moore. Notons également une visite aux bureaux de SF Mag, lequel était, à cette époque, géré par Flammarion. Mais ça n’allait pas durer. Pas de chance pour les pigistes qui y ont travaillés bénévolement (dont moi-même), nous n’avons jamais connu de bureaux dans la Tour Montparnasse.

En résumé, LES ETOILES MEURENT AUSSI se lit avec plaisir: un bouquin bien mené qui ressuscite avec bonheur certaines conventions du roman populaire d’antan (encore une fois ce n’est pas une critique, bien au contraire il s’agit d’un compliment) mais en leur conférant un rythme plus moderne, plus haletant et cadencé par les cliffhangers et autres twists, aujourd’hui indispensable à garder l’intérêt du public. Les aspects anticipatifs et scientifiques, de leur côté, émaillent l’histoire sans l’alourdir, apportant les informations nécessaires sans noyer le lecteur dans les détails superflus. Bref, du divertissement intelligent tout à fait réussi !

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Publié le 19 Février 2021

LES ENFANTS DU DIABLE de Don A. Seabury et Terence Corman

Troisième tome de la saga initiée par l’éditeur Media 1000 dans sa collection Apocalypse avec, derrière le pseudo collectif de Don A. Seabury et Terence Corman une poignée d’auteurs bien connus de l’imaginaire francophone : Michel Pagel, Michel Honaker et Richard D. Nolane en guise de réviseur pour ce troisième tome (et auteur complet du premier).

Sorti en septembre 1987, LES ENFANTS DU DIABLE se conforme à ce qu’on attend de cette collection populaire qui s’inspire à la fois des romans post-apocalyptiques pulp (comme la collection du SURVIVANT chez Gérard De Villiers) et du gore alors vendeur via la série dédiée chez Gore. L’intrigue n’innove pas vraiment et se contente de reprendre les aventures de Russ Norton, aventurier baroudeur n’ayant plus rien à perdre mais accomplissant des missions suicides dans le but de sauver son fils dont la maladie nécessite des soins couteux. Car l’humanité s’est effondrée, l’apocalypse a eu lieu et les régions dévastées sont, à présent, hantées par des sortes de mutants. Dans ce monde à la « Mad Max » la seule règle est la survie du plus apte et surtout du plus fort. Russ Norton, héros pur et dur qui rappelle un peu le Snake de « New York 1997 » se charge donc de rétablir un minimum de justice en affrontant sans relâche le terrible Terminateur.

Une pincée d’érotisme, beaucoup de violences sanglantes, quelques descriptions peu ragoutantes (arrachage de zigounette à coups de dents), un climat digne des meilleurs (ou des pires) films post-nuke italiens, entre « Les Nouveaux Barbares » et « Les Exterminateurs de l’an 3000 », LES ENFANTS DU DIABLE n’a pas de prétentions littéraires mais cherche simplement à divertir son lecteur pendant 2 ou 3 heures. Pari gagné pour ce bouquin plaisant et rondement mené.

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Publié le 3 Décembre 2020

L'ENFANCE ATTRIBUEE de David Marusek

Ce court roman d’anticipation s’inscrit dans la catégorie de la dystopie teintée d’éléments technologiques disons cyberpunk (pour poser une étiquette simple). Nous sommes à la fin du XXIème siècle. L’humanité, ou du moins une certaine élite, vit très longtemps. Ce n’est pas l’immortalité mais ça y ressemble. Bain regénérant, nanotechnologie nettoyante,…Du coup la surpopulation menace et la procréation est interdite, seuls quelques privilégiés obtiennent le droit d’avoir un enfant ou plutôt un « châssis », autrement dit une sorte de petit être bidouillé dont ils choisissent le sexe, les caractéristiques, etc. Sam et Eleanor y ont droit, ce qui bouleverse grandement leur existence. Sam est une sorte d’artiste / programmeur n’ayant plus réalisé grand-chose depuis longtemps, Eleanor est une célébrité du futur, une demi mondaine aurait on dit jadis qui n’est célèbre que…parce qu’elle est célèbre. Une influence de l’avenir dont l’existence s’expose en permanence sur les réseaux sociaux et qui passe son temps à faire la fête par avatar ou hologramme interposé. Pour gérer cette vie trépidante les individus disposent également de conseillers virtuels, des programmes qui leur servent à la fois de mémoire et d’agenda, sans oublier de constituer des systèmes de défenses contre les cyber attaques et les gadgets déglingués. Heureusement tout le monde est surveillé en permanence et les défaillances systèmes sont – normalement – court-circuitées avant le grillage de neurones.

Publié par le magasine Asimov aux USA en 1995 puis par Le Belial en 1999 avant d’être repris par le même éditeur dans sa collection « Une Heure Lumière » en 2019, cette novela se révèle une lecture intéressante. Si le début peut déstabiliser, la suite se montre rapidement bien menée, l’auteur utilisant le prétexte d’une histoire d’amour entre deux individus dissemblables pour brosser le tableau d’un futur crédible et réussi, probablement encore plus plausible aujourd’hui que voici 25 ans. Bref, l’auteur se montre visionnaire et percutant, rappelant parfois Philip K. Dick dans sa manière d’imaginer un univers en apparence enviable mais qui montre rapidement ses monstruosités et dans sa description d’un individu dont la vie bien réglée s’écroule pour plonger dans un véritable cauchemar éveillé.

Une bonne pioche dans cette collection hautement recommandable !

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Cyberpunk, #Roman court (novella), #anticipation, #science-fiction

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Publié le 3 Août 2020

LE SULTAN DES NUAGES de Geoffrey A. Landis

Finaliste du Prix Nebula et lauréat du Sturgeon dans la catégorie « roman court », LE SULTAN DES NUAGES s’intéresse, en une centaine de pages, à la colonisation de la réputée infernale et invivable Vénus. Pour s’y établir les Hommes se sont installés dans des villes flottantes sous la domination de  Carlos Fernando Delacroix Ortega de la Jolla y Nordwald-Gruenbaum, jeune homme (environ 12 ans en années terrestre) décidé à trouver une compagne (via le rituel de l’œuf, du livre et de la pierre qui l’autorise à courtiser) et à accélérer la « terraformation » de la planète.

Ecrivain rare et peu publié chez nous, Geoffrey A. Landis a pourtant obtenu pas mal de prix pour ses nouvelles (Asimov, Hugo, Nebula, Locus, Analog,…). Son œuvre traduite se résume a peu de chose mais on trouve deux de ses récits dans les vénérables anthologies « Asimov présente » publiées début des années ’90 chez Pocket. Le texte proposé ici rappelle d’ailleurs les textes de l’âge d’or de la science-fiction, lorsque Clarke imaginait des univers complexe ou qu’Asimov pensait les habitations futures des hommes réfugiés dans LES CAVERNES D’ACIER. Un parfum quelque peu rétro plane donc sur ce court roman.

En effet, LE SULTAN DES NUAGES constitue une plaisante novella qui fonctionne davantage sur les idées que sur les péripéties ou sur l’action : l’auteur prend le temps de nous décrire les curieuses villes volantes vénusiennes et s’attarde longuement sur la pratique du mariage, divisé en « haut mariage » et « bas mariage ». En résumé, un jeune homme épouse une femme plus âgée qui va « l’initier » puis, une fois vieux, il prendra à son tour une jeune épouse pour perpétuer les traditions à la manière d’une « tresse ». L’intrigue mélange donc un côté « hard science » dans ses idées (sans que l’on soit englouti de considérations techniques), quelques touches cyberpunk (pour la prise de pouvoir des mégacorporations et les détails scientifiques), d’anticipation philosophique (au sens large puisque le héros se voit confronté à des modes de vie étrangers et, comme l’aurait dit Farmer, à des « rapports étranges » entre les sexes) et de « sense of wonder » (par cet environnement complètement hostile et pourtant fascinant). Cependant, le tout reste léger : on sent que la ligne narrative constitue un simple prétexte à approcher un environnement et des modes de vie profondément différents. On peut d’ailleurs s’étonner de la réaction du héros qui, confronté aux « mariages tressés » a une réaction bien peu scientifique en les assimilant immédiatement à de la perversion sexuelle, pour ne pas dire à de la pédophilie institutionnalisée. Il est d’ailleurs surprenant qu’il n’ait pas une connaissance, même sommaire, de cette coutume avant de se rendre sur Venus. Passons sur cette facilité narrative qui permet au lecteur de la découvrir en même temps que le principal protagoniste.

Solide et agréable, LE SULTAN DES NUAGES rappelle quelque peu (aussi étonnant que cela puisse paraitre) le dessinateur François Schuiten : l’intrigue proprement dite reste anecdotique et sert simplement de fil conducteur à une exploration très précise des particularités architecturales (et dans une moindre mesure sociétales) d’un univers étonnant. Le grand plan de l’antagoniste se montre d’ailleurs quelque peu survolé et la conclusion, expédiée en deux pages, démontre si besoin que l’important était ailleurs.

Malgré ces bémols, LE SULTAN DES NUAGES demeure une novella agréable et globalement réussie qui permet de passer une ou deux heures d’évasion pour un divertissement intelligent et dans l’ensemble convaincant. Un bon moment si on accepte de fermer les yeux sur les quelques défauts du récit.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Hard Science, #Roman court (novella), #anticipation, #science-fiction

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