dystopie

Publié le 15 Juin 2023

PUTE FINALE de Mayeul Tur

Avec un titre comme PUTE FINALE on sait immédiatement qu’on ne lira pas un texte de gauche. Au contraire, nous sommes dans la pamphlet réactionnaire, au sens premier du terme. Le romancier et quasi-narrateur de cette intrigue réagit. Il entre en réaction contre l’idéologie « féministe déféminisante woke trans gauchiasse (et plus encore) ». Le texte, sous forme d’une dystopie d’anticipation (juste une dizaine d’années dans le futur) imagine une société gangrénée par le wokisme.

Comme Winston, le héros de 1984, le Benjamin de PUTE FINALE dit un jour "non". Un pur refus. Sachant que dire non ne lui apportera rien, il s'obstine. Lorsque l’autorité lui affirme que 2 + 2 = 5, Winston refuse cette absurdité. Lorsque sa patronne lui apprend que son collègue barbu veut à présent être considéré comme une femme et répondre au seul prénom d'Anna, Benjamin ne peut l’accepter. Et dans la France de 2030, complètement obsédée par le genre, la race et le progressisme, Benjamin est condamné à mort. Pas une mort physique (nous n'en sommes pas encore là mais bon, certains ne seraient pas contre) mais une mort sociale. Ostracisé le Benjamin. Dans une société racisée-genrée-victimisée, notre homme blanc hétéro de soixante ans, avec son male gaze et ses yeux qui s'égarent sur les poitrines féminines, n'a plus sa place. Et attention car les portables sont équipés de dispositifs d'enregistrement pouvant servir de preuves lors de toutes agressions, même micro. Attention à ne pas tenir la porte d'une femme ou à lui offrir des fleurs, violeur en puissance! Du coup Benjamin est viré de son travail. Car du communisme au stalinisme il n’y avait qu’un pas et du progressisme au wokisme pas davantage. Devant la « tyrannie de la transidentité », Benjamin ne plie pas. Il refuse d’être le problème puisque, selon lui, le problème c’est ce gugusse qui, du jour au lendemain, veut être traité comme une gonzesse. Même sans même être passé par le billard et alors qu’il a toujours sa bite entre les jambes. Pourtant il était plutôt de gauche le Benj'. Mais la gauche d'avant, celle qui se préoccupait davantage de social que de genre. La guerre des classes d'accord, la guerre des races et des sexes non. Du coup Benjamin se cherche une raison d'exister. Pas facile dans cet Occident condamné à brève échéance peuplé de féministes hystériques voulant couper les couilles du patriarcat et d'hommes déconstruits qui ont soudainement envie de s'appeler Axelle.

Que faire? Comment pouvoir encore être un homme machiste et fier de l’être sans que la société ne trouve à y redire. La réponse s'impose: l'islam sauvera le mâle blanc hétéro de plus de cinquante ans. Ne pouvant pas changer de race et n'ayant pas envie de se couper le zob, le Benj' peut se convertir. Rejoindre les victimisés, les intouchables. L’impunité des barbes et des babouches. Notre Benj se plonge dans le coran quoiqu'il aimerait davantage plonger dans la chatte de Léa, la fille d'une de ses anciennes partenaires (dans tous les sens du terme) de lutte. Mais bon, avec quarante ans d'écart le Mal(e) a peu de chance de parvenir à ses fins dans cette société – usine à gaz qui traque le « gaze » à tous les étages.

PUTE FINALE est donc un texte engagé, caricatural et radical qui tire à boulet rouge sur les woke, les trans, les féministes, les gauchistes, etc. Dommage que la charge soit souvent si lourde qu’on en ressort fatigué, d’autant que le style volontairement relâché (le roman est écrit « comme on parle » avec une élision de la moitié des voyelles à tous les mots) finit par rende le tout quelque peu indigeste.

Toutefois et même si on n’est pas obligé d’être toujours d’accord avec tout ce que raconte (ou éructe) Mayeul Tur le bouquin reste amusant. Entre Houellebeck, Beigbeider et un édito de Valeurs Actuelles, l’ensemble pose de bonnes questions et à moins d’être un électeur de Papy Mélanchon, un Oin Oin de gauche ou un membre du « camp du bien », PUTE FINALE demeure, en dépit de ses défauts, une lecture recommandable.

Merci donc à l'éditeur pour m'avoir envoyé ce roman.

Voir les commentaires

Rédigé par hellrick

Publié dans #Politique, #Essai, #Humour, #anticipation, #Dystopie

Repost0

Publié le 3 Juin 2023

Rédigé par hellrick

Publié dans #Novella (roman court), #science-fiction, #Humour, #Dystopie

Repost0

Publié le 13 Novembre 2022

UNE BRAISE SOUS LA CENDRE de Sabaa Tahir

Sous une belle couverture très incitative se cache le premier tome d’une nouvelle quadrilogie orientée "young adult". Ici, la romancière nous offre une bonne dystopie dans un univers de fantasy inspiré par la Rome Antique. Le tout se montre donc très (trop ?) manichéen : d’un côté une Erudite, Laia, évidemment jeune, belle et intelligence. Pour sauver son frère emprisonné, elle entre dans la résistance contre le tout puissant Empire Martial. Envoyée dans la capitale, elle devient esclave et espionne la Commandante pour le compte de la résistance. Cette commande se révèle une sadique aimant maltraité ses servantes. Son fils, Elias, s’apprête de son côté à participer aux épreuves visant à déterminer le successeur de l’Empereur. Or Elias n’a aucun intérêt pour les barbaries impériales. Il refuse son destin et s’apprête à déserter. Mais un Augure lui prophétise l’unique moyen de s’en sortir : accepter son rôle et triompher des épreuves. Elias deviendra t'il empereur ou laissera t'il ce poste à sa meilleure amie? Bien sûr, les deux récits convergent par la rencontre entre Laia et Elias.

Entre LE TRONE DE FER (pour le côté sombre et les intrigues politiques), HUNGER GAMES (pour les différentes classes et les épreuves toujours plus violentes) et même LA GUERRE DES ETOILES (pour la lutte d’une poignée de rebelles face à l’Empire cruel), le bouquin élabore un univers cohérent et réussi. Une des bonnes idées de la romancière consiste d’ailleurs à situer son récit dans un monde inspiré à la fois par la Rome antique (les noms, le système de commandement, la place des Augures, etc.) et l’Orient, avec ses Djinns et ses Effrits en guise de créatures magiques. Cela change agréablement du médiéval fantastique occidental vu et revu. Maligne, Sabaa Tahir change de point de vue à chacun des courts chapitres, passant d’Elias à Laia, ce qui dynamite le bouquin et permet de maintenir l'intérêt durant les 500 pages.

UNE BRAISE SOUS LA CENDRE offre des protagonistes travaillés et, exceptés la méchante commandante un peu trop "chargée, les autres personnages évitent le "tout noir" ou "tout blanc". Le style de l'auteur se montre, lui aussi, de qualité et plus élaboré que la moyenne des romans "young adults". Si le tout reste relativement prévisible, Sabaa Tahir réussit à emprunter quelques chemins de traverses qui relancent l'envie de poursuivre la lecture. Dommage que la fin, ouverte, oblige à poursuivre la lecture par le deuxième tome, il eut été préférable que l'intrigue se conclue, au moins partiellement, à l'issue de ce premier opus. Quoiqu'il en soit voici un roman très plaisant et solide et une nouvelle auteur à suivre dans le petit monde de la fantasy pour adolescents. Conseillé!

Voir les commentaires

Rédigé par hellrick

Publié dans #Aventures, #Fantasy, #Jeunesse, #Dystopie

Repost0

Publié le 1 Février 2019

LE PASSAGE de Justin Cronin

La première chose qui frappe devant le bouquin c’est, forcément, son épaisseur. Une brique ! Même au sein d’une science-fiction souffrant de plus en plus d’éléphantiasis, le roman de Justin Cronin détonne avec (en poche) ses 1260 pages bien tassées. Et il s’agit seulement du premier tome d’une trilogie apocalyptique accumulant les superlatifs et s’étendant sur près de 3 000 pages.

Une fois la lecture entamée, on constate également que l’auteur semble totalement imprégné des codes de la série télévisée. Si on a souvent dit des auteurs de best-sellers de la fin du XXème siècle qu’ils écrivaient « à la manière d’une superproduction hollywoodienne » dont ils avaient intégré la narration alors Cronin propose peut-être la première « série télé » sur papier. Pas étonnant d’ailleurs que les droits aient été acquis (avant même la publication du livre !) par Ridley Scott qui songeait à en tirer trois films…avant qu’une adaptation pour les petits écrans soit lancée début 2019.

Au programme : multiplication des personnages, abondance des lignes narratives destinées à se rejoindre à mi-parcours, temporalité étirée avec plusieurs bonds temporel (l’intrigue se déroule sur plus d’un siècle !),…

Tout débute dans un futur très proche. Tandis qu’un commando militaire traque des individus atteints d’une étrange maladie, au Texas un condamné à mort et onze autres prisonniers sont choisi pour participer à une expérience médicale révolutionnaire. Mais, bientôt, un virus est libéré, se propage sur la planète entière et aboutit à un effondrement total de la civilisation, dévastées par des hordes d’infectés avides de sang. Un siècle plus tard, une petite communauté survit face à ces « vampires ». Surgit alors une « fille de nulle part », apparemment âgée de 14 ans mais en réalité né un siècle auparavant…Elle possède peut-être la clé permettant de relancer la civilisation.

La première partie, la plus prenante, propose une série d’expériences top secrètes menées par l’armée américaine. Le mystère est prenant, les personnages bien caractérisés, le background étoffé sans devenir envahissant. Impossible de ne pas penser à Stephen King engagé pour écrire un épisode de X Files (comment ça il l’a fait ? Bref…).

La suite se déroule après un bond de près de cent ans. L’apocalypse a eu lieu, l’humanité a tenté de survivre, la Californie a quitté l’union, l’Europe a fermé ses frontières mais rien n’a pu empêcher l’effondrement. Du coup, au début du XXIIème siècle, les hommes survivent dans des petites colonies retranchées comme des forteresses féodales. Le retour à l’âge des ténèbres s’annonce puisque tout va bientôt s’éteindre… « Mad Max » dans « La Nuit des morts vivants » ou « Je suis une légende ». Des infectés, des « vampires », des viruls (dénomination officielle),…la fin du monde est là et bien là. Bref, on entre dans le survival horrifique post-apocalypse façon blockbuster hollywoodien. Cette partie reste intéressante mais n’évite pas quelques baisses de rythme, le romancier se perdant parfois dans ses (trop) nombreux protagonistes certes habilement brossés mais qui n’évitent pas toujours les lieux communs (romance contrariée, infidélité,…). Avec les gardes protégeant la colonie LE PASSAGE s’apparente parfois à une relecture de certains chapitres du TRONE DE FER dans l’univers de « Walking Dead ».

Les plus critiquent dirons même que le bouquin s’apparente parfois à un de ces romans de gare des années ’80 (souvenez-vous des collections « Apocalypses » ou « Le Survivant » avec leurs titres tapageurs comme LES MURAILLES DE L’ANGOISSE ou ENFER CANNIBALE) à la différence que Justin Cronin étire son récit non pas sur 200 pages mais sur 1200. Mais ne faisons pas trop la fine bouche : en dépit de sa longueur et de certaines longueurs (comme dans une série il y a fatalement des intrigues et des personnages moins intéressants – de manière subjective), la lecture de ce roman reste fluide et agréable, quoique certains passages puissent exaspérer par leur lenteur. On peut donc se permettre de les survoler…

Si certains, qui « binge watch » des séries, voudront s’enfiler ce pavé d’une traite les plus raisonnables peuvent opter pour une lecture fractionnée en trois ou quatre fois, histoire de raviver l’intérêt pour un roman sans doute plaisant mais incontestablement trop long d’au moins 300 pages.

Loin d’égaler le classique LE FLEAU de Stephen King qui demeure le mètre étalon du post apocalypse littéraire, LE PASSAGE demeure efficace et trouvera certainement son public. Mais, maintenant que la boucle est bouclée et que le bouquin est devenu une série peut-être serait il plus judicieux de passer directement à l’adaptation télévisuelle.

Voir les commentaires

Repost0

Publié le 12 Février 2018

LES DESERTEURS TEMPORELS de Robert Silverberg

Ecrit en 1967 voici un plaisant roman de science-fiction qui aborde, par la bande, la thématique du voyage dans le temps et des paradoxes temporels.

Nous suivons les pas de Joe Quellen, secrétaire criminel de septième classe (ce qui n’est pas si mal, il peut posséder un appartement d’une pièce) vivant sur la Terre ultra surpeuplée de 2490 dirigée par un invisible Gouvernement Suprême. Quellen, grâce à la téléportation, se réfugie régulièrement en Afrique, dans une zone paradisiaque normalement réservée aux plus hautes instances (la deuxième classe). Cette infraction l’oblige à payer une somme rondelette à un de ses collègues, apprenti maitre chanteur. A cette époque se déroule également un curieux phénomène : des individus, désespérés, « sautent » dans le temps et deviennent des « déserteurs temporels », se réfugiant cinq siècles auparavant. Le fait a été enregistré et il n’est pas question de s’y opposer tant les risques sont grands de détruire le continuum. Après tout le chef suprême de la Terre est peut-être lui-même un lointain descendant d’un de ses « sauteurs ». Pourtant Quellen enquête sur l’étrange organisation clandestine dirigée par un certain Lanoy qui se charge d’expédier dans le passé ses concitoyens. Que fera t’il une fois Lanoy identifié ?

En 190 pages, Silverberg démontre son talent pour offrir un récit rythmé qui brosse un tableau plausible d’un futur possible : la société y est totalement hiérarchisée, chacun appartient à une classe spécifique et le monde, incroyablement surpeuplé en dépit de mesures drastiques, est devenu pour beaucoup quasiment invivable. D’où le succès d’une organisation secrète qui se propose, contre rémunération, d’envoyer se perdre dans le temps les personnes les plus désespérées.

Si beaucoup de détails ont vieillis dans le décorum (la technologie imaginée pour le XXVème siècle parait déjà en grande partie obsolète aujourd’hui), le futur décrit n’en reste pas moins intéressant avec cette planète victime d’une surpopulation effarante et ses habitants répartis dans des classes sociales rigides. Silverberg imagine également des échappatoires possibles offertes aux humains trop cadenassés : religions bizarres, rites érotiques particuliers (des cérémonies de vomissements rituels qui préludent aux orgies), usages des drogues généralisées dans « les palais de l’illusion », prostitution institutionnalisée, etc. Tout semble prévu pour éviter que la bouilloire ne déborde, l’Etat se souciant de proposer des soupapes de sécurité afin d’éviter la révolte.

L’écrivain brosse de beaux portraits, caractérisant avec efficacité mais simplicité son principal protagoniste, un employé administratif de seconde zone tenté par une rébellion mineure (la possession d’un petit jardin africain) qui va lui causer bien du souci durant son enquête sur les « déserteurs temporels ». Les personnages secondaires, eux aussi, sont intéressants, comme quoi il n’est pas toujours nécessaire de pondre des pavés de 1000 pages pour rédiger un roman à la fois intelligent et divertissant.

Proche dans ses thématiques d’autres romans de l’écrivain comme LES DEPORTES DU CAMBRIEN ou LES TEMPS PARALLELES (ce dernier proposé dans le même recueil « Time Opera »), LES DESERTEURS TEMPORELS constitue une bonne porte d’entrée dans l’univers d’un des géants de la science-fiction américaine.

Voir les commentaires

Rédigé par hellrick

Publié dans #science-fiction, #anticipation, #Dystopie

Repost0