nouvelles (recueil)

Publié le 26 Mars 2024

CONAN LE FLIBUSTIER de Robert Howard et L. Sprague de Camp

Un nouveau recueil de nouvelles pour le Cimmérien, en partie révisées par L. Sprague de Camp dans son intéressante (mais débattue) tentative d’ordonner la vie de Conan de manière chronologique. Il ajoute ainsi en présentation des récits de petits textes censés expliquer la destinée du héros, lequel voyage beaucoup, rencontre de nombreux ennemis très méchants, séduit de nombreuses femmes (généralement puissantes, ce qui lui permet de garder un statut enviable), passe de militaire à mercenaire ou pirate, etc.

La première nouvelle, « Des éperviers sur Shem » est une refonte, par de Camp d’une histoire originale ne mettant pas en scène Conan et située à l’origine en Egypte. En dépit de ce tour de passe-passe discutable, l’intrigue fonctionne.

Retour à Howard avec « Le colosse noir » (les révisions de Camp y sont très mineures), une typique intrigue de Fantasy avec souveraine en péril, culte maléfique, affrontement contre une divinité, magicien louche, etc. Conan y prend du galon et devient général d’une armée, le récit, de son côté, prend de l’ampleur avec davantage de combats, de magie et de moments épiques. Un classique.  

« Des choses dans la clarté lunaire » poursuit les aventures du Barbare devenu pirate tandis que « La route des aigles » constitue un autre bidouillage qui transforme une nouvelle située dans l’Empire Ottoman en histoire de Conan.

Enfin, la célèbre « Une sorcière viendra au monde » comprend la fameuse scène de crucifixion reprise dans l’adaptation cinématographique « Conan le Barbare » et considérée comme la plus réussie écrite par Howard. Le reste de la nouvelle est efficace sans être réellement mémorable, avec une méchante reine débauchée prenant la place de sa gentille sœur. Mais le tout se lit avec plaisir et plusieurs passages démontrent la fougue et l’énergie que pouvait déployer Howard : l’intrigue est rythmée, l’écriture fiévreuse, la violence surgit de manière brutale,…Une bonne manière de conclure ce recueil inégal mais appréciable.

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Publié le 4 Décembre 2023

LES ARCHIVES DE JULES DE GRADIN de Seabury Quinn

On le sait, Seabury Quinn fut le plus populaire des écrivains de Weird Tales, devant Howard, Lovecraft et les autres. Aujourd’hui oublié par la plupart des amateurs, il n’a guère bénéficié des rééditions fastueuses des deux précités. Des quelques 93 nouvelles mettant en scène le détective de l’occulte Jules de Grandin, les Français ne purent en découvrir que quinze : deux anthologies (celle qui nous occupe et le copieux JULES DE GRANDIN, SHERLOCK HOLMES DU SURNATUREL au Fleube Noir) et une poignée de récits répartis, notamment, dans les anthologies LES MEILLEURES HISTOIRES DE WEIRD TALES.

Ce recueil comporte six textes, écrits entre 1925 et 1930, d’une longueur allant de trente à cinquante pages, assortis d’une présentation du personnage. Jules de Grandin est donc un détective du surnaturel, une variation sur Sherlock Holmes ou le Chevalier Dupin, qui enquête sur diverses affaires étranges. Précurseur de Harry Dickson, il est confronté à des poltergeists, revenants, enchantements vaudous, savants fous, gorilles en vadrouilles et autres malédictions, sans oublier une plus originale fantôme lesbienne revancharde.

Les récits, forcément datés, n’en restent pas moins plaisants avec une traduction qui respecte les tournures soi-disant « françaises » de Jules, émaillées de « Monsieur », « Mordieu » et d’expressions singulières, dont la plus célèbre demeure « par la barbe d’un bouc vert ».

Rythmées, efficaces et divertissantes (bien que toutes les nouvelles adoptent une construction similaire), les enquêtes de Jules de Grandin sont à picorer à petites doses et à savourer comme des curiosités historiques encore bien agréables.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Pulp, #Nouvelles (recueil), #Fantastique, #Horreur, #Policier

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Publié le 5 Novembre 2023

SOLOMON KANE: L'INTEGRALE de Robert E. Howard

Que dire de plus sur ce monument de la Dark Fantasy ? Créé par Robert E. Howard, récemment (fort bien) adapté à l’écran, Solomon Kane est un puritain fanatique en butte aux forces maléfiques. Il voyage de par le monde et se confronte régulièrement à des créatures maléfiques. On y retrouve donc des descriptions de lieux légendaires, de cités perdues et de contrées exotiques. Solomon se bat contre des monstres divers, notamment à l’arme blanche, ce qui donne une connotation « cape et épée » appréciable aux différents récits proposés.

Mais le personnage est intéressant et vraiment original, surtout compte tenu de l’époque. En effet, Kane est une sorte de justicier s’en allant combattre le Mal où qu’il se cache, se mêlant (si on peut dire) de ce qui ne le regarde pas. Mais, pour lui, justement ça le regarde : homme de dieu il ne peut supporter l’idée d’un Mal prospérant en liberté. Il doit l’affronter, prendre tous les risques, défier des ennemis plus puissants…sûr de son bon droit et de son triomphe final. Bref, un personnage plus complexe et moderne qu’on ne croit, toujours actuel finalement, pas toujours plaisant à côtoyer, pas toujours « bêtement » héroïque. Solomon est humain, tout simplement. Il tranche avec d’autres héros pulp inflexible, invincible et infaillible façon Doc Savage ou Superman.

Les nouvelles dans lesquelles il apparait sont, pour la plupart, réussies. Certaines le sont davantage, bien sûr. Il y a des hauts et des bas, ce qui est inévitable. Mais même les récits les moins efficaces possèdent un souffle épique indéniable, un mélange de merveilleux, de fantaisie et d’épouvante, parfois lovecraftienne (forcément). Dire qu’Howard avait une vingtaine d’années lorsqu’il les a écrits. Quelle maitrise, quel sens de l’aventure ! Ah s’il n’avait pas eu l’idée stupide d’en finir a seulement 30 an…Que d’histoires merveilleuses il nous aurait encore donné. Mais ne refaisons pas l’Histoire et contentons nous d’apprécier l’intégralité, ici rassemblée sur environ 500 pages, des nouvelles de l’auteur.

Le bouquin ajoute aux nouvelles de belles illustrations évocatrices, des fragments et autres brouillons, des textes explicatifs. Bref une intégrale définitive et, osons le dire, incontournable.

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Publié le 6 Octobre 2023

LE ROYAUME DES CHIMERES de Robert E. Howard

Robert Howard c’est Conan. Oui, bien sur. Mais pas seulement. Ce riche recueil témoigne de la diversité d’un auteur parti beaucoup trop jeune mais qui démontre sa fougue, son énergie épique et son imagination débordante. Les nouvelles présentées sont relativement longues, parfois proches de « courts romans » (ou novalla), par exemple « Le sang des dieux » qui approche des cent pages.

Les récits varient de la pure fantasy au cape et épée historique en Normandie en passant par les épopées Vikings et l’horreur lovecraftienne. On voyage ainsi dans le temps (époque romaine, début du XXème siècle, Moyen-âge, Far West, antiquité fantasmée) et dans l’espace. Le recueil commence avec la nouvelle titre, « le royaume des chimères, consacrée au fameux roi atlante Kull qui vécut bien avant Conan (mais dans le même univers). Comme Conan voici un barbare certes mais relativement raffiné, en tout cas intelligent, qui ne se repose pas uniquement sur sa hache et ses muscles. Tout le contraire de la caricature de connard barbant auxquels sont souvent associés les créations d’Howard.

Il y a de nombreuses autres nouvelles réussies dans ce recueil, notamment Agnès la Noire, au sujet d’une épéiste française (le titre original, « Sword Woman », est plus évocateur) ou l’épique « les épées de la mer nordique » avec des Vikings.

Howard propose encore des récits plus portés vers l’horreur dans le style de Weird Tales. Citons par exemple « L’homme noir », « Les pigeons de l’enfer », « la pierre noire » ou « les vers de la terre ». On y trouve les hommages / emprunts aux mythes lovecraftien (R’lieh, Dagon, etc.) dans un mouvement d’enrichissement mutuel des auteurs de l’époque.

LE ROYAUME DES CHIMERES constitue donc un épais recueil, joliment et richement illustré, qui offre près de 600 pages d’aventures, de Fantasy, d’horreur et d’action. Le style de Howard est plus léger, plus fluide et (osons le dire) plus moderne que celui de Lovecraft. Ces récits aux dialogues percutants et aux descriptions courtes et précises apparaissent encore très actuels alors qu’ils furent écrits voici un siècle. On peut même ajouter qu’ils restent plus plaisants et grandioses que 90% de la production actuelle dans le même style. Chaudement recommandé.

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Publié le 20 Décembre 2022

CONTES POUR PETITES FILLES LIBERTINES de Nadine Monfils

Nadine Monfils, spécialisée dans le polar souvent humoristique, s’est également plusieurs fois essayée à l’érotisme, par exemple avec LE BAL DU DIABLE ou LES SOULIERS DE SATAN.

On lui doit également, sous pseudo, plusieurs aventures de Blade, le héros de science-fantasy sexy publié chez Gérard de Villiers. CONTES POUR PETITES FILLES LIBERTINES date de ses débuts. L’autrice revisite ici les thèmes classiques de l’érotisme, souvent agrémenté de fantastique, voire d’horreur. Les récits sont étranges, délirants, imaginatifs et surréalistes. Avec des emprunts aux contes de fées et un côté décalé, parfois malaisant, qui joue, bien sûr, sur les fantasmes pédophiles en détaillant les rencontres entre des « pervers pépères » et de très jeunes « lolitas ». Parfois, Monfils revisite les contes de fées traditionnels de manière décalée (« Cendrillon 2011 »), parfois elle part dans un peu délire sans queue (enfin on se comprend) ni tête. C’est quelque fois efficace, d’autre fois fatiguant car trop relâché et, surtout, le tout manque franchement de structure. CONTES POUR PETITES FILLES CRIMINELLES démontrait les mêmes qualités et, surtout, défauts. Bref, ça tourne un peu en rond et il vaut mieux picorer dans quelques récits plus intéressants que de lire toutes les nouvelles, surtout d'une traite, sous peine de risquer l'indigestion.

« Un grand père en solde », « la couseuse de colombes », « la passion magique »,….autant d’histoires bizarres réservées aux amateurs de ce genre d’étrangetés littéraires. Ici, le surréalisme domine et voisine avec le sadisme et l’érotisme, le tout dans une certaine idée de la « belgitude ». Monfils s’inspire autant de Jean Ray que du Marquis de Sade. Il doit y avoir un public mais on peut aussi y rester hermétique.

Ceux qui attendent un recueil de récits érotiques « classiques » resteront sans doute sur leur faim avec ces nouvelles plus déconcertantes qu’excitantes. C’est bien écrit, intriguant, suffisamment court pour ne pas lasser (certains textes ne font que deux pages) mais, dans l’ensemble, il est difficile de se passionner pour ces histoires abracadabrantes. Un défaut (que certains peuvent qualifier de qualité, tous les goûts sont permis) que l’on retrouve dans LE BAL DU DIABLE conçu sur un principe similaire. Il vaut donc mieux savoir à quoi s’attendre lorsqu’on ouvre ce livre qui, comme on dit, ne s’adresse pas à tout le monde.

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Publié le 7 Septembre 2022

LADY ASTRONAUTE de Mary Robinette Kowal

Mary Robinette Kowal, né en 1969, signe une première tétralogie (« Jane Ellsworth ») avant d’obtenir la reconnaissance grâce à sa série consacrée à la « Lady Astronaute ». Pour l’instant, le cycle se compose de trois romans (dont VERS LES ETOILES lauréat des Hugo, Nebula et Locus) et de ce court recueil de cinq nouvelles. En 128 pages, l’auteur nous propose donc cinq récits (dont un ultra bref), à commencer par « Nous interrompons cette émission » qui relate la destruction de Washington par un astéroïde détourné de sa course par un mégalomane. La suite, « L’expérience Phobos », s’intéresse à une expédition sur les lunes de Mars. « Le Rouge des fusées » traite de la tentative de proposer un feu d’artifice sur la planète rouge avec les clins d’œil attendus (le dôme protecteur Bradbury) et une thématique moins science-fictionnelle qu’émouvante : un homme retrouve sa mère et se rend compte du temps qui passe.

Elma York, alias la « lady astronaute », boucle le recueil dans une nouvelle récompensée par le Hugo. Sexagénaire, Elma veille sur son époux en train de mourir d’une longue maladie. De quoi la décourager d’accepter de partir, une dernière fois, vers les étoiles. L’intrigue science-fictionnelle, basée sur une conquête de l’espace uchronique, constitue une simple trame de fond pour un récit humaniste sur la fin de la vie et le renoncement à ses rêves. Encore une fois, le temps qui s’écoule, le renoncement et la vieillesse sont le cœur de l’œuvre mais l’emballage SF n’en est pas moins soignée.

Un recueil de nouvelles (vaguement liées entre elles par l’univers et les thèmes abordés, en particulier l’écoulement du temps et les difficultés d’y faire face) intéressante mais dont on retiendra surtout l’excellente histoire qui lui donne son titre, le reste étant plus dispensable sans être désagréable. Une bonne introduction à l’univers de la « lady astronaute ».  

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Publié le 6 Août 2022

FUTURS PAS POSSIBLES présenté par Isaac Asimov

Isaac Asimov présente…divers futurs possibles. Un nom porteur pour des anthologies d’intérêt variable mais qui eurent le mérite de présenter une poignée de nouvelles au grand public. Ce recueil comprend sept textes et quelques grands noms de la SF. Ils furent généralement publiés, en VO, dans le magazine d’Asimov, d’où la « caution » apportée par le Bon Docteur.

« Dilemme » joue ainsi la carte de l’humour et de l’hommage à Asimov. Signé Connie Willis, on le retrouvera également dans LES FILS DE FONDATION. Ce petit récit plein d’humour égratigne affectueusement le très prolifique Bon Docteur et propose un plaisant « name dropping » des géants de la SF de l’âge d’or.

En parlant de géant, Silverberg ne démérite pas avec « Jouvence », récit de la quête de la fontaine miraculeuse. Un mélange de SF et d’aventures historiques fort convaincant.

George Alec Effinger propose ensuite une nouvelle, « Le cyborg sur la montagne », situé dans son univers fétiche, celui d’un Moyen Orient futuriste et cyberpunk. Un texte entre anticipation et polar d’action typique de l’auteur mais rondement mené. Du bon boulot en peu de pages.

« Loterie macabre » de S.P. Somtow détonne dans ce recueil avec une intrigue entre fantastique et épouvante : deux jeunes ados, en Thaïlande, s’apprête à passer la nuit dans un cimetière afin qu’un fantôme leur donne les numéros gagnants de la loterie. Pas mal et indéniablement exotique, notamment en ce qui concerne les coutumes, superstitions et légendes locales.

Deux autres textes, plus longs, sont signés Tiptree et Charles Sheffield mais la pièce de résistance reste la courte et excellente « le jour où les ours ont découvert le feu » de Terry Bisson. Récompensé par le Hugo, le Nebula, le Locus, le Sturgeon et le Asimov (excusez du peu !), voici une nouvelle où la SF sert simplement de décor (à la suite de l’événement décrit dans le titre) pour un récit intimiste d’une grande originalité.

Comme toutes les anthologies de ce style, il y a donc à boire et à manger mais, dans l’ensemble, les textes rassemblés ici sont d’une grande qualité et méritent la lecture.

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Publié le 23 Mai 2022

LIKE PORNO FOR PSYCHOS de Wrath James White

Le titre annonce la couleur sans ambiguïté, on plonge encore une fois dans les eaux fangeuses du splatterpunk le plus gouleyant, dans la barbaque dégoulinante et l’extrême porn-horror la plus crade. Heureusement, l’auteur n’en oublie pas moins de raconter des histoires, créant des nouvelles certes dégueulasses (c’est le but premier !) mais efficaces.

Dans la première (« Like Peyote For Pimps ») un souteneur voit son cheptel décimé par un tueur monstrueux qui s’en prend aux putes et conçoit l’expression « bouffer la chatte » au sens propre.

Belle réussite aussi pour ce récit concernant une jeune Nigériane excisée par sa mère puis violée dans une ruelle avant d’être rejetée par sa famille qui l’accuse d’avoir porté des vêtements trop sexy. Devenue prostituée elle croise la route de son violeur et en appelle aux anciennes divinités africaines pour se venger. Prévisible mais bien mené avec un personnage principal joliment brossé dans les limites de ce genre de récit très porté sur le sexe et le sang.

Autre point fort pour son délire porno-gore zoophile, « Feeding Time » ne lésine pas sur l’extrême: une jeune femme sexuellement frustrée par son mari (un homo qui l’a épousé pour faire plaisir à ses riches parents) se rend régulièrement au zoo pour fantasmer sur les lions. Elle s’imagine défoncée par les fauves et, faute de mieux, se masturbe devant la cage lorsque les félins sont nourris. Repérée par le gardien du zoo, elle entame une relation avec lui tout en regardant les lions se battre pour leur nourriture. Un jour, ivre de rage, elle blesse son mari et emmène son corps au Jardin zoologique. Tandis qu’elle se fait besogner par son amant, la jeune femme observe les fauves dévorer vivant l’infortuné mari. Mais le twist final lui permettra de satisfaire son fantasme et de sucer un des félins pendant que celui-ci la mange toute crue. Sans doute la nouvelle la plus délirante et originale du recueil, un vrai concentré de porno et de gore non-stop! Comme on dit, pas pour les fragiles, il n’y aurait pas assez de « trigger warning » pour les dissuader de poursuivre la lecture.

D’autres nouvelles sont moins réussies où recourent à des intrigues déjà lues et relues dans le splatterpunk, notamment ce type poussé à bout qui tue son épouse, viole son cadavre par tous les orifices puis finit dévoré par des créatures surgies de l’intimité de la défunte. Tomber amoureux d’une sorcière n’est pas toujours recommandé et tel est pris qui croyait prendre. Du E.C. Comics porno gore trop classique pour susciter l’enthousiasme mais agréable à lire.

Avec ses hauts et ses bas, LIKE PORNO FOR PSYCHO atteint son but : c’est sanglant, déjanté, porno, trash à souhait et cradingue mais les récits restent bien construits et l’humour, certes très noir, en rend la lecture digeste. Dans un genre qui, trop souvent, ne compte que sur la surenchère pour emporter l’adhésion, une petite réussite appréciable.

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Publié le 2 Octobre 2017

LE GEOMETRE AVEUGLE de Kim Stanley Robinson

Kim Stanley Robinson fait partie des valeurs sures de la science-fiction actuelle. On lui droit quelques « briques » comme son imposante CHRONIQUE DES ANNEES NOIRES (une superbe uchronie) ou sa fameuse trilogie dédiée à la planète MARS qui récolta de nombreux prix prestigieux (Hugo, Nebula, Locus et British Science-fiction).

Ce recueil se compose d’une novella (« Le géomètre aveugle ») et de sept nouvelles plus courtes pour un total de 320 pages.

« Le Géomètre aveugle » s’intéresse à Carlos, un aveugle passionné de mathématique qui a transformé son handicap en avantage dans le domaine de la géométrie à n dimensions. Il prend contact avec Marie, une jeune femme aux propos peu cohérents, et soupçonne les services secrets de surveiller leurs échanges verbaux. Il entame une relation amoureuse avec Marie mais comprend également qu’il est manipulé par le gouvernement…La nouvelle se base explicitement sur un théorème élaboré au XVIème siècle par le mathématicien français Girard Desargues et considéré comme la base de la géométrie projective. Si tout cela parait complexe ou même obscur (références mathématiques, « name dropping » de compositeurs de musique expérimentale, etc.), l’intrigue se suit aisément. Kim Stanley Robinson privilégie l’histoire d’amour, agrémentée d’une trame d’espionnage pas franchement originale mais efficace, pour accoucher d’une novella réussie justement récompensée par le Prix Nebula et nominée pour le Hugo et le Locus.

Les autres nouvelles abordent des thèmes divers. Sans les citer toutes, mentionnons l’intéressant « Les lunatiques », une histoire assez longue (plus de quarante pages) consacrée au calvaire des mineurs extrayant, de la lune, un métal indispensable aux Terriens. La science-fiction s’y trouve réduite au minimum (le contexte) pour privilégier un récit dystopique particulièrement sombre (au propre comme au figuré) sur l’esclavage moderne.

Autre nouvelle relativement longue, « Au retour de Rainbow Bridge » développe, sur cinquante pages, une jolie intrigue saupoudrée d’une pincée de fantastique. L’irrationnel se montre, en effet, discret dans cette balade accomplie autour du Rainbow Bridge, un pont rocheux naturel situé en Utah et considéré par les Amérindiens comme un lieu sacré. Le narrateur y entre en contact avec le mysticisme et à la vie sauve grâce à l’intervention providentielle d’un sorcier indien. Une lecture agréable.

Après le tableau dépressif et à peine prospectif que constitue le peu convaincant « Crève la faim en l’an 2 000 », nous arrivons à une plaisante uchronie, « Leçon d’histoire » au sujet de cinéastes occupés, sur la lune, à proposer de nouvelles versions d’anciens classiques du cinéma et de la télévision. La question centrale, proposée au lecteur, consiste à savoir si deux ou trois grands Hommes « font l’Histoire » où si celle-ci est plus globale, autrement dit moins dépendante des actes de l’un ou l’autre individu servant de modèle héroïque au plus grand nombre. Une interrogation traditionnelle qui divise philosophes et historiens depuis des siècles. Peu à peu nous apprenons les divergences entre ce monde et le nôtre : la crise des otages à Téhéran s’est réglée différemment, Carter a été réélu, une femme a sauvé John Lennon des balles de son assassin, etc. Les cinéastes s’interrogent également pour savoir si la « vérité doit absolument correspondre à la réalité » (des événements). Une belle réussite de la science-fiction spéculative bien sûr davantage soucieuse de questionnement que d’action pétaradante.

Le dernier récit, « la meilleure part de nous-même » mélange science, rationalisme et religion. L’auteur propose une relecture des textes évangéliques sans que l’on puisse toujours comprendre où il veut en venir ou quelle est sa position sur les sujets abordés, notamment l’inévitable opposition entre la foi (les miracles) et le rationnel (Jésus était-il un extraterrestre détenteur d’une technologie évoluée ?). Des questions encore une fois intéressantes mais un récit, cette fois, seulement à demi convaincant.

Au final, ce recueil laisse une impression mitigée (qui penche cependant vers le positif) mais demeure une bonne manière d’aborder la production, personnelle et originale, d’un auteur majeur de la science-fiction actuelle.

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