recueil de nouvelles

Publié le 31 Octobre 2019

LE CAUCHEMAR D'INNSMOUTH de Howard Phillips Lovecraft

Ce recueil reprend six nouvelles de Lovecraft, toutes intéressantes même si on réservera le qualificatif de chef d’œuvre à la première d’entre elles, celle qui donne d’ailleurs son titre à ce livre.

Sans doute un des récits les plus connus de Lovecraft, cette novella (terminée en 1931) constitue une continuation de la très courte « Dagon » écrite douze ans auparavant. Le narrateur, Robert Olmstead, se rend en Nouvelle-Angleterre pour en découvrir l’Histoire. En dépit des avertissements, il échoue dans le petit village côtier d’Innsmouth où il est accueilli de manière hostile par les habitants à l’étrange apparence batracienne. Olmstead finit par apprendre, de la bouche du vieil ivrogne Zadok Allen, que la population s’adonne au culte d’un dieu aquatique, Dagon, et n’hésite pas, en échange de richesses, à s’accoupler à des êtres venus des profondeurs.

Sorte de synthèse de l’horreur tentaculaire, cosmique et aquatique de Lovecraft, ce récit riche et efficace démarre de manière posée pour ensuite s’enfoncer dans l’indicible au fur et à mesure des rencontres du principal protagoniste avec les abominations nichées dans ce paisible (en apparence) village côtier. Souvent mentionné, que ce soit par Lovecraft lui-même ou par ses continuateurs, Innsmouth s’est imposé comme un lieu essentiel de son univers aux côtés d’Arkham. 70 pages denses et passionnantes (tout juste peut-on trouver le parler « alcoolisé » de Zadok Allen un brin pesant) à lire ou relire dont Stuart Gordon tira l’excellent DAGON, sans doute le long-métrage le plus représentatif de l’univers lovecraftien.

Les autres nouvelles sont également célèbres : « La maison de la sorcière » (adaptée pour la série télévisée Master of Horror mais également sous les titres LA MAISON ENSORCELEE en 1968, HORREUR A VOLONTE en 1970 et plus récemment THE SHUNNED HOUSE en 2003), le très macabre « Air Froid » dans l’esprit des (ultérieurs) « Tales from the crypt » (porté à l’écran dans l’anthologie NECRONOMICON et précédemment dans la série télévisée « Night Gallery »), le très court « L’indicible » (dont J-P Oulette tira le sympathique mais très bis THE UNNAMABLE en 1988).

Le recueil se termine avec l’excellent « Le Monstre sur le seuil ». Au final : une belle réussite !

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Horreur, #Recueil de nouvelles, #Lovecraft

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Publié le 2 Octobre 2019

THIS IS NOT AMERICA de Thomas Day

Un bref recueil destiné aux fans de Thomas Day, lesquels seront aux anges devant ces textes dans lesquels on retrouve tout ce que l’on aime chez cet immense auteur: des intrigues délirantes, des personnages bien brossés et une écriture très personnelle et travaillée (allant d’un côté “littérature de gare” assumé à une vraie recherche stylistique). Et puis un ton, là aussi personnel et rapidement reconnaissable, où se mêlent critique caustique de la société, références à la pop culture (et ici plus spécifiquement à l’Amérique plus ou moins fantasmée) et humour décalé.

La première nouvelle (« Cette année-là, l'hiver commença le 22 novembre ») suit trois tueurs à gage chargés d’exécuter John Kennedy, soupçonné d’être un extra-terrestre infiltré. Un « road movie littéraire » avec alien, fusillades, théorie du complot et tous les éléments nécessaires à un divertissement rondement mené que n’aurait pas renié un Tarantino sous acide. On aime !

“American Drug Trip” pousse encore plus loin le délire avec ce pauvre Américain plongé dans une succession de mondes parallèles et qui finit par discuter avec un ours polaire à côté de sa voiture Rocco Siffredi. Jubilatoire, hilarant et cependant parfaitement maîtrisé, voici le meilleur texte du recueil et un petit chef d’œuvre de nouvelle parfaitement ciselé dont les apparentes excentricités trouvent finalement une explication plausible.

Enfin, “Eloge du sacrifice” contraint le futur président des USA à revivre une série de batailles historiques, des Thermopyles à Massada et le confronte à un dilemme moral. Plus posé, plus grave, cette nouvelle, certes un peu en deçà des deux précédentes, clôt de belle manière un recueil tout à fait recommandable.

Composé de trois textes de longueur sensiblement équivalente (une quarantaine de pages), ce petit recueil constitue une jolie réussite pour les fans de l’auteur. THIS IS NOT AMERICA, This is Thomas Day ! Et c’est mieux ainsi.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Recueil de nouvelles, #science-fiction

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Publié le 24 Septembre 2019

DOGGYBAGS PRESENTE HEARTBREAKER de Céline Tran, Run, etc.

La série « Doggybags » a, en treize volumes, relancé la tradition des comics horrifiques inspirés des EC Comics (en particulier le fameux TALES FROM THE CRYPT). Lancée par Run, cette série anthologique a proposé de nombreuses histoires très sanglantes au rythme de trois épisodes par numéro. Dans le sixième volume nous avons découvert HeartBreaker, alias Celyna, contaminée par le vampire Karl et devenue une sorte de chasseresse nocturne assez proche du célèbre Blade de Marvel. Le personnage a été créé par Céline Tran (et modelé sur son physique avantageux) dont on a pu admirer les talents martiaux dans le très bourrin « Jailbreak ». Après avoir délaissé son personnage de Katsumi, Céline Tran incarne ici une héroïne nocturne aussi dangereuse que séduisante confrontée aux créatures de la nuit.

On débute avec « blood tells no tales » et son intrigue basée sur le sang du Christ, graal que poursuivent divers protagonistes : clans criminels, agent du Vatican et Celyna elle-même. Une agréable histoire servie par le joli trait de Sourya, entre polar et fantastique mâtiné de passages sexy et gore. Convaincant et bien mené.

La suite, « Bad Blood », nous promet du « sang pour sang ghetto » avec un récit de gangs urbains dans lequel les poches de sang, volées dans des hôpitaux, sont devenues la nouvelle drogue recherchée par les toxicos zombies. Chariospirale illustre tout cela et disons que son style très particuliers risque de ne pas plaire à tous les lecteurs. Le dessin se fait donc (volontairement ?) brouillon et outrancier, complètement « indé » et à l’opposé d’un trait mainstream avec des protagonistes plus gribouillés que réellement dessinés. On peut aimer ou, au contraire, trouver cela inapproprié pour un scénario sinon plaisant.

On termine avec « blood lust », le récit le plus traditionnel dans son intrigue (signé par Tran elle-même) et le plus typique du « style » Doggybags : une histoire fonçant à cent à l’heure et qui ne lésine ni sur l’érotisme ni sur le gore. Le dessin de Maria Llovet, usant volontiers de traits gras, rend hommage à ce récit classique mais agréable à l’œil et illustre son héroïne sous toutes les coutures pour le plus grand plaisir du lecteur.

Au final un « Doggybags présente » inégal mais globalement solide avec tout ce que l’on apprécie dans cette série : des intrigues référentielles, un côté série B assumé, des passages sexy, des déferlements d’hémoglobine et une bonne dose de second degré salvateur. Divertissant.

DOGGYBAGS PRESENTE HEARTBREAKER de Céline Tran, Run, etc.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Comic Book, #Fantastique, #Gore, #Horreur, #Recueil de nouvelles

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Publié le 17 Septembre 2019

LA FLEUR DE VERRE de George R.R. Martin

Cet enième recueil de Martin, paru chez Actu SF en 2014 (puis réédité par les mêmes en 2017) commence avec « Fleur de verre » une nouvelle de science-fiction confuse à laquelle je n’ai absolument pas accroché. Elle m’est tombée des mains au point d’avoir enchainé directement sur la suite.

Tiré de l’anthologie CHANSONS DE LA TERRE MOURANTE en hommage à Jack Vance, « une nuit au chalet du lac » nous emmène donc dans une auberge mal fréquentée mais célèbre pour son plat d’anguilles siffleuses (hélas celles-ci ont disparus depuis longtemps). Un bon récit de Fantasy étrange, décalé et humoristique, un hommage certes appliqué mais très plaisant dans lequel on entre assez facilement en dépit des particularités de cet univers pré-apocalypse.

« Les hommes aux aiguilles », jadis publié dans Fiction, bénéficie d’un nouveau tour de piste et reprend à son compte la célèbre légende urbaine des apprentis médecins droguant des déshérités pour alimenter un trafic d’organes. Le récit, très proche de ce que proposait jadis des BD horrifiques comme TALES FROM THE CRYPT, fonctionne agréablement en dépit d’une conclusion attendue.

On poursuit avec « cette bonne vieille Mélodie » dans lequel un homme ayant réussi voir réapparaitre dans sa vie une ancienne copine de fac complètement paumée et détraquée dont il ne parvient plus à se débarrasser. Une belle réussite de fantastique horrifique bien mené.

Avec son ambiance à la Stephen King (il a d’ailleurs écrit plusieurs textes sur le sujet), « Le régime du singe » constitue une autre nouvelle fort efficace sur le thème d’un obèse prêt à tout pour perdre du poids.

On termine le recueil avec le très court « On ferme », parodie déjantée des histoires apocalyptiques, un texte mineur mais amusant.

L’antédiluvien « Y a que les gosses qui ont peur du noir » complète le sommaire, écrite par un Martin adolescent dans un style proche des comics. Objectivement ça n’a pas grand intérêt excepté pour le fan qui mesurera le parcours accompli par l’auteur.

Le recueil se termine par une courte interview de Martin, un petit bonus dispensable mais pas désagréable à l’image des spots promo accompagnant les dvd.

A noter que « Fleur de verre », « cette bonne vieille Mélodie », « Le régime du singe » et l’antédiluvien « Y a que les gosses qui ont peur du noir » figurent également au sommaire de l’indispensable R.R.RÉTROSPECTIVE.

En bref, un recueil assez inégal que l’on conseillera surtout pour « Les hommes aux aiguilles », les fans de Martin ayant sans doute déjà les autres textes les plus intéressants dans R.R.RÉTROSPECTIVE ou CHANSONS DE LA TERRE MOURANTE.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Fantasy, #Horreur, #Recueil de nouvelles, #science-fiction

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Publié le 8 Septembre 2019

AU FIL DU TEMPS de George R.R. Martin

Enième recueil de nouvelles de George R.R. Martin, celui-ci comprend sept textes dont quatre figurent au sommaire du monumental R.R.RETROSPECTIVE : « la forteresse », « Et la mort est son héritage », « variantes douteuses » et « assiégés ». On retrouve également « Week-end en zone de guerre » dans un recueil ultérieur, publié en 2018, NIGHTFLYERS ET AUTRES RECITS.

Les textes les plus intéressants pour le fan sont donc « Une affaire périphérique » et « Vaisseau de guerre » puisqu’il fallait, pour les lire, se plonger dans deux n° de « Fiction » paru au début des années ’80. Autant dire que cette republication tombe à pic pour les amateurs de Martin.

« Une affaire périphérique », écrite en 1971 dans le but de donner lieu à une série de nouvelles (seule une deuxième sera finalement écrite) raconte le réchauffement des hostilités entre la Terre et les KwanDelliens après une paix de 50 ans. Mais ce qui paraissait au départ une attaque des KwanDelliens envers un vaisseau d’exploration terrien va rapidement prendre une tournure plus étrange.

Nous sommes en plein space opéra à l’ancienne, le genre de nouvelles qui valut à Martin sa réputation d’auteur néo-classique pas vraiment en phase avec les bouleversements post-soixante-huitard de la new wave. Une nouvelle distrayante assortie d’une petite énigme (comment prouver qu’un Terrien s’est emparé d’un vaisseau spatial pour son propre usage ?) résolue dans les dernières lignes de manière humoristique. Un demi-siècle plus tard, la prose de Martin reste bien plus plaisante et lisible qu’une bonne partie de la SF « new wave » précitée, y compris dans ce texte pourtant mineur.

Quarante-deux ! Quarante -deux c’est quoi à part la réponse à la question ultime ? C’est le nombre de refus cumulés pour « Vaisseaux de guerre » avant son acceptation…comme quoi il faut parfois persévérer quoiqu’il s’agisse d’une nouvelle assez moyenne.

« Variantes douteuses » est le texte le plus long, quasiment un roman court (oui la phrase semble paradoxale). Une des passions de Martin a toujours été les échecs et il souhaitait publier une anthologie sur le sujet. Il contacta divers auteurs dont Fred Saberhagen, lequel avait eu la même idée…Finalement Martin écrira pour son collègue cette novella incluse dans le recueil « Pawn to Infinity ».

Le recueil se clôt sur « Assiégés », une véritable curiosité puisqu’il s’agit d’une nouvelle version, entièrement réécrite quinze ans plus tard et sous forme science-fictionnelle de la nouvelle historique « Forteresse ». Un cas sans doute pas unique mais cependant suffisamment rare pour mériter le coup d’œil d’autan qu’AU FIL DU TEMPS (le titre est donc bien trouvé) nous présente les deux versions afin de faciliter les comparaisons. Le récit n’est pas le meilleur de Martin mais les interactions entre les personnages sont adroitement gérées et l’intrigue, proche du cycle de LA GUERRE MODIFICATRICE de Fritz Leiber, fonctionne bien avec ses protagonistes qui, en cas de réussite de leur mission d’altération temporelle, cesseront tout simplement d’exister.

Une série de récits plaisants qui permettent de mesurer l’évolution de l’auteur quoiqu’aucun ne soient au niveau des « rois des sables » ou de « Une Chanson pour Lya ». Néanmoins agréable et globalement réussi.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Historique, #Recueil de nouvelles, #science-fiction, #Space Opera

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Publié le 30 Août 2019

NIGHT OCEAN d'Howard P. Lovecraft

Ce recueil édité en 1986, sans équivalent en langue anglaise, s’apparente à une collection de « fond de tiroirs » mais reste intéressant pour l’inconditionnel de Lovecraft qui y trouvera de nombreuses curiosités jusque là difficilement accessibles. Sunand Tryambak Joshi, considéré comme le plus grand spécialiste mondial de HPL, offre donc une introduction explicative concernant Lovecraft avant une série de récits d’intérêt divers. De nombreux textes constituent des collaborations : Robert H. Barlow et HPL proposent ainsi l’atmosphérique « L’Océan de la nuit » ainsi que « Bataille au fond des siècles » et « Cosmos effondrés ». Ce-dernier constitue une autre curiosité littéraire bâtie sur le principe du cadavre exquis, Robert H. Barlow et HPL ayant alterné les paragraphes (sous le pseudonyme commun de Hammond Eggleston). Sur le même principe, « Le défi d’outre-espace » mérite l’attention par sa collaboration exceptionnelle entre HPL, Catherine L. Moore, Abraham Merritt, Robert E. Howard et Frank Belknap Long. Toutefois, tout cela n’est pas franchement transcendant.

Henry S. Whitehead propose « Piège », un court récit science-fictionnel, aujourd’hui très classique (mais probablement original à l’époque de sa rédaction) sur un étrange miroir maudit (de Loki) et sur la possibilité de s’y retrouver coincer. Pas mal.

Les autres textes se caractérisent par leur brièveté, certains ne faisant que deux pages (« Souvenir ») tandis que les plus longs comme « Le peuple ancien » s’étendent sur une douzaine. On retient aussi la fameuse « Histoire du Necronomicon » véritable pierre sur lequel s’est construit le mythe de Cthulhu et quelques récits mineurs mais plaisants comme « Les chats d’Ulthar » ou « Nyarlathotep »

Enfin, « Le livre de raison » consiste en une suite de notes brèves et d’idées de nouvelles rédigées par Lovecraft : 45 pages susceptibles d’inspirer les épigones du maitre (ils ne se sont pas privés pour y puiser, en particulier Derleth, justifiant ainsi de prétendues « collaborations » posthumes) et quelques conseils pour écrire du fantastique.

Pour le grand public, NIGHT OCEAN risque de paraitre anecdotique voire d’un intérêt discutable : peu de textes vraiment majeurs et beaucoup de fragments ou de récits inachevés qui font office de documents ou de testaments. Pour les inconditionnels de Lovecraft, par contre, ce recueil se montre indispensable afin de mieux cerner la variété des thèmes abordés par l’écrivain : fantastique, horreur, fantasy, science-fiction, humour, histoire, essai, etc.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Fantasy, #Golden Age, #Horreur, #Lovecraft, #Recueil de nouvelles

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Publié le 29 Août 2019

L'EMPIRE ELECTRIQUE de Victor Fleury

Cet épais (et très beau) volume rassemble six longues nouvelles (voire des novellas) toutes situées dans un monde uchronique d’inspiration steampunk (l’auteur lui préfère le terme « voltapunk » puisque l’électricité remplace la vapeur). La France domine le monde sous la direction de Napoleon qui a établi sa capitale à Lyon et impose sa loi grâce aux merveilles de l’électricité domptées par le génial inventeur Victor Frankenstein.

Nouveau venu, Victor Fleury livre ici une authentique fanfiction en maniant avec dextérité l’art délicat du crossover littéraire. On pense à quelques prédécesseurs talentueux comme Xavier Mauméjean (et son LORD KRAVEN), Alan Moore (et ses GENTLEMEN EXTRAORDINAIRES), Philip José Farmer (et ses TARZAN) ou encore, peut-être le titre le plus proche dans l’esprit, ANNO DRACULA de Kim Newman. Car l’écrivain emprunte à une vingtaine d’auteurs leurs personnages les plus emblématiques et les faits se croiser au gré de son imagination débordante. Ainsi dans « Le Gambit du détective », le fameux Sherlock Holmes, emprisonné pour activité anti-impériales est tiré du bagne pour aider la police à coffrer un redoutable et insaisissable criminel. Il croisera même la route d’un étrange voyageur équipé d’une curieuse machine imaginée par H.G. Wells.

La seconde histoire se révèle un peu moins originale mais tout aussi plaisante en revisitant le mythe de Frankenstein via la vie mouvementée de son petit-fils, Marc, médecin au service de l’Empereur qui croisera la route de la célèbre créature. Et qui rencontrera même, au final, un enthousiaste épigone créé par HP Lovecraft mais n’en disons pas davantage.

Dans le troisième récit nous partons dans le bayou avec le héros masqué Zorro, bien vieillissant mais encore capable d’exploits grâce à une armure de combat conçue par Loveless (des « Mystères de l’Ouest »). Il va aborder, en pleine révolte d’esclave, un homme destiné à finir sa vie la main tranchée et le visage dévoré par des abeilles. Les fans de Clive Barker comprendront.

Pour la quatrième histoire direction l’Australie aux côtés de Gavroche, décidé à s’évader, en compagnie de Cosette, d’un bagne dirigé par une sorte d’ordinateur voltaïque animé de sinistres intentions. Un récit très prenant avec son côté roman feuilleton assumé et sa manière de revisiter les lieux communs du steampunk de manière originale en s’appuyant sur la tradition littéraire française.

Dans « Les Eventreurs » nous irons traquer Jack The Ripper en compagnie de John Watson associé au gentleman cambrioleur Arsène Lupin décidé à empêcher les sinistres expériences médicales du Dr Moreau.

Enfin, la dernière intrigue, plus courte (50 pages), nous emmène « à la poursuite du Nautilus » et d’un capitaine Nemo qui ira au bout de l’océan se confronter à une gigantesque baleine blanche.

Cet épais recueil réinvente habilement le steampunk en changeant la géographie du récit (Lyon plutôt que Londres en « capitale mondiale ») et les divergentes uchroniques, optant pour l’électricité plutôt que la vapeur. Style alerte, rythme soutenu, lecture agréable (on peut lire cet EMPIRE ELECTRIQUE d’une traite ou nouvelle par nouvelle), vocabulaire un brin précieux,…Tout cela est très plaisant bien que l’on puisse y trouver l’un ou l’autre défauts (un côté un peu prévisible dans les récits et leurs conclusions, une orgie de références certes ludiques mais qui donnent parfois une impression de trop plein). Il s’agit néanmoins d’une œuvre fort réussie qui réinvente avec brio la littérature populaire et qui offre un véritable plaisir de lecture dans la lignée des classiques LES VOIES D’ANUBIS ou ANNO DRACULA. Et on poursuivra l’exploration de cet univers « voltaïque » avec la suite, L’HOMME ELECTRIQUE.

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Publié le 28 Août 2019

LA LOTERIE de Shirley Jackson

Shirley Jackson reste surtout célèbre pour son roman MAISON HANTEE plusieurs fois adapté à l’écran (« La maison du diable », son piteux remake et, dernièrement, une série télévisée) mais on lui doit également une série de nouvelles étranges, à l’ambiance d’épouvante feutrée.

Edité dans la collection « Terreur » ce recueil de vingt histoires courtes se montre pourtant inclassable. Les histoires développées sont bien écrites, agréables à lire mais ne paraissent pas toujours abouties. C’est sans doute voulu afin de garder l’étrangeté des récits mais cela peut également décontenancer un lecteur plus amateur de « contes à chute ».

Les deux premiers textes, « la dent » et « L’amant diabolique » sont symptomatiques de cette manière d’écrire toute en allusions : un bruit insolite, une situation bizarre génèrent le fantastique mais pas vraiment le frisson attendu. On peut en dire autant de « The Villager », là aussi agréable à lire mais qui laisse le lecteur en plan et dans l’expectative, sans qu’il sache réellement où Shirley Jackson veut en venir. « Charles » et « Le sorcier » s’avèrent, eux, plus traditionnels mais également plus prévisibles, y compris dans leur petit twist final.

Inutile de détailler toutes les nouvelles, elles ressortent toutes, ou presque, de ce « fantastique » quotidien et ténu, de cette étrangeté particulière qui peut vite déboucher sur l’angoisse. On apprécie (Stephen King est un inconditionnel et on mesure l’influence que Shirley Jackson a pu avoir sur des gens comme Bradbury, Matheson ou plus récemment Gaiman), ou pas (personnellement une majorité des textes m’a laissé perplexe) mais on lira toutefois la nouvelle titre, « la loterie », devenue un classique du genre.

Considérée à sa sortie comme terriblement choquante elle a aujourd’hui perdu un peu de sa puissance (la fin se devine rapidement) mais demeure un modèle de récit horrifique « à chute ». Une excellente nouvelle qui justifie, quasiment à elle seule, la lecture de ce recueil sinon inégal et quelque peu décevant (pour moi).

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Horreur, #Recueil de nouvelles

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Publié le 27 Août 2019

LE LIVRE NOIR présenté par Ramsey Campbell

Ramsey Campbell rassemble ici diverses nouvelles d’inspirations lovecraftiennes et d’un intérêt variable, sans doute intéressantes pour les inconditionnels du « mythe » mais d’une lecture accessoire pour les moins familiers de l’univers de HPL.

Appliqué, Stephen King ne parvient guère à faire trembler avec son très moyen « Crouch End », hommage sans doute sincère mais manquant de conviction. « Les étangs des étoiles » de A.A.Attanasio, « Le second souhait » du spécialiste Brian Lumley et le « Sombre Eveil » du vétéran Frank Belknap Long fonctionnent de meilleure manière sans qu’aucune d’entres elles ne se montrent réellement transcendantes. « Le puit N°247 » de Basil Copper ne convainc pas réellement tandis que la palme de l’inutilité revient à Martin S. Warnes qui termine un fragment inachevé de Lovecrat, « le livre » (publié dans le recueil DAGON) sous la forme d’un court texte, « Le livre noir », qui se contente d’aligner les références mythologiques (et permet aussi, n’en doutons pas, de placer bien en évidence le nom de Lovecraft sur la couverture). T.E.D Klein livre sans doute le meilleur récit de cette anthologie avec « L’homme noir à la trompe » qui déplace le mythe en Afrique. Le héros, un écrivain influencé par HPL, découvre progressivement la réalité des créations de Lovecraft. Après un plus classique et moins intéressant « Plutôt que de maudire les ténèbres », Ramsey Campbell lui-même termine cette anthologie avec « les visages de Pine Dunes », une histoire de sorcellerie transposée à l’époque actuelle (enfin les 70’s) et adroitement menée en dépit d’une conclusion attendue.

En résumé voici un énième recueil de récits lovecraftien alternant logiquement le médiocre et le très bon (deux nouvelles vraiment réussies sur neuf, le bilan est cependant maigre) avec une majorité de textes passables ou simplement moyens. Le tout se lit néanmoins sans déplaisir à condition de savoir à quoi s’attendre et d’être un amateur vorace du mythe de Cthulhu.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Horreur, #Lovecraft, #Recueil de nouvelles

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Publié le 8 Août 2019

UNIVERS 1985

Joelle Wintrebert est une nouvelle fois aux commandes de cette anthologie annuelle de la science-fiction qui débute logiquement par « le chant des leucocytes », excellent texte de Greg Bear sur un humain « augmenté » par des cellules intelligentes…Il connaitra un destin moins heureux que le super-héros Bloodshoot mais Bear, pour sa part, récoltera le Hugo et le Nebula pour cette novelette ensuite étendue dans le roman LA MUSIQUE DU SANG. Un excellent début.

On poursuit avec le sympathique et référentiel « Partenaires » de Sylvie Lainé avant de prendre la direction du Canada avec Jean-Pierre April et sa « machine à explorer le fiction » suivie par un article sur la SF québécoise. Cette longue nouvelle d’April, plutôt originale (elle devait l’être encore davantage en 1985), imagine les liens entre la fiction et la réalité dans une ambiance cyberpunk réussie. L’article, pour sa part, date forcément mais reste pertinent pour découvrir quelques noms d’écrivains canadiens ayant (ou pas) traversé l’Océan (et les années).

« La géométrie narrative » d’Hilbert Schenck offre un intéressant exercice de style qui brouille sans cesse la « fiction » et le « réalité » à la manière d’un anneau de Moebius par le biais d’un récit se repliant finalement sur lui-même. Hilbert Schenck (1926 – 2013) étant un quasi inconnu (seulement cinq de ses nouvelles furent traduites en français) voici une bonne occasion de goûter à sa prose.

Après le « Matin de sang » de Vincent Ronovsky et le « Lune Bleue » de Connie Willis (ensuite republié dans le recueil LES VEILLEURS DU FEU), Ian Watson livre un curieux « L’élargissement du monde » dans lequel il revient sur la façon dont les moyens de communication ont « rapetissé » le monde. Mais que se passerait-il si, par réaction, la Terre s’élargissait au point que l’Australie et l’Angleterre soient, par exemple, distantes d’un million de kilomètres ? La nouvelle est courte (une quinzaine de pages)… dommage, on eut aimé la voir développée…pourquoi pas sous la forme d’un roman ? Brian Stableford, auteur des LOUPS GAROUS DE LONDRES propose ensuite un panorama instructif de la SF anglaise de 1964 à 1984, revenant forcément sur le New World et opposant « Star Trek » à « Doctor Who ».

Michael Swanwick livre avec « Ginungagap » un texte très réussi sur la confrontation de l’Homme et d’une race arachnoïde par-delà les trous noirs qui permettent leur rencontre.  Swanwick, un peu perdu de vue aujourd’hui, était alors une étoile montante de la SF : il récolta pas moins de cinq Hugo pour ses textes courts et le Nebula pour son roman STATION DES PROFONDEURS. En une quarantaine de pages « Ginungagap » démontre toutes ses qualités : psychologie fouillée, structure élaborée, rebondissements, extrapolations scientifiques, etc.

James Tiptree Jr convainc moins avec « Larmes d’étoiles », un texte cependant intéressant sur le choc des cultures entre les Humains et des extraterrestres qui, après s’être révoltés, finissent par adopter les pires travers de l’Humanité. Un peu longuet mais la conclusion, pourtant d’une grande simplicité, reste très réussie.

La suite verse dans l’iconoclaste avec « La planète Ours voleur » de R.A. Lafferty et « Un goût de cornichon dans le plan de la matrice » de Pierre Stolze (devenu un chroniqueur récurent de Bifrost), délire sur le Bouddhisme que l’on pourrait résumer par « les religions sont parfois paradoxales » et on ajoute un article au titre amusant : « quand on aime la vie on lit de la SF » de Pascal J. Thomas. Emmanuel Jouanne & Jean-Pierre Vernay dans « Les jours d’été » traitent de voyage temporel, d’art et d’immortalité avant que Michel Lamart ne propose « Quelques pièges à lumière ».

Trente-cinq après leurs publications, replongez dans ces textes s’avère plaisant et ce recueil, copieux et varié, vaut donc la lecture, en particulier pour les nouvelles de Bear et Swanwick qui en justifient l’achat.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Prix Hugo, #Recueil de nouvelles, #science-fiction, #Cyberpunk

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