policier

Publié le 14 Février 2022

FIRENZE ROSSA de David Didelot

Fanéditeur bien connu, David Didelot revient à la collection Karnage dont il avait signé le volume initial (sous le pseudo de Talion), SANCTIONS. Après ce premier méfait très « porno-gore », FIRENZE ROSSA rend, cette fois, hommage à deux des grandes passions de Didelot, le giallo et le Monstre de Florence. L’auteur met ainsi en scène, quoique de manière détournée, le plus célèbre des tueurs en série italiens. Actif pendant une vingtaine d’années, « il mostro » entame sa croisade meurtrière en 1968 en tuant un jeune couple (un crime que certains refusent néanmoins de lui imputer). Huit ans plus tard, il récidive, tuant un autre couple occupé à faire l’amour dans leur voiture. La fille est défigurée par 97 coups de couteau et une branche de vigne enfoncée dans son intimité. Après une longue éclipse, le monstre de Florence revient sur le devant de la scène en juin 1981 : six couples seront tués, de manière similaire, en quelques années. En septembre 1985, « il mostro » disparait. Son identité ne sera jamais révélée.

Le journaliste Mario Spezi (devenu, dans le roman, Mario Brezzi) rédige, en 1983, un livre non fictionnel qui relate cette affaire. Plusieurs films parleront également de l’enquête, de manière beaucoup plus libre : « Il mostro di Firenze », « The killer is still among us », « Hannibal » (adapté du roman de Thomas Harris), etc. Mario Spezi, associé à l’auteur de thriller Douglas Preston, revient sur l’affaire en 2008 avec LE MONSTRE DE FLORENCE. David Didelot, qui a déjà écrit un zine complet sur le sujet, s’en inspire cette fois, mêlant à ce « true crime » son amour du giallo, de l’érotisme et des bandes dessinées pour adultes italiennes (les fumetti). Pour l’amateur, c’est donc un festival de références aux actrices du « cinéma rose » (soft ou hard) comme Lili Carati, Laura Gemser et quelques autres, sans oublier les érotiques de Joe d’Amato, une poignée de giallo (avec même une référence au pire d’entre eux via un titre de journal) en particulier les plus crasseux (« Giallo a Venezia » ou « Play Motel »), la bande dessinée porno, etc.

L’auteur nous invite donc à suivre une enquête bien sanglante qui plonge dans les bas-fonds de Florence, au cœur de la fange, avec clubs libertins, viols sordides, urologie, partouzes, etc. Guère étonnant qu’une sorte d’ange de la vengeance vienne s’incruster dans le paysage pour nettoyer tout ça à coup de scalpels.

Moins extrême que SANCTIONS (mais, cependant, fort sanglant et cul, que l’on se rassure !), ce deuxième roman se montre plus maitrisé avec plusieurs intrigues en parallèles qui, forcément, se rejoignent lors d’un final satisfaisant. L’auteur n’hésite pas à plier la réalité à sa plume pour imaginer un monde où le monstre est démasqué, terminant son récit de manière classique et effective. Un bel hommage au giallo dont nous aurions tort de nous priver !

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Erotique, #Gore, #Horreur, #Policier, #Thriller, #Splatterpunk

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Publié le 11 Février 2022

LA DERNIERE ENQUETE DU CHEVALIER DUPIN de Fabrice Bourland

Créé par Edgar Allan Poe et héros de trois enquêtes (la plus célèbre restant « Double assassinat dans la rue Morgue »), le chevalier Auguste Dupin fut, à l’image de son successeur Sherlock Holmes, ensuite repris par divers continuateurs. Pour son troisième roman, Fabrice Bourland s’empare du personnage et tente de résoudre le mystère entourant son décès, ainsi que ceux du poète Gérard De Nerval et même…d’Edgar Poe. La solution se situerait dans les daguerréotypes qui pourraient, selon certaines, théories, capturer l’âme pour créer un double spectral qui, par divers rituels, peut ensuite prendre vie et remplacer l’original. Le romancier puise son inspiration dans divers évènements insolites mais avérés concernant les personnages mis en scène afin d’élaborer une intrigue où se mêle fantastique, policiers et références littéraires.

Prototype du « armchair detective », le chevalier cogite longuement dans son appartement et se livre à quelques tours de déduction proche de Sherlock Holmes (lequel ne le portait guère dans son cœur). En associant le docteur Pau, le corbeau et la poésie voici que Dupin semble deviner les pensées de son ami Carter Randolph, lequel songe à Edgar Poe. Carter Randolph est une création plus récente, l’équivalent d’un Watson pour Holmes, dont le nom se réfère directement au Randolph Carter de Lovecraft. Clin d’œil encore ! Outre les précités, le détective rencontre également Alexandre Dumas et, par un subtil jeu littéraire très « méta » (comme on dit aujourd’hui), le détective inventé par Poe finit par s’interroger sur les causes du décès de…Poe. Une réflexion en boucle aussi référentielle qu’amusante.

En 128 pages et avec une préface en forme de boutade qui nous invite à questionner la véracité du récit, l’auteur ne développe guère son intrigue ni ses protagonistes mais offre une plaisante récréation entre l’hommage distancé, la comédie policière et le fantastique. Pas indispensable mais suffisamment plaisant pour occuper le lecteur durant deux heures.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Historique, #Policier, #Whodunit

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Publié le 6 Février 2022

MEURTRES DANS LE DECAGONE de Yukito Ayatsuji

Publié en 1987, THE DECAGON HOUSE MURDERS constitue le premier roman de Yukito Ayatsuji qui va ensuite fonder le mouvement Honkaku et rassembler les Honkaku Mystery Writers of Japan. L’idée du Honkaku est de revenir aux fondamentaux « honnêtes et authentiques » de l’Age d’Or du roman policier : bref de jouer fair-play et de retrouver la complexité des whodunit d’Ellery Queen et consorts.

THE DECAGON HOUSE MURDERS se présente immédiatement comme un hommage avoué aux DIX PETITS NEGRES. Sept étudiants, membres d’un club de littérature policière, passent une semaine sur l’île de Tsunojima où, six mois plus tôt, s’est produit un crime resté irrésolu. Les étudiants répondent à des surnoms empruntés aux grands maitres du policier : Ellery, Agatha, Van Dine, Poe, etc. Une fois sur place, une des jeunes femmes meurt assassinée avant qu’un écriteau n’annonce « La première victime ». Pendant ce temps, au Japon, un ancien membre du club, Kawaminami, reçoit des lettres de menace le rendant, avec les autres étudiants, responsable de la mort d’une jeune fille.

Whodunit classique et référentiel, le roman enferme ses protagonistes dans une étrange maison en forme de décagone et, logiquement, ils seront assassinés un par un. Deux hypothèses coexistent : un membre du groupe tue ses camarades ou le meurtrier ayant sévi six mois plus tôt, caché sur l’île, a repris ses sanglantes activités.

En 320 pages, Yukito Ayatsuji alterne adroitement deux intrigues parallèles : l’une se déroule sur l’île et voit les étudiants périr à tour de rôle, l’autre prend place au Japon. Le final, après une misdirection monumentale, va réunir les deux histoires pour une révélation fracassante et une longue et détaillée explication, par le meurtrier, de la manière dont il a procédé.

Pour les amateurs de policiers à l’ancienne, de whodunit et de crimes impossibles, THE DECAGON HOUSE MURDERS s’avère incontournable (il a été classé dans les 10 meilleurs romans policiers de tous les temps) et donne envie de découvrir davantage le roman policier à la japonaise.

MEURTRES DANS LE DECAGONE de Yukito Ayatsuji

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Impossible Crime, #Policier, #Whodunit

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Publié le 24 Janvier 2022

LE FANAL DE LA MORT de Paul Doherty

Le moine Athelsan et le coroner John Cranston (« grande gueule et gros cul ») reviennent pour une nouvelle enquête historique aux frontières du possible. Car, comme toujours, Paul Doherty aime le mystère et concocte une fois de plus quelques « impossibilités » que devront expliquer notre duo d’investigateur : un cambrioleur insaisissable, une disparition inexplicable de trois matelots sur un navire, des crimes étranges,…Le tout dans le Londres froid et crasseux de 1379, alors que des pirates français menacent et que l’ambiance se fait lourde, bien que Cranston reste, lui, fidèle à ses habitudes. Bref, il boit (et même beaucoup), s’endort dans les brumes de l’alcool, ripaille, conte inlassablement ses exploits dans les tavernes, etc. Cela ne l’empêche pas d’être efficace et intelligent. Athelsan, de son côté, demeure calme, posé, réfléchi, adepte d’une méthode quasi scientifique et, osons l’anachronisme, holmésienne avant l’heure. Autrement dit, une fois toutes les pistes envisagées et l’impossible éliminé ne reste que la vérité aussi invraisemblable qu’elle puisse paraitre.

Doherty reste fidèle à sa méthode, rodée dans d’innombrables best-sellers : il plonge le lecteur dans le Londres médiéval avec une précision d’historien mais sans sombrer dans le didactisme. Autant dire que son Moyen-âge se montre plus réaliste que la vision véhiculée par les films de chevalerie hollywoodiens. Ici, les rues sont sales, les vêtements tout aussi crasseux, les voleurs courent les rues, les ribaudes appâtent le client, les jurons volent et la ville, disons-le tout net, pue la merde. L’auteur nous offre donc un petit cours d’Histoire, assorti de considérations sur la situation politique et sociale de l’époque. Pour ne pas effrayer les allergiques aux « purs » romans historiques, Doherty concocte une énigme, comme toujours complexe, tordue et bien menée, assortie de crimes « impossibles » adroitement confectionnés. Un côté paillard et un humour assez gras confèrent au texte un ton plaisant et fait de ce FANAL DE LA MORT une nouvelle réussite à l’actif de l’écrivain.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Historique, #Impossible Crime, #Policier, #Whodunit

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Publié le 13 Janvier 2022

SHERLOCK HOLMES ET LES MONSTRUOSITES DU MISKATONIC de James Lovegrove

Etonnamment, alors que l’engouement pour Cthulhu n’a jamais été aussi prononcé et que nous mangeons du Sherlock a toutes les sauces depuis plusieurs années, rares sont les auteurs à avoir fusionné ces deux univers. On se souvient de l’excellent nouvelle « Une étude en émeraude » de Neil Gaiman mais peu d’autres si étaient risqués. La rationalité du limier de Baker Street se marie, en apparence, assez mal avec une horreur cosmique qu’on imagine davantage du ressort d’Harry Dickson. Néanmoins, ce deuxième volet d’une trilogie confrontant Holmes et les Grands Anciens se révèle convaincante, respectueuse et bien menée.

Au printemps 1895, Sherlock Holmes et John Watson sont fatigués. Quinze ans de combats contre les Grands Anciens ont laissé des traces : le premier a vieilli prématurément, le second a perdu son épouse. Ils acceptent cependant de traiter le cas d’un homme, amnésique et mutilé, hébergé à l’asile de Bedlam. Il est le seul survivant d’une expédition partie à l’aventure dans l’espoir de capturer un légendaire Shoggoth. Mais Holmes et Watson vont découvrir que les apparences sont parfois trompeuses…

Le roman débute à la manière de Conan Doyle avec une enquête menée par Holmes, toujours aidé de Watson. Ce-dernier prend des notes « pour plus tard » quoique l’équivalent littéraire de Sherlock soit mort, tué avec Moriarty lors du « dernier problème ». Le bon docteur a donc renoncé aux aventures, pourtant lucratives, de sa version « édulcorée » de Holmes, lequel affronte – dans les livres - des criminels ordinaires et non les entités surnaturelles combattues par le « véritable » détective. On le voit, nous sommes en plein pastiche et l’auteur ne se prive pas de quelques clins d’œil comme la présence d’un certain Joshi, bien connu des lecteurs lovecraftiens, ici personnifié en gardien de l’asile Bedlam. Les références et clins d’œil « canoniques » s’avèrent eux aussi nombreux, Watson se démenant pour transformer les rencontres surnaturels en crimes de tous les jours.

La seconde moitié du bouquin tient davantage de Lovecraft et constitue le récit d’une expédition partie à la chasse au Shoggoth. Forcément, puisqu’un des membres de la dite expédition se nomme Whateley, la situation se dégrade rapidement et des expériences pas très catholique de transferts d’identité se produisent à bord du navire.

Dans les derniers chapitres, les deux mythologises se rassemblent : Moriarty, Holmes, les Grands Anciens, les rituels, les possédés,…James Lovegrove connait sa matière et maintient l’intérêt même si le roman se montre plutôt linéaire et, en particuliers durant la partie consacrée à l’expédition scientifique, prévisible. Les connaisseurs de Lovecraft seront donc rarement surpris mais ce n’est qu’un défaut mineur car le roman, bien mené et rythmé, parvient néanmoins a maintenir l’intérêt et le lecteur passe un bon moment. De la bonne littérature d’évasion policière et fantastique.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Aventures, #Fantastique, #Lovecraft, #Policier, #Sherlock Holmes

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Publié le 4 Janvier 2022

QUI A TUE SON EDITEUR? de Josh Lanyon

Après la chick-lit, voici une nouvelle niche littéraire, le cosy mystery gay humoristique. Les patronymes des héros appuient immédiatement la référence et le titre annonce la couleur : le monde de l’édition va en prendre pour son grade. Christopher « Kit » Holmes anime depuis seize ans les aventures de la détective Miss Butterwith, une vieille fille accompagnée de son chat Pinkerton. Hélas, les ventes s’effritent. Holmes accepte donc de participer à une réunion d’auteurs et réfléchit, sur les conseils de son agent, Rachel, à de nouvelles possibilités pour relancer ses ventes déclinantes. Par exemple un bouquin mêlant polar et démons aux temps de la Régence. A la convention des écrivains, Holmes retrouve un de ses ex, le toujours séduisant et arrogant Moriarity. Mais il tombe également sur un cadavre de femme manifestement assassinée. Lorsqu’une tempête isole la propriété, Holmes se dit qu’il est le mieux placé pour enquêter.

QUI A TUE SON EDITEUR ? débute de manière rapide, avec une succession de scènes amusantes, des répliques qui fusent façon Boulevard, et des considérations plutôt drôles sur les modes qui, dans l’édition comme ailleurs, vont et viennent. Les relations entre Holmes et Moriarity (notez le « i » supplémentaire) donnent la saveur particulière du bouquin, entre attirance, vacheries et coup de b… vite fait bien fait. Le mélange d’humour caustique (mais sans excès) et de romance fonctionne donc plaisamment, les deux personnages, quoique stéréotypés, étant agréables à suivre, en particulier ce flamboyant Holmes qui se réfère à sa détective façon Miss Marple. Les références littéraires et cinématographiques sont donc nombreuses et animent une intrigue par contre un peu faible. L’enquête tourne vite en rond en dépit d’un inévitable deuxième meurtre (comme on le sait avec le whodunit, une fois que l’on a commencé à tuer il est difficile de s’arrêter pour couvrir ses arrières) et l’identité du coupable parait à la fois évidente et sortie d’un chapeau. Au lieu d’interrogatoires rigoureux et de déductions complexes, l’autrice joue surtout la carte du babillage avant la réunion finale des suspects et la désignation de l’assassin par le héros. Pour les amateurs, trois scènes érotiques ponctuent le récit mais sans que cet aspect ne soit envahissant. Une première partie plaisante et une seconde trop banal, linéaire et bavarde aboutit, au final, à un roman potable mais quelque peu décevant.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Policier, #Whodunit, #LGBT, #Humour

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Publié le 15 Octobre 2021

MORIARTY, TOME 9 de Ryosuke Takeuchi

Et revoilà la famille Moriarty au grand complet, prête pour de nouvelles aventures dans lesquelles, cette fois, n’intervient pas Sherlock. Après s’être occupé de l’affaire Jack l’Eventreur et avoir engagé Irène Adler (rebaptisée pour l’occasion…James Bond !), nos frères organisent un thé, prétexte à un épisode amusant où ils seront courtisés par toutes les célibataires entreprenantes de la région. Un chapitre très léger mais plaisant avant le retour aux affaires sérieuses grâce à Milverton, lequel s’était signalé brièvement à la fin de l’affaire sur Jack. Ici, le voici bien décidé à percer l’énigme du « prince du crime ». Voici le prétexte à une histoire en deux chapitres sur l’enfance des Moriarty. James et William sont à l’orphelinat mais imagine déjà les grandes lignes de leur projet de lutte contre la noblesse pourrie d’Angleterre. Nous aurons droit à un étrange procès basé sur le principe du Marchand de Venice, un récit quelque peu décalé et forcément théâtral avec intervention d’avocat, plaidoiries et objections ! L’intrigue est ingénieuse, les rebondissements nombreux, c’est bien ficelé, référencé sans sombrer (comme cette série le fait parfois un peu trop, surtout dans les derniers volumes) dans le fan-service à base de citations quasi parodiques.

Le dernier épisode annonce la suite en présentant un « chevalier blanc », un député soucieux d’égalité qui va croiser les Moriarty et Milverton. Est-il sincère ? Va-t-il s’en sortir ? Il faudra attendre le tome 10 pour la conclusion de cet arc intéressant.

A la fois respectueux et innovant, n’hésitant pas à opérer un mix de mythologie proche des traditions du steampunk (c’est la bonne époque alors on ne dira rien), MORIARTY constitue jusqu’ici une saga fort appréciable qui a, certes, connu des hauts et des bas mais, demeure, dans l’ensemble divertissante et efficace. Agréable, futé et bien charpenté, ce tome donne encore envie de prolonger l’aventure.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Historique, #Policier, #Sherlock Holmes, #Manga

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Publié le 13 Octobre 2021

ELEMENTAIRE MON CHER CONAN DOYLE

Quatre nouvelles, tirées et traduites d’une imposante anthologie anglo-saxonne consacrée aux pastiches, épigones et autres apocryphes du « canon » (THE BIG BOOK OF SHERLOCK HOLMES STORIES). La première est particulière puisque signée de Conan Doyle en personne. Elle revient sur les capacités de déductions exceptionnelles de Sherlock et la manière dont « Watson comprit le truc », autrement dit comment il tente de singer la fameuse méthode du détective. Une petite récréation, très courte, qui démontre surtout que Conan Doyle avait bien le droit de se moquer gentiment de ses personnages. D’autres le firent de manière moins réussie.

Leslie S. Kinger (un spécialiste de Sherlock) propose ensuite une bizarre « affaire de la caisse en bois » au sujet d’un bras tranché retrouvé… dans une caisse de bois (d’où le titre !). Holmes résoudra évidemment cette énigme surprenante sur fond de cannibalisme. Bien emballé et dans l’ensemble efficace et prenant, quoique le lecteur devine assez rapidement où l’auteur veut en venir.

Avec Barry Day et son « affaire du curieux canari », nous suivons le détective dans ses déductions afin de résoudre un étrange meurtre en chambre close assez joliment orchestré. L’auteur a écrit cinq autres romans pastiches dédiés à Holmes. L’histoire est habile, bien charpentée, la résolution quelque peu attendue (l’auteur ne triche pas avec le lecteur) et en dépit d’explications un rien bavarde bien menée. Cela se suit donc avec plaisir.

La dernière nouvelle (« L’énigme de la main invisible ») se montre la plus originale, la plus documentée et sans doute la plus passionnante, elle capture excellement l’ambiance des récits de Conan Doyle en confrontant Sherlock à Bertillon. Français pionnier de la police scientifique et de la rigueur dans les enquêtes, Bertillon s’oppose néanmoins à Sherlock au sujet des empreintes digitales, qu’il juge inutile pour découvrir un coupable. Le récit s’épanouit sur plusieurs années et permet au détective consultant d’œuvrer à l’innocence de Dreyfuss et même à résoudre l’énigme de l’assassinat du président français Félix Faure. Une longue nouvelle qui justifie à elle-seule la lecture de ce recueil de qualité. Une lecture rapide, fun et érudite qui plaira aux amateurs du détective.

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Publié le 27 Septembre 2021

L'HERITAGE GREENWOOD de Jacques Sadoul

Carol Evans, ancienne agent de la CIA, spécialiste des arts martiaux, mise en congé forcé pour « folie homicide », se repose à Los Angeles en cet été des années ’80. Elle y est témoin d’une tentative d’enlèvement sur Amanda Greenwood, riche héritière dont le frère, Baynard, sera ensuite assassiné. Très intéressée par Amanda, Carol va jouer à la détective amatrice pour résoudre l’énigme…

Premier roman du cycle « Carol », L’HERITAGE GREENWOOD fonctionne très plaisamment, avec son intrigue tortueuse et riche en rebondissement, bien ramassée sur un peu plus de 200 pages. Sadoul combine ici le polar « hard boiled » et le whodunit. Dans le premier on tape plus souvent qu’on ne cause et les coups de poings sont plus nombreux que les instants de réflexion. Dans le second l’auteur donne la priorité au puzzle avec suspects, interrogatoires de coupables potentiels et révélations finales. Des conceptions en apparence antinomiques du « policier » mais adroitement mélangée par un Sadoul inspiré qui reprend en quelque sorte le meilleur des deux mondes, retrouvant la verve et l’efficacité des « detective novels » des Grands Anciens à la Chandler ou des bouquins plus récents de Bill Pronzini ou Gregory McDonald.

L’originalité vient également du personnage de Carol elle-même, agent secret aux pulsions meurtrières (« je ne tue pas par plaisir mais je ne peux pas m’en empêcher ») attirée par les femmes, ce qui, dans le polar des années 80, n’était pas si courant. Elle a un côté anti-héros prononcé, n’hésite pas à recourir à des méthodes disons discutables pour avancer dans son enquête, semble parfois prête à disjoncter ou à sombrer dans une psychopathie sanglante. Bref, elle n’est pas un personnage parfait, elle a ses contradictions et ses défauts mais son épaisseur la rend attachante

Le style, pour sa part, se montre net, sans bavures ni fioriture, bref une efficacité au service de l’action et du récit, sans circonvolutions stylistiques ou envolées lyriques, sans commentaires sociétaux comme dans de trop nombreux polars français dit « engagés » (à gauche bien sûr, Carol étant, elle, plutôt à droite). L’auteur avance dans son récit sans se perdre en route, le rythme enlevé étant directement hérité du roman pulp avec ses retournements de situation savamment distillés toutes les 20 ou 30 pages.  

Le cycle de Carol (et cet HERITAGE GREENWOOD) constitue un très bon exemple de polar d’énigme avec, déjà, un léger parfum nostalgique (années 80 oblige). Des enquêtes rondement menées, pleines de péripéties, souvent brutales voire violentes mais sans négliger une ironie bien présente et une touche de second degré salutaire ainsi qu’un côté sexy assumé sans se montrer inutilement démonstratif. De la littérature populaire, dans le meilleur sens du terme, qui ne vise qu’à divertir sans prendre le lecteur pour un idiot. On en redemande !

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Jacques Sadoul, #Polar, #Policier, #Whodunit, #LGBT

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Publié le 20 Septembre 2021

LE CLOCHER DE NOEL ET AUTRES CRIMES IMPOSSIBLES de Roland Lacourbe

Roland Lacourbe s’est fait le spécialiste des récits de meurtres en chambre close et autres crimes impossibles via de nombreuses collections de nouvelles souvent efficaces. Cette nouvelle anthologie ne surprendra donc pas l’amateur, d’autant que la plupart des textes furent précédemment publiés dans d’autres « compilations » de Lacourbe. Heureusement, les récits s’avèrent de bonne tenue et les lire (ou, le plus souvent, les relire) permet de passer un bon moment.

Les nouvelles sont souvent anciennes, notamment « Le suicide de Kiairos » de Frank L. Baum (auteur du fameux MAGICIEN D’OZ) datée de 1897 que l’on peut donc qualifier de classique ou de précurseur du thème. Matthias McDonnel Bodkin propose de son côté une amusante enquête à propos de diamants disparus tandis que la Machine à Penser, le fameux détective de Jacque Futrelle, brille à nouveau avec une histoire de boule de cristal et de voyance fort bien orchestrée. Une des réussites du recueil qui invite à se pencher sur le « best of » que Lacourbe a consacré spécifiquement à Futrelle, écrivain disparu voici plus d’un siècle lors du naufrage du Titanic.

Dans les grands classiques que l’on prend plaisir à lire ou relire « Le problème du pont de Thor » demeure une des rares occasions où Sherlock Holmes s’est trouvé confronté à un crime apparemment impossible. La solution, très ingénieuse dans sa simplicité, ne déçoit pas. Une des meilleurs énigmes concoctées par Conan Doyle. Michel Leblanc, lui aussi, a offert un meurtre impossible dans la tradition du MYSTERE DE LA CHAMBRE JAUNE à son Arsène Lupin confronté à une mort inexplicable dans une cabine de chambre. Pas mauvais mais un peu trop inspiré de Leroux.

De son côté, G.K. Chesterton se sert, une fois de plus, du récit policier pour permettre à son Père Brown de discourir de manière philosophique tout en résolvant un crime dont la victime serait une sorte de vampire. L’Oncle Abner, autre détective de l’âge d’or, débroussaille une énigme insoluble à la solution certes tarabiscotée mais fort ingénieuse. Plaisant.

Autre classique, « l’indice de la feuille de thé », récit quasi archétypal du meurtre impossible déjà publié à maintes reprises. La simplicité de la solution et son élégance en rendent la lecture toujours aussi agréable.

Lacourbe termine par deux nouvelles plus récentes : « du mouron pour les petits poissons » qui témoigne une nouvelle fois de l’imagination débordante de Joseph Commings en proposant le meurtre d’un scaphandrier, poignardé alors qu’il explore, seul, un navire naufragé. Enfin, dans un registre tout aussi imaginatif, Edward D Hoch termine ce recueil avec son fameux docteur Hawthorne, lequel tente de disculper un Bohémien du meurtre du prêtre local, assassiné dans son clocher. L’auteur propose ici une première solution (quelque peu décevante) avant une seconde, plus élaborée, qui s’assortit d’une réflexion sur la justice personnelle.

Au final, une bonne anthologie que l’on conseillera néanmoins plutôt aux lecteurs profanes, la plupart des nouvelles étant bien connues des amateurs, lesquels seront toutefois satisfaits de cette sélection de bonne qualité.

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