prix nebula

Publié le 23 Octobre 2022

HOUSTON, HOUSTON, ME RECEVEZ-VOUS? de James Tiptree Jr

Cette célèbre novella (qui valut le Hugo et le Nebula à James Tiptree Jr) s’intéresse à trois astronautes mâles de retour vers la Terre. Alors qu’ils essaient de contacter Houston, nos voyageurs de l’espace entrent en communication avec quelques femmes et se rendent compte qu’ils ont effectué un bond dans le temps. Les voici projeté quelques trois cents ans dans l’avenir. Avec l’aide des femmes, nos astronautes entreprennent de modifier leur trajectoire pour se diriger, en toute sécurité, vers le plancher des vaches. Mais, rapidement, ils se rendent compte qu’on leur cache quelque chose…

James Tiptree Jr dissimule en réalité Alice Sheldon, témoignage d’une époque où la science-fiction comptait peu d’auteurs féminines. Tiptree / Sheldon se distingua surtout par de nombreuses nouvelles (« Comme des mouches » obtient par exemple le Hugo dans cette catégorie) et quelques novellas ou romans courts réputés comme UNE FILLE BRANCHEE (lui aussi gagnant du Hugo), LA SEULE CHOSE A FAIRE (Locus) ou ce HOUSTON, HOUSTON ME RECEVEZ-VOUS, sans doute son œuvre la plus célèbre qui remporta le Hugo, le Nebula et l’éphémère Prix Jupiter.

Le récit, mené à bon rythme par sa brièveté, n’est sans doute pas franchement surprenant (le lecteur devine assez rapidement les tenants et aboutissants de l’intrigue), mais se suit néanmoins avec intérêt et fonctionne avec une efficacité éprouvée. Assez précurseur, ce court roman présente une société matriarcale, traite de la violence masculine, évoque les problèmes environnementaux et questionne la place de la religion. Le tout en 150 pages. Comme quoi il n’est pas toujours nécessaire d’étirer une intrigue sur plusieurs tomes pour accoucher d’un bouquin à la fois divertissant et intelligent. Il est amusant de noter que le livre, d’abord taxé d’outrancièrement machiste (à l’époque où il était signé James Tiptree Jr) pour son discours voyant les Hommes comme des prédateurs sexuels insatiables, se trouve à présent encensé par les féministes qui font d’Alice Sheldon un fer de lance de l’anti-masculinisme radical. Qu’importe les interprétations ou le sous-texte du récit, l’ensemble constitue simplement du bel ouvrage devenu un classique de la science-fiction ! A redécouvrir.

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Publié le 25 Septembre 2022

VERS LES ETOILES de Mary Robinette Kowal

Avec son triplet magique (Hugo, Nebula, Locus), VERS LES ETOILES titille l’amateur de SF. Le résultat se montre t’il à la hauteur des attentes ? Globalement… oui mais avec plusieurs réserves. Nous sommes en présence d’une uchronie proche de la série « For all manking » : la course à l’espace doit être accélérée. Si, dans la série précitée, il s’agit d’une simple rivalité entre les USA et les Russes, ici la motivation s’avère plus sérieuse : la survie de l’Humanité. Mais dans les deux cas, le récit se braque sur les femmes et montre leur contribution à la conquête spatiale, notamment via les « calculettes », déjà évoquées par le film « Les figures de l’ombre ».

En 1952, une météorite détruit Washington et dévaste une large portion des Etats-Unis. Des millions de morts, encore davantage de réfugiés. Elma York, génie des mathématiques juive, et son mari Nathaniel échappent à la mort et s’installent dans une base militaire. En étudiant le phénomène, ils se rendent compte que l’Humanité est condamnée à disparaitre : une élévation sans précédent des températures va envoyer les Hommes aux côtés des dinosaures en tant qu’espèce éteinte. Pour la Terre, il n’y a plus rien à faire si ce n’est limité les dégâts du réchauffement climatique pour gagner quelques années. La seule solution réside donc dans la course à l’espace : recruter et former des astronautes pour coloniser la galaxie. Bien sûr le projet nécessite des femmes. En dépit des réticences des autorités, Elma est décidée à participer ! Malgré son anxiété maladive dès qu’elle doit parler en public elle va élever la voix afin de devenir la première Lady Astronaute.

L’uchronie débute après la seconde guerre mondiale : Dewey est élu président à la place de Truman en 1948. Mais l’événement qui chamboule radicalement l’Histoire se produit quatre ans plus tard : la chute d’une météorite raye de la carte une large part des Etats-Unis. Dès lors, la course à l’espace s’accélère avec pour premier objectif d’installer, pour commencer, une base lunaire. Pas pour la gloire mais parce qu’il s’agit de l’étape nécessaire pour permettre à l’humanité d’essaimer dans le système solaire. Voire plus loin. Vers les étoiles.

Roman intéressant par sa reconstitution historique « alternée », VERS LES ETOILES souffre cependant de pas mal de longueurs. Les « problèmes personnels » de l’héroïne occupent une (trop ?) large place et mettent souvent au second plan la conquête spatiale proprement dite. L’opposé du très technique (et un peu ennuyeux) VOYAGE de Stephen Baxter. Cela dit, ici aussi on s’ennuie parfois. La seconde moitié du roman souffre d’un gros ventre mou…L’aspect post (et pré !) apocalypse semble oublié, les conséquences de la chute du météorite peu évoquées, si ce n’est par quelques brèves scènes (émeutes d’affamés) et de courts textes, en forme d’articles de journaux, introduisant les différents chapitres. Beaucoup de pages se consacrent aux problèmes d’Elma, de son agoraphobie / anxiété, des relations avec son époux (compréhensif), de sa fatigue, etc. Le tout est également très manichéen : la jeune et jolie Juive super intelligente doit s’imposer face aux mains baladeuses et à l’opposition systématique de l’inévitable homme blanc d’âge mûr fier de sa supériorité machiste. Ce centrisme sur le personnage d’Elma pose d’autres problèmes : que se passe t’il dans le reste du monde ? La catastrophe a forcément eu des conséquences dramatiques pour toute la planète mais l’auteur se cantonne presque uniquement aux USA. On apprend simplement que d’autres pays tentent également de conquérir les étoiles et, shocking !, que la France ne parvient plus à produire du bon vin. A part ça, rien.

Mary-Robinette Kowal court plusieurs lièvres à la fois. A l’aventure spatiale (façon « l’étoffe des héros ») s’ajoute de longues considérations notes sur la condition de la femme et des Noirs dans l’Amérique des années ’50. Nul doute que cela lui a permis de décrocher Hugo et compagnie. Cependant la science-fiction reste la portion congrue : si on se dirige vers les étoiles, on est loin d’y aller. Il faut attendre les derniers chapitres pour que le roman décolle réellement, au propre comme au figuré. Sur 560 pages, le tout patine et aurait facilement pu être allégé d’une centaine de pages pour lui donner davantage de rythme.

Pourtant, en dépit de tous ces défauts, VERS LES ETOILES reste un « bon bouquin » : si on bataille parfois en se disant qu’il faudrait accélérer cette course à l’espace, l’ampleur du récit possède suffisamment de « sense of wonder » pour soutenir l’intérêt quelque peu défaillant. Les 150 premières pages et les cinquante dernières sont suffisamment prenantes et réussies pour compenser les grosses faiblesses de la partie centrale. Du coup, on ressort de la lecture quelque peu déçu mais en se disant qu’on poursuivra éventuellement le voyage, VERS MARS ou SUR LA LUNE.

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Publié le 6 Août 2022

FUTURS PAS POSSIBLES présenté par Isaac Asimov

Isaac Asimov présente…divers futurs possibles. Un nom porteur pour des anthologies d’intérêt variable mais qui eurent le mérite de présenter une poignée de nouvelles au grand public. Ce recueil comprend sept textes et quelques grands noms de la SF. Ils furent généralement publiés, en VO, dans le magazine d’Asimov, d’où la « caution » apportée par le Bon Docteur.

« Dilemme » joue ainsi la carte de l’humour et de l’hommage à Asimov. Signé Connie Willis, on le retrouvera également dans LES FILS DE FONDATION. Ce petit récit plein d’humour égratigne affectueusement le très prolifique Bon Docteur et propose un plaisant « name dropping » des géants de la SF de l’âge d’or.

En parlant de géant, Silverberg ne démérite pas avec « Jouvence », récit de la quête de la fontaine miraculeuse. Un mélange de SF et d’aventures historiques fort convaincant.

George Alec Effinger propose ensuite une nouvelle, « Le cyborg sur la montagne », situé dans son univers fétiche, celui d’un Moyen Orient futuriste et cyberpunk. Un texte entre anticipation et polar d’action typique de l’auteur mais rondement mené. Du bon boulot en peu de pages.

« Loterie macabre » de S.P. Somtow détonne dans ce recueil avec une intrigue entre fantastique et épouvante : deux jeunes ados, en Thaïlande, s’apprête à passer la nuit dans un cimetière afin qu’un fantôme leur donne les numéros gagnants de la loterie. Pas mal et indéniablement exotique, notamment en ce qui concerne les coutumes, superstitions et légendes locales.

Deux autres textes, plus longs, sont signés Tiptree et Charles Sheffield mais la pièce de résistance reste la courte et excellente « le jour où les ours ont découvert le feu » de Terry Bisson. Récompensé par le Hugo, le Nebula, le Locus, le Sturgeon et le Asimov (excusez du peu !), voici une nouvelle où la SF sert simplement de décor (à la suite de l’événement décrit dans le titre) pour un récit intimiste d’une grande originalité.

Comme toutes les anthologies de ce style, il y a donc à boire et à manger mais, dans l’ensemble, les textes rassemblés ici sont d’une grande qualité et méritent la lecture.

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Publié le 13 Juillet 2022

MARS LA ROUGE de Kim Stanley Robinson

Déjà un classique de la science-fiction, lauréat du prix Nebula, MARS LA ROUGE est une brique, 660 pages bien tassées…qui se poursuivent par deux autres tomes, lesquels, rassemblés, forment une trilogie de plus de 1600 pages. Autant dire que cette lecture demande du temps et de l’investissement : nous sommes, en effet, en présence de hard science, autrement dit d’une science-fiction spéculative rigoureuse et d’une anticipation crédible. Pas vraiment de la grosse fantasy commerciale ou du space opéra « easy reading ». Une première tentative m’avait d’ailleurs laissé dubitatif. Cette fois, en sachant davantage à quoi s’attendre, ce fut la bonne. Car MARS LA ROUGE est un roman touffu et exigeant, sans être rébarbatif ou illisibles comme certains textes qui se résument à de l’infodump bourré de jargon technique.

Ici Kim Stanley Robinson décrit la lente terraformation d’une planète. Il envisage ainsi toutes les conséquences de ce processus à très long court. En se focalisant sur une poignée de personnages, appartenant aux « 100 premiers colons », Robinson décrit l’évolution de Mars : problèmes psychologiques, sociologiques, religieux, économiques, écologiques,…L’auteur s’intéresse également à la politique de cette planète Mars et le roman mérite donc bien le qualificatif de « planète opéra ». De plus, cette intrigue s’étale sur des siècles mais le romancier recourt à un petit tour de passe-passe bien pensé : l’augmentation de la longévité humaine à plusieurs centaines d’années. Ce qui permet de suivre les mêmes personnages au fil des siècles. Bien évidemment, les personnages « principaux » sont nombreux et impose une lecture attentive pour ne pas s’égarer dans les différentes sous-intrigues. Selon les sensibilités de chacun certaines sont, d’ailleurs, plus ou moins intéressantes puisqu’elles abordent différentes problématiques ou thématiques.

Si le background est d’une grande richesse, l’action, en revanche, se voit réduite à la portion congrue. Elle est surtout concentrée dans les derniers chapitres et les lecteurs qui attendent du « pétaradant » peuvent, par conséquent, passer leur chemin.

En sachant dans quel type de SF on s’aventure, MARS LA ROUGE reste un modèle de SF « scientifique » rigoureuse et une lecture prenante et intelligente. Elle donne d’ailleurs envie d’enchainer avec le deuxième tome, MARS LA VERTE.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Hard Science, #Prix Nebula, #anticipation, #science-fiction

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Publié le 2 Mars 2022

UNE ROSE POUR L'ECCLESIASTE de Roger Zelazny

Voici un recueil de quatre nouvelles relativement longues (trois d’une cinquantaine de pages, une de quatre-vingt) rassemblées en recueil en 1967 et assorties d’une préface de Sturgeon. Zelazny, aujourd’hui largement (et injustement) résumé à sa monumentale saga des Princes d’Ambre, débuta à 25 ans par une série de nouvelles science-fictionnelles. Publiées au début des années ’60, elles bousculèrent la « SF de papa » en se détournant des thèmes traditionnels du genre. L’auteur se soucie en effet davantage des sentiments de ses personnages que des descriptions de vaisseaux spatiaux et de la technologie. Bref, l’antithèse de la hard-science prisée actuellement. A la fin des sixties, période on le sait marquée par de nombreux bouleversements, Zelazny s’inscrit dans la New Wave, une SF plus audacieuse et plus engagée. Le mouvement et l’auteur s’intéressent plus aux aspects littéraires d’une œuvre et moins aux affabulations pseudo-scientifiques du pulp. UNE ROSE POUR L’ECCLESIASTE rassemble quatre de ses textes, deux ayant été précédemment publiés dans Fiction.

Le recueil varie les décors. Dans la première nouvelle, « les Furies », trois hommes dotés de pouvoirs paranormaux, avatars modernes des Furies, traquent à travers la galaxie un redoutable criminel. Dans « Le cœur funéraire », peut-être le meilleur des quatre récits, nous suivons quelques nantis à la poursuite de l’immortalité. Le récit questionne le lecteur et lui demande s’il est prêt à sacrifier son présent pour une vaine quête d’immortalité afin de jeter un œil sur le futur. Une nouvelle pertinente et marquante à condition d’entrer dans l’intrigue qui, au départ, peut déstabiliser. Gagnant du prix Nebula, « Les portes de son visage, les lampes de sa bouche » suit la traque d’un Leviathan dans les océans de Vénus. Quant à la nouvelle-titre, elle expédie un linguiste sur Mars avec une rose et de la poésie en guide de remède à l’apocalypse acceptée par les Martiens. Une histoire poétique dépouillée des oripeaux traditionnels de la SF, un récit plutôt triste mais dont la conclusion est porteuse d’espoir.

L’auteur avait de l’ambition, il le démontre par un style travaillé, riche, parfois à l’excès. Il avait également des idées fortes et savait composer des protagonistes intéressants. La forme courte lui permet de donner la pleine mesure de son talent en combinant prospective, visions du futur, érudition, poésie et considérations philosophiques. Une bonne introduction à l’un des auteurs majeurs de la SF du XXème siècle.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Prix Nebula, #Recueil de nouvelles, #science-fiction

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Publié le 26 Janvier 2022

LA FONTAINE DES AGES de Nancy Kress

Dans cette nouvelle livraison de l’indispensable collection de romans courts « Une heure lumière », LA FONTAINE DES AGES est un avatar de la légendaire fontaine de jouvence.

Le très riche Max Feder va mourir. Il se souvient d’un amour de jeunesse, une femme rencontrée à Chypre il y a fort longtemps. Depuis, elle est devenue immortelle et, par les progrès de la technologie, a également prolongé la vie d’autres personnes. La retrouver devient l’obsession de Feder. Ses enfants l’ont abandonné, son épouse n’a plus d’intérêt pour lui et cette quête reste l’unique préoccupation de ses (derniers) vieux jours.

Cette novella est contée de manière assez complexe, avec des aller-retours entre le passé et le présent. Si le lecteur peut se sentir déstabilisé, en faisant l’effort de s’accrocher, le puzzle se met, peu à peu, en place. La romancière s’interroge une nouvelle fois sur les bouleversements sociaux et sentimentaux apporté par une innovation techniques. Le texte rappelle donc son chef d’œuvre, L’UNE REVE ET L’AUTRE PAS.

Ici existe la possibilité de se « figer » à un âge donné pour ne plus vieillir. Cependant la mort survient 20 ans plus tard. Le jeu en vaut-il la chandelle ? Pour certains (sportifs, mannequins, etc.) oui. Pour d’autres non. Le principal protagoniste, de son côté, se refuse à recourir au procédé. C’est un personnage ambigu, qui a construit sa fortune de manière frauduleuse et a bien magouillé durant toute sa longue vie. Il n’est pas particulièrement sympa mais, après tout, ce genre d’individu, immensément riche, l’est rarement. Kress réussit toutefois à le rendre attachant par certains côtés, méprisables par d’autres. Bref, il est humain.

En 112 pages, la romancière ne perd guère de temps. Elle a beaucoup à dire mais préfère la brièveté aux pavés si courants dans la SF d’aujourd’hui. Nous avons donc des lignes temporelles entrelacées, la présence de gitans qui ajoute une réelle originalité à l’ensemble, une histoire mêlant romance et hard-science (sans verser dans le prêchi-prêcha, l’autrice s’interroge sur les dérives du transhumanisme).

Finaliste du Hugo et lauréat du Nebula dans la catégorie « Roman court », une nouvelle belle réussite pour Nancy Kress.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Prix Nebula, #Roman court (novella), #science-fiction

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Publié le 29 Mai 2020

SEEKER de Jack McDevitt

Quoique situé dans l’espace, le roman reprend les codes de l’aventure à la recherche d’une cité perdue, on pense ainsi aux œuvres d’un Clive Cussler par exemple, la colonie disparue de Margolia remplaçant ici la légendaire Atlantide.

La saga d’Alex Benedict, archéologue et explorateur spatial, comprend à ce jour huit romans pouvant se lire de manière indépendante. SEEKER est le troisième et, pour l’instant, le seul à avoir été traduit en français, probablement en raison de sa victoire au prestigieux Prix Nebula.

Dans un futur lointain, aux environ de l’an 12 000, l’Humanité s’est étendue dans l’univers, laissant derrière elle des bases abandonnées et des vaisseaux oubliés emplis d’artefacts devenus très recherchés par les collectionneurs d’antiquités. Alex Benedict et Chase Kolpath sont deux archéologues (ou « pilleurs de tombe » selon leurs détracteurs), contactés par une jeune femme entrée en possession, par l’intermédiaire de son ex-copain, d’une coupe couverte de symboles très anciens. Les deux archéologues la datent de 9 000 ans et la relie au mythique vaisseau d’exploration Seeker. Cet engin, le premier capable de dépasser la vitesse de la lumière, a été bâtit voici 90 siècles par une bande d’utopistes surnommés les Margolians, lesquels désiraient fuir la Terre dictatoriale et établir une colonie libertaire sur une planète appelée Margolia. Depuis, nul n’a eut de nouvelles de ces colons…Benedict et Kolpath se lancent dans la recherche du Seeker et espèrent localiser la fabuleuse Margolia, ce qui constituerait la plus grande découverte de l’histoire des vols spatiaux.

Peu connu chez nous mais célébré aux USA où il est régulièrement nommé aux prix les plus prestigieux de la SF et salué comme l’héritier de Clarke et Asimov, Jack McDevitt propose ici un plaisant roman d’exploration spatiale. En dépit d’un avenir très lointain qui laissait supposer (espérer ?) un univers complètement différent du monde, l’évolution technologique reste faible (on se croirait davantage 100 ans dans l’avenir que 1000) et, à côté d’Intelligence Artificielle de type Avatar (qui permettent de converser avec des simulacres de personnes décédées) et des vaisseaux supraluminiques, on parle encore de disquettes ! Les personnages aiment également beaucoup les mondanités, pour un peu on se croirait dans de la bit-lit tant l’héroïne aime les diners et les cocktails afin de discuter de sa mission. Le roman n’est donc pas franchement dépaysant et les considérations scientifiques demeurent peu présentes, loin de la hard-science parfois rébarbatives. Comme signalé précédemment, le bouquin s’apparente davantage à un techno-thriller d’aventures…mais situé dans l’espace. Le tout fonctionne donc plaisamment, avec toute la science des page-turners américains pour encourager le lecteur à poursuivre sa lecture d’encore un ou deux chapitres avant d’aller dormir. Des attentats et autres menacent à l’encontre de notre dynamique duo d’archéologues apportent d’ailleurs le petit piment nécessaires au récit sinon assez linéaire dans son déroulement.

Au final, SEEKER reste un bon gros pavé très digeste (il aurait sans doute gagné à être élagué de quelques dizaines de pages mais rien de vraiment problématique) et plutôt divertissant pour peu qu’on n’en attende pas un classique incontournable de la SF.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Prix Nebula, #Space Opera, #science-fiction

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Publié le 3 Février 2020

BINTI de Nnedi Okorafor

BINTI, une novella de science-fiction plutôt destinée aux jeunes adultes, fut lauréate des prestigieux prix Hugo et Nebula. L’autrice, d’origine Nigérienne, nous avertit qu’elle traite des « social issues” et notamment des “racial and gender inequality”. Elle s’est également fait connaitre pour son opposition à l’attribution d’un prix basé sur une représentation de Lovecraft (le World Fantasy) et sa demande pour qu’il soit remplacé par une autre statuette basée cette fois sur Octavia Butler. Du pain béni pour les « social justice warriors » et autres hystériques 2.0. Bref, en ouvrant BINTI, on commence à craindre le pensum politiquement correct si prisé des prix en science-fiction récents mais, au final, le court roman de Nnedi Okorafor s’avère plutôt plaisant.

Génie des mathématiques, Binti est la première femme issue du peuple Himba à accéder à l’université intergalactique Oomza Uni. A l’intérieur d’un vaisseau spatial, Binti fait connaissance des autres passagers. Malheureusement, le transporteur est arraisonné par une race extraterrestre, les Méduses, et toutes les personnes à bord sont massacrées, à l’exception de Binti elle-même. Binti se réfugie dans sa cabine puis commence à communiquer avec les Méduses par l’entremise de son « Edan », un artefact trouvé dans le désert.

Avec ce petit roman, Nnedi Okorafor s’éloigne radicalement de la hard-science actuellement en vogue pour un récit à l’ancienne, sorte de space-opéra confiné doublé du thème classique de la rencontre avec « l’autre ». Le tout additionné d’un parfum de « récit d’apprentissage ». La postface nous révèle que cette histoire a été inspirée à l’écrivaine par sa fille de 11 ans et dont l’univers ne semble ici qu’esquisser (on rencontre plusieurs ethnies, des objets bizarres comme les astrolables ou les Edan, le peuple extraterrestre des Méduses, etc.). Les prochains récits dans le même univers (BINTI 2 : HOME et BINTI : THE NIGHT MASQUERADE) développeront probablement une partie de ce vaste monde.

Sans être un chef d’œuvre (les deux récompenses récoltées laissent quand même songeurs et mettent probablement les attentes beaucoup trop haut), BINTI s’impose comme un court roman divertissant, de lecture aisée (y compris en anglais), marqué (mais sans excès) par les racines africaines de l’autrice, plein de bons sentiments et de naïveté mais quelque part agréable en ces temps de SF marquée par la sinistrose dystopique généralisée. Nous avons même droit à un happy end pacifique façon « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, même ceux que l’on considérait comme des ennemis. Pas indispensable mais pas déplaisant.

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Publié le 1 Janvier 2020

LE CHANT DU BARDE de Poul Anderson

Ce recueil paru au Belial en 2010 (puis réédité au Livre de Poche deux ans plus tard) rassemble neufs récits non inédits (mais souvent remaniés et retraduits) qui composent un véritable « best of » science-fictionnel de Poul Anderson, notamment inventeur de la célèbre Patrouille du temps. Des récits souvent primés, voire multiprimés et qui sont, pour la plupart, relativement longs pour des nouvelles jusqu’à atteindre ce que les Américains désignent comme des romans courts ou des novellas. Anderson fut d’ailleurs récompensé à sept reprises par un Hugo (six des titres récompensés sont inclus dans ce recueil) et trois fois par le Nebula, sans oublier un Locus. Lauréat de ce triplé parfait « La reine de l’air et des ténèbres » est évidement reprise ici et constitue peut-être le chef d’œuvre de son auteur.

L’anthologie débute avec « Sam Hall » dans lequel un employé modèle du système informatique d’un univers futuriste totalitaire introduit, presque par jeu, un bug dans la machine en créant de toutes pièces un révolutionnaire mystérieux nommé Sam Hall. Un nom puisé dans une vieille chanson populaire  anglaise. A force manipulations, Sam Hall acquiert une sorte de pseudo-existence : tous les crimes sont imputés à ce criminel insaisissable et les membres d’un réseau de résistance clandestin se l’approprient pour signer leurs méfaits. Quoique la technologie ait évolué, la nouvelle qui date de 1953 (et fait écho à la Guerre de Corée et au Maccarthysme) reste étonnamment moderne plus de soixante ans après sa rédaction et son sujet (manipulations gouvernementales, falsification de l’information, oubli numérique, etc.) demeure toujours d’actualité. Un classique de la dystopie.

Le court roman « Jupiter et les centaures », précédemment publié dans la collection « Etoile Double» aux côtés d’une novella de Sheckley  décrit la manière d’explorer Jupiter en utilisant des avatars (la référence à un « classique » récent de la SF cinématographique n’est point innocente tant les intrigues sont similaires).

« Long cours » valu à son auteur un de ses nombreux prix Hugo: un récit d’exploration maritime dans un monde dans lequel on se souvient encore, mais à peine, de la Terre, planète-mère. Le capitaine d’un navire découvre un astronef en partance menaçant, par sa seule existence, le futur de ce monde. Comment réagir ? De la SF intelligente et efficace.

Autre gros morceau, « Pas de trêve avec les rois », obtient lui aussi le Hugo : cette longue nouvelle (90 pages) précédemment publiée en français dans l’anthologie HISTOIRES DE GUERRES FUTURES raconte un affrontement entre deux camps, façon Guerre de Sécession, dont l’un bénéficie d’un appui extraterrestre.

Récit de vengeance très efficace tempéré par la découverte des rites étranges d’une planète étrangère (dont du cannibalisme rituel), l’excellent « le partage de la chair » n’a pas volé son prix Hugo et demeure un des meilleurs récits d’Anderson.

Mi sérieux, mi humoristique, en tout cas toujours sarcastique (pour ne pas dire grinçant), « Destins en chaîne » projette son héros, Bailey, dans une série de réalités alternatives dans lesquelles il se débat jusqu’à la mort. Dans l’un de ces univers parallèle, la simple expression artistique peut vous conduire en prison, dans un autre l’Etat a consacré les inadaptés de tous poils au point qu’ils peuvent revendiquer ce statut et vivre une existence oisive. Mais les simulateurs se multiplient, se prétendant eux aussi malades mentaux afin de bénéficier de l’Etat providence. Les homosexuels ayant déjà réussi à obtenir cette reconnaissance, les Noirs envisagent de s’associer aux Juifs souffrant de discrimination tandis que les prophètes de religion folklorique prêchent à tout va…et pas question d’y trouver à redire car ces religieux risqueraient, sinon, des dégâts psychiques irréparables. Une plongée pas toujours très politiquement correcte (et c’est tant mieux) dans une poignée de sociétés utopiques (ou dystopiques selon les sensibilités) qui se termine dans un monde post-apocalyptique d’apparence paradisiaque après l’anéantissement, par une épidémie, de 95% de l’Humanité. Un excellent texte peut-être encore davantage actuel aujourd’hui qu’à l’époque de sa rédaction.

Autre novella illustre, « La reine de l’air et des ténèbres » a récolté le plus prestigieux des triplets de la SF : Hugo, Nebula et Locus. Nous sommes sur Roland, une planète lointaine colonisée par l’Homme. Un seul détective y exerce, Eric Sherrinford, contacté par une mère afin de retrouver son enfant enlevé par ce qui pourrait être des représentants du Vieux Peuple. Mais Sherrinford refuse d’accorder foi à ces anciennes superstitions celtiques…Une œuvre très efficace, sorte de transposition science-fictionnelle des légendes jadis contées par Arthur Machen.

Plus court, « Le chant du barde » obtint également le Hugo et le Nebula, finissant à la troisième place du Locus. Inspiré par les nouveautés science-fictionnelles lancées par Harlan Ellison, Anderson décrit un monde sous la domination d’un ordinateur omniscient, SUM, lequel enregistre les vies de tous les Humains et leur promet la résurrection un jour prochain. Mais un harpiste se confronte à l’avatar humain de SUM, la Reine Noire et cesse de croire en ses promesses. Une nouvelle dans laquelle Anderson démontre son originalité tout en s’inspirant de nombreux mythes antérieurs et en truffant son texte de citations littéraires. Très réussi.

Le recueil se termine par le court roman « Le jeu de Saturne », sorte de critique assez virulente des jeux de rôles et autres psychodrames auquel je n’ai personnellement pas accroché. Ce n’est pas grave, le reste était très bien.

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Publié le 30 Septembre 2019

EXPERIENCE TERMINALE de Robert J. Sawyer

Robert James Sawyer n’est pas, en France, le plus réputé des auteurs de science-fiction, il a même été pas mal égratigné par la critique. Aux USA, l’accueil semble tout autre et EXPERIENCE TERMINALE fut d’ailleurs lauréat du prestigieux Prix Nébula (et nomminé des Hugo et Locus) tandis que « Hominids » récoltait le Hugo (sans être traduit chez nous !).

L’intrigue, touffue mais simple à suivre, mélange interrogation philosophique, influences cyberpunk, un zeste de hard science et beaucoup d’action nerveuse façon techno thriller. Un mélange surprenant, parfois un peu « facile » (on a l’impression que Sawyer transforme un sujet complexe en « simple » thriller science-fictionnelle) mais indéniablement efficace.

Peter Hobson a mis au point un appareil médical révolutionnaire capable de l’aider à définir la mort de manière précise. Mais son invention va plus loin puisqu’il lui permet de prouver l’existence de l’âme et d’une  vie après la mort. Devenu célèbre, Hobson poursuit ses recherches dans le but de déterminer à quoi peut bien ressembler l’au-delà. Incroyant, Hobson se rend compte de la révolution entrainée par son invention et avec l’aide de son ami Sarkar, croyant musulman, il conçoit trois clones informatiques destinés à conceptualiser l’au-delà. Il crée ainsi Esprit (l’immortel spirituel), Ambrotos (l’immortel physique) et un clone témoin

EXPERIENCE TERMINALE est un bouquin curieusement schizophrène : la première partie consiste en un mélange de SF pointue et de religiosité bien dosée qui pose d’intéressantes questions sur la science, la foi, les croyances,  etc. Que se passerait il si l’esprit scientifique parvenait à prouver de manière irrévocable des théories relevant jusque-là de la religion ou de la philosophie comme l’existence de l’âme et d’un « paradis » ? Voici un excellent sujet…mais Sawyer ne l’explore qu’à demi, préférant opter, à mi-parcours, pour une intrigue parallèle envahissante à base de clone informatique meurtrier…Le romancier semble marcher sur les traces d’un Michael Crichton pour offrir un thriller technologique mâtiné de polar procédural et de « murder mystery » franchement plaisant à lire (c’est court, rythmé et globalement efficace) mais dénué de l’ambition des premiers chapitres. L’aspect psychologique convaincant du début se délite aussi pour laisser place à des personnages beaucoup moins nuancés qui semblent agir afin de faire avancer l’intrigue à toute force dans la direction voulue par l’auteur.

Sawyer a livré pas mal de best-sellers SF qui reposent sur une idée forte aux conséquences vertigineuses (FLASHFORWARD, adapté en série TV) mais se transforment rapidement en thrillers plus convenus néanmoins agréables à lire. EXPERIENCE TERMINALE ne fait pas exception : de la SF honnête malheureusement un peu convenue et un brin décevante tant les prémices s’annonçait capables d’offrir au lecteur un grand moment de réflexion. Sawyer a privilégié l’action et le divertissement mais le résultat, s’il ne méritait sans doute pas un Nebula, reste suffisamment plaisant pour maintenir l’intérêt pendant un peu plus de 300 pages. Correct.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Prix Nebula, #Technothriller, #science-fiction

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