UNE ROSE POUR L'ECCLESIASTE de Roger Zelazny
Publié le 2 Mars 2022
Voici un recueil de quatre nouvelles relativement longues (trois d’une cinquantaine de pages, une de quatre-vingt) rassemblées en recueil en 1967 et assorties d’une préface de Sturgeon. Zelazny, aujourd’hui largement (et injustement) résumé à sa monumentale saga des Princes d’Ambre, débuta à 25 ans par une série de nouvelles science-fictionnelles. Publiées au début des années ’60, elles bousculèrent la « SF de papa » en se détournant des thèmes traditionnels du genre. L’auteur se soucie en effet davantage des sentiments de ses personnages que des descriptions de vaisseaux spatiaux et de la technologie. Bref, l’antithèse de la hard-science prisée actuellement. A la fin des sixties, période on le sait marquée par de nombreux bouleversements, Zelazny s’inscrit dans la New Wave, une SF plus audacieuse et plus engagée. Le mouvement et l’auteur s’intéressent plus aux aspects littéraires d’une œuvre et moins aux affabulations pseudo-scientifiques du pulp. UNE ROSE POUR L’ECCLESIASTE rassemble quatre de ses textes, deux ayant été précédemment publiés dans Fiction.
Le recueil varie les décors. Dans la première nouvelle, « les Furies », trois hommes dotés de pouvoirs paranormaux, avatars modernes des Furies, traquent à travers la galaxie un redoutable criminel. Dans « Le cœur funéraire », peut-être le meilleur des quatre récits, nous suivons quelques nantis à la poursuite de l’immortalité. Le récit questionne le lecteur et lui demande s’il est prêt à sacrifier son présent pour une vaine quête d’immortalité afin de jeter un œil sur le futur. Une nouvelle pertinente et marquante à condition d’entrer dans l’intrigue qui, au départ, peut déstabiliser. Gagnant du prix Nebula, « Les portes de son visage, les lampes de sa bouche » suit la traque d’un Leviathan dans les océans de Vénus. Quant à la nouvelle-titre, elle expédie un linguiste sur Mars avec une rose et de la poésie en guide de remède à l’apocalypse acceptée par les Martiens. Une histoire poétique dépouillée des oripeaux traditionnels de la SF, un récit plutôt triste mais dont la conclusion est porteuse d’espoir.
L’auteur avait de l’ambition, il le démontre par un style travaillé, riche, parfois à l’excès. Il avait également des idées fortes et savait composer des protagonistes intéressants. La forme courte lui permet de donner la pleine mesure de son talent en combinant prospective, visions du futur, érudition, poésie et considérations philosophiques. Une bonne introduction à l’un des auteurs majeurs de la SF du XXème siècle.