Publié le 30 Mai 2024

TOUTES LES SAVEURS de Ken Liu

Publié dans la collection « Une Heure Lumière », ce court roman de Ken Liu ne ressort pas de la science-fiction ni du fantastique (excepté quelques récits racontés sur les mythes chinois). Nous sommes dans une sorte de western réaliste situé dans l’Idaho, à la fin du XIXème siècle. C’est la ruée vers l’or et l’exploitation des mines qui permet le développement des villes, souvent grâce à des émigrés chinois qui viennent y travailler pour des salaires de misère. Une jeune fille, Lily, va ainsi se lier avec Lao Guan, rebaptisé du plus américain Logan, qui lui raconte des histoires mythologiques tout en essayant de s’adapter à son environnement.

Ken Liu a déjà eu l’honneur à deux reprises d’être publié dans cette collection, avec le très bon LE REGARD et le formidable L’HOMME QUI MIT FIN A L’HISTOIRE. Nous avons aussi pu lire son recueil de nouvelles JARDINS DE POUSSIERE absolument génial. TOUTES LES SAVEURS reste d’un très bon niveau mais possède une…saveur… différente. C’est un récit historique intéressant, dénué de manichéisme, qui explique l’arrivée des Chinois aux Etats-Unis de manière nuancée et contrastée avec les volontés opposées de s’intégrer et de garder sa culture, ici symbolisée par la cuisine avec de nombreux plats proposés. Ken Liu explique également la montée du sentiment anti-asiatique aux USA et intègre une petite dose d’imaginaire (les récits racontés) dans un cadre réaliste « western ». Le merveilleux sert ainsi de fil conducteur, certes léger, aux pérégrinations de notre héros renommé du très américain prénom de Logan.

Avec TOUTES LES SAVEURS, Ken Liu propose donc une très belle novella et nous conte en quelque sorte les « tribulations d’un Chinois en Idaho » avec une prose comme toujours inspirée. Quoique l’aspect fantastique soit minimal, ce récit méritait bien une publication française et il est donc heureux que la collection « Une Heure Lumière » l’ait ajouté à son catalogue.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Western, #Novella (roman court), #Une Heure Lumière, #Fantastique

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Publié le 24 Mai 2024

LES ATTRACTEURS DE ROSE STREET de Lucius Shepard

Ce court roman de la collection « Une heure lumière » constitue un changement puisque Lucius Shepard délaisse ici la science-fiction au profit d’un fantastique gothique aux légères influences steampunk.

Nous sommes donc forcément à Londres, à la fin du XIXème siècle, dans une capitale très polluée. Samuel Prothero exerce les fonctions d’aliéniste mais appartient également au « club des inventeurs », tout comme l’ingénieur Jeffery Richmond. Ce-dernier teste actuellement les « attracteurs », des machines qui fonctionnent à la manière de gigantesques aspirateurs afin de rendre à nouveau l’air londonien respirable. Mais, effet indésirable, la machine attire des fantômes, dont celui de sa sœur avec qui il entretenait une relation trouble…Samuel investit la maison de Jeffery, située à Rose Street, dans un quartier mal famé, et rencontre ses deux servantes, d’anciennes prostituées.

Shepard capture ici le style des grands anciens du fantastique horrifique avec une écriture qui renvoie à Bram Stocker, H.G. Wells et consorts. On y trouve aussi le côté un aspect social avec cette inventeur amoureux d’une ancienne prostituée qui se demande si son très sélect club d’inventeurs continuera à l’accepter. L’intrigue, de son côté, est très agréable avec d’intéressantes révélations et des péripéties qui relancent l’intérêt, le court roman se lisant de manière très fluide.

J’avoue que les nouvelles de Shepard (pourtant réputées) dans le domaine de la SF m’ont rarement convaincu et LES ATTRACTEURS DE ROSE STREET constitue donc une excellente surprise et une des meilleures livraisons de la collection « une heure lumière ».

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Steampunk

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Publié le 17 Mai 2024

LA MUSIQUE DU SANG de Greg Bear

Bien qu’associé à la Hard Science, le premier roman de Greg Bear, basé sur sa nouvelle multi-primée, reste très accessible. L’intrigue est assez bizarre, partant d’une situation quelque peu série B (un savant un peu fou expérimente sur lui-même) pour verser ensuite dans un thriller catastrophe intimiste (le monde est ravagé par une épidémie nanotechnologique mais le lecteur n’en est jamais vraiment témoin) avant de se recentrer dans une anticipation philosophique déstabilisante. Le roman questionne alors l’incompréhension et l’incompatibilité fondamentale entre les humains et les machines, une thématique intéressante à l’heure du développement (incontrôlé ?) des AI.

Comme souvent avec la Hard Science, les personnages sont quelque peu négligés mais le scientifique dérangé s’avère cependant intéressant et ses expériences dans la vie quotidienne, notamment amoureuses, sont plutôt réussies. Le récit reste fondamentalement centré sur les USA et nous connaitrons peu le reste du monde, apparemment épargné par la contagion qui conduit à la chute des Etats-Unis. La première partie peut sembler basique, quasiment série B avec son savant qui s’injecte des nanomachines et observe ce qui se déroule dans son corps mais elle m’a semblé plus réussie et pertinente que la suite, capturant une ambiance assez bien retranscrite qui frise, par ses implications, la body-horror. La suite se veut plus ambitieuse mais fonctionne moins bien en dépit de quelques passages là aussi typiques de la Hard Science avec de grandes spéculations et un appel à l’émerveillement via le sense of wonder et la démesure évoquée par ce monde ravagé par l’intelligence artificielle.  Jouant sur une pagination relativement restreinte, Bear introduit de (trop ?) nombreux concepts, change de principal protagoniste et questionne l’existence dans un monde postapocalyptique surprenant.

Ecrit en 1985, LA MUSIQUE DU SANG s’est imposé comme un classique précurseur du thriller hard-science catastrophique et des questionnement sur l’IA. Il reste globalement pertinent et intéressant, ayant mieux vieilli que nombre de bouquins intéressés, à la même époque, par des préoccupations similaires (notamment certains « classiques » cyberpunk) mais ne s’élève pas toujours à la hauteur des idées développées. Comme le signale tous les chroniqueurs du roman « c’est bien mais la nouvelle originelle est meilleure ». Les curieux et les amateurs de hard-science liront cependant avec attention ce bon bouquin de SF disponible dans une nouvelle très belle édition.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Hard Science, #science-fiction

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Publié le 7 Mai 2024

FRAGMENT de Warren Fahy

Encore un roman déstabilisant…on ne sait d’ailleurs pas vraiment à qui il s’adresse. Tout débute de manière plutôt efficace et « page turner » par un prologue historique: une expédition massacrée par des créatures inconnues sur une île isolée où l’évolution s’est déroulée différemment du reste de la planète. On croirait se trouver dans un de ses techno thrillers maritimes à la Cussler. Puis on passe à notre époque avec une téléréalité tournée sur la fameuse île en compagnie de scientifiques qui, à leur tour, sont décimés par les étranges créatures dont les redoutables « spider tigres ». Jusque là tout va bien, le lecteur se sent confortablement installé dans un mélange d’aventures, de science-fiction et d’action, saupoudré d’une touche d’horreur…Bref du Crichton façon JURASSIC PARK. Mais, le problème est que l’auteur semble avoir davantage d’ambitions : au lieu de livrer un thriller haletant il se perd dans des considérations sur l’évolution, la biologie, etc. Bref il se la joue scientifique et reprend les travers de la hard-science (d’interminables explications) pour faire gober un récit pourtant très peu crédible.

D’où un roman beaucoup trop long (500 pages ! really ?) tendance bien actuelle là aussi…délayer, surjouer (le méchant est incroyablement méchant), en faire des tonnes et multiplier personnages et trames narratives alors que l’auteur brode simplement sur une intrigue de série B pas beaucoup plus réaliste qu’un Attack of the crab monsters de Roger Corman. Les relations entre les personnages sont d’ailleurs très schématiques et renvoient, là aussi, à un cinéma hollywoodien burné ayant connu son pinacle dans les années 80 / 90. On imagine très bien les stars de l’époque (de Tom Cruise à Arnold) s’embarquaient dans cette expédition en lançant une punchline bien sentie entre deux attaques des monstres.

Nous avons droit également aux discours contradictoires des savants qui s’opposent sur le sort à réservé à cet écosystème potentiellement dévastateur pour la planète, l’obstination des militaires, le président des USA prenant des décisions difficiles,…ajouter quelques scènes d’attaques potables et un final voulu pétaradant et vous obtenez une sorte de scénario prêt à tourner qui, avec quelques aménagements (coupons toutes les causeries et ajoutons-y un peu plus d’action) pourrait donner un bon blockbuster estival. Ou une série Z de Syfy channel si les moyens ne suivent pas.

Ce qui s’annonçait comme un divertissement de plage aboutit finalement à un bouquin pas désagréable (il se lit, finalement, sans trop d’ennui malgré ses 200 pages excédentaires) mais pas très convaincant et, au final, fort oubliable. Bof.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Animal Attacks, #science-fiction, #monstres, #Aventures, #Technothriller

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