science-fiction

Publié le 7 Juin 2017

CHANTS DE LA TERRE LOINTAINE d'Arthur C. Clarke

Arthur C. Clarke reste une institution de la science-fiction, doublement récompensé par le Hugo et le Nebula (pour RENDEZ VOUS AVEC RAMA et LES FONTAINES DU PARADIS), créateur de la saga des « Odyssées de l’espace » (se composant de la suite 2001, 2010, 2061 et 3001). Comme d’autres romans de l’écrivain (notamment le célèbre 2001), celui-ci se base sur une nouvelle datant de 1958 jadis publiée dans le recueil L’ETOILE. Près de 30 ans plus tard, Clarke développe l’idée pour en tirer un scénario jamais tourné et, finalement, ce roman nostalgique, sorte de space-opera apaisé (ni combats spatiaux ni guère d’action dans ce récit centré sur les personnages et leurs sentiments) teinté de philosophie.

Alors que la Terre se meurt, un million de colons sont envoyés, cryogénisés, dans l’espace à bord du vaisseau Magellan afin d’atteindre un nouveau monde très lointain, Sagan Deux. Les voyageurs effectuent une longue escale sur la planète océanique Thalassa afin de réparer le bouclier de glace protégeant leur vaisseau. Sur Thalassa, les Terriens rencontrent d’autres colons, envoyés précédemment par la terre sous forme d’embryon à bord d’un « vaisseau semeur ». La colonie s’est développée et a pris l’apparence d’un petit paradis libertaire préservé des superstitions, de la religion et, pour l’essentiel, de la violence. Parmi l’équipage du Magellan, beaucoup s’interrogent sur le bien-fondé de leur mission et se demandent s’il ne serait pas plus simple de stopper l’exil et de s’installer sur Thalassa. D’autant que certains membres de l’équipage nouent des liens intimes avec les locaux.

La vision future de Clarke est apaisée, voir tranquille, en dépit de l’aspect dramatique et inéluctable de la mort annoncée de la Terre suite à la transformation du Soleil en nova). D’ailleurs, même en sachant la Terre condamnée, chacun poursuit sa vie comme si de rien était. Après tout, qui se soucie de ce qui surviendra dans une cinquantaine de générations ? « On aurait pu penser que, à mesure que la nouvelle fuirait et répandrait lentement, l’annonce de la fin du monde provoquerait une certaine panique. Au contraire, la réaction générale fut d’abord un silence de stupeur, suivi d’un haussement d’épaules indifférent et de la reprise du train-train quotidien. »

Le romancier quitte donc, avec quelques regrets mais sans vrai chagrin, cette planète agonisante pour une colonie édénique qui s’est débarrassée de la religion, tout comme des textes sacrés (« on ne pouvait leur permettre de réinfester des planètes vierges avec les anciens poisons des haines religieuses ») et du surnaturel. La population, que l’on pourrait qualifiée de hippie, vit une existence paisible, connait une (bi)sexualité libérée et heureuse. A vrai dire, il ne se passe pas grand-chose dans ses CHANTS DE LA TERRE LOINTAINE contemplatif : le début de mutinerie est vite avorté et la rencontre avec des créatures extraterrestres à peine évoquée. Pourtant, la science de Clarke rend l’ensemble très plaisant à lire et jamais ennuyeux quoique le romancier ne se soucie aucunement de générer un quelconque suspense ou de proposer un cliffhanger haletant en fin de chapitre. Le tout s’apparente surtout à une sorte de légende des temps futurs, un récit chaleureux, dans lequel la hard science revendiquée par l’auteur (qui refuse les facilités du voyages transluminiques et se pique de proposer une œuvre rigoureuse et crédible) voisine avec un humanisme naïf et une certaine poésie assez inhabituelle chez lui. On peut toutefois regretter que le romancier n’aille pas au bout de son pitch de départ et ne fasse que survoler son sujet sans trop se préoccuper des enjeux

En quittant sa zone de confort, Clarke n’a pas livré son chef d’œuvre mais il propose cependant un bon roman de science-fiction (qu’il considérait comme son préféré), aux thèmes intéressants qui assure l’essentiel : réflexion et dépaysement.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #anticipation, #science-fiction, #Arthur C. Clarke, #Hard Science

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Publié le 26 Mai 2017

QUANTUM de Peter Hamilton

L’Anglais Peter Hamilton (né en 1960) s’est fait le spécialiste des space-opéras gigantesques et des récits s’étendant sur des centaines, voire des milliers de pages, comme en témoigne son magnum opus, L’AUBE DE LA NUIT, œuvre fleuve (de plus de six mille pages) divisée en six tomes bien épais et qui serait, de fait, le plus long roman de SF jamais écrit. Hamilton aime les séries et celle de Greg Mandell en constitue une autre, trilogie cyberpunk mêlant science-fiction réaliste, politique fiction et énigme policière. Le premier tome, MINDSTAR, pose les bases d’un univers encore développé dans ce second opus, QUANTUM, situé dans un XXIème siècle dévasté par le réchauffement climatique.

Ancien militaire ayant combattu les djihadistes durant la guerre de Turquie, Greg Mandel travaillait pour la Mindstar, une branche des forces armées britanniques dont les agents disposent de pouvoirs psychiques (empathie, télépathie, préscience, intuition, etc.) augmentés par divers implants neuronaux. L’Angleterre se reconstruit après la période la plus sombre de son histoire : en effet, durant dix ans, le président Armstrong a imposé une infâme dictature socialiste sous l’égide du Parti Socialiste Populaire. Heureusement, aujourd’hui, le parti est tombé suite à un attentat ayant couté la vie à Armstrong. La chute des gauchistes a permis la seconde restauration et l’accession au pouvoir d’un gouvernement capitaliste néo conservateur bien plus apprécié du peuple qui chasse et extermine les derniers sympathisants socialistes. Directrice de la compagnie Event Horizon, la milliardaire Julia Evans fait appel aux services de Mandel pour élucider la mort d’un spécialiste de la physique quantique, Edward Kitchener, vénéré par ses élèves et disciples tel un véritable gourou. Mandel enquête, découvre l’attraction physique exercée par le défunt sur ses étudiantes mais également l’impossibilité apparente de ce crime : personne n’a pu venir de l’extérieur mais tous les suspects semblent innocents, ce que confirment les dons psychiques de Mandel.

QUANTUM est un roman touffu qui brasse de nombreux thèmes (physique quantique, voyages dans le temps, voyages interstellaires, problématique du réchauffement climatique, pouvoirs psy amplifiés par des implants,…) typiques du cyberpunk et qui, associés au contexte politique développé avec une réelle originalité (la suprématie conservatrice et libérale, associé à la toute-puissance des mégacorporations, comme solution après dix ans de tyrannie socialiste), offrent un background fouillé et intéressant à une énigme policière assez classique dans l’esprit des romans de l’âge d’or. Nous ne sommes pas loin des « cosy murder » et des « country house mystery » avec cette investigation menée par un enquêteur perspicace devant élucider le meurtre impossible d’un savant retranché dans un lieu isolé. Pour coller à son époque, l’auteur recourt néanmoins à la technologie et ajoute à son énigme une bonne rasade d’action, en particuliers durant les cent dernières pages, créant ainsi un hybride, ma foi fort efficace, entre le policier d’énigme, le polar hard boiled et la science-fiction politisée.

Certes, on peut regretter quelques longueurs (le bouquin fait quand même 540 pages, à peine une nouvelle selon les standards de son auteur mais un pavé pour la plupart des écrivains de SF), des digressions parfois un brin ennuyeuses ou exagérément étirées (était-il nécessaire de consacrer autant de pages à l’opposition entre la milliardaire Julia Evans et la présentatrice télé qui se moque de ses tenues ?) mais, dans l’ensemble, QUANTUM reste un divertissement bien mené, prenant et réussi dans lequel on ne s’ennuie pas.

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Publié le 26 Avril 2017

READY PLAYER ONE d'Ernest Cline

Roman de science-fiction d’un auteur biberonné à la « geekitude », READY PLAYER ONE fut un best-seller surprise de 2011 et reçu de nombreuses récompenses. Une promotion importante accompagna cette sortie, notamment l’édition d’un audio-livre raconté par Will Wheaton et le lancement d’un concours dont le gagnant, après avoir battu le record mondial du jeu vidéo Joust, remporta une DeLorean.

Son auteur, Ernest Cline, appartient depuis longtemps à l’univers geek puisqu’il écrivit, pour le plaisir, une séquelle au film culte BUCKAROO BANZAI puis participa au scénario de FANBOYS au sujet d’une bande de copains désireux de s’introduire dans le Skywalker Ranch. READY PLAYER ONE est son premier roman et sera prochainement adapté à l’écran par Steven Spielberg en personne. Il fut suivi par ARMADA, hommage au film STARFIGHTER, lui aussi promis à une prochaine version cinématographique. Bref, tout roule pour Cline. Ce succès est-il pour autant mérité ? Oui…et non.

READY PLAYER ONE se veut un hommage aux années ’80 et se situe dans un futur proche peu reluisant. Les changements climatiques, les guerres, les pénuries ont rendu la Terre invivable au point que la majorité de la population se réfugie dans un monde virtuel, l’Oasis, composé de centaines d’univers où chacun peut étancher sa soif d’aventures, de STAR WARS au SEIGNEUR DES ANNEAUX en passant par WARCRAFT.

Peu avant sa mort, le créateur de l’Oasis, James Halliday, décide de léguer sa gigantesque fortune à celui qui parviendra à ouvrir trois portes secrètes dissimulées au cœur de l’Oasis sous forme d’«easter eggs ». La tâche se révèle rapidement ardue et, cinq ans après la déclaration d’Halliday, la plupart des candidats ont abandonné cette quête en apparence imsoluble. Cependant, un adolescent, Wade, cherche à percer les énigmes en s’imprégnant de la culture populaire des années ’80 qui, selon lui, pourra lui permettre de déchiffrer les arcanes d’Halliday. Surnommé dans l’Oasis Parzival, il localise la première clé, celle de cuivre, dissimulée dans une recréation de Donjon & Dragon. Après voir défait le gardien de la tombe, le sorcier Acererak dans un duel mené sur le jeu vidéo des années 80 Joust, Parzival attire l’attention de tous les « chasseurs d’œufs » (ou plus simplement « chassoeufs ») de la planète et en particulier de l’héroïque Art3mis. La quête s’annonce serrée pour mettre la main sur les deux dernières clés car des méchants capitalistes corporatistes veulent s’emparer des richesses d’Halliday pour pervertir son beau projet.

Typique roman pour « young adults », READY PLAYER ONE reprend les codes des récits initiatiques en les plongeant dans un bain d’influences à la fois science-fictionnelle et heroic fantasy. Ernest Cline accumule ainsi les références aux jeux de rôle des années ’70 (en particulier Donjons & Dragons), au cinéma des années ’80 (notamment les inévitables BLADE RUNNER et WARGAMES), au rock (le fabuleux album concept « 2121 » de Rush joue un rôle crucial dans l’intrigue) et aux jeux vidéo préhistoriques comme Joust, Black Tiger, Adventure, ou Zork, sans oublier la nécessité de réussir un score parfait au plus célèbre Pac Man.

Si le metavers (autrement dit l’univers virtuel) se montre particulièrement développé et fascinant (défini par l’auteur John Scalzi comme un véritable nerdgasm), l’intrigue s’avère, hélas, beaucoup plus classique : le trio de personnages principaux rappelle à la fois HARRY POTTER et la STRATEGIE ENDER d’Orson Scott Card tandis que le background empreinte aux classiques du cyberpunk (NEUROMANCIEN de William Gibson, LE SAMOURAI VIRTUEL de Neal Stephenson mais aussi les précurseurs comme LES CAVERNES D’ACIER d’Asimov et la quasi-totalité de l’œuvre de Philip K. Dick) mais aussi aux plus récentes dystopies destinées à la jeunesse comme DIVERGENTE ou HUNGER GAMES. Le triangle amoureux n’a, lui non plus, aucune originalité et la présence de deux faire-valoir japonais (très caricaturaux) semble avoir pour unique but de titiller les amateurs de dessins animés nippons ou de mangas.

Le récit se révèle également peu crédible : les héros n’ont pas encore vingt ans mais ont assimilés une trentaine d’années de « culture geek » (ils ont terminé tous les jeux vidéo des années 80, vus 47 fois SAGRE GRAAL ou connaissent par cœur la moindre réplique de WAR GAMES) pendant les moments où ils ne déambulent pas dans l’Oasis, ne sont pas à l’école ou ne dorment pas. Les références citées, sans doute déjà obscures pour 99% de la population mondiale de moins de trente ans, sont balancées par paquets par un auteur qui tente de les imposer comme la « norme culturelle » absolue de milliers de geek adolescents de l’an 2044. Résoudre les énigmes laissées par le dieu décédé de l’Oasis ne demande d’ailleurs pas vraiment d’imagination ou d’indépendance puisqu’il s’agit davantage d’identifier un décor de jeu de rôle ou de pouvoir dupliquer sans se tromper tous les faits et gestes du héros de WARGAMES.

Le name dropping, amusant dans les premiers chapitres, devient, dès lors, assommant tant Ernest Cline surcharge sa maigre intrigue en détaillant les scénarios d’à peu près tous les films de science-fiction qu’il a visionnés durant son adolescence. En parlant de jeunesse, l’écriture, voulant s’adresser à un public supposé jeune et plus habitué des consoles de jeux que des romans, se montre banale et plate : pas de mots compliqués, pas de tournure de phrases alambiquées, une impression accentuée par une traduction française pénible. Lire des « wesh mon pote » et des « salut cousins » dans la bouche de jeunes adultes de 2044 reste assez déstabilisant.  

Malgré tous ces bémols, difficile de ne pas prendre un certain plaisir à ce READY PLAYER ONE pourtant très prévisible, que l’on peut rapprocher d’un DAVINCI CODE : ce n’est objectivement pas très bon mais on tourne quand même les pages pour connaitre le dénouement. Inspirée (volontairement ?) des jeux vidéo de plateforme, la progression linéaire implique un problème à résoudre, une réflexion plus ou moins longue, un éclair de génie (car les héros comptent beaucoup sur la chance pour avancer) et une résolution avantageuse après avoir défait un « boss » de fin de niveau. Répétez cela trois fois et le roman se termine au terme d’une gigantesque bataille (que l’on imagine immédiatement transposée sur grand écran) entre le côté obscur représenté par les multinationales capitalistes (lesquels utilisent des moyens colossaux pour gagner) et la confrérie de la geekitude (qui ne possède que leur bite, leur manette de jeu et le manuel de AD&D pour l’emporter).

S’il est possible de trouver READY PLAYER ONE satisfaisant, on regrette qu’un environnement aussi immense et fascinant (la réalité virtuelle) soit simplement au service d’une version hightech de la « Chasse au trésor ».

Cline travaille actuellement à une séquelle de READY PLAYER ONE (qui devrait logiquement s’intituler READY PLAYER TWO) et précise que tout cela pourrait ne plus être de la science-fiction d’ici une dizaine d’années. Possible même si, dix ans après son buzz, Second Life ne semble plus attirer beaucoup d’adeptes.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #anticipation, #science-fiction, #Geek, #Cyberpunk

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