cinema bis.

Publié le 11 Mai 2022

NE DIS PAS QUE TU AIMES CA de Céline Tran

Un témoignage intéressant de la vie mouvementée de Céline Tran qui, de Vietnamienne de bonne famille réussissant à l’école, décide de devenir hardeuse. Elle prend ce métier comme un autre, avec ses bons et ses mauvais côtés, accepte de devenir un « objet » et gravit les échelons en ne disant non à aucune pratique. Elle décrit également son amitié avec le spécialiste du porno crad franchouillard, le célèbre Alan Payet.

Céline Tran, ex Katsuni, ex Katsumi (elle perd un procès avec une homonyme) plutôt que continuer tranquillement sciences-po se lance donc dans le X à 20 ans. Elle réussit à y percer et, ce qui est encore plus difficile, à en sortir. Strip-tease, photos coquines puis porno. Dès ses débuts, elle bénéficie d’un film à sa gloire, signé par Payet, L’AFFAIRE KATSUMI. Elle restera dans le circuit pendant une douzaine d’années et des dizaines de vidéos avant sa reconversion dans le «trad » (une apparition dans la série télé METAL HURLANT CHRONICLE et, surtout, un des rôles principaux de l’excellent thriller martial JAIL BREAK). Même en ayant seulement vu les trois prestations précitées (alors qu’elle compte 360 crédits sur imdb mais il doit y avoir pas mal de remontages divers), Céline Tran reste un cas à part dans le hard, ne serait-ce que par ses origines asiatiques. Dans une industrie de plus en plus encombrée de bimbos interchangeable (les mutations du secteur avec l’arrivée du net sont abordées), elle reste aussi un des derniers « visage » reconnaissable, avec les Ovidie, Oksana, Clara Morgane et Laure Sainclair. Un témoignage de l’époque, début des années 2000, où les hardeuses étaient invitées sur les plateaux de télé dans les émissions de seconde partie de soirée.

Céline Tran parle également de sa vie de famille, de ses aventures amoureuses compliquées, de la difficulté à séparer la femme de l’artiste. La vision du X est plutôt positive (contrairement à celle d’un PORN VALLEY par exemple), Céline Tran / Katsumu semble n’avoir pas connu d’expérience pénible (excepté sur un tournage où Rocco prendra sa défense) et avoir pris du plaisir dans le hard. On a un peu de mal à croire à cette vision presque idyllique de l’industrie : si les tournages sur les productions « de prestige » sont évoqués, les vidéos gonzos se passaient-elles de manière aussi « cool », entre adultes consentants ? Laissons à l’autrice le bénéfice du doute dans une histoire quelque peu « conte de fées pour jeunes filles libertines ».

Cette autobiographie reste donc intéressante en dépit de quelques réserves sur le côté édulcoré du monde du hard. Toutefois, l’écriture est efficace, fort plaisante, agréable à lire, une plume convaincante pour une artiste à présent reconvertie dans de nombreuses autres activités et que l’on peut retrouver, transformée en héroïne de BD gore, dans les DOGGY BAGS.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Autobiographie, #Cinéma, #Cinéma bis., #Erotique, #Porno

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Publié le 28 Août 2017

OBSESSIONS de Christophe Bier

Afin de célébrer les 20 ans de l’émission Mauvais Genre (diffusée sur France Culture), l’indispensable Christophe Bier compile 132 chroniques enregistrées entre septembre 2003 et juin 2016.

Grand connaisseur du cinéma populaire, auteur d’un monumental DICTIONNAIRE DES LONGS MÉTRAGES FRANÇAIS PORNOGRAPHIQUES ET ÉROTIQUES, admirateur de comédiens typés (comme Daniel Emilfork), passionné par les nains, collaborateur sur de nombreux fanzines et magazines (dont, jadis, Mad Movies), réalisateur d’un documentaire sur Eurociné et acteur pour des cinéastes aussi divers que Jean-Pierre Mocky, Norbert Moutier, John B. Root ou Ovidie (il tient le rôle principal, celui d’un sexologue distingué, dans l’excellent « Pulsion »), Bier, en touche à tout enthousiaste, nous propose ici un véritable catalogue du « mauvais genre ».

OBSESSIONS de Christophe Bier

Que recouvre cette expression ? Difficile à dire. Disons simplement que tout ce qui n’a généralement pas droit de citer à la radio ou à la télévision, tout ce qui est ignoré du grand public et méprisé par l’intelligentsia (quoique cela soit, heureusement, en train d’évoluer) intéresse ce fin connaisseur. En empruntant les chemins de traverse de la culture « mainstream », Bier ne se cantonne pas dans un domaine mais, au contraire, brosse un large panorama du « mauvais goût » assumé. Avec, cependant, quelques points de repère, quelques jalons placés sur cet itinéraire insolite: la censure, l’érotisme (sans véritable distinction entre le soft et le hard), le fétichisme, la provocation, les freaks, les destins tragiques et les personnalités oubliées. Beaucoup de chroniques, forcément, prennent la forme d’un hommage, épitaphe gravée à la mémoire de seconds rôles disparus des écrans, de starlettes du X, de troisième couteau à la gueule immédiatement reconnaissable, de cinéastes besogneux négligés par la théorie des auteurs. Avec les années qui s’écoulent et la standardisation culturelle imposée disparaissent peu à peu, inéluctablement, les artisans ayant œuvrés dans le péplum fauché, le western spaghetti, le mondo movie crapoteux, l’érotisme bizarre, l’horreur excessive, l’exploitation non politiquement correcte, etc.

OBSESSIONS de Christophe Bier

Littérature, bande dessinée, peintures, films, expositions, etc. Bier brasse tout un pan de la sous-culture (quel vilain mot !) de ces cent dernières années : il s’intéresse aussi bien aux serials réputés « perdus » qu’à Alain Payet, chantre du hard crad français, à Mickey Hargitay, bodybuilder sadique du délirant « Vierges pour le bourreau », qu’à des bandes d’explotation comme « Super Nichons contre mafia ». Pour ne citer qu’une poignée d’exemples, la démarche de Bier étant de refuser le consensuel académisme des César pour leur préférer « l’imaginaire délirant » de l’horreur sanglante et de la pornographie.

Et, sur papier, notre érudit redécouvre les trésors du roman noir, du fumetti, invitant le curieux à fouiller les vide-greniers afin d’y dénicher du Erich von Götha, un livre de cul publié chez Media 1000 (« le cloaque de l’édition ») ou même à relire un BRIGADE MONDAINE, ces pseudo polars bardés de scènes chaudes aux titres ronflants et aux couvertures suggestives que l’on trouvait, voici une vingtaine d’années, dans les supermarchés et les relais d’autoroute. Avant qu’ils soient remplacés par des mamie porn consternants ou un énième Marc Levy.

OBSESSIONS de Christophe Bier

C’est la grande force de ces OBSESSIONS : le lecteur pourra piocher dans ces pages ce qui l’intéresse et, peut-être, poursuivre son exploration des recoins insalubres des cinémas de quartier ou des bibliothèques, se mettre à la recherche de « Drôles de zèbres », la comédie désolante de Guy Lux ("dans ce délire accablant mais frénétique, Sim se travestit bien sûr en Baronne de la Tronche en Biais, se balance à une liane et croise Coluche, Patrick Topaloff, Michel Leeb, Claude François et les Clodettes, Léon Zitrone, un nonce apostolique et un singe qui parle"), ou de « la doctoresse à des gros seins », mètre étalon (hum) de la démesure porno d’Alain Payet ("les physiques les plus variés dessinent les contours d’un univers baroque, entre Fellini et Mocky, peuplé de nains, de vieillards lubriques, de transsexuelles, de fat mamas comme celles de Miss Gélatine et ses copines"). Heureusement, certains films sortent aujourd’hui des limbes grâce au travail de passionnés comme Ecstasy of Films, Le Chat qui fume ou Bach Films, petits éditeurs dvd auxquels Bier rend également hommage.

A ces obsessions, sommes toutes attendues, on en ajoutera d’autres, plus curieuses, comme cet ode au magicien gaffeur Garcimore ou les références gay de la mythique série télévisée « Les Mystères de l’Ouest ».

Sans ordre (on devine que l’auteur lui préfère le chaos) autre que chronologique, ces 132 chroniques constituent une mine d’informations à dévorer !

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