Publié le 8 Juillet 2021
Alan Moore a livré avec WATCHMEN un des classiques du genre super-héroïque. Evidemment, la possibilité d’une suite a du rapidement titiller DC Comics mais le mage barbu / illuminé érotomane / vieux baba cool / génie (rayez les mentions inutiles) n’en ayant plus rien à faire des encapés, il fallait trouver une nouvelle piste. Après l’aventure anecdotique mais plaisante de la préquelle BEFORE WATCHMEN, DC Comics tente cette fois l’impossible grand saut : amener les Gardiens dans l’univers DC de la Justice League. Pas une mauvaise idée surtout si on se souvient que les Gardiens devaient, à l’origine, être des super héros méconnus de la compagnie (Question devenant Rorschach par exemple).
Début des années ’90, sept ans après WATCHMEN. Le rôle d’Adrian Veidt, alias Ozymandias, l’Homme le plus intelligent du monde, a été découvert. Il doit à nouveau sauver le monde, au bord de l’embrasement généralisé, mais pour cela il a besoin du Dr Manhattan. Pour le trouver, il s’associe au psychopathe Rorschach (un nouvel individu porte le masque) et à Mime et Marionnette, un coupe de frappés du bocal proche du Joker et d’Harley. Ce petit monde débarque dans notre monde (enfin la Terre DC) au bord de l’apocalypse.
Très ambitieux, DOOMSDAY CLOCK a souffert de gros problèmes et de multiples retards, rendant le produit fini à la fois fascinant et quelque peu boiteux. Intrinsèque à l’univers complexe des Watchmen ? La récente série télévisée a prouvé que non. Cette dernière multipliait, elle-aussi, les lignes narratives, proposait des scènes apparemment absurdes et partait dans tous les sens…pour retomber sur ses pattes lors du final, créant une continuation cohérente et exemplaire de WATCHMEN. Geoff John veut apparemment réussir le même tour de force. Sauf que cela ne fonctionne pas toujours.
Le rythme en dent de scie se perd parfois dans des impasses narratives longuettes tandis que certains passages semblent sous amphétamines. Le sens général de nombreuses intrigues reste d’ailleurs nébuleux. A quoi servent vraiment les deux psychopathes Mime et Marionnette ? Mystère. Pourquoi détailler à ce point le background du nouveau Rorschach pour, au final, à peine l’utiliser ? Pourquoi réintroduire un Comédien ressuscité dont les actes auront finalement peu de conséquence ? Et fallait il vraiment recourir au trop éculé « Superman nous a attaqué nous ne pouvons plus lui faire confiance, c’est un méchant alien en fait, supprimons tous les encapés » ?
Pas mal de défauts mais, pourtant, DOOMSDAY CLOCK fonctionne de manière générale. Le bouquin est épais, ambitieux (on le répète) avec une véritable volonté de proposer une histoire d’ampleur impressionnante. La construction progressive devant mener à l’affrontement entre Manhattan et Superman est bien gérée. Et puis la manière dont l’homme bleu tout nu interagit avec les personnages DC et brouille la ligne temporelle fonctionne avec des passages très imaginatifs : il met la lanterne verte hors de portée d’Alan Scott et un anneau disparait à notre époque. Superman soulève une voiture en 1938. Superman apparait pour la première fois dans les années 2000. Superboy se révèle. Superman…bref, les lignes temporelles et les univers multiples se téléscopent à coup de paradoxes et de modifications emberlificotées…Tout n’est pas clair, tout n’est pas évident et même en connaissant bien l’univers DC et les Watchmen certains détails échapperont au lecteur. Mais l’ambition (on en a déjà parlé ?) du comic impressionne. Geoff John a voulu proposer quelque chose d’important, une BD qui ne sera pas simplement l’aventure du mois et puis basta. Tout n’est pas réussi. Certains passages auraient pu (du !!!) être meilleurs. Mais DOOMSDAY CLOCK reste un grand comic, une histoire passionnante (dans l’ensemble) avec de nombreuses références à l’Age d’Or des comics (et plus généralement à l’univers DC), servie par des dessins absolument magnifiques. Un régal visuel total.
Si DOOMSDAY CLOCK n’atteindra jamais la réputation de son inspirateur, Geoff John a néanmoins accompli un très bon boulot et, malgré les bémols (réels et nombreux !) nous offre un classique quasiment instantané que l’on aura certainement envie de relire plusieurs fois pour en apprécier la richesse.