whodunit

Publié le 13 Décembre 2017

LA MORT DE JEZABEL de Christianna Brand

Très célèbre (et célébré) dans les pays anglo-saxons, LA MORT DE JEZABEL se retrouve régulièrement dans les tops consacrés aux meilleurs crimes impossibles et autres chambres closes. Pourtant, quoique fort plaisant, le livre ne réitère pas la réussite totale de NARCOSE, la précédente enquête de l’inspecteur Cockrill. Cela reste néanmoins un livre amusant (le ton se veut léger et frôle parfois la parodie), bien mené et dont la construction se montre ingénieuse.

L’intrigue, évidemment, est complexe à souhait : une représentation théâtrale est organisée, reconstitution spectaculaire d’événements historiques anglais au cours de laquelle une jeune femme, Isabel Drew, meurt à la suite d’une chute depuis le décor d’une tour médiévale. Sur scène se trouve à ce moment onze chevaliers en armures montés sur leurs chevaux. Il apparait rapidement qu’il ne s’agit pas d’un accident mais d’un crime puisqu’Isabel – surnommée Jezabel en raison de ses mœurs légères – a été étranglée. Mais, pourtant, le meurtre semble impossible : la porte menant à la tour est verrouillée et gardée tandis que les suspects – les chevaliers – étaient constamment à la vue du public. L’inspecteur Cockrill, accompagné de son collègue Charlesworth, vont mener l’enquête, ponctuée de références humoristiques à de précédents romans de Brand (Charlesworth ne manque pas de rappeler à Cockrill à quel point il a été confus lors de « cette affaire dans un hôpital du Kent »).

L’humour surgit ainsi régulièrement lors des échanges entre nos deux représentant de la loi, l’un accusant l’autre de « parler et d’agir comme dans un roman policier ». Cockrill précise aussi que les romanciers ne connaissent rien aux véritables méthodes procédurales. Mais son collègue lui rétorque, en une véritable attaque contre les adeptes du vérisme absolu, qu’il est heureux que les écrivains ne se conforment pas entièrement à la réalité : « ce serait si ennuyeux s’ils le faisaient, leur boulot c’est de divertir » et non pas de se préoccuper de ce qui est possible, de ce qui est arrivé ou de ce qui aurait pu arriver. Bref, un roman policier doit être « amusant à lire et non pas aussi assommant qu’un traité juridique ».  

La suite de LA MORT DE JEZABEL va tenter de démêler cet impossible crime avant un inévitable second meurtre dont la victime est découverte décapitée. Pratiquement une routine pour Cockrill qui avait débuté sa carrière dans le très plaisant VOUS PERDEZ LA TÊTE. L’inspecteur aura fort à faire pour démêler le vrai du faux lorsque les divers suspects, pour diverses raisons, se mettront à s’accuser du meurtre entre deux reconstitutions des événements. Ce qui permet à Christianna Brand de s’attaquer aux clichés coutumiers du whodunit de l’âge d’or : un personnage tente ainsi de prouver qu’une jeune femme est en réalité un homme et qu’il s’agit du jumeau perdu de vue d’une des victimes. L’auteur imagine donc de nombreuses solutions ingénieuses (par exemple une collusion entre plusieurs meurtriers afin de se débarrasser de leurs ennemis en se conférant mutuellement un alibi à la manière de L’INCONNU DU NORD EXPRESS).

En proposant des personnages bien typés et en saupoudrant son intrigue d’un humour constant, Brand nous offre une belle réussite du policier sans doute amoindrie par une traduction un peu lourde qui empêche de vraiment s’impliquer dans le récit. Il est aussi quelque peu agaçant de voir chaque protagoniste affublé d’un surnom quelque peu ridicule (Maman Chérie, Vieux Galant, Brian Deux Fois, etc) ce qui nuit à la fluidité de l’histoire.

Quoiqu’il en soit, en dépit de ces bémols, LA MORT DE JEZABEL demeure un classique du crime impossible et un whodunit (assorti d’un howdunit) particulièrement retors et complexe qui se lit avec beaucoup de plaisir. Conseillé !

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Publié le 22 Novembre 2017

LE REPOS DE BACCHUS de Pierre Boileau

Avant de s’associer avec Thomas Narcejac pour devenir le plus célèbre duo du roman policer français, Pierre Boileau (1906 – 1989) avait déjà signé, dans la seconde moitié des années ’30, une poignée de romans d’énigme pure mettant en scène le limier André Brunel. La plupart relèvent du crime impossible et du meurtre en chambre close, citons ainsi LA PIERRE QUI TREMBLE et surtout son chef d’œuvre, SIX CRIMES SANS ASSASSIN, dont le titre résume l’ambition.

Plus modeste dans « l’impossible », LE REPOS DE BACCHUS propose néanmoins trois mystères apparemment insolubles. Monsieur le Comte de Moncelles, un vieil homme solitaire, a pour seule passion sa collection de peintures, exposées dans la galerie de son château. La plus belle de ses toiles est, sans conteste, « Le repos de Bacchus » de Leonard de Vinci. Le Comte ouvre parfois les portes de son antre pour que des visiteurs viennent admirer ses tableaux, sous la surveillance d’un guide bien entendu. Or, au cours d’une visite, le guide est assassiné et un criminel, surnommé Bras Roulé, s’échappe avec le « Bacchus ». Pourtant, l’alerte étant donnée, notre gredin est stoppé avant d’avoir pu quitter le domaine. Mais nulles traces du tableau, apparemment volatilisé ! Peu après un nouveau maraudeur s’introduit dans le château. Repéré, il gagne la grille d’entrée, un paquet de la taille du « Bacchus » à la main. Et, sous les yeux de témoins dignes de foi, s’échappe en passant à travers les barreaux. La confusion grimpe encore d’un cran lorsque le fourgon blindé transportant un Bras Roulé condamné à mort s’évanouit dans la nature ! André Brunel intervient alors pour dissiper le mystère.

Couronné par le Grand Prix du Roman d’Aventures, ce classique du « crime impossible » déroule son intrigue en 150 pages bien tassées. Dans la grande tradition du roman d’énigme à la John Dickson Carr, le romancier délaisse les personnages et les notations psychologiques (le Comte, néanmoins, se montre bien brossé avec un minimum de phrases) pour miser sur le mystère, captivant le lecteur par l’apparente impossibilité des faits énoncés.

Bien sûr, l’auteur expliquera tout durant le dernier chapitre, dissipant l’insolubilité des événements par un raisonnement logique et sans recourir à des passages secrets ou des explications tarabiscotés à outrance : en prenant l’affaire par le « bon bout de la raison » et en examinant les faits après avoir retranché l’impossible, son détective comprend comment le criminel a pu agir. Un roman très plaisant, à l’écriture fluide, admirablement rythmé et qui ne laisse aucun répit, bref un bouquin qui répond à la définition que l’auteur donna du « policier : une machine à lire ». Un page turner dirait-on aujourd’hui de cet incontournable ayant étonnamment bien vieilli malgré ses 80 ans ! A lire et à relire.

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Publié le 6 Novembre 2017

LE GEANT DE PIERRE de Paul Halter

Au milieu des années ’80, Paul Halter (né en 1956) a ressuscité le roman d’énigme en chambres closes avec une série de titres publiés au Masque comme LA MALEDICTION DE BARBEROUSSE ou LA QUATRIEME PORTE (récompensé par un Prix à Cognac) et LE BROUILLARD ROUGE (lauréat du Prix du roman d’aventures).

Devenu le plus prolifique épigone de John Dickson Carr, Halter a écrit une quarantaine de livres qui renouvellent toutes les situations classiques du crime impossible : chambre close, pièce surveillée par des témoins dignes de foi, corps découvert environné de neige ou de sables, prémonition, bilocation, réincarnation, voyage dans le temps, etc. On lui doit ainsi quelques chefs d’œuvres du genre comme LA MORT VOUS INVITE, LE CERCLE INVISIBLE, l’extraordinaire LA SEPTIEME HYPOTHESE ou le formidable LE VOYAGEUR DU PASSE, véritable tour de force de récit policier tarabiscoté.

D’emblée, LE GEANT DE PIERRE apparait comme quelque peu différent du reste de la production de l’auteur. En effet, le crime en chambre close, commis aux temps minoens, s’avère ici anecdotique, l’intrigue principale se consacrant à « la plus grande énigme de tous les temps », à savoir la disparition de l’Atlantide. Autre différence notable avec la plupart des romans d’Halter : le livre approche des 300 pages.

Ce mélange d’énigme historique et de crime en chambre close aurait pu donner une grande réussite mais, malheureusement, tout cela n’est pas très convaincant. Le narrateur, après la mort de son épouse durant l’éruption du mont Saint Helens, décide d’employer l’argent de son héritage (cinq millions de dollars !) à résoudre le mystère entourant la disparition de l’Atlantide. Un jour, en 1980, il rencontre Hélène, une jeune femme un peu hippie qui abuse de la marijuana et semble avoir des réminiscences d’un passé très lointain. Passionné par l’Atlantide, notre héros décide d’en découvrir l’emplacement, qu’il situe à l’île de Santorin. Accompagné d’Hélène, il se rend sur cette île où il retrouve un ami de la jeune femme, Guy. Or, au cours d’une plongée, ce-dernier meurt transpercé par un trident. Un crime inexplicable, à moins d’invoquer la colère de Poséidon…

Avec LE GEANT DE PIERRE, Paul Halter, passionné par l’Antiquité, tente de résoudre l’énigme de l’Atlantide. Le voici donc sur les traces de l’île engloutie en retournant aux sources du récit de Platon et en expliquant les principales hypothèses sur le sujet, ce qui rend l’histoire plutôt bavarde. Les lecteurs peu intéressé par ce mystère peuvent passer leur chemin tant Halter nous abreuve de détails sur cette civilisation disparue. Toutefois, pour contenter ses admirateurs, l’écrivain concocte un crime impossible (un nageur tué par un trident sans quel nul n’ait pu l’approcher) qui renvoie à un autre meurtre commis peu avant la destruction de l’Atlantide. Un grand prêtre s’enferme dans une pièce après avoir blasphémé contre les dieux, ce qui entraine la colère de Poséidon : lorsque la porte s’ouvre on découvre son corps percé d’un trident. Ces deux crimes impossibles ne sont pas vraiment à la hauteur de ce que l’auteur nous a précédemment proposé : les solutions sont assez classiques et évidentes. L’explication de la mort du plongeur, en particulier, s’impose immédiatement…ce qui conduit le lecteur à comprendre où Halter veut nous mener. Or, la pirouette finale déçoit (tout comme les explications de LA MALEDICTION DE BARBEROUSSE) et laisse une impression amère. A croire que la partie policière a été plaquée par l’écrivain sur son intrigue afin de rassurer ses fans.  La partie historique, pour sa part, n’intéressera que les curieux de l’Atlantide. Bref, LE GEANT DE PIERRE n’est pas un mauvais roman (demeure le talent de conteur d’Halter et les notations historiques pour ceux qui aiment ça) mais constitue une déception indéniable et sans doute un des trois ou quatre romans les moins réussis de Paul Halter. Dommage.

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Publié le 18 Octobre 2017

MEURTRES AU CLAIR DE LUNE de Gladys Mitchell

Moins connue que ses consoeurs Agatha Christie, Dorothy Sayers ou Ngaio Marsh, l’Anglaise Gladys Mitchell reste cependant une valeur sûre du whodunit. Née en 1901, elle obtient son diplôme en 1921 et devient alors enseignante toute en écrivant des romans policiers. Dès 1929, Mitchell lance, avec SPEEDY DEATH, le personnage de Miss Bradley, conseillère de Scotland Yard. Cette héroïne reviendra dans la majorité des romans policiers (pas moins de 66 bouquins !) ultérieurs de Mitchell. Très prolifique, la romancière en proposa un ou deux par an jusqu’à son décès survenu en 1983. Quelque peu délaissée, voire oubliée durant les dernières années du second millénaire, Mitchell bénéficie, comme beaucoup d’auteurs de l’Age d’Or, d’un regain d’attention depuis le début du XXIème siècle mais reste peu connue en France. Cependant, sept de ses romans furent traduits dans la collection « Grands Détectives » chez 10/18.

MEURTRES AU CLAIR DE LUNE, souvent considéré comme un de ses récits les plus aboutis, prend place au printemps dans la tranquille petite ville de Brentford, une localité du Grand Londres. Deux meurtres y sont commis durant les soirs de pleine lune : d’abord une acrobate de cirque puis une barmaid. Un suspect est arrêté puis disculpé et alors que l’enquête n’avance guère, chacun redoute de voir la série macabre se poursuive. Le roman s’intéresse plus particulièrement à Simon et Keith, deux jeunes garçons qui vivent à Brentford en compagnie de leur grand-frère, Jack, et de leur belle-sœur, June. La famille loue également une chambre à la jeune et trop jolie Christina dont Simon, âgé de 13 ans, tombe bien sûr amoureux.

Après un troisième crime, Simon découvre différents indices qui semblent incriminer Jack : absent à l’heure du meurtre, celui-ci s’est lavé dans la rivière et, surtout, a égaré son couteau. Afin d’innocenter leur grand frère, Simon et Keith volent un couteau exposé dans la vitrine d’une de leur amie antiquaire et espèrent égarer la police. Par la suite, Miss Bradley débarque à Brentford décidée à résoudre le mystère avec l’aide des deux frangins.

L’originalité du roman, qui peut déstabiliser le lecteur de « Golden Age », réside dans le narrateur : un garçon de 13 ans, ce qui confère à cette intrigue assez classique (un tueur en série à l’œuvre dans une ville tranquille) toute son originalité. Gladys Mitchell capture avec bonheur la psychologie de son principal protagoniste et donne à l’histoire une réelle authenticité.

L’énigme, elle, parait plus faible et sa résolution semble téléphonée, tout comme l’identité du coupable. On devine que cet aspect intéressait peu Mitchell, plus soucieuse de dépeindre avec bonheur les états d’âme de son jeune héros en route vers l’âge adulte. Un roman original, joliment écrit et effectif, qui tranche avec les recettes traditionnelles des romans policiers d’énigme de cette époque.

Malgré ses bémols et le côté prévisible de l’intrigue policière proprement dite, MEURTRES AU CLAIR DE LUNE reste à découvrir pour les curieux.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Policier, #Whodunit, #Golden Age

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Publié le 16 Octobre 2017

IREZUMI d'Akimitsu Takagi

Paru en 1948, ce roman fut un gros succès au Japon et se retrouva par la suite fréquemment listé parmi les meilleures histoires de crime en chambre close. Il a fallu attendre plus de 60 ans pour le voir publié en France. Son auteur, Akimitsu Takagi, est pourtant bien connu dans son pays natal, et plusieurs de ses romans figurèrent sur la liste des Tozai Mystery Best 100 (littéralement Les 100 meilleurs romans policiers de l'Orient et l'Occident), notamment ce IREZUMI (son premier livre) qui, en 1985, occupait encore la douzième place du classement.

Nous sommes ici dans le whodunit le plus pur (assorti d’un « how done it ») puisqu’il s’agit d’un crime impossible commis dans une chambre close ou, plus précisément, une salle de bain fermée de l’intérieur. On y retrouve une jeune femme découpée en morceau et dont le tronc a disparu. Pourquoi cette mutilation ? Tout simplement car la victime, la belle Kinué Noruma, portait un tatouage de grande valeur exécuté par son père, véritable maitre de cette discipline. Deux enquêteurs tentent de résoudre l’énigme : l’étudiant en médecine Kenzo Matsushita et le collectionneur de tatouage Heishiro Hayakawa. Devant la complexité du problème, Kenzo demande conseil à son ami Kyosuke Kamitsu.

En plus du récit policier, fort bien mené et captivant, l’originalité du roman réside dans les commentaires donnés sur la société japonaise de l’immédiat « après Seconde Guerre Mondiale ». La question de l’Irezumi, ces très larges tatouages qui couvrent de grandes parties du corps, s’avère centrale dans la compréhension de l’intrigue. Interdit sous l’ère Edo puis au début de l’ère Meiji, la pratique continua de manière clandestine mais fut associée aux « personnes de mauvaise vie », en particuliers les prostituées et les membres d’organisations mafieuses de type Yakuza. Légalisé en 1945, l’Irezumi entraine toujours, à l’époque du roman, des réactions contradictoires faites de répulsions et d’attractions, majoritairement érotique lorsqu’il recouvre le corps féminin.

L’enquête en elle-même avance de manière assez lente jusqu’à l’arrivée du génial investigateur Kyosuke Kamitsu dont les raisonnements n’ont rien à envier à ses maitres Sherlock Holmes ou Dupin. Evidemment, sa suffisante est, comme souvent, parfois agaçante mais ce bémol (une constance des détectives comme peuvent en témoigner Poirot ou Merrivale) reste mineur tant le roman démontre la maitrise du pourtant débutant Akimitsu Takagi : dialogues efficaces, rythme bien géré, stratagème criminel bien imaginé, personnages adroitement campés et contexte sociétal travaillé sans qu’il devienne envahissant. Bref, voici un roman policier étonnamment moderne dans son écriture, une excellente découverte du roman policier nippon à rapprocher du plus connu et tout aussi passionnant TOKYO ZODIAC MURDERS. Hautement recommandé pour tous les amateurs de crimes impossibles, de chambres closes et, plus largement, de whodunit.

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Publié le 12 Octobre 2017

CATWOMAN A ROME de Jeff Loeb et Tim Sale

Le dynamique duo composé du scénariste Jeff Loeb et du dessinateur Tim Sale propose une série (originellement publiée en six épisodes) centrée sur le personnage de Catwoman. Sorte de spin-off de leurs deux sagas phares (UN LONG HALLOWEEN et AMERE VICTOIRE), ce voyage en Italie adopte un ton plus décontracté.

Selina Kyle débarque à Rome en compagnie du Sphinx afin de faire la lumière sur ses origines, qu’elles soupçonnent liées à la célèbre famille mafieuse des Falcone. Catwoman va affronter des mafieux équipés d’armes en provenance directe de Gotham, notamment le venin du Joker et le frigo-flingue de Mr Freeze. La belle cambrioleuse reçoit ensuite pour mission de dérober un joyau mythique, la bague du premier parrain de tous les parrains, laquelle donne à son possesseur un pouvoir absolu sur la mafia. Elle doit pour cela pénétrer au Vatican et s’emparer du bijou, caché dans le socle de la Pietà de Michel-Ange. Mais Cheetah débarque pour compliquer la situation.

CATWOMAN A ROME de Jeff Loeb et Tim Sale

Si ce comic-book n’est pas révolutionnaire dans son scénario, cela n’empêche pas l’intrigue de fonctionner efficacement en mettant l’accent sur le romantisme et même l’humour, notamment grâce aux relations conflictuelles entre Catwoman et le Sphynx. Bien sûr, cette histoire, plus légère, ne possède pas la profondeur des deux précédents travaux du duo dans l’univers de Batman mais CATWOMAN A ROME se révèle néanmoins plaisant et largement au-dessus du tout-venant.

 

CATWOMAN A ROME de Jeff Loeb et Tim Sale

Bien rythmé (les chapitres sont autant de jours passés loin de Gotham), très abordable pour le néophyte, délaissant la surenchère super-héroïque au profit d’une ambiance de film noir (la série est d’ailleurs sous-titrée « A murder mystery »), CATWOMAN A ROME met superbement en valeur l’héroïne (et ses formes) grâce à un dessin magnifique et à un travail exemplaire sur la colorisation. Certaines pleines pages, de toute beauté, méritent à elles seule l’achat de cette bande dessinée. Un titre souvent qualifié de mineur mais néanmoins très agréable à lire et à regarder. Et, franchement, des oeuvrettes « mineures » de cette qualité on aimerait en lire plus souvent dans un univers comic actuel encombré de titres boursouflé, incompréhensibles sans posséder cinquante références et interminables. Conseillé !

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Whodunit, #Aventures, #Comic Book, #DC, #Batman

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Publié le 9 Octobre 2017

L'OEIL DE VERRE de Earl Stanley Gardner

Un homme, Peter Brunold, se présente au célèbre avocat Peter Mason car il a perdu un de ses « œil de verre ». Or, pour Brunold, cela ne peut vouloir dire qu’une chose : quelqu’un souhaite utiliser l’accessoire, éminemment reconnaissable et aussi incriminant que des empreintes digitales, pour l’accuser d’un crime. Peu après, en effet, Harry Bassett se suicide et on découvre, dans sa main crispée, un œil de verre. Un suicide, vraiment ? Pourquoi, dans ce cas, le mort avait-il trois révolvers sur lui ?

Sixième roman de la longue série des Perry Mason, le bouquin introduit le futur ennemi (uniquement dans le prétoire !) récurrent de notre expert du barreau : H.M. Burger. L’intrigue, passablement tarabiscotée et rocambolesque, débute par une série d’explications, d’ailleurs plutôt intéressantes, sur la création des « œil de verre » aux Etats-Unis. Un travail effectué par de véritables artistes, fort peu nombreux, et au travail immédiatement identifiable. La suite du récit ménage bien des rebondissements et retournements de situations, dans une veine très feuilletonnesque plaisante et enlevée, bien qu’il ne faille pas s’arrêter aux détails d’une intrigue à la crédibilité relative.

Le dernier acte, comme toujours, se déroule au tribunal où Maitre Mason use de tous ses talents orateurs (et de sa roublardise coutumière) pour qu’éclate la vérité. Classique mais efficace. Quoique le roman soit riche en péripétie, l’enquête policière laisse le lecteur dans le brouillard et il faut attendre la brillante démonstration de Mason, en fin de volume, pour que la solution se fasse jour. Notons d’ailleurs que la méthode purement déductive de l’avocat ne se base sur rien de réellement concret : il « découvre » le coupable et ses motivations en usant uniquement de son intelligence et précise qu’avec un peu de réflexion la solution est limpide. Le juge acquiesce d’ailleurs : « tout cela me parait évident à présent : si on ne s’était pas laissé aveuglé par des détails secondaires on pouvait arriver à la solution de cette affaire ».

La manière de procéder de Mason se situe donc bien loin de la méticulosité d’un Holmes ou des savants recoupements d’un Poirot. L’avocat professe en outre une conception très personnelle de la loi : il n’hésite pas à trafiquer les preuves, multiplie les mensonges afin d’arriver à ses fins et opère même une peu crédible substitution de témoin. La moitié des actions accomplies par Mason dans ce court roman aurait justifié de le voir rayé du barreau, voire emprisonné. Mais puisqu’il agit pour le « plus grand bien » chacun lui pardonne, y compris le juge qu’il a ridiculisé et qui s’exclame après réflexion « bon, n’en parlons plus ».

Mais qu’importe, le plaisir de lecture est, une nouvelle fois, présent en dépit du côté « forcé » des derniers chapitres où l’intrigue s’emballe littéralement sans laisser au lecteur le temps de souffler. La présence d’une émule féminine de Barbe-Bleue accumulant les maris (condamnés à périr) et l’incongruité de la situation de départ rendent cet ŒIL DE VERRE (aussi connu sous le titre du BORGNE BIZARRE) divertissant à souhait, au point que l’on pardonne les coïncidences et invraisemblances un peu trop nombreuses du récit. Un bon moment.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Policier, #Whodunit, #Golden Age, #Perry Mason

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Publié le 4 Octobre 2017

TREIZE INVITES de Joseph Jefferson Farjeon

Treize invités…Voici un titre court et particulièrement bien choisi pour ce whodunit classique. Il se déroule dans la propriété – Bringley Court – de Lord Aveling. Ce-dernier organise une partie de chasse et douze personnes sont donc réunies. La plupart ne se connaissent pas mais elles constituent un échantillon représentatif de la « bonne société » comprenant homme politique, journaliste, actrice en vue, artiste peintre, etc.

John Foss, pour sa part, n’appartient pas vraiment au même monde. Cependant, il se tord la cheville sur le quai d’une gare et le voilà accueilli à Bringley Court. Très vite, les invités discutent, se jaugent et nul ne semblent apprécier un dénommé Chater, personnage louche un peu trop porté sur les ragots et, peut-être, le chantage. Evidemment, ce qui devait arriver arrive. Un tableau est vandalisé, un chien assassiné et, finalement, Chater et un inconnu sont retrouvés morts. Mais a-t-on idée aussi de rassembler treize invités…

Joseph Jefferson Farjeon (1883 – 1955) connut le destin classique de bien des auteurs du Golden Age : en dépit d’une adaptation par Alfred Hitchock (NUMERO 17), son œuvre sombra dans l’oubli avant d’être récemment redécouverte à l’occasion d’une réédition du MYSTERE DE LA MONTAGNE en 2014 par la British Library. L’ouvrage se vendit en Angleterre à 60 000 exemplaires (!), entrainant un regain d’intérêt pour Farjeon qui vit également Z et 13 INVITES réédités.

Farjeon utilise ici la fameuse superstition voulant que lorsque treize personnes se retrouvent à la même table l’une d’elles connaitra un sort funeste dans l’année. Agatha Christie s’en était servie quelques années auparavant dans LE COUTEAU SUR LA NUQUE et, par la suite, d’autres romanciers utiliseront cette base afin de construire leur whodunit. Un nombre conséquent de suspects, une touche d’irrationnel avec les craintes superstitieuse, un lieu clos,… quoi de plus inspirant pour un spécialiste du récit d’énigme.

 

L’auteur use d’une technique éprouvée en présentant, certes rapidement, les différents invités et leurs griefs. Cependant, il ne semble pas se décider à choisir un héros, partagé entre le partiellement immobilisé John Foss, un journaliste fouineur et l’inspecteur Kendall qui se manifeste, classiquement, dans la seconde moitié du roman. Le tout se montre également quelque peu verbeux et les nombreux personnages (certains à peine esquissés) rendent l’intrigue longuette à se mettre en place.

13 INVITES possède donc le charme so british et quelque peu suranné de ces romans d’énigmes situés dans un lieu clos et entre « gens de bonne compagnie » mais, s’il se lit sans déplaisir, il ne peut prétendre figurer parmi les classiques du genre. Cependant, le bouquin donne envie de se pencher avec plus d’attention sur la pléthorique production de Farjeon.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Policier, #Whodunit, #Golden Age

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Publié le 26 Septembre 2017

POISON IVY - CIRCLE OF LIFE AND DEATH d'Amy Chu

Voici un récit (en six parties) consacré à une des trois principales super vilaines (les deux autres étant Harley Quinn et Catwoman évidemment…qui font d’ailleurs de la figuration dans cette histoire) de l’univers Batman.

Désirant s’éloigner de sa compagne Harley Quinn, Poison Ivy reprend son identité de Pamela Isley et son métier de chercheuse pour les jardins botaniques de Gotham. Ses travaux visent notamment à la création d’hybrides entre l’Homme et le végétal, des êtres dont la longévité seraient exceptionnelles. Elle donne ainsi naissance à deux bébé, Rose et Noisette, qu’elle élève loin des humains. Malheureusement divers scientifiques de son équipe se mettent à décéder de manière violente et Ivy devient rapidement la principale suspecte. Avec l'aide d'Harley, de Catwoman et du défenseur de la Sève Alec Holland (alias Swamp Thing), la belle Ivy essaie de découvrir la vérité sur ces crimes.

CIRCLE OF LIFE AND DEATH constitue, dans l’ensemble, une bonne surprise. En donnant la vedette à Ivy (débarrassée de l’omniprésente Harley qui a droit, néanmoins, à quelques apparitions toujours bien cadrées pour accentuer son côté sexy), le récit confère une réelle profondeur à cette anti-héroïne souvent cantonnée à un rôle de belle plante, voire de potiche. La transition du personnage, amorcée depuis quelques années, est plaisante, Ivy n’étant plus une super vilaine à moitié folle (et à moitié nympho) mais davantage une éco terroriste vaguement justicière à la morale élastique. Ici, elle s’essaie à la maternité et rencontre un certain Darshan Bapna, sorte de punk pacifiste vegan avec lequel elle entretient une relation platonique (faudrait pas rendre jalouse Harley, ça pourrait mal se terminer !).

POISON IVY - CIRCLE OF LIFE AND DEATH d'Amy Chu

L’intrigue, elle, adopte le ton d’une enquête avec des meurtres et un coupable inattendu révélé durant le dernier chapitre, ponctué d’apparitions de divers super vilains et d’un argument science-fictionnel déjanté (la recherche de l’immortalité par l’hybridation de l’Homme et de la plante). La série se réfère d’ailleurs ouvertement à Scooby-Doo dans son mélange de murder mystery à l’ancienne et de folie douce.

Le récit s’avère donc plaisant quoique tout ne soit pas pleinement réussi pour autant : le personnage de Darshan se montre envahissant, comme si Amy Chu ne parvenait pas à laisser l’intrigue pesait sur les charmantes épaules d’Ivy. Le côté papa de substitution pour les « enfants plantes » se montre de son côté trop expédié pour fonctionner. Dommage car, avec un minimum de développement, cette partie aurait pu être intéressante, de même que les relations compliquées entre les humains et les filles plantes, lesquelles se limitent à une échauffourée en discothèque.

POISON IVY - CIRCLE OF LIFE AND DEATH d'Amy Chu

Bien que sympathique et original, le scénario se montre parfois peu crédible : comment le passé de l’empoisonneuse peut-il ne pas resurgir après qu’elle se soit débarrassée d’un collègue trop entreprenant ? On passera sur ce manque de vraisemblance pour apprécier une histoire globalement bien menée et éloignée des clichés super-héroïques coutumiers.

Sans être indispensable, CIRCLE OF LIFE AND DEATH permet de passer un bon moment. De plus, pour la publication française, Urban soigne le produit : deux pages d’introduction sur le personnage, quelques paragraphes à chaque épisode pour éclairer le novice et une courte histoire (datée de 1988) bonus revenant sur les origines secrètes de Poison Ivy qui bénéficie du talent narratif de Neil Gaiman. Le tout à un prix défiant toute concurrence, surtout celle de Panini. Une bonne affaire pour les admirateurs de la vénéneuse Ivy.

L'édition française chez Urban

L'édition française chez Urban

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Whodunit, #science-fiction, #Comic Book, #DC, #Superhéros, #Batman, #Neil Gaiman

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Publié le 25 Septembre 2017

LE MORT DE LA TOUR D'ANGLE d'Yves Dermèze

Paul Bérato (1915 – 1989) est un écrivain aujourd’hui quelque peu oublié. C’est bien dommage : il fut un pilier de la littérature populaire sous divers pseudonymes, principalement celui de Paul Béra (une vingtaine de « Fleuve noir Anticipation », de Paul Mystère (une douzaine de romans) et, enfin, de Yves Dermèze. Il reçut le Prix du roman d’aventures en 1950 pour SOUVENANCE PLEURAIT et le Prix de l’imaginaire pour l’ensemble de son œuvre en 1977. On conseille notamment deux romans de science-fiction très ruéssis et originaux : LE TITAN DE L’ESPACE et VIA VELPA.

LE MORT DE LA TOUR D’ANGLE fut publié dans une éphémère collection (le Gibet) riche de dix-huit titres appartenant tous au « policier historique » (avant que le terme et le genre ne soit à la mode). Le Gibet avait la volonté de publier des titres peu portés sur le sexe et la violence comme en témoigne la présentation, en fin de volume, de la collection.

L’intrigue, située au Moyen-âge, se montre plaisante. Elle débute comme un « meurtre en chambre close » et, superstition oblige, le crime se voit imputé à Satan. Toutefois, l’explication (basique et déjà souvent employée) est donnée au tiers du bouquin. Cependant, pour une fois, trouver le comment n’entraine pas immédiatement de comprendre qui est l’assassin.

Gacherat, une très âgée voyante, prédit un sort funeste au seigneur Guillaume de Séchelles mais celui-ci refuse de s’en alarmer. Il gagne ainsi le castel d’Alzon mais, la nuit tombée, notre homme meurt poignardé dans sa chambre pourtant close. Les nobles Marigny, Varennes et Aussey se précipitent, constatent que la porte était fermée de l’intérieur et s’épouvantent ! On crie à Satan avant d’imputer le crime à l’intervention du Malin. Seul le bourgeois Perrinet réfute cette explication : il démontre comment l’assassin a procédé. Et pour le mobile, il procède de la manière la plus classique qui soit en cherchant simplement la femme, à savoir demoiselle Gisèle, en âge de prendre époux. Un bien beau parti. Si le meurtrier a éliminé son plus dangereux rival il reste donc trois suspects : Marigny, Varennes et le très chevaleresque Aussey, dit sans cervelle pour son manque d’intelligence. A Perrinet de déterminer le coupable et rapidement car « les trois seigneurs ne sont d’humeur à lui pardonner ses accusations ». Une seule personne connait la vérité, la Gacherat. Mais celle-ci est retrouvé « accommodée », comprenez frappée au cœur à coup de poignard. Et, comme le dit Perrinet « Carogne ! Ne pouvait-elle me faire quérir avant de trépasser ? »

Roman sympathique, relativement court (moins de deux cents pages) et rythmé, LE MORT DE LA TOUR D’ANGLE utilise un vocabulaire et des tournures volontairement obsolète qui empruntent à l’ancien français. Cela lui donne son style mais en rend parfois la lecture moins fluide quoique l’Heroic Fantasy nous ait, depuis, habitué à ces tournures désuètes. A cette époque on n’est pas tué pas mais occis et les dialogues sont donc construits à l’aide de « non point », « oui-da », « que nenni », « n’est-il point », « carogne », « fol », « messire », etc.

L’enquête policière, pour sa part, s’avère plaisante et réserve son lot de rebondissements. Une seconde tentative de meurtre impossible (la victime est frappée dans une pièce close dont le sol est recouvert de farine) se voit rapidement résolue par l’apprenti détective. Une seule explication était, en effet, possible.

Si les habitués des récits à la John Dickson Carr ne seront guère mystifiés par les procédés utilisés par l’assassin, les amateurs de Paul Doherty devraient apprécier ce mélange précurseur entre énigme policière et contexte historique bien typé.

Un roman agréable qui mérite la redécouverte.

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