paul halter

Publié le 12 Mars 2018

LA TOMBE INDIENNE de Paul Halter

Le prolifique spécialiste alsacien du crime impossible s’intéresse cette fois à la voyance. Dans un bar chinois de Soho, le Dragon Rouge, un homme, William Riggs, consulte la voyante Ylang Li, laquelle entre en contact avec Lisette, la cousine de Riggs, disparue depuis des années. Disposant de peu d’indices, le jeune homme et sa petite amie se lancent cependant sur la piste de la fillette et aboutissent finalement à une star déchue du cinéma muet vivant en recluse en compagnie de ses enfants adoptifs.

Avec ce roman, Paul Halter semble signer la fin d’une époque, celle du roman d’énigme classique et de ses protagonistes distingués engoncés dans leurs bonnes manières. Nostalgique, voici apparemment l’état d’esprit du romancier qui situe l’intrigue au milieu des années ’60, en plein bouleversement culturel et social. Les jeunes filles prennent leur indépendance et mènent l’enquête : elles usent de leur charme (et de leur mini-jupe) en écoutant « Yesterday » (autre morceau nostalgique) ou les Rolling Stones. Ne pas avoir de références n’est plus, pour une domestique, un handicap infranchissable. Même Scotland Yard s’apprête à fermer boutique pour déménager dans de nouveaux locaux, dépourvus d’histoire mais plus fonctionnels. Et le couple vieillissant au cœur du récit se compose d’une ancienne gloire du cinéma muet, aujourd’hui totalement oubliée, et de son époux qui vit dans le passé en admirant les photos datées de sa femme. Bref, les temps changent…Même le docteur Twist, promis par la quatrième de couverture, n’apparait que brièvement. Aujourd’hui octogénaire, il surgit lors de l’épilogue afin d’expliquer le phénomène de voyance. L’inspecteur Hurst, fréquemment mentionné, n’apparait, lui, pas du tout.

L’Alsacien est-il arrivé au bout d’un cycle ? On peut le penser. Le récit s’éloigne d’ailleurs des conventions du roman d’énigme et la première partie tient davantage du thriller psychologique ou du suspense avec sa demoiselle qui essaye de découvrir la vérité sur une disparition vieille de plusieurs années. Si Paul Halter propose un « meurtre en chambre close » pour contenter ses admirateurs celui-ci se montre nettement moins complexe que ceux de ses précédentes œuvres. Le procédé employé est d’ailleurs rapidement (et classiquement) explicité, comme si Halter voulait faire comprendre à son lectorat que l’important n’était plus là. Une fois de plus l’ancien temps est révolu. L’identité du coupable suivt la même voie : pas de révélations fracassantes, pas de retournement inattendu (style « le moins suspect s’avère le véritable coupable ») et un nombre de suspect très restreints puisqu’ils sont six au départ. Un nombre que l’on peut réduire à deux ou trois avant que le nouvel enquêteur, Briggs, ne dévoile l’assassin en usant d’un procédé discutable. Halter laisse cependant planer le doute sur sa réelle culpabilité lors d’un épilogue semi-ouvert assez typique du romancier.  

« Les limiers de la vieille école n’était hélas plus là. Il était le dernier survivant. La vie avait changé, tout comme les gens. Pour lui c’était un signe des temps, le monde qu’il avait connu était en train de disparaitre, inéluctablement. L’affaire qui l’occupait était sans doute la dernière. »

Voici donc un roman original, certes pas aussi époustouflant que les plus grandes réussites de l’auteur (LA SEPTIME HYPOTHESE, LE CERCLE INVISIBLE, LA MORT VOUS INVITE ou LE VOYAGEUR DU PASSE), mais néanmoins réussi et prenant : le climat de suspicion teinté de macabre (enfants emmurés vivants, prédictions sinistres, etc.) fonctionne et l’explication du phénomène de voyance se montre superbement imaginé. L’énigme principale, pour sa part, reste efficace en dépit de son classicisme et d’une résolution un brin décevante. Pas un chef d’œuvre mais assurément un bon cru et le souci de l’écrivain de renouveler habilement ses thèmes de prédilections doit être souligné. Très plaisant.

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Publié le 6 Novembre 2017

LE GEANT DE PIERRE de Paul Halter

Au milieu des années ’80, Paul Halter (né en 1956) a ressuscité le roman d’énigme en chambres closes avec une série de titres publiés au Masque comme LA MALEDICTION DE BARBEROUSSE ou LA QUATRIEME PORTE (récompensé par un Prix à Cognac) et LE BROUILLARD ROUGE (lauréat du Prix du roman d’aventures).

Devenu le plus prolifique épigone de John Dickson Carr, Halter a écrit une quarantaine de livres qui renouvellent toutes les situations classiques du crime impossible : chambre close, pièce surveillée par des témoins dignes de foi, corps découvert environné de neige ou de sables, prémonition, bilocation, réincarnation, voyage dans le temps, etc. On lui doit ainsi quelques chefs d’œuvres du genre comme LA MORT VOUS INVITE, LE CERCLE INVISIBLE, l’extraordinaire LA SEPTIEME HYPOTHESE ou le formidable LE VOYAGEUR DU PASSE, véritable tour de force de récit policier tarabiscoté.

D’emblée, LE GEANT DE PIERRE apparait comme quelque peu différent du reste de la production de l’auteur. En effet, le crime en chambre close, commis aux temps minoens, s’avère ici anecdotique, l’intrigue principale se consacrant à « la plus grande énigme de tous les temps », à savoir la disparition de l’Atlantide. Autre différence notable avec la plupart des romans d’Halter : le livre approche des 300 pages.

Ce mélange d’énigme historique et de crime en chambre close aurait pu donner une grande réussite mais, malheureusement, tout cela n’est pas très convaincant. Le narrateur, après la mort de son épouse durant l’éruption du mont Saint Helens, décide d’employer l’argent de son héritage (cinq millions de dollars !) à résoudre le mystère entourant la disparition de l’Atlantide. Un jour, en 1980, il rencontre Hélène, une jeune femme un peu hippie qui abuse de la marijuana et semble avoir des réminiscences d’un passé très lointain. Passionné par l’Atlantide, notre héros décide d’en découvrir l’emplacement, qu’il situe à l’île de Santorin. Accompagné d’Hélène, il se rend sur cette île où il retrouve un ami de la jeune femme, Guy. Or, au cours d’une plongée, ce-dernier meurt transpercé par un trident. Un crime inexplicable, à moins d’invoquer la colère de Poséidon…

Avec LE GEANT DE PIERRE, Paul Halter, passionné par l’Antiquité, tente de résoudre l’énigme de l’Atlantide. Le voici donc sur les traces de l’île engloutie en retournant aux sources du récit de Platon et en expliquant les principales hypothèses sur le sujet, ce qui rend l’histoire plutôt bavarde. Les lecteurs peu intéressé par ce mystère peuvent passer leur chemin tant Halter nous abreuve de détails sur cette civilisation disparue. Toutefois, pour contenter ses admirateurs, l’écrivain concocte un crime impossible (un nageur tué par un trident sans quel nul n’ait pu l’approcher) qui renvoie à un autre meurtre commis peu avant la destruction de l’Atlantide. Un grand prêtre s’enferme dans une pièce après avoir blasphémé contre les dieux, ce qui entraine la colère de Poséidon : lorsque la porte s’ouvre on découvre son corps percé d’un trident. Ces deux crimes impossibles ne sont pas vraiment à la hauteur de ce que l’auteur nous a précédemment proposé : les solutions sont assez classiques et évidentes. L’explication de la mort du plongeur, en particulier, s’impose immédiatement…ce qui conduit le lecteur à comprendre où Halter veut nous mener. Or, la pirouette finale déçoit (tout comme les explications de LA MALEDICTION DE BARBEROUSSE) et laisse une impression amère. A croire que la partie policière a été plaquée par l’écrivain sur son intrigue afin de rassurer ses fans.  La partie historique, pour sa part, n’intéressera que les curieux de l’Atlantide. Bref, LE GEANT DE PIERRE n’est pas un mauvais roman (demeure le talent de conteur d’Halter et les notations historiques pour ceux qui aiment ça) mais constitue une déception indéniable et sans doute un des trois ou quatre romans les moins réussis de Paul Halter. Dommage.

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