Publié le 12 Mai 2021
Née en 1896, Joanna Cannan débute sa carrière en 1922 et va livrer environ un roman par an jusqu’en 1961, année de son décès suite à la tuberculose. Dès 1929 elle rédige des romans policiers mais c’est la saga de l’inspecteur Ronald Price qui lui assure une certaine notoriété. ELLE NOUS EMPOISONNE constitue la première des cinq enquêtes de Price (la seule traduite en français).
Le personnage s’avère savoureux et original : il s’agit d’un horrible gauchiste amené à enquêter dans la grande demeure, reconvertie en pension, d’aristocrates désargentés suite à la Seconde Guerre Mondiale. Price ne peut, dès lors, s’empêcher de trouver ce petit monde affreux : des maitres et des serviteurs, des chatelains qui partent à la chasse à courre malgré la mort d’une de leur pensionnaire, des pièces si grandes qu’elles pourraient abriter des familles entières de travailleurs, des repas somptueux (que notre hypocrite détective désapprouve vigoureusement mais déguste avec plaisir),…Bref, un inspecteur absolument insupportable, bouffi de prétention, aveuglé par ses préjugés politiques, cataloguant immédiatement les suspects (le vieil aristocrate forcément à demi-sénile, la chatelaine qui l’a épousée pour son argent, etc.) et soucieux de faire cadrer les faits avec ses convictions (tout en se félicitant que certains puissent différencier les faits et les impressions). Le détective, gangréné par un gauchisme maladif, devient dès lors très drôle et le roman n’hésite pas à le ridiculiser pour amuser le lecteur.
Autre protagoniste original, Bunny, la paresseuse et sensuelle épouse qui porte des robes trop courtes, y compris en période de deuil, et prend son petit déjeuner au lit, habitude détestable qui s’explique par ses origines françaises et sa vie trop légère sur la Riviera.
Dans l’ensemble, ELLE NOUS EMPOISONNE constitue un roman policier plaisant et fort porté sur la satire, aucun intervenant ne semble recueillir les faveurs de l’auteur qui déroule donc joyeusement son petit jeu de massacre jusqu’à sa conclusion. Un cosy murder typique, ni particulièrement original ni franchement mémorable mais qui se distingue des nombreux bouquins similaires par son humour grinçant et ses commentaires socio-politiques acides.