Publié le 12 Février 2020

UBBO-SATHLA de Clark Ashton Smith

Initialement édité en 1985 chez NéO, ce recueil du poète et nouvelliste Clark Ashton Smith nous permettait de découvrir quelques classiques de la littérature fantastique de l’âge d’or. Depuis, Clark Ashton Smith s’est imposé au lectorat francophone grâce à de nombreuses rééditions : « La mort d’Ilalotha a ainsi été repris par Jacques Sadoul dans ses MEILLEURS RÉCITS DE WEIRD TALES puis dans son HISTOIRE DE LA SCIENCE FICTON.

« Le retour du Sorcier » a, lui aussi, intégré diverses anthologies lovecraftienne et son côté horriblement macabre, dans une tradition ensuite popularisée par les TALES FROM THE CRYPT fonctionne toujours de belle manière. Le récit (adapté en 1972 dans un épisode de la série télévisée « Night Gallery ») est devenu un incontournable de l’horreur inspirée par les univers de Lovecraft.

La nouvelle-titre, « Ubbo-Sathla », se montre elle-aussi lovecraftienne à souhait avec cette quête d’un initié pour retrouver les dieux primitifs dont parle le Necronomicon. Une belle réussite.

On découvre également, dans plusieurs nouvelles, le fameux Livre d’Eibon et la divinité Tsathoggua, sorte de monstrueux crapaud que repris par la suite Lovecraft (en particuliers dans son court roman LE TERTRE) et d’autres continuateurs du mythe.

Les différents récits nous font également voyager dans la légendaire Hyperborée et Clark Ashton Smith y mélange efficacement une fantasy mythique à la Robert Howard, une horreur morbide à la Edgar Poe et un fantastique teinté de science-fiction cosmique proche de Lovecraft. Bref, tout un univers qu’explorèrent par la suite les épigones de ces récits macabres « à la Weird Tales ».

Avec un style brillant, un vocabulaire précis légèrement archaïque, des phrases ciselées à la perfection et un sens du rythme hérité de la poésie, l’écrivain se révèle, en outre, d’un abord bien plus aisé que Lovecraft et d’une efficacité au moins aussi grande.

Un « grand petit recueil » (180 pages, toutes superbes !) destiné aux amateurs de fantastique de l’âge d’or mais dont les thèmes et l’écriture ont finalement fort peu vieilli. Conseillé.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Fantasy, #Golden Age, #Horreur, #Lovecraft, #Recueil de nouvelles

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Publié le 11 Février 2020

100% STAR WARS - TOME 8: MUTINERIE SUR MON CALA de Kieron Gillen

Contient Star Wars (2015) #44-49.

Et revoici la princesse Leia qui, au nom de l’Alliance, part demander aux Mom Calamari de lui fournir une nouvelle flotte de combat capable de vaincre l’Empire. Or, la planète à déjà subi le poing impérial (comme vu précédemment dans la série DARK VADOR) et le régent Urtyas refuse de rejoindre la rébellion. Pour sauver la situation, Leia décide de remettre sur le trône le roi déchu Lee-Char, retenu prisonnier depuis une vingtaine d’années.

Continuation de la vaste fresque de Kieron Gillen entamée avec le tome précédent (LES CENDRES DE JEDHA) et prolongement des événements de « Rogue One » (qui semble inspiré les scénaristes de BD par son ton sombre et son côté course désespérée contre des méchants bien trop puissants).

L’ensemble se suit donc plaisamment mais souffre de défauts évidents. On peut également considérer que cette interprétation très « la fin justifie les moyens » de Leia n’est pas flatteuse puisque la princesse n’hésite pas à déposséder un dirigeant pour en remettre un sur le trône afin qu’il serve davantage ses intérêts et ce aux risques de voir une planète entière mise en danger, voire détruite, par l’Empire.

Une intrigue un peu longuette, de belles scènes d’action, des passages réussis, d’autres moins convaincants, quelques notes d’humour, des références (obligées ?) à l’univers cinématographiques avec des ponts tendus vers « Rogue One » et même « Solo ». Sympathique mais sans être transcendant.

Le dessin de Larroca est fidèle à lui-même : très réussi sur les décors et les vaisseaux, globalement raté sur les visages qui, la plupart du temps, sont maladroitement décalqués.

Ce huitième tome s’inscrit dans la droite ligne des précédents : un divertissement plutôt plaisant mais rien qui donne vraiment envie de dire « ouah ». On ajoute un côté finalement anecdotique dans l’esprit des préhistoriques BD « Star Wars » Marvel des années 70/80 : des péripéties certes agréables mais tellement engoncées dans une période figée (« A New Hope » à « L’empire contre-attaque ») qu’aucune véritable surprise n’est possible.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Aventures, #Cinéma, #Comic Book, #Space Opera, #Star Wars, #science-fiction

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Publié le 10 Février 2020

TERRE ERRANTE de Liu Cixin

Né en 1963, Liu Cixin est considéré comme une des étoiles montantes de la SF bien qu’il écrive depuis longtemps (son premier roman, CHINE 2185 est sorti en 1989 !). Révélé en occident par sa trilogie débutée par LE PROBLEME A TROIS CORPS (Prix Hugo 2015), poursuivie par LA FORET SOMBRE et terminée avec LA MORT IMMORTELLE (prix Locus), son œuvre antérieure se voit aujourd’hui redécouverte.

Bonne manière de se familiariser avec l’auteur, le roman court (environ 80 pages) TERRE ERRANTE mélange science-fiction apocalyptique et hard-science. L’expansion du soleil s’accélère, menaçant d’anéantir toutes les planètes du système solaire d’ici quatre siècles. Mais l’Humanité ne se résout pas à cette disparition programmée. Deux projets rivaux sont donc envisagés : emmener les Hommes explorer l’univers à bord d’arches stellaires ou transformer la Terre elle-même en vaisseau. Cette dernière option étant retenue il faut à présent mener à bien ce titanesque chantier afin d’envoyer la planète vers Proxima du Centaure au terme d’un voyage de deux mille ans.

L’auteur ne lésine pas sur les scènes spectaculaires et la démesure (rappelant certains romans d’Arthur C. Clarke) en nous montrant l’arrêt de la rotation terrestre, les brusques changements de température, les tsunamis aux vagues gigantesques, les torrents de magma qui détruisent les villes refuges souterraines, la traversée de la dévastatrice ceinture d’astéroïde,…Du véritable blockbuster littéraire où tout parait « bigger than life ». Liu Cixin envisage aussi (très – trop – brièvement) les changements psychologiques induits par la situation : la disparition des religions (peu crédible), la fin des passions amoureuses (on pourrait penser qu’elles seraient, au contraire, exacerbées), la crainte du Soleil, etc. La complète soumission populaire apparait (à nos yeux) comme très symptomatique du régime chinois et la situation parait, dans l’ensemble, acceptée. On peut penser que les comportements humains seraient beaucoup moins rationnels dans pareille situation, suscitant l’apparition de sectes bizarres et d’explosion de violence gratuite. En terme de psychologie apocalyptique on peut préférer l’excellent DERNIER MEURTRE AVANT LA FIN DU MONDE ou le très réussi et méconnu film « Seeking a friend for the end of the world ».

Toutefois, malgré ces bémols, TERRE ERRANTE reste une novella très efficace et réussie qui parvient, par un habile habillage hard-science (heureusement pas trop pesant) à crédibiliser une histoire qui parait totalement fantaisiste. Car, Liu Cixin, malgré des personnages sans émotion et un discours politique volontiers dictatorial, déverse en une centaine de pages un flot de « sense of wonder » rafraichissant qui convoque des images dantesques de planète s’arrachant à l’attraction solaire pour s’élancer dans l’espace. Vers l’infini et au-delà !

Adapté au cinéma en 2019, TERRE ERRANTE souffre de défauts évidents mais les compense par un véritable appel au merveilleux scientifique retrouvant, redisons le, la magie des Asimov, des Clarke et des autres enchanteurs de la SF. Et, au final, la balance penche largement vers le positif !

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Publié le 9 Février 2020

SORCELEUR TOME 1: LE DERNIER VOEU d'Andrzej Sapkowski

Avec le premier volet de cette longue saga, le romancier polonais Andrzej Sapkowski retourne aux romans Fantasy des origines qui constituaient en réalité des « fix-up » de nouvelles comme le cycle des Epées, ou les aventures d’Elric et Conan. Autrement dit, un héros récurrent, Geralt de Riv, vit plusieurs aventures qui s’apparentent un peu aux rencontres avec le “monstre de la semaine”. Car Sapkowski a débuté son Grand Œuvre en 1986 en proposant pour un concours la nouvelle « Le sorceleur » suivi de trois autres textes réunis dans un premier recueil, « Le Sorceleur ». Quelques années plus tard le volume est remanié pour devenir LE DERNIER VŒU édité par Bragelonne au début des années 2000.

La suite, on la connait (ou pas) : un film polonais en 2001, une série télévisée l’année suivante, une adaptation prestigieuse et multi récompensée sous forme de jeu vidéo en 2007, des bandes dessinées, d’autres recueils de nouvelles, cinq romans, un prix David Gemmel, un Grand Master Award de la Fantasy et, en 2019, une très attendue série télévisée sur Netflix. Ce qu’on appelle un univers en expansion…

Ce premier tome (déjà réédité une dizaine de fois depuis 2003), classique et plaisant, nous permet de découvrir le Sorceleur Geralt de Riv, sorte d’exorciste de choc chargé de tuer les monstres qui infestent un monde médiéval fantastique fortement inspiré par les contes de fées. Le personnage est intéressant mais encore peu travaillé, une sorte de croisement entre Conan et Elric (tant physiquement qu’au niveau du caractère quoiqu’il penche plus nettement vers le « barbare » de Howard, ce-dernier étant, on le rappelle, moins monolithique que l’affirme ses détracteurs). Son but : nettoyer la vermine qui infeste le monde, comme un justicier issu d’un western, et il accomplit sa tâche efficacement quoiqu’il soit lui-même un « mutant ».

Le style littéraire, pour sa part, s’avère simple et efficace, proche d’un Gemmell parfois, notamment par les petites touches « philosophiques » (avec de gros guillemets) que l’auteur distille dans ces aventures (mais sans égaler Gemmell justement). La plus intéressante, à ce niveau, reste sans doute « Le moindre mal » qui, comme le titre l’indique, oblige le Sorceleur à effectuer un choix entre deux solutions, toutes deux mauvaises…laquelle représentera donc un moindre mal ? « Le bout du monde » traite, lui, de la fin de l’âge des Elfes et de l’imposition progressive (et non sans douleur façon guerres indiennes et Far West) de l’âge des Hommes. « Le dernier vœu » constitue un autre récit réussi qui s’empare de la légende du génie dans la lampe pour confronter Geralt et une magicienne à un djinn redoutable.

Les intrigues sont donc simples mais plaisantes, transposant généralement des contes de fées bien connus comme « La belle et la bête », « Blanche Neige et les 7 nains » ou « Aladdin » dans des versions subtilement tordues peuplées de vampires et autres créatures maléfiques, la belle étant souvent plus cruelle que la bête.

L’important étant surtout de garder un rythme soutenu pour ne pas ennuyer le lecteur, lequel pourra grappiller à loisir dans ces différentes nouvelles. L’humour est bien présent et chaque petit récit (faisant entre 30 et 60 pages) parvient à divertir en rappelant les « vieux » récits de Fantasy dans lesquels un personnage vivait d’innombrables aventures en étant souvent témoin (et parfois acteur) des grands bouleversements de son temps. L’histoire de liaison, de son côté, n’a qu’un intérêt limité, une sorte de liant pas franchement passionnant qui cherche surtout à transformer un recueil de nouvelles (commercialement moins vendeur) en roman.

On ne criera pas au génie mais ce premier volet d’une saga devenue légendaire reste une plaisante Fantasy à réviser avant d’en visionner la (finalement décevante) transposition à l’écran. Ce premier tome est, en tout cas, suffisamment plaisant pour donner envie d’en découvrir la suite.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Aventures, #Cinéma, #Fantasy, #Recueil de nouvelles

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Publié le 7 Février 2020

STAR WARS TOME 7: LES CENDRES DE JEDHA

Star Wars (2015) #38-43

Après DARK VADOR et DOCTOR APHRA, Kieron Gillen prend les rênes de la série phare STAR WARS avec cet arc narratif fort réussi en lien avec les événements racontés dans « Rogue One ». Le récit se déroule ainsi sur Jedha, ravagée par les essais de l’Etoile de la Mort. L’Empire continue d’exploiter la planète afin d’en extraire les derniers cristaux Kyber qui alimentent les sabre-lasers. Mais les rebelles décident de venir défendre les derniers partisans de Saw Guerrero et d’en apprendre davantage sur le sacrifice de l’équipe Rogue One.

Contrairement aux épisodes précédents, LES CENDRES DE JEDHA parait faire avancer l’intrigue au-delà des escarmouches lassantes entre l’Empire et les héros de la rébellion. Le scénario se montre donc cohérent, efficace, parfois surprenant avec un gros twist bien amené et crédible. Du bon boulot assorti d’une belle caractérisation des différents personnages quoiqu’on ait encore droit à quelques envolées mystiques sur la Force et les Jedi pas vraiment nécessaires à l’intrigue principale. Mais ce n’est qu’un détail et un menu bémol pour cette une séquelle convaincante de « Rogue One ».

Le tome réutilise également le personnage toujours aussi cynique de la reine Trios dont les actes auront, dans les épisodes suivants, des conséquences dramatiques. Bref, un scénario intéressant et l’impression de voir, enfin, la « grande histoire » de STAR WARS se dessiner sous nos yeux.

Bien évidemment le gros point noir reste encore une fois les dessins de Larroca avec ses décalques grossiers des acteurs des films. Le bonhomme maitrise les armures, les décors, les vaisseaux, les corps mais s’avère absolument incapable de dessiner un visage correct. A ce niveau et sur une série aussi prestigieuse que STAR WARS sa prestation reste sidérante : neuf fois sur dix le résultat de son copié-collé se révèle tout simplement immonde.

Dans l’ensemble et en dépit de dessins trop inégaux pour convaincre, LES CENDRES DE JEDHA reste une réussite et un des meilleurs arcs du nouvel univers étendu.

STAR WARS TOME 7: LES CENDRES DE JEDHA

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Cinéma, #Comic Book, #Marvel Comics, #Space Opera, #Star Wars

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Publié le 6 Février 2020

UNE BOUFFEE DE MORT d'Isaac Asimov

Si Asimov s’est rendu célèbre dans la SF (qui ne constituait pourtant qu’une infime partie de son œuvre titanesque en grande partie occupée par la vulgarisation scientifique), il a toujours aimé le roman policier traditionnel comme en témoigne ses très amusantes nouvelles consacrées aux Veufs Noirs. Après avoir infusé le whodunit dans la SF (ou vice versa) avec LES CAVERNES D’ACIER et FACE AUX FEUX DU SOLEIL, sans oublier le recueil HISTOIRES MYSTERIEUSES, il s’essaie ici à une très classique énigme.

Contrairement à la majorité des whodunit qui place leur premier meurtre à mi-parcours, Asimov plonge directement dans le récit en situant le crime dès le premier chapitre. Louis Brade, chercheur en chimie qui attend depuis 17 ans son hypothétique nomination à une chaire d’enseignement, découvre ainsi dans son laboratoire son élève, Ralph Neufeld, empoisonné par du cyanure. Pour le professeur il est impossible qu’un brillant étudiant comme Ralph ait pu confondre les produits et commettre l’erreur ayant conduit à sa mort. L’accident étant exclu, le suicide peu crédible, ne reste que le meurtre. Mais Louis va-t-il se mêler de cette histoire, au risque de ruiner sa déjà piètre réputation ?

Le roman nous plonge dans le monde, bien connu d’Asimov (cf. son autobiographie MOI, ASIMOV) de la compétition universitaire avec ses personnages bien typés. Le doyen, Littleby, considère ainsi la mort de l’étudiant comme « terrible, terrible, terrible » mais le plus important reste de préserver la réputation de la faculté. D’autant qu’il doit sa notoriété à un bouquin écrit voici 20 ans mais à présent épuisé et que notre brave doyen n’a pas accompli grand-chose depuis. On remarque aussi un professeur libidineux, surnommé « Mains Baladeuses » qui adore raconter des blagues scabreuses, flirter avec ses étudiantes et leur mettre la main au panier. Amusant lorsqu’on connait les accusations ensuite portées à l’égard d’Asimov lui-même.

L’auteur se délecte du panier de crabe universitaire où chacun s’intéresse surtout à sa sécurité matérielle à coup de publications régulières et routinières jusqu’à la titularisation permettant d’attendre tranquillement la retraite. Il n’est pas tendre avec tous ces professeurs insistant pour qu’on classe l’affaire en évoquant d’abord un accident puis un suicide mais surtout pas un meurtre, ça ne se fait pas dans le beau monde. Asimov ne ménage pas non plus son « héros », détective improvisé courbant l’échine depuis près de 20 ans pour se faire accepter dans les hautes sphères, ni son épouse qui menace de le quitter s’il n’est pas titulaire à la fin de l’année et qui lui demande avec insistance de laisser tomber l’enquête et de ne surtout pas faire de vagues.

La résolution de l’énigme est convaincante et le divertissement bien mené, sans être un incontournable d’Asimov ou du whodunit, UNE BOUFFEE DE MORT reste suffisamment efficace et amusant pour mériter la lecture.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Policier, #Whodunit

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Publié le 5 Février 2020

LA CINQUIEME SORCIERE de Graham Masterton

Avec ce roman, Masterton ne se renouvelle guère mais plonge avec délice dans un fantastique très bis qui rappelle ses premières œuvres comme LA MAISON DE CHAIR ou LE JOUR J DU JUGEMENT. Autrement dit, le romancier jette la subtilité pour se vautrer dans son cocktail coutumier de magie noire et de démonologie agrémentée de nombreuses scènes d’horreur à grand spectacle et d’une dose d’érotisme. Dire que nous sommes loin des plus belles (et nombreuses) réussites de l’auteur (LE PORTRAIT DU MAL, TENGU, LE MIROIR DE SATAN, DEMENCES, etc.) tient donc de l’euphémisme et confirme la mauvaise passe de Masterton confirmée avec les décevants WENDIGO et PEUR AVEUGLE. Il n’est donc pas étonnant que Masterton ne fut ensuite plus traduit en France pendant une dizaine d’années (jusqu’à GHOST VIRUS).

Dans LA CINQUIEME SORCIERE, le lecteur retrouvera les recettes habituelles, notamment une scène liminaire spectaculaire et sanglante, un héros classique (veuf, rongé par la culpabilité et titillé du slip par une jeune femme qui se révèle – surprise – une sorcière et donc la seule ligne de défense contre les forces du mal comme on dit à Poudlard), un partenaire destiné à connaitre un sort tragique, des visions opportunes permettant de faire avancer l’intrigue, une présence fantômatique, des références à des mythes et croyances (l’enochian, langue des anges « découverte » par l’occultiste John Dee) et beaucoup de passages poussant très loin la suspension d’incrédulité. Car l’horreur, ici, se veut « bigger than life » et Masterton ne lésine pas sur la boucherie, décrivant par exemple l’extermination d’une centaine de policiers d’élite par des créatures maléfiques. Toutefois, en dépit des excès gore, Masterton ne cherche plus à choquer comme il pouvait le faire du temps de RITUEL DE CHAIR et le roman verse surtout dans un Grand Guignol inoffensif.

Tout cela s’avère divertissant mais, hélas, terriblement prévisible dans son déroulement (aucune surprise, même le twist final se devine à des kilomètres), fort linéaire et parfois même répétitif (les combats contre chaque sorcière dans les derniers chapitres), sans oublier une tendance de l’auteur à recycler des idées antérieures (la cécité surnaturelle rappelle PEUR AVEUGLE, le héros parait calqué sur bien des protagonistes déjà croisés chez Masterton, l’intrigue mixe les saga MANITOU et le côté fantastique spectaculaire des Jim Rook). Le tout traine également en longueur (près de 400 pages pour une intrigue assez légère)

Sans la moindre subtilité mais avec un métier suffisant pour passer un (relatif) bon moment, LA CINQUIEME SORCIERE apparait comme un Masterton très moyen, une sorte de « splatter » littéraire distrayant mais très oubliable. On peut s’en contenter en se disant que le contrat est globalement rempli ou se désoler qu’un auteur de ce calibre puisse proposer un bouquin finalement tout juste passable.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Horreur

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Publié le 3 Février 2020

BINTI de Nnedi Okorafor

BINTI, une novella de science-fiction plutôt destinée aux jeunes adultes, fut lauréate des prestigieux prix Hugo et Nebula. L’autrice, d’origine Nigérienne, nous avertit qu’elle traite des « social issues” et notamment des “racial and gender inequality”. Elle s’est également fait connaitre pour son opposition à l’attribution d’un prix basé sur une représentation de Lovecraft (le World Fantasy) et sa demande pour qu’il soit remplacé par une autre statuette basée cette fois sur Octavia Butler. Du pain béni pour les « social justice warriors » et autres hystériques 2.0. Bref, en ouvrant BINTI, on commence à craindre le pensum politiquement correct si prisé des prix en science-fiction récents mais, au final, le court roman de Nnedi Okorafor s’avère plutôt plaisant.

Génie des mathématiques, Binti est la première femme issue du peuple Himba à accéder à l’université intergalactique Oomza Uni. A l’intérieur d’un vaisseau spatial, Binti fait connaissance des autres passagers. Malheureusement, le transporteur est arraisonné par une race extraterrestre, les Méduses, et toutes les personnes à bord sont massacrées, à l’exception de Binti elle-même. Binti se réfugie dans sa cabine puis commence à communiquer avec les Méduses par l’entremise de son « Edan », un artefact trouvé dans le désert.

Avec ce petit roman, Nnedi Okorafor s’éloigne radicalement de la hard-science actuellement en vogue pour un récit à l’ancienne, sorte de space-opéra confiné doublé du thème classique de la rencontre avec « l’autre ». Le tout additionné d’un parfum de « récit d’apprentissage ». La postface nous révèle que cette histoire a été inspirée à l’écrivaine par sa fille de 11 ans et dont l’univers ne semble ici qu’esquisser (on rencontre plusieurs ethnies, des objets bizarres comme les astrolables ou les Edan, le peuple extraterrestre des Méduses, etc.). Les prochains récits dans le même univers (BINTI 2 : HOME et BINTI : THE NIGHT MASQUERADE) développeront probablement une partie de ce vaste monde.

Sans être un chef d’œuvre (les deux récompenses récoltées laissent quand même songeurs et mettent probablement les attentes beaucoup trop haut), BINTI s’impose comme un court roman divertissant, de lecture aisée (y compris en anglais), marqué (mais sans excès) par les racines africaines de l’autrice, plein de bons sentiments et de naïveté mais quelque part agréable en ces temps de SF marquée par la sinistrose dystopique généralisée. Nous avons même droit à un happy end pacifique façon « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, même ceux que l’on considérait comme des ennemis. Pas indispensable mais pas déplaisant.

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