Publié le 8 Avril 2019

LE CHEMIN DE LA FALAISE de Patricia Wentworth

Avec Patricia Wentworth nous sommes assurés d’un bon whodunit en forme de policier « cosy » avec tous les ingrédients indispensables de la recette. Alors, bien sûr, l’originalité n’est pas la principale qualité de cette intrigue qui nous présente une nouvelle famille dysfonctionnelle dans laquelle s’invite le crime. Rachel Treherne vit dans l’angoisse et reçoit des menaces de mort…qui deviennent chaque jour plus précises : un escalier ciré, des chocolats empoisonnés, des vipères sur son lit,… Elle contacte la détective privée Miss Silver et celle-ci débarque incognito dans un véritable panier de crabes. Car tous les membres de la famille de Rachel dépendent de son bon vouloir pour leurs dépenses quotidiennes et la supprimer résoudrait bien des problèmes. Nous avons le jeune homme tenté par le communisme (quelle horreur !), la demoiselle complètement stupide et dépensière, l’artiste raté, le type soumis à son épouse, la domestique louche,…Une belle galerie de suspects donc, tous pouvant en vouloir suffisamment à Rachel pour désirer la supprimer

Typiquement british, délicieusement suranné, les romans mettant en scène Maud Silver (créée deux ans avant sa collègue Miss Marple) possèdent toutes les qualités requises pour un bon moment de détente : des personnages certes clichés mais bien campé, un rythme appréciable (attention, on n’est pas dans du thriller hard boiled non plus), des rebondissements nombreux, une touche d’humour et bien sûr un coupable inattendu dévoilé dans les dernières pages. Bref, du classique, mais fort adroitement cuisiné par une spécialiste du whodunit. Miss Silver effectua d’ailleurs plus de trente enquêtes, de sa première apparition dans (le très moyen) LE MASQUE GRIS en 1928 à sa dernière dans MEURTRE EN SOUS-SOL en 1961, année du décès de Wentworth.

LE CHEMIN DE LA FALAISE constitue la troisième apparition de l’ancienne enseignante reconvertie dans la détection. Ce n’est certes pas un chef d’œuvre du genre mais il offre trois ou quatre heures d’évasion et de divertissement sans prétention dont il serait dommage de se priver  pour les amateurs de romans policier d’antan.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Golden Age, #Policier, #Whodunit, #Patricia Wentworth

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Publié le 5 Avril 2019

LE NOUVEAU MEMORIAL SHERLOCK HOLMES

Jacques Baudou, grand spécialiste de la paralittérature, proposa dans les années 80 quatre anthologies de nouvelles consacrées à Sherlock Holmes. LE NOUVEAU MEMORIAL SHERLOCK HOLMES, la deuxième de cette série, rassemble une dizaine de pastiches. « Celui que Jupiter veut perdre » invite les extraterrestres dans l’univers du limier de Baker Street pour expliquer comment le célèbre journaliste Isadora Persano devint fou devant une boite d’allumettes contenant un étrange vers inconnu des scientifiques. Le cas est évoqué dans le canon (dans « Le problème du pont de Thor ») et, depuis, plusieurs épigones de Conan Doyle on relevé le défi d’expliquer cette incroyable histoire. Celle proposée ici n’est pas très réussie mais la réponse expédiée au courrier des lecteurs de Galaxie à l’époque de sa publication (et reproduite ici) mérite le détour ! Isadora Persano revient dans « Le problème du Pont du sort, entre autres » attribué à PJ Farmer et qui tente d’expliquer comment Mr Phillimore est entré chez lui pour prendre son parapluie avant de disparaitre à jamais. On reste dubitatif.

Raffles, un gentleman cambrioleur proche de Lupin (il fut la principale inspiration pour Maurice Leblanc) et concurrent d’Holmes lui ravit la vedette dans un récit un peu laborieux qui, à nouveau, recourt aux extraterrestres pour expliquer les « trois échecs de Holmes ». Raffles fut d’ailleurs créé par le beau-frère d’Arthur Conan Doyle, Ernest William Hornung et on le retrouve dans « Raffles. L'énigme du bicorne de l'Amiral », où il est mis en échec par le docteur Watson et Conan Doyle lui-même. La nouvelle est plaisante, sans plus.

« L'aventure du ver extraordinaire » de Stuart Palmer, auteur bien connu de roman policier, nous permet de retrouver Isadora Persano (encore !) dans un récit assez alerte et divertissant, plus proche du « canon » que les élucubrations précédentes.

Ellery Queen tente, lui aussi, d’expliquer « La disparition de M. James Phillimore » dans une agréable pièce radiophonique (ici retranscrite) lorsque le fameux limier américain est confronté, au début des années ’40, à la disparition du petit fils de Phillimore. L’astuce utilisée semble évidente mais le tout est alerte, amusant et bien mené. Une réussite pour les infatigables cousins.

Arkadi Boukhov nous convie à assister à « La fin de Sherlock Holmes », le détective n’ayant plus aucun travail à accomplir puisque tous les criminels décident de se rendre d’eux-mêmes à la police. Une parodie jusqu’au boutiste du policier classique qui fonctionne agréablement, tout comme l’histoire d’Arthur Porges consacré à Stately Homes, pastiche évident de qui-vous-savez, héros de dix nouvelles dont seulement deux furent traduites en français.

Les « spéculations » sont des textes entre la nouvelle et l’article qui exposent des théories plus ou moins farfelues. Rex Stout, créateur de Nero Wolfe, imagine dès 1941 (soit trois quarts de siècle avant « Elementary ») que Watson ne peut être qu’une femme et il le prouve par diverses citations du Canon. L.W. Balley dans « L'énigme de l'énigme jamais mentionnée » fait de Sherlock la véritable identité de Jack l’Eventreur tandis que « le plus grand triomphe d'Adrian Mulliner » démontre que Sherlock et Moriarty ne faisaient qu’un. Enfin, « Mycroft Holmes. Un mystère élucidé » s’interroge sur l’identité du discret frère ainé qui était peut-être un ordinateur, une machine, Winston Churchill ou le chef des services secrets (comme Ian Flemming le rappellera via son « M »). Bref, des démonstrations farfelues, parfois amusantes, parfois un peu lourdes, qui intéresseront surtout les incollables du Canon.

Dans l’ensemble, LE NOUVEAU MEMORIAL SHERLOCK HOLMES offre un divertissement correct et rarement ennuyeux mais les nouvelles, certes sympathiques, s’avèrent souvent quelque peu décevantes et partent un peu dans tous les sens. Nous avons des hommages maitrisés, des délires plus ou moins déjantés qui fonctionnent plus ou moins bien, des pastiches, des hypothèses hardies, des clins d’œil (parfois très pointus) à destination des connaisseurs,…Au final le lecteur passe un bon moment mais reste quelque peu sur sa faim en dépit de l’une ou l’autre réussites incontestables. A réserver aux inconditionnels du limier de Baker Street.

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Publié le 3 Avril 2019

FAIRE DES SCIENCES AVEC STAR WARS de Roland Lehoucq

Dans ce petit bouquin érudit, complexe mais globalement abordable, Roland Lehoucq, collaborateur régulier de Bifrost, retrouve le plaisir quelque peu oublié de la vulgarisation scientifique. Autrement dit il aborde des thématiques complexes de manière ludique en prenant pour base un socle commun à tout amateur de science-fiction qui se respecte : l’univers de « Star Wars ».

L’auteur aborde ainsi ce qui relève de la pure imagination, ce qui sera peut-être possible et ce qui restera probablement à jamais un mythe. Tous les grands thèmes de « Star Wars » sont passés au crible de manière scientifique mais avec un ton décontracté et suffisamment d’humour pour rendre tout ça digeste (plus que bien des romans hard science)

Roland Lehoucq s’interroge tout d’abord sur la force : que peut-elle être et comment les Jedi peuvent il la manipuler ?

Ensuite nous passons à l’Etoile Noire et comment déplacer un engin d’une telle taille…d’ailleurs quelle est sa taille et qu’elle peut bien être sa source d’énergie ? Apparemment la seule solution serait de la puiser directement dans un trou noir. Ne reste plus qu’à en trouver un et à parvenir à le « dompter ».

Les sabre-lasers, ces armes si plaisantes à l’œil mais si improbables scientifiquement parlant, sont ensuite décortiquées. A moins d’envisager des sabres au plasma, ce qui est astucieux pour la démonstration et plus plausibles scientifiquement mais pose d’autres problèmes techniques, notamment d’alimentation en énergie.

Tout est-il donc farfelu et improbable ? Non, les petits chasseurs à propulsions ioniques (les fameux Tie) utilisent, eux, une technologie déjà existante (mais rudimentaire).

Se pose ensuite la question des gros vaisseaux capables de dépasser la vitesse de la lumière et, plus généralement, le problème du franchissement de très grande distance dans l’espace.

Pour les vaisseaux terrestres, là aussi, l’ingénieur chargeait de les construire se heurterait à d’énormes difficultés, que ce soit pour construire les dispositifs antigravités permettant de faire léviter le landspeeder ou pour équilibrer la masse énorme des peu maniables quadripodes impériaux AT-AT.

Et les planètes dans tout ça ? Roland Lehoucq s’interroge sur les deux soleils de Tatouine (et ironise sur le fait que les personnages n’ont qu’une seule ombre) et sur l’orbite possible de la planète. Il dissèque aussi la faune de la planète glaciaire Hoth et les énigmatiques boucliers du peuple Gungans (Alerte ! Jar Jar !!) sur Naboo, puis effectue un parallèle entre les anneaux de Geonosis et ceux de Saturne. Il apparait que les anneaux constitués de gros rochers de Geonosis ne peuvent dater que d’un mois ou deux mais, cette fois, la science s’appuie sur les événements pour suggérer que les ingénieurs de l’Etoile Noire ont testé leur turbo laser sur une lune de la planète dont la destruction a créé les fameux anneaux ! CQFD. Kamino la planète océanique et Mustafar la planète volcanique termine ce tour d’horizon des mondes imaginés par George Lucas.

En résumé, un petit livre amusant et bien fichu, agréable et abordable, pour découvrir différentes innovations et théories scientifiques sans se prendre la tête.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Hard Science, #Star Wars, #science-fiction, #Essai, #Cinéma

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Publié le 1 Avril 2019

UNE HISTOIRE DE LA SCIENCE-FICTION, TOME 4 de Jacques Sadoul

Ce tome débute par un état des lieux de la science-fiction dans une époque en mutation, alors qu’elle ploie sous les assauts de la sci-fi (autrement dit la SF commerciale déclinant des licences comme « Star Trek » ou « Star Wars ») et d’une Fantasy facile inspirée par le jeu de rôle. Cependant Sadoul ne passe pas à côté des mouvements alors en vogue comme le cyberpunk et le steampunk. Le pape du cyber, William Gibson, illustre évidemment ce courant avec son classique « Gravé sur chrome » autrefois disponible dans le recueil du même titre. Autre grand auteur du cyberpunk, Bruce Sterling livre un « Maneki Neko » qui lui valut le Locus.

On débute donc avec « Gravé sur chrome » de Gibson qui reste un parfait témoignage du courant cyberpunk avec tous les ingrédients indispensables : affrontements de hacker dans le cyberspace, mur de glace protégeant les corporations des intrusions intempestives et trame générale inspirée par le polar hard boiled mais revisitée dans un cadre anticipatif et dystopique très sombre. Une excellente entrée en matière pour les novices tant « Gravé sur chrome » s’impose en véritable distillat de ce que fut le cyberpunk des années 80.

« Venise engloutie » de Kim Stanley Robinson est, de son côté, un très beau texte de science-fiction réaliste, typique de l’auteur, qui imagine ici les conséquences prévisibles de la montée des eaux et des bouleversements climatiques. L’auteur suit un guide conduisant, dans une Venise engloutie, deux touristes japonais aux allures de modernes pilleurs de tombe. Ce texte, que l’on a déjà pu lire dans l’anthologie UNIVERS 86 ou dans le recueil de Kim Stanley Robinson LA PLANETE SUR LA TABLE, reste un classique de haute volée et se relit toujours avec le même plaisir !

Après un court récit de Stephen Baxter, Connie Willis livre avec « Ado » une satire (de plus en plus plausible) des dérives induites par le politiquement correct, les féministes, les groupes de pression diverses et les tenants de l’écriture inclusive, ramenant une pièce de Shakespeare à une poignée de répliques anodines afin de ne froisser aucune sensibilité. Un texte encore plus crédible et prophétique qu’à l’époque de sa rédaction dans les années ’90. Belle  réussite là encore.

Le texte qui valut le Locus à Sterling était jusqu’ici uniquement disponible dans la revue Galaxie, il est donc intéressant de pouvoir le lire dans ce recueil, d’autant qu’il s’agit d’une belle réussite du cyberpunk. « Maneki neko » combine tous les éléments du genre (ambiance sombre, intrigue polar, influence de l’espionnage, fascination pour le Japon) et les innovations technologiques prophétiques (notamment le Secrétaire Numérique qui anticipe les applications de smartphone) en un ensemble harmonieux et accessible. Car l’anticipation proche du cyberpunk se rapproche chaque jour davantage de notre monde actuel qui, parfois, a même  dépassé les « élucubrations » de ces écrivains des années 80.

Enfin, « le styx coule à l’envers » signait l’entrée en littérature de Dan Simmons : une nouvelle traitant des zombies de manière originale et réussie, un beau coup d’essai !

Sadoul, une fois de plus, a eu le nez creux en sélectionnant quatre auteurs qui ne bénéficiait pas encore de la reconnaissance ultérieure dont ils jouissent aujourd’hui : Kim Stanley Robinson, Stephen Baxter, Connie Willis et Dan Simmons. L’ensemble, de grande qualité, constitue donc un nouveau recueil incontournable à prix dérisoire, comme les trois précédents. Incontournable.

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