Publié le 3 Octobre 2019

FRIEDKIN CONNECTION - MEMOIRES de William Friedkin

Le cinéaste William Friedkin nous livre ses mémoires et revisite sa riche filmographie dans un épais bouquin qui se lit comme un roman. De ses débuts indépendants, influencés par la Nouvelle Vague, à son statut de looser magnifique en passant par ses grands succès des 70’s, Friedkin n’a pas sa langue dans sa poche. Il évoque ses passions pour l’opéra, le cinéma européen, les peintres (Magritte en particulier) et ses désillusions sur Hollywood, regrettant même l’époque des « studios tout puissants » qui permettait aux cinéastes de tourner six films par an. Si Friedkin avait donné un coup de pied au cinéma hollywoodien avec le quasi documentaire « French Connection » puis la réussite artistique et commerciale de « L’exorciste », il se sent à son tour largué par les transformations du cinéma à la fin des 70’s. Alors qu’il a grandement contribué à l’explosion du phénomène, le réalisateur ne se retrouve plus dans les blockbusters comme « Star Wars » ou « Rencontre du 3ème type ». A la même époque, il se fait dézinguer par la critique pour « Le convoi de la peur » (remake halluciné du « Salaire de la peur ») et son thriller « Cruising ». Ce-dernier suscite de vives réactions dans la communauté gay et Al Pacino finit par s’en désolidariser devant les huées de la foule, sans oublier qu’il ne pardonne pas au cinéaste de lui avoir caché que son personnage était peut-être (la fin reste fort ambigüe) le tueur sado maso.

Ces quatre long-métrages occupent, évidemment, la plus grande partie du bouquin, deux énormes succès et deux films malades, vilipendés en leur temps, réévalués ensuite et considéré depuis peu comme des classiques « cultes » du cinéma de la fin des 70’s.

Autre échec commercial devenu polar culte « Police Fédérale Los Angeles » se voit également longuement évoqué mais la suite de sa carrière est, hélas, expédiée. Pas un mot sur le pourtant très sympathique « La Nurse », à peine quelques lignes sur le sexy thriller « Jade », quelques mots sur « L’enfer du devoir » (surtout sur les polémiques suscitées par son côté soi-disant raciste et réactionnaire), de brefs passages sur « Le sang du châtiment » et quelques lignes sur « Traqué ». Bien que ce ne soient pas toujours de grandes réussites il est dommage que Friedkin ne s’épanche pas davantage sur cette période difficile (du milieu des 80’s au milieu des années 2000, une semi traversée du désert artistique et surtout commerciale). Le cinéaste se montre heureusement plus dissert sur ses deux derniers films, d’excellentes petites productions sans compromis : « Bug » et « Killer Joe » accueillies froidement et dans le collimateur de la censure. A laquelle Friedkin répond finalement un gros « fuck off » après avoir compris qu’il ne pouvait lutter contre la politique de censure s’en prenant plus volontiers aux petits films qu’aux blockbusters.

Cette biographie propose donc un véritable historique de l’industrie cinématographique américaine depuis les sixties jusqu’à nos jours. On y croise Coppola, Lucas, Spielberg, le dramaturge Harold Pinter, le romancier William Peter Blatty, Al Pacino et bien d’autres. Il y a des anecdotes amusantes (l’engagement sur un malentendu de Fernando Rey pour « french connection », l’audition de Linda Blair pour « l’Exorciste », le tableau d’un Basquiat admiratif jeté à la poubelle, etc.) et quoique Friedkin ne paraisse pas être le personnage le plus sympathique du monde on passe un bon moment à lire ses souvenirs. Une biographie agréable qui évite, en outre, de nous raconter son enfance et sa scolarité pendant 200 pages pour se concentrer sur l’essentiel : les films.

Vivement conseillé pour les amateurs du bonhomme.

Voir les commentaires

Rédigé par hellrick

Publié dans #Cinéma, #Biographie

Repost0

Publié le 2 Octobre 2019

THIS IS NOT AMERICA de Thomas Day

Un bref recueil destiné aux fans de Thomas Day, lesquels seront aux anges devant ces textes dans lesquels on retrouve tout ce que l’on aime chez cet immense auteur: des intrigues délirantes, des personnages bien brossés et une écriture très personnelle et travaillée (allant d’un côté “littérature de gare” assumé à une vraie recherche stylistique). Et puis un ton, là aussi personnel et rapidement reconnaissable, où se mêlent critique caustique de la société, références à la pop culture (et ici plus spécifiquement à l’Amérique plus ou moins fantasmée) et humour décalé.

La première nouvelle (« Cette année-là, l'hiver commença le 22 novembre ») suit trois tueurs à gage chargés d’exécuter John Kennedy, soupçonné d’être un extra-terrestre infiltré. Un « road movie littéraire » avec alien, fusillades, théorie du complot et tous les éléments nécessaires à un divertissement rondement mené que n’aurait pas renié un Tarantino sous acide. On aime !

“American Drug Trip” pousse encore plus loin le délire avec ce pauvre Américain plongé dans une succession de mondes parallèles et qui finit par discuter avec un ours polaire à côté de sa voiture Rocco Siffredi. Jubilatoire, hilarant et cependant parfaitement maîtrisé, voici le meilleur texte du recueil et un petit chef d’œuvre de nouvelle parfaitement ciselé dont les apparentes excentricités trouvent finalement une explication plausible.

Enfin, “Eloge du sacrifice” contraint le futur président des USA à revivre une série de batailles historiques, des Thermopyles à Massada et le confronte à un dilemme moral. Plus posé, plus grave, cette nouvelle, certes un peu en deçà des deux précédentes, clôt de belle manière un recueil tout à fait recommandable.

Composé de trois textes de longueur sensiblement équivalente (une quarantaine de pages), ce petit recueil constitue une jolie réussite pour les fans de l’auteur. THIS IS NOT AMERICA, This is Thomas Day ! Et c’est mieux ainsi.

Voir les commentaires

Rédigé par hellrick

Publié dans #Recueil de nouvelles, #science-fiction

Repost0