Publié le 6 Mars 2019

FUREUR CANNIBALE de Glenn Chandler

Dramaturge, romancier et scénariste écossais, Glenn Chandler (né en 1949) crée au début des années 80 la série télévisée « Taggart » (qui durera près de 30 ans !). On lui doit aussi de nombreuses pièces de théâtre (ou de radio pour la BBC) et un paquet d’ouvrages variés parmi lesquels deux curiosités, de petits romans horrifiques écrits pour l’éditeur spécialisé Hamlyn. Et, avec cette unique publication chez Gore, Chandler frappait fort (on eut d’ailleurs aimé voir traduit son autre bouquin d’horreur) en traitant, de manière relativement sérieuse, du cannibalisme.

FUREUR CANNIBALE (« The Tribe » en VO) se distingue ainsi des autres titres de la collection beaucoup plus porté sur la gaudriole anthropophage (de 2000 MANIAQUES à GRILLADES AU FEU DE BOIS) en optant pour une approche anthropologique du sujet, un peu à la manière des classiques du bis italien comme « Cannibal Ferox » ou « Zombie Holocaust ».

Le roman débute par un massacre horrible : une femme est découverte éviscérée aux côtés d’une fillette à moitié dévorée. Le père, devenu principal suspect, a disparu. Il était étudiant du célèbre professeur Braithwaite, lequel avait conduit une douzaine d’années auparavant une expédition en Papouasie au cours de laquelle il fut, avec cinq étudiants, confronté à d’horribles rituels cannibales. Braithwaite est également en possession de cinq têtes réduites mais vivants à l’influence pernicieuse.

Ecrit de manière convaincante, FUREUR CANNIBALE dépasse son simple statut de « boucherie » quoique l’auteur ne se prive pas d’accumuler les passages vomitifs. Il parvient à lier l’ensemble des scènes choc avec talent, développe une enquête crédible et réussit, en peu de pages, à offrir une réelle caractérisation acceptable des différents protagonistes. L’édition originale comptant seulement 190 pages, on suppose que le bouquin n’eut pas trop à souffrir de sa réduction aux formats de la collection.

Au final, une jolie réussite, captivante, bien ficelée, originale et trouvant le juste équilibre entre une intrigue fantasico-horrifique bien menée et des scènes gore vomitives. Un incontournable de la collection.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Gore, #Horreur, #Roman de gare

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Publié le 4 Mars 2019

H.P. LOVECRAFT - CONTRE LE MONDE, CONTRE LA VIE de Michel Houellebeck

Dans cet essai court mais dense, Houellebeck donne son avis sur Lovecraft, un des rares créateurs d’un « mythe fondateur » moderne à l’image du SEIGNEUR DES ANNEAUX, de CONAN LE BARBARE ou de STAR WARS. Son analyse est précise, poussée, érudite mais très accessible et l’écrivain décortique l’œuvre de HPL en proposant de nombreux exemples tirés de ses « grands textes » mais aussi de récits plus mineurs, de nouvelles quasi autobiographiques (« lui ») et de sa nombreuse correspondance. Il évoque également les continuateurs du mythe avec une prose très agréable car, quoique l’on puisse penser de Houellebeck, le bougre sait façonner des textes de haute volée à la fois simples et impeccablement structurés. Si il  ne retient qu’une partie de l’œuvre foisonnante du reclus de Providence, Houellebeck reste objectif et explique, notamment, pourquoi le sexe et l’argent, si prisés des écrivains actuels, n’ont pas leur place chez HPL, gentleman d’un autre temps déjà suranné voici un siècle. Il ne cache pas non plus le racisme parfois délirant de Lovecraft ni sa fascination pour Hitler mais apporte des nuances en rappelant le contexte de l’époque, l’influence déterminante de sa désastreuse expérience new-yorkaise sur le vécu d’HPL, sa confrontation à la misère et son inadaptation sociale, ainsi que le côté réactionnaire quasiment naturel pour un Américain puritain du début du XXème siècle. Houellebeck souligne aussi les contradictions d’un personnage à la fois anti-sémique et marié à une Juive qui fut, sans doute, l’unique femme de sa vie. N’étant pas à une contradiction près, le terriblement misanthrope Lovecraft était pourtant d’une incroyable gentillesse envers ses amis et correspondait avec des dizaines de personnes. Une existence marquée par le malheur qui prouve que si HPL a raté sa vie (selon nos conceptions en tout cas) il a réussi son œuvre en obtenant un succès posthume jamais démenti.

Quelque part entre la biographie, l’analyse objective d’une œuvre et l’appréciation personnelle, Houellebeck signe un texte incontournable pour les admirateurs de l’écrivain de Providence devenu au fil du temps l’égal (si ce n’est plus) de Poe.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Horreur, #Lovecraft, #essai, #Biographie

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Publié le 1 Mars 2019

LE REGARD de Ken Liu

Après l’exceptionnel L’HOMME QUI MIT FIN A L’HISTOIRE, Ken Liu (chouchou des éditions Le Belial) revient dans la formidable collection « Une heure lumière » avec une novella de haute volée mélangeant polar cyberpunk et anticipation.

L’écrivain nous propose ici de découvrir une détective, Ruth Law, « améliorée et augmentée » par diverses technologies illégales qui accroissent ses capacités. Elle porte aussi un « régulateur », un gadget capable de gérer ses émotions et de lui assurer une neutralité complète lors de ses enquêtes. Le seul moyen pour Ruth de surmonter un drame personnel. Le « régulateur » ne peut, normalement, être utilisé qu’un temps limité par jour mais Ruth le laisse fonctionner en permanence afin d’anesthésier totalement ses émotions. Cela va lui être bien utile pour une nouvelle investigation : retrouver le meurtrier d’une prostituée asiatique énuclée par un serial killer mystérieux. Mais cela risque également de la détruire psychologiquement.

Avec cette longue nouvelle (ou court roman) situé à Boston dans un futur proche, Ken Liu s’inscrit dans la tradition des polars science-fictionnelles conjuguant une ambiance de films noirs à l’anticipation cyberpunk. A la manière du classique BLADE RUNNER ou des plus récents CARBONE MODIFIE et QUANTUUM, Ken Liu empreinte aux policiers « hard boiled » d’antan (Chandler, Spillane, etc.) une intrigue complexe (meurtre de prostituées par un tueur en série aux motivations apparaissant peu à peu) et l’infuse dans un univers à la fois futuriste et crédible. Sa principale innovation réside dans ce « régulateur » d’émotions portée par l’enquêtrice, forcément dépressive et marquée par un tragique événement personnel. Une manière d’apporter l’originalité de la SF cyberpunk à un récit sinon classique quoique très efficace.

Si l’auteur n’évite pas certains clichés, il démontre également sa capacité à ficeler une intrigue à la fois intelligente et divertissante auquel on pardonnera, par conséquent, l’une ou l’autre invraisemblance ou facilités. En alternant les points de vue de la détective « augmentée » et ceux du tueur en série, Ken Liu maintient l’intérêt au fil d’un récit enlevé qui, sous couvert d’une enquête classique, pose des questions sur le futur proche de l’humanité et ce fameux transhumanisme si cher aux auteurs cyberpunk.

Beaucoup moins ambitieux que L’HOMME QUI MIT FIN A L’HISTOIRE, ce REGARD n’en demeure pas moins un texte très plaisant qui confirme tout le bien que l’on pense de ce nouveau cador de la science-fiction.

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