roman court (novella)

Publié le 16 Mai 2020

LE MANOIR DES ROSES - L'EPOPEE FANTASTIQUE

Publié une première fois en 1978, voici une anthologie de la Fantasy qui trouva, originellement, sa place dans la fameuse collection du « Livre d’Or de la science-fiction », véritable mine de textes rares et de nouvelles primées à même de satisfaire tous les amateurs de récits courts.

Avec ce « best of » édité bien avant l’explosion commerciale de la Fantasy, nous retrouvons évidemment des histoires fondatrices comme celles de Lord Dunsany, Hannes Bok ou Clark Ashton Smith, sans oublier quelques poésies signées de Robert E. Howard, William Morris et Mervyn Peake.

Effectuons un bond avec le très plaisant et humoristique « Les 17 vierges », lauréat du Prix Jupiter, signé Jack Vance et consacré à son fameux anti-héros Cugel l’astucieux. On retrouve également l’inévitable Ursula K. LeGuin avec « La boite d’ombre » et, pour rester dans les plumes féminines, Tanith Lee avec « La trêve » et Andre Norton, bien plus célèbre aux USA qu’en Europe, avec « Le forgeur de rêves ».

En dépit d’une réputation pas toujours flatteuse, Lin Carter offre une nouvelle bien ficelée avec « Les dieux de Niom Parma » au sujet d’un dieu allant s’égarer chez les humains pour y vivre une existence simple.

Enfin, Thomas Burnett Swann, auteur de la réputée « Trilogie du Minotaure », clôt cette anthologie avec la novella qui lui donne son titre, « Le manoir des roses ». Avec un style riche et imagé, l’auteur nous propulse dans un Moyen-âge légèrement alternatif où rode la magie. Nous accompagnons ainsi deux adolescents, l’un fils de chatelain, l’autre manant, décidés à partir en croisade à Jérusalem et rencontrant sur leur chemin une jeune fille, Ruth, qu’ils assimilent à un ange puis soupçonnent d’être une Mandragore, créature magique prenant la place des humains. Le trio poursuit ensuite son voyage jusqu’au mystérieux manoir des roses habité par une étrange femme. Un court roman (environ 80 pages) réussi et original, aux personnages fort bien campés et à l’ambiance prenante et subtile, bref hautement recommandé !

LE MANOIR DES ROSES, en dépit du côté forcément inégal des textes choisis, offre un joli panorama de la Fantasy des origines aux années 70, avant la grande vague commerciale du genre. A l’heure où la plupart des écrivains ne conçoivent plus leurs récits que sous forme de trilogie de centaines de pages, se replonger dans ces nouvelles s’avère fort agréable.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantasy, #Golden Age, #Recueil de nouvelles, #Roman court (novella)

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Publié le 11 Mai 2020

24 VUES DU MONT FUJI, PAR HOKUSAI de Roger Zelazny

Lauréat du Hugo 86 dans la catégorie « roman court », voici un étrange récit de Zelazny, long d’environ 130 pages et dont les premiers chapitres se révèlent aussi mystérieux que le titre.

Mari, une femme dont le mari, Kit, est récemment décédé (ou non ?) effectue un pèlerinage au pied du mont Fuji pour observer le mont de 24 manières différentes, en reprenant les estampes réalisées par Hokusai. Au fil de son voyage divers phénomènes étranges surviennent.

Avec l’écriture atmosphérique et poétique coutumière à l’auteur (comme pouvait l’illustrer son cycle des PRINCES D’AMBRE), cette novella se divise en 24 chapitres, tous assez courts évidemment, qui débutent souvent par une description géographique du lieu où se trouve l’héroïne. Le style de l’auteur concourt grandement à la réussite d’un récit longtemps nébuleux (durant la moitié de la pagination le lecteur ne comprend guère ce qui se passe) et se montre une des plus grandes qualités d’un roman qui se permet quelques clins d’oeils à Lovecraft avant d’opter pour le cyberpunk. Publié aux débuts de ce courant, 24 VUES DU MONT FUJI, PAR HOKUSAI nous invite ainsi à une plongée dans un univers technologique, câblé, où se nichent les prémices des idées transhumanistes cultivées à la même époque par William Gibson et ses épigones.

En résumé, une jolie histoire qui, une fois passée les premiers chapitres obscurs et déstabilisants, pour ne pas dire un peu difficiles d’accès, devient progressivement plus limpide et convaincante grâce à une écriture travaillée et effective. A découvrir.

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Publié le 29 Avril 2020

LE VINGT-SIXIEME ROUND de Peter Lovesey

Deuxième enquête du sergent Cribb et deuxième roman pour Peter Lovesey, toujours dans la veine du policier historique « sportif ». Après les courses d’endurance de LA COURSE OU LA VIE, l’auteur nous emmène dans le milieu des pugilistes, autrement dit la boxe à poings nus. Notre détective, après avoir repêché un cadavre décapité bien bâti, se lance dans une enquête dans le cercle fermé des combats « sans gant », interdits depuis une vingtaine d’années en cette fin du XIXème siècle mais toujours prisés des amateurs qui n’hésitent pas à parier des fortunes sur ces lutteurs s’en prenant plein la gueule. Motivé par les dernières méthodes de la police française, Cribb envoie un de ses hommes, le champion de boxe Jago, en infiltration dans ce milieu étrange. Jago tombe sous la coupe et pratiquement sous le charme de l’organisatrice des combats clandestins qui se propose de le faire combattre contre un colosse noir surnommé l’Homme d’ébène.

Si le premier livre consacré à Cribb mélangé avec bonheur intrigue policière, whodunit, description des mœurs victoriennes et approfondissement d’un cercle sportif peu connu et dangereux, ce deuxième volet s’avère quelque peu différent. L’intrigue policière initiale sert surtout de prétexte à l’exploration de l’univers des combats à poings nus, ce qui reste intéressant bien que l’énigme soit reléguée à la portion congrue. A la page 125 (sur 156), Lovesey offre au lecteur un nouveau meurtre avec un petit whodunit classique mais franchement trop vite expédié pour convaincre, à croire qu’il s’agissait d’un passage obligé pour justifier ce qui demeure, essentiellement, un roman sur le sport (même illégal), avec également ses passages obligés comme ce match « truqué » devant rapporter un paquet d’argent à ses organisateurs.

Néanmoins, l’ensemble reste divertissant par son côté historique et ses aspects étonnants comme ces hordes d’amateurs de boxe illégale se rendant en masse à un combat clandestin pour assister à un interminable combat prévu en…26 rounds. Bref, un bouquin historico-sportif agréable mais un roman policier un brin décevant, à lire malgré tout pour les amateurs de Lovesey.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Historique, #Policier, #Roman court (novella)

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Publié le 20 Avril 2020

LES JARDINS DE L'OMBRE JAUNE d'Henri Vernes

Et une nouvelle aventure opposant Bob Morane à l’éternel méchant Mr Ming. Suite directe de LA CITE DE L’OMBRE JAUNE, ce récit en reprend les principaux ingrédients : l’Ombre Jaune veut dominer le monde (ou au moins San Francisco) et remplace quelques individus par des robots pour assurer la réussite de son plan. Forcément, Bob et Bill se mettent sur sa route.

Rien de particulier à signaler sinon que Bob et Bill se dopent aux stimulants (!) avant d’aller combattre leur ennemi, une bonne idée puisqu’ils sont ensuite drogués par les hommes de l’Ombre Jaune mais que leurs petites pilules précédemment ingérées leur permet de se réveiller rapidement. Sinon le roman suit la lignée des précédents volumes de cette vaste saga (entamée avec LES GUERRIERS DE L’OMBRE JAUNE puis LA CITE DE L’OMBRE JAUNE) en jouant ouvertement la carte science-fictionnel. Mr Ming utilise encore une fois des robots humanoïdes qui prennent la place de certaines personnalités, des petites « olives » métalliques confèrent divers pouvoirs à leur porteur et l’Ombre Jaune tente de s’emparer de San Francisco en utilisant un champ de force et Chinatown dissimule une cité souterraine secrète. Bill est davantage relégué au rand de faire-valoir (on pourrait parfois le rapprocher d’un Capitaine Haddock vu son penchant pour la bouteille) tandis que Bob parait plus adulte et déterminé, le ton se voulant plus sérieux et moins destiné aux seuls adolescents.

Pour sa 76ème aventure, Bob nous offre encore divertissement, aventure, action et science-fiction. Un cru plaisant quoique légèrement redondant si on a lu LES GUERRIERS DE L’OMBRE JAUNE et LA CITE DE L’OMBRE JAUNE peu avant.

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Publié le 17 Avril 2020

LA COURSE OU LA VIE de Peter Lovesey

Enseignant anglais, Peter Lovesey écrit ce premier roman pour un concours de livre policier, remportant d’ailleurs le premier prix. Il y invente un de ses personnages récurrents, le sergent Cribb, enquêteur à l’époque victorienne qui reviendra dans sept autres récits et sera adapté à la télévision britannique dans les années 80. Il écrira de nombreux autres « policiers » qui, tous, ressortent du whodunit traditionnel inspiré par le « golden age » du roman d’énigme. Lovesey va récolter, durant sa carrière, la quasi-totalité des distinctions « policières » : Silver Dagger (3 fois), Gold Dagger, Grand prix de littérature policière, Prix du roman d’aventures, etc. En 2018, il est intronisé Grand Master par la Mystery Writers of America.

LA COURSE OU LA VIE se déroule en 1879 dans le monde particuliers des courses d’endurances durant lesquelles les athlètes doivent courir durant six jours, quasiment jusqu’à l’épuisement, pour le plaisir des parieurs. On achève bien les chevaux, pourquoi pas les coureurs, se dit le sergent Cribb lorsque le favori meurt subitement. Accident ? Meurtre, évidemment. Le brave Cribb va dès lors enquêter dans le panier de crabes des coureurs professionnels, entre ringards rêvant de gloire, noble qui courent sur une piste réservée pour ne pas se mêler à la plèbe et, bien sûr, femme fatale délaissée par un sportif trop occupé à s’entrainer.

Le récit, très court (128 pages), égrène les six jours de la compétition pour multiplier fausses pistes, meurtres et faux semblants jusqu’à l’inévitable dénouement au cours duquel Cribb démasque le coupable. Bref, un whodunit de très bonne cuvée qui à le mérite de ne souffrir d’aucune longueurs et de se dérouler dans un milieu très particuliers (et authentique !), celui des courses d’endurance. Lancées dans années 1870 (avec des championnats du monde en 1879), les « courses de six jours » tombèrent en disgrâce dès 1890, remplacées par les courses cyclistes, avant qu’elles ne soient relancées un siècle plus tard. Un roman policier instructif, amusant et fort bien mené, avec un mystère solide, une très bonne entrée en matière pour Lovesey qui s’imposa rapidement comme un des maitres du whodunit.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Historique, #Policier, #Roman court (novella), #Whodunit

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Publié le 25 Mars 2020

LE GRAND DIEU PAN d'Arthur Machen

Arthur Machen n’est pas seulement l’inventeur des fameux « Anges de Mons », c’est aussi un grand spécialiste des croyances et mythes celtiques, très à l’aise avec le « Petit peuple », autrement dit les fées, lutins et autres farfadets… beaucoup plus inquiétants chez lui que dans nos contes de fées actuels.

Classique du fantastique ayant notamment beaucoup influencé Lovecraft, en particulier dans sa manière d’aborder l’horreur à la manière d’une enquête policière aux révélations successives, LE GRAND DIEU PAN est un court roman datant de 1890. A l’époque décrié par la critique (toujours clairvoyante n’est-ce pas), il s’est imposé depuis comme un incontournables de l’épouvante gothique et une date clé du genre à l’instar de DRACULA. Dans ce récit, il est question d’une jeune femme, Mary, devenue folle après avoir vu le dieu Pan, et qui va exercer son influence néfaste, à la manière d’une succube, sur différents gentlemen. N’en disons pas plus, le bouquin est court, se lit en deux heures, et mérite la découverte par le curieux !

D’une lecture aisée en dépit de tournures de phrases quelque peu archaïques, d’une construction typique de son époques et d’un vocabulaire légèrement suranné, LE GRAND DIEU PAN n’effraie plus mais garde intact son pouvoir de fascination. En une centaine de pages, Machen nous permet de découvrir le côté obscur du monde, ces régions où subsistent les pouvoirs antiques et les ancestrales divinités païennes. Ainsi que ces cultes encore rendus par des adeptes fervents à des entités ayant existés bien avant la chrétienté et continuant à exercer leur puissance sur le monde. Les Grands Anciens ne sont pas loin…

Une agréable lecture à découvrir impérativement pour les amateurs de fantastique classique. 

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Golden Age, #Horreur, #Lovecraft, #Roman court (novella)

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Publié le 3 Mars 2020

CERES ET VESTA de Greg Egan

Greg Egan a signé d’excellentes nouvelles de science-fiction tendance Hard Science reprises par exemple dans le recueil AXIOMATIQUE. La collection « Une heure lumière » nous propose ici un texte plus long, une novella (ou roman court, long d’une centaine de pages) au sujet de deux astéroïdes colonisés par l’Homme, Cérès et Vesta. Sur ce dernier se développe peu à peu une haine envers une des classes, les Sivadiers, descendants des colons n’ayant œuvré au bien-être commun « que » par des découvertes et du travail « intellectuel ». Un fait accepté depuis longtemps mais à présent remis en question par la classe gouvernante qui leur impose de payer un impôt de « privilégiés ».

On le devine, l’auteur jongle ici avec les questions de l’exclusion, d’autant que les Sivadiers sont immédiatement reconnaissables et que leurs efforts de résistance ont bientôt des conséquences dramatiques. La futilité de l’origine de la querelle illustre, avec un certain détachement mais aussi une pertinence très actuelle, les mécanismes sociaux et l’effet de meute, faisant immédiatement du roman une parabole assez transparente de l’antisémitisme.

Si le message est efficace et le monde futuriste bien pensé, Egan ne semble pas très à l’aise dans la construction de ses protagonistes, assez schématiques. Leurs actions ne sont pas toujours très crédibles non plus (en particulier pour le personnage de Camille) même si elles restent acceptables d’un point de vue dramatique (et relativement plausibles dans des situations de crise).

Le principal problème réside toutefois dans la construction du récit : celle-ci ne parait pas franchement claire de prime abord et le lecteur peut s’y sentir perdu. L’ensemble est même quelque peu confus avec les changements de point de vue, de lieu, d’époque, ou des concepts pas toujours abordables (du moins sur le moment) comme celui des « surfeurs ». Bref, on ne comprend véritablement les enjeux que durant les dernières pages, non pas en raison de la complexité des notions théoriques mais simplement par la faute d’une construction touffue (ou embrouillée diront les mauvasies langues).

Bref, on sent ici le potentiel d’un récit ambitieux mais peut-être pas complètement abouti. Egan semble assis entre deux chaises entre une nouvelle strictement « d’idées » comme l’auteur s’en est fait le chantre ou, au contraire, un roman plus touffu et creusé au niveau de ses personnages. Le format de la novella (pourtant souvent stimulant pour l’auteur de SF) parait donc, cette fois, inadapté. Trop court ou trop long, CERES ET VESTA se lit sans déplaisir ni véritable implication… Ce qui, pour un auteur d’un tel calibre, s’appelle une déception.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Hard Science, #Roman court (novella), #anticipation, #science-fiction

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Publié le 10 Février 2020

TERRE ERRANTE de Liu Cixin

Né en 1963, Liu Cixin est considéré comme une des étoiles montantes de la SF bien qu’il écrive depuis longtemps (son premier roman, CHINE 2185 est sorti en 1989 !). Révélé en occident par sa trilogie débutée par LE PROBLEME A TROIS CORPS (Prix Hugo 2015), poursuivie par LA FORET SOMBRE et terminée avec LA MORT IMMORTELLE (prix Locus), son œuvre antérieure se voit aujourd’hui redécouverte.

Bonne manière de se familiariser avec l’auteur, le roman court (environ 80 pages) TERRE ERRANTE mélange science-fiction apocalyptique et hard-science. L’expansion du soleil s’accélère, menaçant d’anéantir toutes les planètes du système solaire d’ici quatre siècles. Mais l’Humanité ne se résout pas à cette disparition programmée. Deux projets rivaux sont donc envisagés : emmener les Hommes explorer l’univers à bord d’arches stellaires ou transformer la Terre elle-même en vaisseau. Cette dernière option étant retenue il faut à présent mener à bien ce titanesque chantier afin d’envoyer la planète vers Proxima du Centaure au terme d’un voyage de deux mille ans.

L’auteur ne lésine pas sur les scènes spectaculaires et la démesure (rappelant certains romans d’Arthur C. Clarke) en nous montrant l’arrêt de la rotation terrestre, les brusques changements de température, les tsunamis aux vagues gigantesques, les torrents de magma qui détruisent les villes refuges souterraines, la traversée de la dévastatrice ceinture d’astéroïde,…Du véritable blockbuster littéraire où tout parait « bigger than life ». Liu Cixin envisage aussi (très – trop – brièvement) les changements psychologiques induits par la situation : la disparition des religions (peu crédible), la fin des passions amoureuses (on pourrait penser qu’elles seraient, au contraire, exacerbées), la crainte du Soleil, etc. La complète soumission populaire apparait (à nos yeux) comme très symptomatique du régime chinois et la situation parait, dans l’ensemble, acceptée. On peut penser que les comportements humains seraient beaucoup moins rationnels dans pareille situation, suscitant l’apparition de sectes bizarres et d’explosion de violence gratuite. En terme de psychologie apocalyptique on peut préférer l’excellent DERNIER MEURTRE AVANT LA FIN DU MONDE ou le très réussi et méconnu film « Seeking a friend for the end of the world ».

Toutefois, malgré ces bémols, TERRE ERRANTE reste une novella très efficace et réussie qui parvient, par un habile habillage hard-science (heureusement pas trop pesant) à crédibiliser une histoire qui parait totalement fantaisiste. Car, Liu Cixin, malgré des personnages sans émotion et un discours politique volontiers dictatorial, déverse en une centaine de pages un flot de « sense of wonder » rafraichissant qui convoque des images dantesques de planète s’arrachant à l’attraction solaire pour s’élancer dans l’espace. Vers l’infini et au-delà !

Adapté au cinéma en 2019, TERRE ERRANTE souffre de défauts évidents mais les compense par un véritable appel au merveilleux scientifique retrouvant, redisons le, la magie des Asimov, des Clarke et des autres enchanteurs de la SF. Et, au final, la balance penche largement vers le positif !

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Publié le 3 Février 2020

BINTI de Nnedi Okorafor

BINTI, une novella de science-fiction plutôt destinée aux jeunes adultes, fut lauréate des prestigieux prix Hugo et Nebula. L’autrice, d’origine Nigérienne, nous avertit qu’elle traite des « social issues” et notamment des “racial and gender inequality”. Elle s’est également fait connaitre pour son opposition à l’attribution d’un prix basé sur une représentation de Lovecraft (le World Fantasy) et sa demande pour qu’il soit remplacé par une autre statuette basée cette fois sur Octavia Butler. Du pain béni pour les « social justice warriors » et autres hystériques 2.0. Bref, en ouvrant BINTI, on commence à craindre le pensum politiquement correct si prisé des prix en science-fiction récents mais, au final, le court roman de Nnedi Okorafor s’avère plutôt plaisant.

Génie des mathématiques, Binti est la première femme issue du peuple Himba à accéder à l’université intergalactique Oomza Uni. A l’intérieur d’un vaisseau spatial, Binti fait connaissance des autres passagers. Malheureusement, le transporteur est arraisonné par une race extraterrestre, les Méduses, et toutes les personnes à bord sont massacrées, à l’exception de Binti elle-même. Binti se réfugie dans sa cabine puis commence à communiquer avec les Méduses par l’entremise de son « Edan », un artefact trouvé dans le désert.

Avec ce petit roman, Nnedi Okorafor s’éloigne radicalement de la hard-science actuellement en vogue pour un récit à l’ancienne, sorte de space-opéra confiné doublé du thème classique de la rencontre avec « l’autre ». Le tout additionné d’un parfum de « récit d’apprentissage ». La postface nous révèle que cette histoire a été inspirée à l’écrivaine par sa fille de 11 ans et dont l’univers ne semble ici qu’esquisser (on rencontre plusieurs ethnies, des objets bizarres comme les astrolables ou les Edan, le peuple extraterrestre des Méduses, etc.). Les prochains récits dans le même univers (BINTI 2 : HOME et BINTI : THE NIGHT MASQUERADE) développeront probablement une partie de ce vaste monde.

Sans être un chef d’œuvre (les deux récompenses récoltées laissent quand même songeurs et mettent probablement les attentes beaucoup trop haut), BINTI s’impose comme un court roman divertissant, de lecture aisée (y compris en anglais), marqué (mais sans excès) par les racines africaines de l’autrice, plein de bons sentiments et de naïveté mais quelque part agréable en ces temps de SF marquée par la sinistrose dystopique généralisée. Nous avons même droit à un happy end pacifique façon « tout le monde il est beau, tout le monde il est gentil, même ceux que l’on considérait comme des ennemis. Pas indispensable mais pas déplaisant.

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Publié le 30 Janvier 2020

LA BALLADE DE BLACK TOM de Victor LaValle

Victor LaValle, déjà plusieurs fois primé (Shirley Jackson, Locus), se voit ici pour la première fois traduit en français, l’engouement actuel démesuré pour Lovecraft ne devant pas y être étranger. L’auteur, afro-américain, dédie en effet son récit à HPL « avec mes sentiments contradictoires ». Son court roman constitue une sorte de relecture de « Horreur à Red Hook », un texte assez médiocre de Lovecraft dont on retient surtout le côté autobiographique (l’écrivain vivait dans ce quartier à l’époque) et le racisme quasiment délirant.

Victor LaValle va donc s’inspirer de cette nouvelle pour plonger son héros, un musicien raté de Harlem, Charles Thomas Tesser, surnommé Black Tom, dans l’univers des Grands Anciens. Nous sommes dans les années 20 et notre Black Tom égrène les quelques mêmes accords de guitare (les seuls qu’il connaisse) lorsqu’il croise la route d’un énergumène, le vieux Blanc Robert Suydam qui souhaite l’engager pour animer une soirée dans sa demeure…A partir de là tout dérape.

Le texte étant court, nous n’allons pas trop le détailler, ce qui enlèverait au lecteur le plaisir de la découverte. Il s’agit d’un mélange de chronique sociale sur l’entre-deux Guerres aux Etats-Unis, avec tous les problèmes d’argent qui se posent à la population (et en particulier aux Noirs), et de fantastique. Victor LaValle possède une écriture travaillée, précise et ciselée, et il l’utilise pour créer une ambiance effrayante tout en remettant la nouvelle originale de Lovecraft en perspective. Il dénonce la virulence attaque raciste lancée par Lovecraft sans charger inutilement la bête, refusant le simple pamphlet pour une approche plus subtile. Il reprend ainsi certaines idées de l’écrivain de Providence afin de s’en distancer ou de les démonter mais sans que cela transforme son roman en simple exercice. En effet, il use également à bon escient de la mythologie lovecraftienne pour offrir une intrigue réussie qui se tient parfaitement, proposant donc deux niveaux de lecture : une critique littéraire et une novella fantastique de qualité.

Dans la masse immense des pastiches « tentaculaires » sortis ces dernières années, LA BALLADE DE BLACK TOM constitue, à coup sûr, une belle réussite, un texte efficace et (relativement) original. Primé par le British Fantasy et le Prix Shirley Jackson, voici une découverte à faire pour les amateurs de HPL…et les autres. On aimerait à présent découvrir les romans de LaValle afin de vérifier qu’il sache tenir la distance sur le format long…Editeurs, à vous de jouer !

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Fantasy, #Horreur, #Lovecraft, #Roman court (novella)

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