roman court (novella)

Publié le 14 Septembre 2021

LE TEMPS FUT de Ian McDonald

La collection « Une Heure Lumière » nous propose un nouveau court roman fort réussi. Le thème est intrigant : un bouquiniste, Emmett Leigh, entre en possession d’un recueil de poésie intitulé « Le temps fut ». Celui-ci est accompagné d’une lettre d’amour datant de la Seconde Guerre Mondiale écrite par Tom à un certain Ben. Emmett va tenter d’identifier les deux soldats amoureux : il finit par les localiser à différentes périodes de l’Histoire. Aurait-il découvert des voyageurs temporels ?

Bien ficelé, LE TEMPS FUT n’est pas – loin de là – d’une originalité renversante. Le thème du quidam découvrant un « secret » en fouillant des archives s’avère classique, le déroulement également, tout comme les références obligées à la pop culture science-fictionnelle. Expérience militaire délirante (à la « Philadelphia Experiment », fait divers supposé authentique adapté en film dans les 80’s), conspirationnisme et ufologie à la « X-Files »,…Même le dénouement se montre relativement attendu et prévisible, une logique « en boucle » déjà adoptée par des récits antérieurs (par exemple le fameux « Vous les zombies » de Heinlein).

Pourtant, le bouquin fonctionne de belle manière car l’auteur possède une science consommée de l’intrigue avec suffisamment de rythme et de rebondissements pour maintenir l’intérêt du lecteur. Les personnages sont, eux, bien typés, et le mélange de romance gay et de science-fiction, l’alternance entre passages épistolaires et enquête menée par le héros, tout cela est fort réussi. Le roman ne se perd pas en route, l’auteur se limitant à moins de 150 pages, ne livrant donc pas toutes les clés ni toutes les explications mais brossant un tableau général, légèrement incomplet (ou du moins qui laisse dans l’ombre certains événements), afin de captiver le lecteur tout en lui laissant la possibilité de gamberger sur le récit proposé.

Une novella de qualité supplémentaire à l’actif de cette collection incontournable !

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Roman court (novella), #science-fiction, #LGBT

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Publié le 25 Août 2021

AMOK de Gilles Bergal

Gilles Bergal nous avait offert, chez Gore, CAMPING SAUVAGE et surtout l’excellent CAUCHEMAR A STATEN ISLAND : entre polar et horreur (et bien qu’écrit avant la sortie du long-métrage), il reprenais la thématique du très chouette film C.H.U.D.

Dans le même esprit, AMOK, initialement prévu chez Gore, se rapproche du cinéma de George A. Romero, influence assumée pour un récit qui rappelle « La nuit des fous vivants » et autre « Zombie ». D’autres films, plus axés séries B (comme « Nightmare at noon » ou « Impulse »), ont explorés un thème similaire : une contamination qui rend rapidement les habitants d’une petite ville fous furieux.

L’auteur, ici, ne perd pas de temps, sans doute contraint par la pagination restreinte exigée par la collection « Gore » à plonger directement dans l’action. Dès la première page ça saigne et ça charcle : le héros, immunisé contre la folie furieuse (l’amok du titre donc), est témoin d’une suite de carnage. En chemin, au fil des pages, il continue d’affronter des cinglés homicides, proches des zombies et prend une jeune femme sous son aile. La conclusion, ironique, verse dans le thriller parano et se permet un clin d’œil quelque peu prévisible mais agréable au final nihiliste de « la nuit des morts vivants ».

Premier « Gore » de l’auteur pour la collection, le roman, annoncé pour une prochaine parution en janvier 1988, ne parut finalement jamais. Juliette Raabe le souhaitait pourtant mais l’arrêt de la collection condamna AMOK a l’oubli pour quelques années.

AMOK frappe donc très fort dès son entame, au risque de ne pas maintenir par la suite (ce qui est sans doute inévitable) cette même énergie. Le bouquin n’en reste pas moins plaisant, avec ses nombreuses scènes d’action sanglante (sans le côté vomitif prisé dans le Gore français façon Necrorian), et cet hommage à George Romero mâtiné d’un peu de Stephen King, d’une bonne louche de Rambo et d’une pincée des romans de gare post-apocalyptique (style « Le survivant » et ces titres alléchants style ENFER CANNIBALE) se lit avec plaisir.

Court et rythmé, AMOK divertit plaisamment et c’est bien là l’essentiel quoique son intrigue soit plus simple et carrée que celle de CAUCHEMARS A STATEN ISLAND ou LA NUIT DES HOMMES LOUPS.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Gore, #Horreur, #Roman court (novella)

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Publié le 24 Août 2021

LE CADAVRE DU JEUNE HOMME DANS LES FLEURS ROUGES de Jêrome Leroy

Né à Rouen en 1964, Jêrome Leroy publie depuis la fin du XXème siècle. Un coup d’œil à sa bibliographie révèle, dès les titres, qu’il se spécialise dans le post-apo et la littérature apocalyptique reprenant les thèses de la collapsologie : UNE SI DOUCE APOCALYPSE, UN PEU TARD DANS LA SAISON, LE GRAND EFFONDREMENT, BIG SISTER, etc. Il se réfère à Dick, Orwell et Ballard et cette novella condense, en 112 pages, toutes les anticipations d’une dystopie du monde d’après l’effondrement.

L’intrigue, quelque peu prétexte, suit un universitaire parisien, spécialisé dans l’étude du roman noir du XXème siècle, décidé à retourner à Rouen pour une réunion « d’anciens ». En chemin il se remémore son grand amour de jeunesse et constate la dégradation de la société.

Car nous sommes dans un futur proche, sans doute au mitan du XXIème siècle, et les nations se sont effondrées, rassemblées en méga-Etats: tout est privatisé, sponsorisé (Université Tolbiac Toyota),…Le dérèglement climatique est complet : plus moyen de se baigner, plus de neiges en montagne, des températures de 45° en Ile de France. Costume protecteur et masques de rigueur : plus de couche d’ozone, épidémies à foison, pollution, etc. La société a été divisée une vingtaine d’années auparavant lors de la Séparation : d’un côté les nantis, les Inclus, de l’autre les exclus, les Outer, autrement dit les banlieusards. La guerilla, proche de la guerre civile, est perpétuelle. Heureusement, pour tenir le coup, les Inclus disposent de nombreuses drogues et médicaments légalisés, ce qui compense la montée du puritanisme, l’interdiction de l’alcool et le recours quasi exclusif au sexe virtuel plutôt que réel.

Si les thèmes ne sont pas nouveau dans la SF « annonciatrice du pire », LE CADAVRE DU JEUNE HOMME DANS LES FLEURS ROUGES reste une lecture prenante, rythmée par des flashs d’information catastrophistes, qui se termine de manière complètement désespérée et nihiliste. On évitera donc de lire cette novella les jours de déprime mais on la conseillera pour tous les autres jours, après avoir planqué les cordes, les lames de rasoirs et les tubes de somnifère.

Comme aurait pu le dire son héros fan de Ellroy et compagnie, noir c’est noir !

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Roman court (novella), #anticipation, #science-fiction

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Publié le 26 Juillet 2021

POUR QUI RICANENT LES HYENES de David Rome (Joël Houssin)

Le Scum revient ! Toujours piloté par Joel Houssin, dissimulé sous le pseudo de David Rome, l’équipe de mercenaires d’élite corvéables et sacrifiables à l’envi, véritables ancêtres déjantés des Expendables, s’en va chasser du Nazi à Abidjan. Et le lecteur ne peut que se désoler du temps qui passe, nous privant des meilleurs méchants que la littérature populaire puisse utiliser : les savants fous ayant survécus à la fin du Reich et souhaitant tuer la majorité de la population mondiale en lâchant un super virus hautement (et sexuellement) transmissible. D’où une histoire abracadabrante de putes infectées prêtes à contaminer la moitié de la planète que les agents du Scum (dans le désordre des tarés sadiques, des tortionnaires nymphos et des baroudeurs assoiffés de sang) vont venir dézinguer. Parce que le scum ne fait pas dans le détail et tant pis pour les dommages collatéraux, « ils viennent démolir, ils viennent détruire ». Mitrailleuses et lance-flammes gagnent le droit de s’exprimer, discuter vient ensuite. Ou jamais. ;

David Rome défouraille toujours de manière aussi énergique, pas vraiment de temps à perdre, l’intrigue doit être bouclée en 185 pages et il faut y caser des tortures, de la violence, des scènes de sexe,…Bref, les éléments nécessaires à un bon roman de gare des eighties, sauf que Rome / Houssin pousse le curseurs dans le rouge comme il avait pu le faire avec son DOBERMANN. Le bonhomme ne se refuse rien et l’ensemble, outrancier à souhait, acquiert au final un second degré réjouissant et, pour les plus pervers, un humour des plus noirs. Politiquement incorrect jusqu’au bout des ongles, le livre vomit ses « salopes », « nègres », « putes », à la chaine et ne se soucie aucunement de correction, de langage châtier ou de style littéraire relevé. Bref, comme les précédents opus, POUR QUI RICANENT LES HYENES aligne les poings dans la gueule, les balles dans la tête et les bites dans le cul. Ames sensibles, bobos et social justice imbéciles s’abstenir.  

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Aventures, #Erotique, #Polar, #Roman court (novella), #Roman de gare, #Thriller

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Publié le 19 Juillet 2021

SI CA SAIGNE de Stephen King

Stephen King se montre généreux. Au lieu de publier quatre courts romans, il les assemble dans un gros recueil à la manière de DIFFERENTES SAISONS. Voici donc un copieux bouquin (450 pages) qui alterne le meilleur et le…moins convaincant.

Dans la première nouvelle, « Le téléphone de Mr Harrigan », un jeune garçon fait la lecture à un vieil homme pas spécialement recommandable, en tout cas capable d’une grande rudesse envers ses ennemis. Celui-ci fait l’acquisition d’un Iphone et ne peut plus vraiment s’en détacher. Lorsqu’il meurt le garçon enterre Mr Harrigan avec son téléphone. Ce qui leur permet de reste en contact, le décédé accomplissant les souhaits de l’enfant. Si le début rappelle un peu « Un élève doué » pour cette amitié qui se noue entre un garçon et un vieillard, le récit dévie rapidement vers un récit de vengeance post mortem. Très classique mais bien mené, un peu à la manière des bandes dessinées TALES FROM THE CRYPT, voici du King en pilotage automatique mais qui assure le boulot. Et même très bien ! (4/5)

La seconde novella, LA VIE DE CHUCK, déstabilise. Elle débute par la présentation d’un monde apocalyptique dans lequel tout se détraque (Internet, l’électricité, etc.) tandis que des messages de remerciement à un mystérieux Chuck se multiplient. Chuck est décédé à 39 ans et avec lui le monde se dirige vers sa fin. Ensuite, nous remontons le temps à deux étapes de la vie de ce Chuck, d’abord âgé de près de 30 ans et emporté dans une danse improvisée par la rythmique d’un musicien de rue. Et ensuite, alors que Chuck à 7 ans et qu’il vient de perdre ses parents. L’intrigue est originale (surtout par sa chronologie inversée), avec un côté monde truqué que n’aurait pas renié Philip K. Dick. La morale (évidente) affirme que lorsqu’un homme meurt un univers entiers disparait. Efficace et mélancolique, bien écrite et prenante, du grand King, sans doute le récit le plus réussi de cette anthologie. (4/5)

SI CA SAIGNE aurait pu être publié de manière indépendante vu sa longueur (200 pages). De plus il s’agit de la suite de L’OUTSIDER, lui-même spin off de la trilogie Mr MERCEDES. King revient donc une cinquième fois sur ses personnages favoris de ces dernières années : Holly, Jérome, etc. Ce « long court roman » (hum) reprend, grosso modo, le schéma de L’OUTSIDER : après une explosion dans une école, Holly soupçonne quelque chose de louche et entame une (languissante) enquête. Pour elle, un nouvel « outsider » est responsable, une sorte de vampire psychique qui se nourrit de la souffrance. Le principal suspect ? Un présentateur télé opportunément présent sur les lieux de différentes catastrophes. Sauf que, lassé d’attendre que la prochaine se produise, il a décidé de passer à la vitesse supérieure et de les provoquer…Bon, c’est peut-être personnel mais j’avoue que cette énième resucée ne m’a pas vraiment convaincu. Après un début intriguant, le roman s’enlise dans une intrigue peu originale et guère passionnante. Trop étiré pour constituer une nouvelle prenante ou, au contraire, trop ramassé pour permettre de développer la mythologie des vampires psychiques, le tout a le cul entre deux chaises. Les admirateurs inconditionnels de Holly seront cependant heureux de la retrouver même si cette nouvelle enquête n’apporte pas grand-chose par rapport aux précédentes. Bof. (2/5)

La dernière nouvelle, RAT, peine également à convaincre, surtout que le King a déjà traité bien souvent du thème de l’écrivain confronté à la page blanche. Ici un auteur de nouvelles part s’isoler pour enfin réussir à boucler son grand roman (un western) qu’il n’a jamais réussi à écrire dans le train-train du quotidien. Coincé par une tempête, dans une ambiance désespérante (un petit côté SHINING), l’écrivain s’apprête à vivre un nouvel échec : le bouquin qui partait si bien s’enlise et échoue sur une voie de garage. Que faire ? Un rat viendra proposer à notre romancier en galère un pacte faustien pour accéder à la notoriété. Encore un récit typé « tales from the crypt » qui semble un peu trop en pilotage automatique et souffre du défaut habituel de l’auteur, à savoir un délayage parfois visible, d’autant qu’ici la fin laisse quelque peu dubitatif. (2,5/5)

Au final, un recueil dont le lecteur ressort quelque peu mitigé, les deux premières nouvelles, très réussies, compensant les faiblesses des deux suivantes. Bref, King ne surprend pas vraiment avec SI CA SAIGNE mais rassure néanmoins sur sa capacité à encore proposer des textes de qualité. Tous les récits sont d’ailleurs déjà promis à de futures adaptations, au cinéma ou à la télévision.

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Publié le 12 Juillet 2021

LE VILAIN PETIT CANARD (Les contes interdits) de Christian Boivin

La collection « les contes interdits » se fait remarquer chez les libraires depuis 3 ou 4 ans avec son principe simple : revisiter, façon trash, les contes de nos jeunes années, souvent surtout populaires via leurs adaptations Disney. La collection annonce la couleur : ce sera hard, glauque, réservé aux plus de 18 ans et toutes ces sortes de choses. Bon…découvrons.

LE VILAIN PETIT CANARD constitue une porte d’entrée comme une autre. Un conte pas très connu qui laisse beaucoup de liberté à l’écrivain. Va-t-on avoir droit à un canard mutant géant et cannibale ? Hélas, non ! L’auteur choisit de prendre comme vilain petit canard Clay, un geek basique, informaticien qui s’ennuie au boulot et attend le week-end pour jouer tranquille sur ses jeux vidéo. Notre asocial développe quand même un petit fantasme : sa voisine trop sexy qu’il n’ose pas aborder (évidemment). De toutes façons la belle est déjà en main et son mec aligne les superlatifs : musclé, beau, mystérieux, un peu étrange, ténébreux…Bref, notre canard n’a aucune chance. Cependant, Clay accepte une invitation à se rendre dans une boite goth S/M et là surprise…que devient-il ? Mais oui ! Un vampire ! Formidable, quelle originalité ! Surtout que la suite ne s’éloigne jamais des clichés attendus avec l’arrivée de chasseurs et le petit couplet « non les croix et l’eau bénite ne te font rien mais le pieu dans le cœur oui c’est du sérieux, vampire ou humain tout le monde en meurt ». Bref, LE VILAIN PETIT CANARD nous la joue bit-lit avec les quelques scènes chaudes attendues et les passages gore traditionnels. Pour justifier « l’interdit » le romancier y ajoute un peu de sadomasochisme, une golden shower et un brin de tortures. Pas grand-chose en somme, juste une manière de se différencier des innombrables histoires d’initiation érotico-vampiriques qui encombrent les librairies depuis qu’Anita Blake a débarqué dans les rayonnages.

Tout cela n’est donc pas passionnant mais a au moins le mérite d’être court (180 pages, c’est suffisant), quelque peu exotique (le bouquin vient du Canada et laisse libre cours au parlé du pays : ces party, ces chums, etc.) et référentiel (Iron Maiden, Mercyful Fate, A7X,…). Pas suffisant pour passionner tant l’intrigue semble prévisible et déjà lue et relue. Malgré une écriture passable, le tout s’apparente presque à une fan fiction et manque terriblement de maitrise et de professionnalisme. Un coup dans l’eau !

Une entrée en matière terriblement décevante et désespérément soft pour ce conte qui n’a, en définitive, pas grand-chose d’interdit. Bref, rien qui ne donne envie de poursuivre la série mais, par acquis de conscience, on fera quand même l’effort d’en lire deux ou trois autres avant de se forger une opinion.

 

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Horreur, #Roman court (novella)

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Publié le 6 Mai 2021

LES AGENTS DE DREAMLAND de Caitlin R. Kiernan

Après une nouvelle récemment publiée dans Bifrost et située dans le même univers (« Noirs vaisseaux apparus au sud du paradis »), Caitlin R. Kiernan propose un court roman (environ 120 pages) qui reste tout aussi déstabilisant. Nous sommes vraiment dans le « weird », cette forme particulière de l’imaginaire qui (sans entrer dans les définitions complexes ou les querelles de clocher) mélange science-fiction, enquête sous forme de thriller paranoïaque, fantastique, urban fantasy, horreur, références aux mythes, etc. Avec LES AGENTS DE DREAMLAND l’autrice offre une synthèse d’un siècle de « bizarrerie » allant, pour faire court, de Lovecraft à « X-Files ».

L’intrigue ne s’avère donc pas spécialement simple à aborder. C’est le moins que l’on puisse dire ! Alors disons simplement que nous nageons en plein thriller parano science-fictionnel déjanté. Nous avons deux agences de renseignements avec leurs agents secrets, le Signaleur et Immacolata Sexton, dépêchés pour enquêter sur des phénomènes étranges et notamment un cadavre mutilé découvert dans le désert. Une survivante à un massacre de secte annonce l’holocauste à venir et la fin de l’Humanité. Pendant ce temps, une sonde spatiale, New Horizons, voyage vers Pluton. Pour trouver quoi ?

Dans ce court roman, Caitlin R. Kiernan mêle la fiction et la « réalité » de belle manière, évoquant par exemple une adaptation d’Edgar Rice Burroughs par James Whale qui, bien sûr, n’existe pas. Cette démarche rappelle quelque peu l’intertextualité du steampunk lorsque les auteurs s’amusaient à provoquer des rencontres entre personnages ne s’étant, dans la véritable Histoire, jamais croisés. Beaucoup de thèmes science-fictionnelles sont donc revisités ou, parfois, simplement effleurés pour épaissir et opacifié encore davantage un récit décousu. L’intrigue brode ainsi autour des voyages dans le temps, du post apocalypse, des extra-terrestres, des entités cosmiques à la Lovecraft, etc. Les personnages principaux, pour leur part, restent flous et mystérieux, avec d’un côté un type revenu de tout (sauf de la bouteille) et de l’autre une sorte d’exploratrice temporelle. Enfin peut-être car, au final, le lecteur ne peut pas vraiment en être certain. D’ailleurs il ne peut être certain de rien. Les références culturelles et même la chronologie restent également peu clairs. Tout est opaque, comme si l’autrice avait volontairement sabré dans les passages explicatifs de son roman pour garder son caractère sybilin. Bien sûr, tout cela est voulu : le lecteur doit accepter d’errer dans le brouillard et ne pas obtenir toutes les pièces du puzzle, un peu comme si Fox Mulder devait résoudre L’APPEL DE CTHULHU mais que la série avait été annulée avant sa conclusion.

Tout comme « Noirs vaisseaux apparus au sud du paradis », cette novella provoque par conséquent des sentiments contradictoires qui peuvent aller de la fascination à l’irritation, pratiquement d’une page à une autre. Cependant, le positif l’emporte et la lecture des AGENTS DE DREAMLAND reste largement recommandable, le voyage, bien que ténébreux, étant fort agréable à condition d’être prêt à embarquer (pour Arkham aurait dit Robert Bloch !) pour un voyage n’ayant pas de réelle fin. Alors avouons-le c’est bien, voire très bien..mais on n’y comprends rien (ou du moins pas grand-chose). On salue donc la traduction de Mélanie Fazi qui a du galérer à transposer ce casse-tête.  

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Lovecraft, #Roman court (novella), #science-fiction

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Publié le 17 Mars 2021

LA SOLUTION FINALE de Michael Chabon

Etrange roman (court) qui se veut un hommage à Conan Doyle dont on retrouve le personnage le plus célèbre (mais qui ne sera jamais nommé !) pour une dernière enquête au sujet d’un perroquet disparu doté d’une mémoire prodigieuse. Des codes secrets qui pourraient changer le cours de l’histoire interviennent mais, en dépit du sous-titre « roman d’énigme », l’aspect policier semble anecdotique. Nous sommes au début de la Seconde Guerre Mondiale. L’été est chaud et un homme fort âgé, lisant un journal consacré aux abeilles, remarque un enfant qui porte un beau perroquet sur son épaule. Notre homme a « bâti sa réputation grâce à une brillante série d’extrapolations à partir d’improbables associations de faits ». L’enfant, Linus Steinman, est un Juif et son perroquet se nomme Bruno. Il vaut dans la famille Panicker, dans une sorte de pension où un certain Shane est assassiné mystérieusement. Peu après Bruno disparait…

Le livre, pas désagréable et même plutôt plaisant, manque néanmoins de « peps » : jamais nous ne retrouvons le côté surprenant des véritables énigmes de Sherlock Holmes. L’enquête, en réalité, passe définitivement à l’arrière-plan, elle s’avère quasiment accessoire, pour ne pas dire traitée par-dessus la jambe. En guise de clin d’œil au PROBLEME FINAL de Conan Doyle, Chabon délivre une SOLUTION FINALE forcément imprégné de la judaïcité qui transparait dans toutes ces œuvres, des plus réussies (LES EXTRAORDINAIRES AVENTURES DE KAVALIER & CLAY) à celles qui tombent des mains (LE CLUB DES POLICIERS YIDDISH pourtant récompensé par le Hugo, le Locus et le Nebula).

L’auteur effectue le choix d’un roman court (150 pages), format ayant donné de belles réussites mais qui, ici, parait inapproprié : le récit semble trop étiré pour une bonne nouvelle policière ou, au contraire, trop ramassé pour un roman développé tant de nombreuses questions demeurent sans réponses. Le final, d’ailleurs, laisse le lecteur un brin perplexe avec un côté « tout ça pour ça » légèrement frustrant.

LA SOLUTION FINALE s’annonçait comme un hommage à Sherlock Holmes plongé, en pleine retraite, dans une énigme liée à la Seconde Guerre Mondiale mais tout cela reste décidément au niveau des intentions tant ce petit livre manque de clarté et laisse dubitatif. Selon son humeur on peut donc le considérer come une demi-réussite (ou un demi-échec)…

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Historique, #Policier, #Roman court (novella), #Sherlock Holmes

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Publié le 21 Février 2021

SANCTIONS! de Talion

Sous le pseudonyme de Talion se dissimule (très peu) une personnalité bien connue du cinéma et de la littérature « bis » ayant débuté par le fanzine Videotopsie avant de livrer quelques livres de référence comme GORE AUTOPSIE D’UNE COLLECTION ou BRUNO MATTEI – ITINERAIRES BIS. Le bonhomme, que l’on sait férocement critique envers le climat de politiquement correct actuel et de « bien pensance » généralisé a donc tiré profit de son expérience personnelle dans le milieu scolaire (sur lequel il a, également, beaucoup de – mauvaises – choses à dire) pour livrer son premier récit de fiction. Nous suivons ainsi un couple d’enseignants totalement frappés qui ont décidé d’infliger quelques sévères sanctions à une poignée d’élèves récalcitrants et autres petites frappes de cité. Inutile de dire que le lecteur va se délecter à lire les tortures sexuelles innommables (mais pas indescriptibles puisque Talion ne nous épargne aucun détails) vécues par nos adolescents.

Premier bouquin de cette nouvelle collection Karnage (qui succède à Gore et aux plus confidentiels Maniac, Apocalypse ou encore Trash), il était logique de confier ce démarrage à un admirateur inconditionnel de « Gore » et Talion s’est permis toutes les outrances. Le romancier propose un roman pour adultes avertis, au contenu très explicite, qui mélange horreur, gore et pornographie. Il synthétise ainsi les différents sillons jadis labourés par les principaux pourvoyeurs français du gore : le côté sexe et sang (ou BLOOD SEX) de Charles Necrorian, l’aspect plus social véhiculé par Corsélien (on note une référence au chef d’œuvre de ce-dernier, LE BRUIT CRISSANT DU RASOIR SUR LES OS) et une touche d’humour noir rappelant les bouquins plus légers et référentiels d’Eric Vertueil (LES HORREURS DE SOPHIE, SANG FRAIS POUR LE TROYEN, etc.).

En 150 pages bien tassées, Talion dispense un véritable cauchemar de sang et multiplie les meurtres, les mutilations et autres supplices. Sans oublier une suite de scènes carrément pornos qui ne lésinent pas sur le sado-masochisme, l’urologie, la scatologie, etc. Bref, ça charcle, c’est parfois franchement dégueulasse (mais c’est voulu), c’est complètement extrême et traversé de quelques clins d’œil à divers « classiques » du cinéma bis italien (comme le signale un protagoniste on parle beaucoup d’holocauste et de cannibales) comme « Pulsions cannibales », « Holocauste Nazi », « Blue Holocaust », « Cannibal Holocaust », « Porno Holocaust », etc.

Avec ce titre, la collection Karnage débute très fort et on se demande comment les successeurs de Talion pourront faire mieux (ou pire). Pour les nostalgiques de la littérature « de gare » et « de gore » des années ’80, SANCTIONS ! fait figure d’incontournable. Par contre pour ceux qui pensent que l’horreur se limite à Stephen King ou l’érotisme à CINQUANTE NUANCES DE GREY, le choc risque d’être violent ! Un des bouquins les plus « jusqu’au boutiste » publié depuis longtemps, sorte de rencontre entre un AMERICAN PSYCHO et les 120 JOURS DE SODOME qui se déroulerait sur un lit souillé de merde, de foutre et de sang.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Erotique, #Gore, #Horreur, #Roman court (novella), #Karnage, #Splatterpunk

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Publié le 19 Février 2021

LES ENFANTS DU DIABLE de Don A. Seabury et Terence Corman

Troisième tome de la saga initiée par l’éditeur Media 1000 dans sa collection Apocalypse avec, derrière le pseudo collectif de Don A. Seabury et Terence Corman une poignée d’auteurs bien connus de l’imaginaire francophone : Michel Pagel, Michel Honaker et Richard D. Nolane en guise de réviseur pour ce troisième tome (et auteur complet du premier).

Sorti en septembre 1987, LES ENFANTS DU DIABLE se conforme à ce qu’on attend de cette collection populaire qui s’inspire à la fois des romans post-apocalyptiques pulp (comme la collection du SURVIVANT chez Gérard De Villiers) et du gore alors vendeur via la série dédiée chez Gore. L’intrigue n’innove pas vraiment et se contente de reprendre les aventures de Russ Norton, aventurier baroudeur n’ayant plus rien à perdre mais accomplissant des missions suicides dans le but de sauver son fils dont la maladie nécessite des soins couteux. Car l’humanité s’est effondrée, l’apocalypse a eu lieu et les régions dévastées sont, à présent, hantées par des sortes de mutants. Dans ce monde à la « Mad Max » la seule règle est la survie du plus apte et surtout du plus fort. Russ Norton, héros pur et dur qui rappelle un peu le Snake de « New York 1997 » se charge donc de rétablir un minimum de justice en affrontant sans relâche le terrible Terminateur.

Une pincée d’érotisme, beaucoup de violences sanglantes, quelques descriptions peu ragoutantes (arrachage de zigounette à coups de dents), un climat digne des meilleurs (ou des pires) films post-nuke italiens, entre « Les Nouveaux Barbares » et « Les Exterminateurs de l’an 3000 », LES ENFANTS DU DIABLE n’a pas de prétentions littéraires mais cherche simplement à divertir son lecteur pendant 2 ou 3 heures. Pari gagné pour ce bouquin plaisant et rondement mené.

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