recueil de nouvelles

Publié le 10 Avril 2019

UNE HISTOIRE DE LA SCIENCE FICTION TOME 5 de Jacques Sadoul

Dès l’introduction, Sadoul rappelle les espoirs déçus de la SF française qui, après une belle embolie avec les collections Fleuve Noir Anticipation et Le Rayon Fantastique, suivies par Ailleurs et demain et les magazines comme Fiction, semble ne plus intéresser le public au début des seventies. Il faut dire que la pseudo SF « écolo-gaucho anti-américaine » était passée par là et qu’excepté les sympathisants communistes (une espèce aujourd’hui heureusement en voie d’extinction), peu de lecteurs voulaient perdre leur temps à lire de telles inepties dans lesquels le message (camarades de tous pays unissez-vous !) passé toujours avant l’accessoire (intrigue, style, originalité,…) .

On débute par une histoire très plaisante et humoristique de Gérard Klein, « Civilisation 2190 » et on poursuit avec un texte « à chute » (un peu attendue) de Julia Verlanger, « Le mal de dieu ».  Michel Demuth avec « L’empereur, le servile et l’enfer » signe une nouvelle efficace également reprises dans LES ANNEES METALLIQUES. « Le bruit meurtrier d’un marteau piqueur » de Curval s’avère lui aussi intéressant, tout comme le très bizarre (et en fait très typique de l’auteur) « Funnyway » de Brussolo. On retrouve le Brussolo de ses débuts, lorsqu’il partait d’une idée visuelle déjantée pour l’exploiter jusqu’à l’absurde. Plaisant (davantage que certains de ses romans qui s’essoufflent sur la longueur).

On poursuit avec des textes efficaces de Dunnyach et Wintrebert, sans oublier le vétéran Michel Jeury qui signe l’excellent « Machine donne ». De son côté, Ayerdhal propose un très plaisant « Scintillements » en hommage à Pierre Bordage, lequel clôt ce recueil avec un « Tyho d’Ecce » écrit spécialement pour l’occasion (mais par la suite repris dans son recueil NOUVELLE VIE TM), un très réussi space opera anti militariste.  

Bref, si le recueil n’aligne pas les classiques comme pouvait le faire les quatre volumes consacrés à la SF américaine et que certaines omissions paraissent difficiles à expliquer (en particulier Andrevon), cette ultime livraison reste une addition indispensable pour les curieux.

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Publié le 5 Avril 2019

LE NOUVEAU MEMORIAL SHERLOCK HOLMES

Jacques Baudou, grand spécialiste de la paralittérature, proposa dans les années 80 quatre anthologies de nouvelles consacrées à Sherlock Holmes. LE NOUVEAU MEMORIAL SHERLOCK HOLMES, la deuxième de cette série, rassemble une dizaine de pastiches. « Celui que Jupiter veut perdre » invite les extraterrestres dans l’univers du limier de Baker Street pour expliquer comment le célèbre journaliste Isadora Persano devint fou devant une boite d’allumettes contenant un étrange vers inconnu des scientifiques. Le cas est évoqué dans le canon (dans « Le problème du pont de Thor ») et, depuis, plusieurs épigones de Conan Doyle on relevé le défi d’expliquer cette incroyable histoire. Celle proposée ici n’est pas très réussie mais la réponse expédiée au courrier des lecteurs de Galaxie à l’époque de sa publication (et reproduite ici) mérite le détour ! Isadora Persano revient dans « Le problème du Pont du sort, entre autres » attribué à PJ Farmer et qui tente d’expliquer comment Mr Phillimore est entré chez lui pour prendre son parapluie avant de disparaitre à jamais. On reste dubitatif.

Raffles, un gentleman cambrioleur proche de Lupin (il fut la principale inspiration pour Maurice Leblanc) et concurrent d’Holmes lui ravit la vedette dans un récit un peu laborieux qui, à nouveau, recourt aux extraterrestres pour expliquer les « trois échecs de Holmes ». Raffles fut d’ailleurs créé par le beau-frère d’Arthur Conan Doyle, Ernest William Hornung et on le retrouve dans « Raffles. L'énigme du bicorne de l'Amiral », où il est mis en échec par le docteur Watson et Conan Doyle lui-même. La nouvelle est plaisante, sans plus.

« L'aventure du ver extraordinaire » de Stuart Palmer, auteur bien connu de roman policier, nous permet de retrouver Isadora Persano (encore !) dans un récit assez alerte et divertissant, plus proche du « canon » que les élucubrations précédentes.

Ellery Queen tente, lui aussi, d’expliquer « La disparition de M. James Phillimore » dans une agréable pièce radiophonique (ici retranscrite) lorsque le fameux limier américain est confronté, au début des années ’40, à la disparition du petit fils de Phillimore. L’astuce utilisée semble évidente mais le tout est alerte, amusant et bien mené. Une réussite pour les infatigables cousins.

Arkadi Boukhov nous convie à assister à « La fin de Sherlock Holmes », le détective n’ayant plus aucun travail à accomplir puisque tous les criminels décident de se rendre d’eux-mêmes à la police. Une parodie jusqu’au boutiste du policier classique qui fonctionne agréablement, tout comme l’histoire d’Arthur Porges consacré à Stately Homes, pastiche évident de qui-vous-savez, héros de dix nouvelles dont seulement deux furent traduites en français.

Les « spéculations » sont des textes entre la nouvelle et l’article qui exposent des théories plus ou moins farfelues. Rex Stout, créateur de Nero Wolfe, imagine dès 1941 (soit trois quarts de siècle avant « Elementary ») que Watson ne peut être qu’une femme et il le prouve par diverses citations du Canon. L.W. Balley dans « L'énigme de l'énigme jamais mentionnée » fait de Sherlock la véritable identité de Jack l’Eventreur tandis que « le plus grand triomphe d'Adrian Mulliner » démontre que Sherlock et Moriarty ne faisaient qu’un. Enfin, « Mycroft Holmes. Un mystère élucidé » s’interroge sur l’identité du discret frère ainé qui était peut-être un ordinateur, une machine, Winston Churchill ou le chef des services secrets (comme Ian Flemming le rappellera via son « M »). Bref, des démonstrations farfelues, parfois amusantes, parfois un peu lourdes, qui intéresseront surtout les incollables du Canon.

Dans l’ensemble, LE NOUVEAU MEMORIAL SHERLOCK HOLMES offre un divertissement correct et rarement ennuyeux mais les nouvelles, certes sympathiques, s’avèrent souvent quelque peu décevantes et partent un peu dans tous les sens. Nous avons des hommages maitrisés, des délires plus ou moins déjantés qui fonctionnent plus ou moins bien, des pastiches, des hypothèses hardies, des clins d’œil (parfois très pointus) à destination des connaisseurs,…Au final le lecteur passe un bon moment mais reste quelque peu sur sa faim en dépit de l’une ou l’autre réussites incontestables. A réserver aux inconditionnels du limier de Baker Street.

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Publié le 1 Avril 2019

UNE HISTOIRE DE LA SCIENCE-FICTION, TOME 4 de Jacques Sadoul

Ce tome débute par un état des lieux de la science-fiction dans une époque en mutation, alors qu’elle ploie sous les assauts de la sci-fi (autrement dit la SF commerciale déclinant des licences comme « Star Trek » ou « Star Wars ») et d’une Fantasy facile inspirée par le jeu de rôle. Cependant Sadoul ne passe pas à côté des mouvements alors en vogue comme le cyberpunk et le steampunk. Le pape du cyber, William Gibson, illustre évidemment ce courant avec son classique « Gravé sur chrome » autrefois disponible dans le recueil du même titre. Autre grand auteur du cyberpunk, Bruce Sterling livre un « Maneki Neko » qui lui valut le Locus.

On débute donc avec « Gravé sur chrome » de Gibson qui reste un parfait témoignage du courant cyberpunk avec tous les ingrédients indispensables : affrontements de hacker dans le cyberspace, mur de glace protégeant les corporations des intrusions intempestives et trame générale inspirée par le polar hard boiled mais revisitée dans un cadre anticipatif et dystopique très sombre. Une excellente entrée en matière pour les novices tant « Gravé sur chrome » s’impose en véritable distillat de ce que fut le cyberpunk des années 80.

« Venise engloutie » de Kim Stanley Robinson est, de son côté, un très beau texte de science-fiction réaliste, typique de l’auteur, qui imagine ici les conséquences prévisibles de la montée des eaux et des bouleversements climatiques. L’auteur suit un guide conduisant, dans une Venise engloutie, deux touristes japonais aux allures de modernes pilleurs de tombe. Ce texte, que l’on a déjà pu lire dans l’anthologie UNIVERS 86 ou dans le recueil de Kim Stanley Robinson LA PLANETE SUR LA TABLE, reste un classique de haute volée et se relit toujours avec le même plaisir !

Après un court récit de Stephen Baxter, Connie Willis livre avec « Ado » une satire (de plus en plus plausible) des dérives induites par le politiquement correct, les féministes, les groupes de pression diverses et les tenants de l’écriture inclusive, ramenant une pièce de Shakespeare à une poignée de répliques anodines afin de ne froisser aucune sensibilité. Un texte encore plus crédible et prophétique qu’à l’époque de sa rédaction dans les années ’90. Belle  réussite là encore.

Le texte qui valut le Locus à Sterling était jusqu’ici uniquement disponible dans la revue Galaxie, il est donc intéressant de pouvoir le lire dans ce recueil, d’autant qu’il s’agit d’une belle réussite du cyberpunk. « Maneki neko » combine tous les éléments du genre (ambiance sombre, intrigue polar, influence de l’espionnage, fascination pour le Japon) et les innovations technologiques prophétiques (notamment le Secrétaire Numérique qui anticipe les applications de smartphone) en un ensemble harmonieux et accessible. Car l’anticipation proche du cyberpunk se rapproche chaque jour davantage de notre monde actuel qui, parfois, a même  dépassé les « élucubrations » de ces écrivains des années 80.

Enfin, « le styx coule à l’envers » signait l’entrée en littérature de Dan Simmons : une nouvelle traitant des zombies de manière originale et réussie, un beau coup d’essai !

Sadoul, une fois de plus, a eu le nez creux en sélectionnant quatre auteurs qui ne bénéficiait pas encore de la reconnaissance ultérieure dont ils jouissent aujourd’hui : Kim Stanley Robinson, Stephen Baxter, Connie Willis et Dan Simmons. L’ensemble, de grande qualité, constitue donc un nouveau recueil incontournable à prix dérisoire, comme les trois précédents. Incontournable.

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Publié le 29 Mars 2019

UNE HISTOIRE DE LA SCIENCE-FICTION TOME 3 de Jacques Sadoul

Ce tome 3 aborde une période charnière : la fin des magazines, la prise de pouvoir de l’édition de poche, la sortie de nombreux classiques (DUNE, ELRIC LE NECROMANCIEN), les tentatives de SF engagée, politique ou expérimentale (avec la new wave britannique), la domination du cinéma (de 2001 à « Rencontres du 3ème type » en passant par les phénomènes « Star Wars » et « Star Trek ») et l’arrivée de nouveaux auteurs décidés à ruer dans les brancards comme Ellison, Spinrad ou Dick, sans oublier le retour d’un courant appelé à devenir ultrapopulaire : la Fantasy.

Après une courte mais intéressante introduction dans laquelle Sadoul brosse un panorama de la foisonnante SF américaine et fustige les tentatives « nombrilistes et politiques » de l’infâme SF française engagée à gauche qui réussit seulement à « détourner les lecteurs », l’anthologie commence avec le célèbre « Lumière des jours enfouis » de Bob Shaw. Une très belle nouvelle poétique qui illustre bien les diverses voies empruntées alors par la SF et que Shaw développera dans LES YEUX DU TEMPS. L’auteur traite ici d’un « verre lent » qui capte la lumière pour plusieurs années et révèle ainsi des paysages depuis longtemps disparus.

Le trublion Harlan Ellison nous offre un de ses classiques, devenu difficile à trouve (précédemment publié dans un recueil de 1979) « La bête qui criait amour au cœur du monde », vainqueur du Hugo de la meilleure nouvelle. Pour ma part je reste souvent hermétique à Ellison et à son mélange de provocation, d’humour grinçant et de surréalisme science-fictionnel. Ce texte ne fait pas exception.

« La fourmi électrique » constitue une nouvelle typique de Philip K. Dick et traite donc de la question de l’humanité pour les « hommes électriques » (on pourrait aussi les nommer réplicants). Plaisant mais Dick reviendra fréquemment sur ce thème et fera mieux ensuite.

« Ceux qui partent d’Omelas » a été très souvent publié mais ce n’est que justice pour cet excellent texte d’Ursula K. Le Guin d’ailleurs récompensé par un Hugo, un récit symbolique, utopique et philosophique d’une grande richesse en moins de dix pages. Chapeau bas.

Autre récipiendaire d’un Hugo, Carolyn Cherryh et son « Cassandra », un court récit effectivement convaincant.

Norma Spinrad nous propose une nouvelle plus originale et quelque peu expérimentale, « L’Herbe du temps », au sujet d’une drogue qui abolit l’impression de chronologie linéaire du temps. Le narrateur devient donc un individu existant en continu dans un espace infini de 110 ans. Une excellente réussite, le deuxième chef d’œuvre de ce recueil après le récit de Le Guin.

Robert Silverberg, un des monuments de la science-fiction, livre un « Groupe » précédemment publié dans le recueil HISTOIRES DE SEXE FICTION, un récit correct sans être transcendant au sujet de partouzes futuristes connectées.

Enfin, Orson Scott Card termine ce recueil par un exceptionnel « Sonate sans accompagnement », une nouvelle d’une grande originalité servie par une belle écriture et qui mérite l’inclusion dans toutes les lites « best of » de la SF. Le troisième chef d’œuvre de ce recueil (qui ne compte que 128 pages!!!).

Voici donc une très belle sélection de nouvelles assorties de présentations pertinentes vendue à un prix dérisoire et qui ne compte pas moins de trois prix Hugo. Faudrait être fou pour s’en priver !

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Publié le 27 Mars 2019

UNE HISTOIRE DE LA SCIENCE-FICTION TOME 2: L'AGE D'OR de Jacques Sadoul

En 125 pages, Sadoul aborde une des plus belles périodes de la SF américaine, justement dénommée l’Age d’Or, qui vit éclore tous les grands maîtres du XXème siècle. Toutes les nouvelles proposées ont déjà été publiées à de nombreuses reprises mais les relire à la suite l’une de l’autre demeure un exercice indispensable tant on se trouve face à la crème de la crème.

Le recueil débute avec le « Bucolique » de Van Vogt, une histoire originale de forêt consciente et enchaine avec le très court et réussi « Qui a copié ? » de Jack Lewis, précédemment publiée dans l’anthologie de Sadoul consacrée à Startling Stories. Abernathy nous propose une ville hostile dans « Un homme contre la ville » et Charles Harness accouche d’une formidable histoire de paradoxe temporel et d’identité double dans l’exceptionnel « L’enfant en proie au temps » qui justifie à lui seul la lecture de ce recueil.

Avec « L’éclat du Phénix », Bradbury prépare les thématiques de son chef d’œuvre FARENHEIT 451 (la nouvelle est d’ailleurs incluse en bonus dans les récentes éditions de ce roman) et traite déjà de la censure

Le paranoïaque « Ces gens-là » annonce des films comme « Truman Show » ou « Dark City » et démontre tout le talent d’Heinlein qui épouse ici le point de vue d’un interné persuadé de vivre dans un monde factice.

Robert Sheckley comme toujours joue la carte de l’humour absurde avec la « clé laxienne » dans laquelle deux entrepreneurs pensent avoir trouvé la richesse grâce à une machine qui fabrique une sorte de poudre grise à partir de rien. Ne reste plus qu’à lui trouver une utilité.

Richard Matheson, en quatre pages, nous offre un « cycle de survie » avant un des énormes classiques de la SF, le fameux « L’étoile » d’Artur C. Clarke, texte résolument anti divin et très bien pensé qui valut à l’écrivain un Prix Hugo.

Autre belle réussite, « Escarmouche » de Simak traite du thème classique de la révolte des machines avec une grande originalité et beaucoup d’humour.

En parlant d’humour, Fredric Brown termine le recueil avec un de ses textes ultra-courts (une petite page et puis c’est tout !) : F.I.N.

Comme pour le premier volume des présentations pertinentes accompagnent les textes. Et, bien sûr, il est vain de regretter l’absence de tel ou tel auteur (que ce soit pour des raisons de droits ou de place on ne trouvera pas Asimov par exemple), l’important étant que tous les textes sélectionnés sont intéressants et oscillent même entre le « très bon » et le « chef d’œuvre ». Bref, incontournable pour l’amateur comme pour le néophyte.

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Publié le 22 Mars 2019

ELRIC A LA FIN DES TEMPS de Michael Moorcock

Comme bien des auteurs avant lui (cf. Asimov et ses robots fondateurs), Moorcock s’est laisse tenter par le crossover entre ses deux plus fameuses créations, Elric le Necromancien et la saga des Danseurs de la Fin des Temps. Notre empereur albinos atterrit donc dans un futur incroyablement lointain dans lequel s’ennuie des immortels blasés qu’il identifie aux Seigneurs du Chaos.

Rédigé en 1981 cette « ultime » (rire) aventure d’Elric s’avère très agréable mais nécessite une bonne connaissance des deux sagas précitées pour être pleinement appréciée. Longue nouvelle (ou roman court), ELRIC A LA FIN DES TEMPS constitue un divertissement amusé à l’humour très anglais : les immortels de la Fin des Temps s’amusent des combats du Loup Blanc, de son souci d’équilibrer la Loi et le Chaos mais, au final, le trouvent un peu raseur, comme tous les voyageurs temporels égocentriques. Moorcock se joue des clichés qu’il a lui-même contribué à établir et offre un récit alerte découpé en une suite de courts chapitres, le tout s’achevant par une pirouette ironique. Nous sommes clairement proche de l’auto-parodie et il est possible de rejeter le récit en le taxant de bouffonnerie mais, avec un peu d’ouverture d’esprit (et en sachant à quoi s’attendre), ELRIC A LA FIN DES TEMPS est plutôt une réussite. L’autre nouvelle, beaucoup plus courtes, consacrée à Elric, « Le dernier enchantement », se laisse lire sans déplaisir mais reste totalement dispensable. Le recueil est complété par une très courte nouvelle, « la chose dans la pierre » (pas lue) et un roman de jeunesse, écrit par un Moorcock adolescent, SOJAN, une fantasy qui annonce apparemment Elric et qui est également incluse dans le gros volume consacré au GUERRIER DE MARS. J’y reviendrais donc (ou pas) à ce moment mais les avis disponibles n’encouragent guère à franchir le pas.

En résumé, ELRIC A LA FIN DES TEMPS constitue un recueil composé en dépit du bon sens dans lequel on lira en priorité le court roman intitulé lui aussi « Elric a la fin des temps » qui en constitue l’élément essentiel (et, à n’en pas douter, l’argument de vente principal). Un texte plaisant (également disponible dans l’énorme omnibus consacré à Elric) qui ne justifie en rien cette édition fourre-tout aux limites de l’arnaque pure et simple.

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Publié le 18 Mars 2019

CHANSON POUR LYA de George R.R. Martin

Pour beaucoup, Martin fut découvert avec sa monumentale (ou interminable, rayez les mentions inutiles) saga du TRONE DE FER. Pourtant l’écrivain possédait déjà un solide métier avant d’aller s’égarer dans les terres de Westeros. Ce recueil de 1976, récompensé par un Nebula, le prouve avec neufs récits (dix pour la réédition qui y ajouter « Le run des étoiles ») de taille variable qui débute par le très réussi « Chanson pour Lya » d’ailleurs primé par le Hugo du meilleur roman court. En une petite centaine de pages, l’auteur illustre la rencontre de deux télépathes amoureux avec un culte religieux en apparence délirant qui pousse ses adeptes (soit la totalité des habitants d’une planète puisqu’ils sont tous croyants) à se laisser dévorer par un parasite afin d’atteindre la plénitude de l’Union. Une excellente novella…on peut même parler, osons le dire, de chef d’œuvre ! On la retrouve d’ailleurs régulièrement dans les listes des meilleurs récits de SF et c’est pleinement mérité.

Relativement classique dans leur thème et leur narration (Martin semble admirer les « grands anciens » de la SF et ne guère s’intéresser aux novateurs pressés de ruer dans les brancards), toutes ces nouvelles brillent par leur grande qualité de maitrise, leurs dialogues ciselés, la qualité des personnages brossés et leur efficacité indéniable qui ne néglige jamais une solide dose de « sense of wonder ».

« Au Matin tombe la brume » constitue d’ailleurs une bonne illustration de ce besoin de merveilleux. Sur une planète isolée des témoignages mentionnent l’existence de spectres hantant la brume. Un passionné y a même construit un hôtel aujourd’hui très prisé. Mais un scientifique débarque avec tous ses instruments afin de prouver leur inexistence. Ce très bon récit rappelle que, pour l’Humanité, le mystère et les questions posées sont bien souvent plus intéressantes que les réponses obtenues. « Il y a solitude et solitude » traite pour sa part d’un astronaute en exil. Loin de la terre depuis quatre ans, il attend l’arrivée imminente de son remplaçant. Ce texte étouffant se conclut par une chute bien amenée à l’efficacité redoutable.

« Pour une poignée de volutoines » s’avère lui aussi classique et relativement linéaire mais ne manque pas d’attrait pour autant. Le thème, lui, est original : des cadavres réanimés à la manière de marionnettes zombies pour effectuer des travaux répétitifs comme l’extraction d’un métal précieux sur une lointaine planète.

« Le héros », une des premières nouvelles publiées de Martin date d’un demi-siècle (elle fut écrite en 1969) mais en dépit de son classicisme et d’une chute prévisible, elle garde un intérêt certain pour les amateurs de science-fiction à l’ancienne.

« La sortie de San Breta » se situe dans un monde futuriste dans lequel les progrès des moyens de transports volants ont rendu les automobiles obsolètes. Seuls quelques fanatiques utilisent encore leur voiture. Sur une autoroute abandonnée et déserte, un de ces nostalgiques percute un étrange véhicule spectral. Ce conte fantastique revisite le thème de la « voiture fantôme » en le transposant dans un contexte science-fictionnel. Bien vu !

Autre récit mélangeant fantastique horrifique et science-fiction post-apocalyptique, « L’éclaireur » se révèle lui aussi réussi et très crédible dans son déroulement et ses dialogues.

La très courte « VSL » traite, elle, de la vitesse supra luminique et fonctionne sur une chute là aussi un peu attendue mais amusante. De par sa brièveté on passe un bon moment.

Plus réflexive, « Diaporama » s’articule sur une thématique et un questionnement revenant régulièrement lorsqu’on discute de conquête de l’espace : ne vaudrait-il pas mieux investir cet argent dans des causes jugées plus valables comme la lutte contre la famine ? Un astronaute mélancolique après avoir été renvoyé du programme d’exploration spatiale et un médecin s’affrontent sur ce sujet, le premier défendant le point de vue du rêveur les yeux rivés sur les étoiles.

Loin des auteurs « new wave » (ou « new world ») qui dynamitaient la science-fiction pour le meilleur (parfois) ou pour le pire (combien de textes pseudo originaux et expérimentaux aujourd’hui illisibles et plus datés que les pulps de l’âge d’or ?), Martin montrait dans ce recueil son attachement à une SF à l’ancienne, un mélange d’idées, de dépaysement et de sense of wonder qui l’inscrivait dans la tradition des écrivains néo-classiques. Avec trois réussites incontestables (les trois premières nouvelles), deux excellents textes (« La sortie de San Breta » et « Diaporama ») et quatre nouvelles moins marquantes mais tout à fait honorables, CHANSON POUR LYA mérite à coup sûr la découverte pour les admirateurs de l’écrivain ou ceux qui souhaitent aborder, par la bande, son imposante production pré-célébrité.

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Publié le 15 Mars 2019

UNE HISTOIRE DE LA SCIENCE-FICTION, TOME 1: LES PREMIERS MAITRES de Jacques Sadoul

Ecrivain de polars humoristiques (on recommande TROP DE DETECTIVES), éditeur, anthologiste (notamment l’indispensable série « les meilleurs récits »), essayiste (sa monumentale HISTOIRE DE LA SCIENCE-FICTION demeure une référence), Jacques Sadoul se livre ici à l’exercice délicat de parcourir l’histoire de la SF en s’attardant sur ses textes fondateurs. Mais au lieu de proposer « L’histoire de la SF », Sadoul offre plus modestement « Une histoire de la SF ». Dès lors inutile de pinailler en disant que tel auteur devrait y être ou que tel autre n’a pas sa place…de toutes façons les 8 nouvelles sélectionnées ici demeurent d’un intérêt certain, même un siècle après leur publication.

Le recueil s’ouvre sur un incontournable, « les êtres de l’abîme » d’Abraham Merritt, compromis entre les aventures mystérieuses à la Burrough, la fantasy et la weird fiction à la Lovecraft, un récit classique dans son déroulement (normal, il date de 1918) mais efficace, précédemment disponible dans LES MEILLEURS RECITS D’AMAZING et le recueil LA FEMME DU BOIS de Merritt.

On poursuit avec le très court et bien connu « Dagon » de Lovecraft, évidemment un indispensable et un des fondements du mythe de Cthulhu.

Gros morceau avec l’excellent « Les chiens de Tindalos » de Frank Belknap Long, un texte superbe fréquemment publiés (LES MEILLEURS RECITS DE WEIRD TALES, LEGENDES DU MYTHE DE CTHULHU, ŒUVRES DE LOVECRAFT) pour ce qui reste une des meilleures adjonctions au Mythe. Incontournable.

Robert E. Howard propose « Les miroirs de Tuzun Thune », une aventure contemplative (osons l’oxymore) du Roi Kull déjà éditée à de nombreuses reprises (LES MEILLEURS RECITS DE WEIRD TALES, KULL LE ROI BARBARE, etc.) mais que l’on (re)lira avec plaisir.

Beaucoup moins connu, Stanley Weinbaum livre une intéressante « Odyssée martienne » qui montre un « premier contact » avec une race extraterrestre totalement différente de l’Homme. Le récit avait déjà connu quelques publications (notamment dans HISTOIRES DE MONDES ETRANGES et LES MEILLEURS RECITS DE WONDER STORIES) et il a forcément été plus récemment repris dans l’intégrale des nouvelles de Weinbaum, L’ODYSSEE MARTIENNE. Toujours pertinent.

Autre auteur oublié, Harl Vincent nous présente « Le rodeur des terres incultes », une curiosité (déjà présente au sommaire des MEILLEURS RECITS D’ASTOUNDING) efficace et plaisante à lire qui a d’ailleurs plutôt bien vieilli. A découvrir.

« La mort d’Ilalotha » combine pour sa part fantasy historique et épouvante sous la plume inspirée de Clark Ashton Smith, un texte bien connu mais toujours d’une indéniable efficacité malgré le poids des ans.

Enfin, « Helen A’lliage » s’éloigne de la Fantasy et des Planet Stories pour un pur conte de science-fiction romantique d’une grande modernité en ces temps où l’on s’interroge sur l’intelligence artificielle et ses limites.

Avec ce petit recueil vendu à faible prix, Sadoul nous offre un joli panorama de l’Age d’Or, chaque nouvelle étant accompagnée d’une courte mais suffisante présentation. Un voyage chronologique que l’on poursuivra avec plaisir dans les trois prochains tomes de ce qui constitue une formidable anthologie de la SF du XXème siècle.

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Publié le 12 Mars 2019

LA COULEUR TOMBEE DU CIEL de Howard Philip Lovecraft

Ce petit recueil rassemble deux excellents textes de Lovecraft, « La couleur tombée du ciel » (également disponible dans le formidable recueil LE MYTHE DE CTHULHU chez J’ai Lu) et « La chose sur le seuil », trouvable pour sa part dans le non moins réussi LE CAUCHEMAR D’INNSMOUTH. Bien évidemment, les deux textes sont à présents inclus dans le monumental Omnibus consacré à l’écrivain mais pour les néophytes désireux de se familiariser avec Lovecraft sans se ruiner voici un investissement indispensable.

« La couleur tombée du ciel » figurait au sommaire du tout premier recueil publié en France sur Lovecraft, LA COULEUR TOMBEE DU CIEL, chez Présence du Futur (Denoel), en 1954. Le récit côtoyait « Celui qui chuchotait dans les ténèbres », « L’abomination de Dunwich » et « Le Cauchemar d’Innsmouth », peut-être les meilleurs textes de l’auteur et, en tout cas, les plus représentatifs.

Cette « couleur » est une météorite qui s’écrase à proximité de la ferme de Nahum Gardner, non loin d’Arkham. Un architecte de Boston venu étudier un projet de réservoir entend parler de cette histoire, qui se serait produite un demi-siècle auparavant, en 1880. Depuis la végétation est cendreuse et la lande est désolée.  Qu’est-il vraiment tombé du ciel ?

Publiée en septembre 1927 dans le célèbre pulp Amazing Stories, « La couleur tombée du ciel » provient de l’envie de Lovecraft de proposer des extraterrestres non humanoïdes et totalement étrangers à notre conception du monde, s’opposant ainsi aux tendances de l’époque en science-fiction.

Souvent considérée comme une des meilleures histoires de l’écrivain (elle était également sa favorite), « La couleur tombée du ciel » demeure un classique qui mélange, en moins de quarante pages, de manière parfaitement cohérente et effective le mystère, le fantastique, l’épouvante et la science-fiction. Une nouvelle majeure et un véritable incontournable qui aborde une fois de plus, mais de manière plus détournée, les thématiques au cœur du mythe de Cthulhu. Indispensable.

De son côté « Le monstre sur le seuil » (ou « la chose sur le seuil ») débute par une des meilleures entrées en matière imaginable pour un récit fantastique : « Il est vrai que j’ai logé six balles dans la tête de mon meilleur ami, et pourtant j’espère montrer par le présent récit que je ne suis pas son meurtrier.” Peut-on rêvé introduction plus percutante? Le récit, linéaire et classique, illustre une traditionnelle mais réussie histoire de possession avec un sorcier maléfique passant de corps en corps pour s’assurer de l’immortalité. Excellent!

Bref, deux textes indispensables et incontournables à lire et à relire !

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Publié le 25 Février 2019

LE MASQUE DE CTHULHU d'August Derleth d'après H.P. Lovecraft

Moins poétique, moins onirique que Lovecraft, le style de Derleth s’avère plus simple, plus direct, davantage dans l’esprit du « pulp » et ses récits sont également plus classiques, avec une construction traditionnelle terminée par une chute plus ou moins surprenante et horrible. Nous sommes vraiment dans le Weird Tales et les revues similaires, pour le pire et le meilleur (on se reportera d’ailleurs aux excellentes anthologies de Jacques Sadoul sur ces magazines mythiques de l’âge d’or). A vrai dire les histoires de Derleth se ressemblent toutes et il vaut mieux picorer dans les recueils que les lire d’une traite pour éviter l’indigestion. L’idéal est probablement de lire une ou deux nouvelles entre deux romans, en  guise d’aimable récréation. Car on y aligne les mêmes litanies de citations, les mêmes références à des tas de grimoires obscures, les mêmes déités qui cherchent à recouvrir leur pouvoir sur l’humanité. Ces passages se retrouvent, quasiment inchangés, d’une nouvelle à l’autre, donnant l’impression que Derleth tire à la ligne ou cherche à coller à Lovecraft mais sans apporter beaucoup de nouveauté au mythe. Pourtant ces récits s’avèrent dans l’ensemble agréables, ils sont rythmés, plus faciles d’accès que ceux du maître et recourent souvent au dialogue pour faire avancer les intrigues. Bref, « ça se lit bien », sans doute pas avec un enthousiasme excessif mais généralement sans ennui.

La première nouvelle, « Le retour d’Hastur », constitue un des ajouts d’August Derleth à la mythologie lovecraftienne. Précédemment mentionné par Ambrose Bierce, Robert Chambers et HPL lui-même, Hastur se voit défini ici comme le demi-frère et rival de Cthulhu. Ce long récit établit les bases du « révisionnisme » de Derleth, ce-dernier imaginant un panthéon de « dieux » qui s’affrontent pour la suprématie de la Terre. Il unifie ainsi « le mythe » et lui donne davantage de cohérence, notamment en « annexant » des textes provenant d’autres écrivains dans le but louable de lui conférer une portée plus universelle. Dans ses récits, Derleth fait également souvent référence à Lovecraft lui-même (soit nommément soit en parlant d’un « auteur de récits fantastiques »), considéré non pas comme un écrivain de l’imaginaire mais comme un initié ayant, dans ses nouvelles, décrit un monde réel dissimulé aux profanes. Si l’auteur s’oppose au matérialisme athée développé par Lovecraft, « Le retour d’Hastur » reste un récit très réussi et efficace, peut-être un des meilleurs de Derleth. Créature de l’air, Hastur, « celui qui ne peut être nommé », affronte le tentaculaire Cthulhu, monstre aquatique. La rébellion de ces divinités cosmiques a été transposée par la suite dans le christianisme sous la forme du récit de la révolte des anges à l’encontre de Dieu nous apprend également Derleth. Une autre constance de son « révisionnisme », nettement plus marqué par le christianisme.

Les quatre récits suivants (« Les engoulevents de la colline », « quelque chose en bois », « le pacte des Sandwin » et « La maison dans la vallée ») sont similaires : de plaisants récits fantastiques dans lesquels se multiplient les références aux événements évoqués par Lovecraft et les classiques cultes innommables perpétués par les adorateurs de Cthulhu. Relativement prévisibles et souffrant parfois de lenteurs consécutives aux trop nombreuses citations et clins d’œil plaqués sur les récits, ils n’en demeurent pas moins globalement plaisants.

Le dernier récit, « le sceau de R’lyeh » s’avère plus original tout en partant des prémices habituelles : un homme hérite de la maison de son oncle, lequel (refrain archi connu) s’intéresse aux créatures légendaires, possède une vaste bibliothèque « interdite » et se demande ce qui s’est réellement passé à Innsmouth en 1928. La construction se montre efficace et s’achemine vers une conclusion prévisible mais à la logique implacable. On soupçonne le récit d’avoir d’ailleurs grandement influencé l’excellent long-métrage « Dagon » de Stuart Gordon tant sa progression s’avère similaire et ce jusqu’à une conclusion identique.

Au final, Derleth ne démérite pas avec ce recueil qui satisfera les amateurs de Cthulhu. A l’époque certains ont fait la fine bouche mais devant tout ce qui a été publié comme âneries « inspirées par Lovecraft » les hommages respectueux ici rassemblés acquièrent une saveur nostalgique bien réelle.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Fantasy, #Golden Age, #Horreur, #Lovecraft, #Recueil de nouvelles

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