recueil de nouvelles

Publié le 9 Février 2020

SORCELEUR TOME 1: LE DERNIER VOEU d'Andrzej Sapkowski

Avec le premier volet de cette longue saga, le romancier polonais Andrzej Sapkowski retourne aux romans Fantasy des origines qui constituaient en réalité des « fix-up » de nouvelles comme le cycle des Epées, ou les aventures d’Elric et Conan. Autrement dit, un héros récurrent, Geralt de Riv, vit plusieurs aventures qui s’apparentent un peu aux rencontres avec le “monstre de la semaine”. Car Sapkowski a débuté son Grand Œuvre en 1986 en proposant pour un concours la nouvelle « Le sorceleur » suivi de trois autres textes réunis dans un premier recueil, « Le Sorceleur ». Quelques années plus tard le volume est remanié pour devenir LE DERNIER VŒU édité par Bragelonne au début des années 2000.

La suite, on la connait (ou pas) : un film polonais en 2001, une série télévisée l’année suivante, une adaptation prestigieuse et multi récompensée sous forme de jeu vidéo en 2007, des bandes dessinées, d’autres recueils de nouvelles, cinq romans, un prix David Gemmel, un Grand Master Award de la Fantasy et, en 2019, une très attendue série télévisée sur Netflix. Ce qu’on appelle un univers en expansion…

Ce premier tome (déjà réédité une dizaine de fois depuis 2003), classique et plaisant, nous permet de découvrir le Sorceleur Geralt de Riv, sorte d’exorciste de choc chargé de tuer les monstres qui infestent un monde médiéval fantastique fortement inspiré par les contes de fées. Le personnage est intéressant mais encore peu travaillé, une sorte de croisement entre Conan et Elric (tant physiquement qu’au niveau du caractère quoiqu’il penche plus nettement vers le « barbare » de Howard, ce-dernier étant, on le rappelle, moins monolithique que l’affirme ses détracteurs). Son but : nettoyer la vermine qui infeste le monde, comme un justicier issu d’un western, et il accomplit sa tâche efficacement quoiqu’il soit lui-même un « mutant ».

Le style littéraire, pour sa part, s’avère simple et efficace, proche d’un Gemmell parfois, notamment par les petites touches « philosophiques » (avec de gros guillemets) que l’auteur distille dans ces aventures (mais sans égaler Gemmell justement). La plus intéressante, à ce niveau, reste sans doute « Le moindre mal » qui, comme le titre l’indique, oblige le Sorceleur à effectuer un choix entre deux solutions, toutes deux mauvaises…laquelle représentera donc un moindre mal ? « Le bout du monde » traite, lui, de la fin de l’âge des Elfes et de l’imposition progressive (et non sans douleur façon guerres indiennes et Far West) de l’âge des Hommes. « Le dernier vœu » constitue un autre récit réussi qui s’empare de la légende du génie dans la lampe pour confronter Geralt et une magicienne à un djinn redoutable.

Les intrigues sont donc simples mais plaisantes, transposant généralement des contes de fées bien connus comme « La belle et la bête », « Blanche Neige et les 7 nains » ou « Aladdin » dans des versions subtilement tordues peuplées de vampires et autres créatures maléfiques, la belle étant souvent plus cruelle que la bête.

L’important étant surtout de garder un rythme soutenu pour ne pas ennuyer le lecteur, lequel pourra grappiller à loisir dans ces différentes nouvelles. L’humour est bien présent et chaque petit récit (faisant entre 30 et 60 pages) parvient à divertir en rappelant les « vieux » récits de Fantasy dans lesquels un personnage vivait d’innombrables aventures en étant souvent témoin (et parfois acteur) des grands bouleversements de son temps. L’histoire de liaison, de son côté, n’a qu’un intérêt limité, une sorte de liant pas franchement passionnant qui cherche surtout à transformer un recueil de nouvelles (commercialement moins vendeur) en roman.

On ne criera pas au génie mais ce premier volet d’une saga devenue légendaire reste une plaisante Fantasy à réviser avant d’en visionner la (finalement décevante) transposition à l’écran. Ce premier tome est, en tout cas, suffisamment plaisant pour donner envie d’en découvrir la suite.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Aventures, #Cinéma, #Fantasy, #Recueil de nouvelles

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Publié le 28 Janvier 2020

LA CHUTE DE GONDOLIN de J.R.R. Tolkien et Christopher Tolkien

Dernier des Trois Grands Contes du Premier Age de la Terre du Milieu, LA CHUTE DE GONDOLIN constitue également l’ultime « grand travail d’exhumation » entrepris par Christopher Tolkien. Une entreprise titanesque débutée à l’orée des seventies, à la mort de J.R.R. Tolkien. Dans la préface, Christopher Tolkien prévient que ce sera également son dernier livre : publié en aout 2018 puis traduit en avril 2019 peu avant le décès de Christopher à l’âge respectable de 95 ans, le 16 janvier 2020.

Au commencement était donc le SILMARILLION, vaste entreprise laissée inachevée par J.R.R. Tolkien mais terminée et publiée par Christopher Tolkien aidé de l’écrivain de fantasy Guy Gavriel Kay. Des versions plus complètes des histoires proposées figureront ensuite dans divers recueils comme LE LIVRE DES CONTES PERDUS ou la monumentale HISTOIRE DE LA TERRE DU MILIEU.

Cependant, cette version de LA CHUTE DE GONDOLIN se veut la plus complète. Elle repart du texte originel de J.R.R. Tolkien rédigé durant la Guerre des Tranchées, en 1916. Elle retrace la chute de la grande cité elfique de Gondolin, détruite par les troupes de Melkor (ensuite rebaptisé Morgoth), notamment composées de dragons et de Balrogs. On croise durant le siège des personnages connus des fans comme Galdor, Glorfindel (qui périt sous les coups d’un Balrog) et Legolas avant de suivre la destinée des survivants de cette attaque.

L’édition de 2018 reprend ce texte de 1917 (qui constitue un court roman complet issu du LIVRE DES CONTES PERDUS), diverses versions condensées et une « version finale » du début des années ’50 laissée inachevée (dans laquelle nous n’assistons pas à la Chute de Gondolin elle-même). Outre l’intrigue principale, certes difficile d’accès mais instructive (et réservée aux fans complétistes de la Terre du Milieu vu la profusion de termes proposés…heureusement un lexique figure à la fin de l’ouvrage), le livre propose de nombreuses notes qui détaillent l’évolution de cette histoire, considérée comme le fondement de l’univers fictionnel de Tolkien et sur laquelle l’écrivain est revenu durant 35 ans. Sans jamais aboutir à une histoire réellement achevée comme s’en lamente d’ailleurs Christopher.

Avec les différents remaniements, l’histoire mis plus de cent ans à parvenir à sa (relative) maturation, depuis le conte initial de 1917 jusque cette édition ultime de 2018. Un travail d’archéologie littéraire impressionnant et, comme certains bonus plus intéressants que le film qu’ils accompagnent, les notes de Christopher Tolkien sur le travail de création paternel s’avèrent souvent plus passionnantes que le conte proprement dit. Ce-dernier constitue cependant une incontournable source de renseignements pour les fans du SEIGNEUR DES ANNEAUX et pouvoir lire les différentes versions du texte à la suite s’avère très enrichissant, le lecteur pourrait craindre la redondance, voir l’ennui mais, au contraire, il se plonge de plus en plus profondément dans cette forteresse elfique assiégée par Morgoth et apprend à mieux connaitre les intervenants. Quoiqu’il n’existe pas de version définitive, les différents textes brossent finalement un ensemble cohérent et globalement achevé de ce récit.

Bien sûr, LA CHUTE DE GONDOLIN n’est pas un livre « pour tout le monde », nous sommes loin de la Fantasy « easy reading » ou d’une fresque épique comme LE SEIGNEUR DES ANNEAUX, c’est un conte, une légende des temps oubliés de la Terre du Milieu surtout destiné aux convaincus et aux amateurs de Tolkien qui pourront tout lire (c’est conseillé) ou picorer dans les textes et autres notes éclairantes. Les moins acharnés, par contre, se tourneront plus volontiers vers LE HOBBIT ou LE SILMARILLION pour s’initier aux Terres du Milieu.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Essai, #Fantasy, #Recueil de nouvelles

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Publié le 24 Janvier 2020

CALLING CTHULHU - ANTHOLOGIE VOLUME I

Cette anthologie forcément lovecraftienne démarre par un texte de Thomas Lecomte, « la toile », dont l’idée n’est pas mauvaise mais qui souffre d’un certain amateurisme. Bref, pas la meilleure façon d’entamer un recueil de nouvelles…On craint le syndrome de la fan fiction tentaculaire vite torchée et du recueil de nouvelles avec du poulpe gluant à toutes les pages (et il en existe beaucoup)…Heureusement la suite s’avère nettement plus intéressante.

« Le trou » de Jean-Jacques Jouannais constitue ainsi un bel exercice de fantastique insidieux sur un thème classique : un « trou » dans le sol à l’influence maléfique, thème abordé notamment dans le roman BRECHE VERS L’ENFER de Kate Koja…mais la nouvelle de Jouannais se montre, en une trentaine de pages, plus réussie que l’interminable bouquin de Koja.

Suivent deux textes plus courts sympathiques sans être transcendants (« portraits macabres » et « Shiloh ») puis le très réussi « L’affaire Philippe Lardamour » de Fabien Lyraud, certes classique mais rondement mené et qui se lit avec plaisir.

On repart pour deux nouvelles courtes, encore une fois classiques mais correctes (« Visite guidée de R’lyeh » et « les masques de Kahnuggah ») avant un excellent « Tibériade » de Nicolas Page au sujet d’un archéologue israélien parti plonger dans les eaux du lac Tibériade en 2013…et qui y retrouve son ancienne petite amie qui l’a quitté trois ans plus tôt pour explorer le Crater Lake…Sans doute le texte le plus maitrisé et réussi de cette anthologie, un mélange de mystère vertigineux et de fantastique cosmique du meilleur tonneau.

La suite reste de haut niveau avec un original « Cthulhu le déchu » qui apporte un peu de fraicheur au mythe et les très efficace et gentiment déjanté « La bonne étoile » de Mathieu Dugas dans lequel trois cambrioleurs bras cassés supporter du FC Lens s’introduisent dans une demeure pour y dérober un artefact magique.

Sans être incontournable, CALLING CTHULHU s’avère une anthologie d’un bon niveau général qui saura contenter les inconditionnels de l’univers lovecraftien.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Horreur, #Lovecraft, #Recueil de nouvelles

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Publié le 2 Janvier 2020

CHRONIQUES DU PETIT PEUPLE d'Arthur Machen

Arthur Machen (1863-1947) était un écrivain loué par Lovecraft et ce-dernier s’inspira largement de ses techniques narratives pour ses propres nouvelles consacrées à Cthulhu. Aujourd’hui, Machen s’avère hélas quelque peu oublié quoique LE GRAND DIEU PAN reste un classique souvent réédité. Machen écrivit aussi l’histoire « The Bowmen » à l’origine de la célèbre légende des Anges de Mons, une fiction considérée à présent, par beaucoup, comme un fait historique. Un glissement du mythe à la réalité qui lui inspire le très plaisant « Sortis de terre » et ses étranges rumeurs.

Ses CHRONIQUES DU PETIT PEUPLE permettent de découvrir et surtout d’approfondir son œuvre. Ces contes, fantastiques et teintés d’une épouvante subtile, bénéficient d’une écriture fine et ciselée, très moderne finalement, sans les lourdeurs qu’a pu avoir Lovecraft justement. A la lecture de « L’Histoire du cachet noir » et « la pyramide de feu », on comprend rapidement l’influence qu’a pu avoir Machen sur le père de Cthulhu. Dans les deux cas nous assistons à la mise en place progressive d’un véritable puzzle dans lequel chaque pièce s’imbrique pour former un tableau effrayant invitant le lecteur à prendre conscience de l’influence du Petit Peuple. Laquelle transparait aussi dans « La main rouge » et l’angoissant « Substitution » au sujet des Changelins.

Car chez Machen, les fées et leurs semblables (lutins, elfes et autres) sont loin des bienveillantes créatures habituellement croisés dans la Fantasy et les régions d’Angleterre où elles se cachent (mais l’imprudent peut les découvrir, généralement en empruntant un sentier arboré) recèlent bien des dangers. Les jeunes filles disparaissent, les petites filles sont inconscientes du Mal tapi dans les forêts et les bébés sont remplacés dans leur berceau par d’horribles métamorphes…Les nouvelles, quoiqu’indépendantes, se ressemblent par leur construction et leur thème, à savoir la survivance, dans les campagnes anglaises, de créatures légendaires et maléfiques et toutes aboutissent, à la manière d’un puzzle, à l’acceptation, par le lecteur, de la réalité de ces mythes britanniques ancestraux. Encore une fois la comparaison avec Lovecraft se montre pertinente…chez l’un le Petit Peuple, chez l’autre les Grands Anciens mais, dans les deux cas, l’existence d’un monde horrifique et dangereux caché aux yeux des hommes de notre temps et dont la découverte les plonge dans l’épouvante voire dans la folie.

Avec son écriture parfaitement maitrisée et son art du récit ponctué de réflexions quasiment philosophiques sur le sens du Mal (comme en témoigne le long dialogue ouvrant « Le peuple blanc ») voici un incontournable du fantastique à l’ancienne…toujours pertinent après plus d’un siècle ! Une belle découverte.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Fantasy, #Horreur, #Golden Age, #Recueil de nouvelles

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Publié le 1 Janvier 2020

LE CHANT DU BARDE de Poul Anderson

Ce recueil paru au Belial en 2010 (puis réédité au Livre de Poche deux ans plus tard) rassemble neufs récits non inédits (mais souvent remaniés et retraduits) qui composent un véritable « best of » science-fictionnel de Poul Anderson, notamment inventeur de la célèbre Patrouille du temps. Des récits souvent primés, voire multiprimés et qui sont, pour la plupart, relativement longs pour des nouvelles jusqu’à atteindre ce que les Américains désignent comme des romans courts ou des novellas. Anderson fut d’ailleurs récompensé à sept reprises par un Hugo (six des titres récompensés sont inclus dans ce recueil) et trois fois par le Nebula, sans oublier un Locus. Lauréat de ce triplé parfait « La reine de l’air et des ténèbres » est évidement reprise ici et constitue peut-être le chef d’œuvre de son auteur.

L’anthologie débute avec « Sam Hall » dans lequel un employé modèle du système informatique d’un univers futuriste totalitaire introduit, presque par jeu, un bug dans la machine en créant de toutes pièces un révolutionnaire mystérieux nommé Sam Hall. Un nom puisé dans une vieille chanson populaire  anglaise. A force manipulations, Sam Hall acquiert une sorte de pseudo-existence : tous les crimes sont imputés à ce criminel insaisissable et les membres d’un réseau de résistance clandestin se l’approprient pour signer leurs méfaits. Quoique la technologie ait évolué, la nouvelle qui date de 1953 (et fait écho à la Guerre de Corée et au Maccarthysme) reste étonnamment moderne plus de soixante ans après sa rédaction et son sujet (manipulations gouvernementales, falsification de l’information, oubli numérique, etc.) demeure toujours d’actualité. Un classique de la dystopie.

Le court roman « Jupiter et les centaures », précédemment publié dans la collection « Etoile Double» aux côtés d’une novella de Sheckley  décrit la manière d’explorer Jupiter en utilisant des avatars (la référence à un « classique » récent de la SF cinématographique n’est point innocente tant les intrigues sont similaires).

« Long cours » valu à son auteur un de ses nombreux prix Hugo: un récit d’exploration maritime dans un monde dans lequel on se souvient encore, mais à peine, de la Terre, planète-mère. Le capitaine d’un navire découvre un astronef en partance menaçant, par sa seule existence, le futur de ce monde. Comment réagir ? De la SF intelligente et efficace.

Autre gros morceau, « Pas de trêve avec les rois », obtient lui aussi le Hugo : cette longue nouvelle (90 pages) précédemment publiée en français dans l’anthologie HISTOIRES DE GUERRES FUTURES raconte un affrontement entre deux camps, façon Guerre de Sécession, dont l’un bénéficie d’un appui extraterrestre.

Récit de vengeance très efficace tempéré par la découverte des rites étranges d’une planète étrangère (dont du cannibalisme rituel), l’excellent « le partage de la chair » n’a pas volé son prix Hugo et demeure un des meilleurs récits d’Anderson.

Mi sérieux, mi humoristique, en tout cas toujours sarcastique (pour ne pas dire grinçant), « Destins en chaîne » projette son héros, Bailey, dans une série de réalités alternatives dans lesquelles il se débat jusqu’à la mort. Dans l’un de ces univers parallèle, la simple expression artistique peut vous conduire en prison, dans un autre l’Etat a consacré les inadaptés de tous poils au point qu’ils peuvent revendiquer ce statut et vivre une existence oisive. Mais les simulateurs se multiplient, se prétendant eux aussi malades mentaux afin de bénéficier de l’Etat providence. Les homosexuels ayant déjà réussi à obtenir cette reconnaissance, les Noirs envisagent de s’associer aux Juifs souffrant de discrimination tandis que les prophètes de religion folklorique prêchent à tout va…et pas question d’y trouver à redire car ces religieux risqueraient, sinon, des dégâts psychiques irréparables. Une plongée pas toujours très politiquement correcte (et c’est tant mieux) dans une poignée de sociétés utopiques (ou dystopiques selon les sensibilités) qui se termine dans un monde post-apocalyptique d’apparence paradisiaque après l’anéantissement, par une épidémie, de 95% de l’Humanité. Un excellent texte peut-être encore davantage actuel aujourd’hui qu’à l’époque de sa rédaction.

Autre novella illustre, « La reine de l’air et des ténèbres » a récolté le plus prestigieux des triplets de la SF : Hugo, Nebula et Locus. Nous sommes sur Roland, une planète lointaine colonisée par l’Homme. Un seul détective y exerce, Eric Sherrinford, contacté par une mère afin de retrouver son enfant enlevé par ce qui pourrait être des représentants du Vieux Peuple. Mais Sherrinford refuse d’accorder foi à ces anciennes superstitions celtiques…Une œuvre très efficace, sorte de transposition science-fictionnelle des légendes jadis contées par Arthur Machen.

Plus court, « Le chant du barde » obtint également le Hugo et le Nebula, finissant à la troisième place du Locus. Inspiré par les nouveautés science-fictionnelles lancées par Harlan Ellison, Anderson décrit un monde sous la domination d’un ordinateur omniscient, SUM, lequel enregistre les vies de tous les Humains et leur promet la résurrection un jour prochain. Mais un harpiste se confronte à l’avatar humain de SUM, la Reine Noire et cesse de croire en ses promesses. Une nouvelle dans laquelle Anderson démontre son originalité tout en s’inspirant de nombreux mythes antérieurs et en truffant son texte de citations littéraires. Très réussi.

Le recueil se termine par le court roman « Le jeu de Saturne », sorte de critique assez virulente des jeux de rôles et autres psychodrames auquel je n’ai personnellement pas accroché. Ce n’est pas grave, le reste était très bien.

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Publié le 17 Décembre 2019

L'ENTERREMENT DES RATS de Bram Stoker

Avec ce petit recueil à « pas cher », voici l’occasion de découvrir un auteur souvent résumé à son seul DRACULA.

La première nouvelle, qui donne son titre au recueil, suit un Anglais de passage à Paris en 1950. Il quitte les voies balisées et s’enfonce dans le quartier de Montrouge, peuplé d’une foule de chiffonniers façon cours des miracles. Notre touriste de la misère espère entendre des récits de la Révolution mais il tombe dans un piège et sur une bande de détrousseurs qui balancent les corps de leurs victimes aux rats. Une nouvelle à l’intrigue certes rudimentaires (une course poursuite dans les rues parisiennes les plus crasseuses entre un Anglais nantis et une horde de loqueteux assassins) mais à l’ambiance fort bien rendue avec cette horde de monstrueux miséreux plus agressifs qu’une meute de morts vivants. Très sympa.

« Une prophétie de bohémienne » traite donc, on s’en doute, de l’annonce faite par une bohémienne à un homme : il va tuer sa femme. C’est un court récit où le fantastique se réduit à cette clairvoyance et qui se veut surtout humoristique. Ca se lit, ça s’oublie mais ce n’est pas désagréable.

« Les sables de Crooken” joue aussi la carte de l’humour mais plus subtilement. Le récit rappelle un peu le point de départ du récent film “Le daim” avec cet Anglais suffisant qui, parti en Ecosse, veut absolument porter le magnifique costume traditionnel. Sauf qu’il se rend ridicule mais, par vanité, continue de le porter en dépit des moqueries. Une histoire de double (doppelganger), de fantôme et de malédiction planant sur des sables mouvants ajoute un élément fantastique à ce récit.

La dernière nouvelle, « Le secret de l’or qui croit » emprunte beaucoup à Poe mais annonce également d’innombrables récits ultérieurs (pensons simplement aux comics façon TALES FROM THE CRYPT) avec ses cheveux d’une jeune femme assassinée sortant des murs du salon où son amant l’a dissimulée.

Dans l’ensemble, ce petit recueil permet de découvrir Stoker, écrivain très connu grâce à DRACULA mais dont la popularité du Seigneur de la Nuit a aujourd’hui totalement occulté le reste de l’œuvre. Or on apprécie ces nouvelles agréables, bien écrites, au style joliment recherché mais facile d’accès et pas du tout vieillot. Plaisant.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Historique, #Horreur, #Recueil de nouvelles

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Publié le 13 Décembre 2019

MEILLEURS VOEUX DE LA JAMAÏQUE de Ian Fleming

Recueil de trois nouvelles consacrées à James Bond publié à titre posthume en 1966, MEILLEURS VŒUX DE LA JAMAIQUE débute avec « Octopussy » (traduite, vu le jeu de mot intraduisible de l’original, par « Meilleur vœux de la Jamaïque »). James Bond y rend visite au Major Dexter Smythe, retiré à la Jamaïque depuis la fin de la Seconde Guerre Mondiale. Gros buveur, gros fumeur, passionné par les poissons mais n’ayant plus guère le goût de vivre, Smythe vit de sa fortune. En réalité celle-ci provient de deux lingots d’or nazi dérobé à la fin de la guerre après avoir abattu son guide, Hannes Oberhauser. Smythe les a fait fructifier en s’appuyant sur la pègre chinoise locale. Or, le cadavre d’Oberhauser vient d’être retrouvé. Et il était instructeur de ski et ami de Bond…

Une nouvelle très bien ficelée ou le style brut de Fleming fait merveille pour illustrer la célèbre maxime sur la vengeance, ici un plat qui se mange très froid pour Bond…et encore vivant pour la pieuvre qui donne son titre original à la nouvelle ayant servi de base, lointaine, pour certains passages du film « Octopussy ».

« The Property of a lady », la deuxième nouvelle du recueil, fut, elle aussi, remaniée pour s’intégrer au film « Octopussy ». Il s’agit d’un récit d’espionnage au sujet d’un Œuf de Fabergé servant de payement à une espionne russe. Un texte plaisant, avec la coolitude nécessaire, qui se déroule essentiellement lors d’une vente aux enchères devant permettre à Bon d’identifier ses adversaires.

« Bons Baisers de Berlin (The Living Daylight) » servit, pour sa part, de pitch à « Tuer n’est pas jouer » et constitue un jeu du chat et de la souris entre Bond et un sniper russe, le tout assorti d’un flirt à distance entre l’agent anglais et une musicienne berlinoise. Quelque peu prévisible mais fort bien mené.

Au total, MEILLEURS VŒUX DE LA JAMAIQUE rassemble trois récits efficaces qui se sont aujourd’hui parés d’une patine agréable. En effet (et forcément) les politiques-fictions d’actualité à l’époque de la sortie du bouquin sont aujourd’hui devenu des textes historiques au sujet d’une période à la fois très proche et déjà lointaine, celle de la guerre froide, de Berlin divisée, des chassés-croisés d’espions, etc.

Très divertissant !

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Aventures, #Espionnage, #Recueil de nouvelles, #James Bond

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Publié le 9 Décembre 2019

NOTRE DAME AUX ECAILLES de Mélanie Fazi

Ecrites à la première personne, ces douze nouvelles, très personnelles, imposent un fantastique discret et délicat, loin des normes tapageuses de bien des récits courts.

Nous explorons par exemple  deux villes hantées, Venise (« La cité travestie ») et New Orleans (« Mardi-gras ») qui, derrière leurs vitrines attrayantes de piège à touristes, cachent de sombres secrets. Après lecture, on regarde différemment la Cité des Doges, ville vivante vengeresse pétrie de légendes aquatiques. Par comparaison, New Orleans semble plus attrayante malgré ses blessures puisqu’elle revit après le passage de Katrina et se pare une fois de plus des atours du Carnaval. « Rien n’annule Mardi Gras »

Dans « En forme de dragon » nous assistons au pouvoir de création par la musique d’une jeune fille décidée à donner corps à son imagination après l’effacement des dessins de son paternel. Où l’intrusion du merveilleux au cœur de l’existence routinière.

« Langage de peau » se fait délicat et sensuel pour décrire la relation physique qui s’établit entre deux loups-garous. Autre récit sensuel, pour ne pas dire érotique, « la danse au bord du fleuve » convie la narratrice à assister aux ébats d’une nouvelle amie avec les eaux d’un fleuve.

L’excellente « Noces d’écumes » revisite, elle, le thème lovecraftien de l’individu irrémédiablement attiré par les flots océaniques (et ce qui s’y cache) au point de délaisser sa jeune épouse.

La nouvelle qui donne son titre au recueil célèbre, pour sa part, la relation entre une jeune cancéreuse et une statue guérisseuse. Très réussie (lauréate du Prix Masterton), tout comme « Fantôme d’épingles » et sa poupée de chiffon absorbant la douleur d’une jeune femme  après chaque deuils. Citons encore « Le nœud cajun » qui mêle vaudou et boucle temporelle ou les multiples hantises de la « Villa Rosalie », sans oublier ce « Train de nuit » accueillant les désespérés pour les emmener vers…ailleurs.

Objet recelant une part de magie, hantise, malédiction, train fantôme, lycanthropes, épousailles contre nature, vaudou, piège temporelle,…Mélanie Fazi revisite les thèmes classiques du fantastique mais d’une manière totalement personnelle et originale. A chaque fois, son écriture impeccablement ciselée fait mouche, avec une grande économie de mots (pas une ligne de trop alors que l’époque est aux romans fleuves interminables) et d’effets (pas de « jump scare », même littéraires). Si le lecteur a bien sûr le droit de préférer l’une ou l’autre de ces nouvelles, toutes sont réussies et brillantes, sans déchet, sans texte faible.

Du grand art.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Fantasy, #Recueil de nouvelles

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Publié le 29 Novembre 2019

LES FURIES DE BORAS d'Angers Fager

Petit recueil ayant retenu l’attention de la critique à sa sortie, LES FURIES DE BORAS s’apparente à une relecture des grands mythes du fantastiques de façon souvent très rentre-dedans. Le style de l’auteur (qualifié de « Lovecraft suédois sous acide ») s’avère simple et les phrases paraissent souvent éructées : courtes et hachées elles usent d’un vocabulaire volontiers familier pour plonger le lecteur au cœur d’une action frénétique. Si l’influence de Lovecraft se montre patente dans les intrigues, Fager s’éloigne cependant du reclus de Providence dans son traitement et se place à l’opposé du puritanisme de son inspirateur. Nous sommes davantage proche d’Edward Lee pour ce mélange d’horreur cosmique, de thématiques contemporaines, de gore, de drogues diverses et de sexe explicite.

La première nouvelle, « les furies de Boras », donne le ton avec cette bande de gonzesses excitées s’en allant baiser dans les bois avant d’offrir en sacrifice un jeune homme aux Grands Anciens. Tentacules phalliques, foutre et sang, Fager ne fait pas dans la dentelle mais le côté brut de son écriture compense la prévisibilité de l’intrigue.

La nouvelle suivante nous plonge en pleine guerre au XVIIIème siècle avec toute la violence attendue avant l’intervention d’une célèbre entité « qui marche sur le vent ». Encore une fois le côté outrancier et agressif de l’écriture compense un récit très classique.

« Trois semaines de bonheur » pourrait être la nouvelle la plus réussie du recueil, l’auteur dépeignant avec beaucoup de subtilité sa principale protagoniste dont il dévoile peu à peu la monstruosité. Comme les autres récits, celui-ci mélange horreur aquatique poisseuse et déviance sexuelle mais de manière moins frontale. Cette relative retenue rend le résultat plus convaincant et marquant avec une « héroïne » pathétique et attachante en dépit de sa différence.

En dépit d’une réelle originalité, plusieurs nouvelles laissent malheureusement une impression mitigée par leurs fins ouvertes qui semblent parfois inachevées. « Encore ! Plus fort ! » constitue ainsi un texte érotico-fantastique original dans lequel deux amants s’étranglent durant l’acte sexuel afin d’atteindre les contrées du rêve (ils ne devaient pas posséder la clé d’argent de Randolph Carter) mais le tout échoue à offrir une conclusion satisfaisante. « Un pont sur Vasterbron » décrit de façon très détachée une situation extraordinaire ayant mené au suicide de très nombreuses personnes âgées. L’auteur ouvre quelques hypothèses mais laisse au lecteur le soin de trancher. Le climat fantastique et la complète étrangeté de l’histoire s’avère toutefois intéressante. Même constat pour « L’escalier de service » qui nous ramène aux débuts de la psychothérapie, du temps où les médecins soignaient l’hystérie par le laudanum et les « massages » intimes afin de relâcher les tensions. Un récit très efficace jusqu’à une conclusion un peu trop attendue, pas à la hauteur de ce qui précède. Ce qui s’applique également au dernier récit de ce recueil.

Si LES FURIES DE BORAS déçoit parfois, nul doute que le recueil possède une véritable force accentuée par les « fragments », de très courtes nouvelles (plutôt des tranches de vie) amenant le lecteur à accepter la résurgence, dans la Suède du XXIème siècle, des manifestations des Grands Anciens. Au final, une lecture agréable qui offre un regard neuf sur les horreurs lovecraftiennes.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Erotique, #Fantastique, #Horreur, #Recueil de nouvelles, #Lovecraft

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Publié le 22 Novembre 2019

L'HORREUR DANS LE CIMETIERRE de H.P. Lovecraft et autres

Après L’HORREUR DANS LE MUSEE voici le deuxième tome de cette série reprenant les « révisions » et autres « collaborations » de Lovecraft. Le sujet est abordé par une préface d’August Derleth suivi d’un très intéressant article de Francis Lacassin : « H.P. Lovecraft : « nègre » littéraire ou accoucheur de talent ?. Le même Lacassin fournit d’ailleurs en fin de volume une bibliographie de ses revisions (aujourd’hui toutes disponibles en français)

Le corps du recueil se compose d’une sympathique nouvelle d’Hazel Heald qui lui donne son titre, « L’horreur dans le cimetière ». Pa la suite, Hazel Heald (1896 – 1961) a admis que Lovecraft « l’a aidée pour ses histoires et a véritablement réécrit des paragraphes entiers. Il critiquait les alinéas les uns après les autres, notait au crayon des remarques marginales et les faisait ensuite réécrire jusqu’à ce qu’ils lui plaisent ». Les « révisions » effectuées par Lovecraft se montrent d’ailleurs de plus en plus importantes : si les premières histoires nécessitent une révision moins radicales et peuvent se contenter des conseils de l’écrivain de Providence (par exemple dans « L’homme de pierre » et « L’Horreur dans le cimetière »), les suivantes (« L’horreur dans le musée » et « Surgi du fond des siècles ») constituent de véritables collaborations, Lovecraft y apportant ses thématiques familières et de nombreux emprunts au Mythe de Cthulhu. En ce qui concerne le très divertissant et quasi parodique « La mort ailée », dernière « collaboration » entre Heald et Lovecraft, ce-dernier avoue, dans une lettre à August Derleth, qu’il en a écrit au moins 90%. Nous sommes donc loin d’un simple travail de correction !

Zealia Bishop est une autre romancière aidée par Lovecraft : « j’avais appris de lui les principes fondamentaux de la technique de l’écriture. Ma dette à son égard est considérable. Je considère que cela a été un grand bonheur d’avoir été au nombre de ses corresponds amicaux et de ses élèves ». Quoique sa production personnelle relève de la littérature romantique, Zealia Bishop est aujourd’hui essentiellement connue pour les trois révisions effectuées par Lovecraft. Ce-dernier détaille la genèse du plutôt réussi « La malédiction de Yig » en affirmant qu’il s’agit pratiquement d’une « composition originale du fait que tout ce dont je disposais était un ensemble de notes ». Il ajoute « toute l’intrigue et les motivations sont de moi, j’ai inventé le dieu-serpent, la malédiction, le prologue et l’épilogue,… ». Lovecraft récidiva avec « La chevelure de la Méduse » (qui a pris un bon coup de vieux et dont les aspects racistes n’aident guère à la reconnaissance de HPL) et surtout le roman « Le Tertre » à l’indéniable efficacité dans sa description d’un  monde souterrain niché sous un tertre maudit. Lovecraft a d’ailleurs confié à Clark Ashton Smith (auquel il emprunte la divinité batracienne Tsathoggua) qu’il a composé « une histoire originale à partir d’un simple photographe, pas même le germe d’une intrigue ». Lovecraft ajoute que l’idée initiale (« une histoire de tertre hanté par une paire d’Indiens fantômes ») serait « insupportablement fade et plate », d’où son idée d’y inclure les expéditions espagnoles de Coronado, le monde souterrain et la présence de Tsathoggua. Le résultat se révèle une belle réussite pour les amateurs de mondes perdus.  

Alors qu’il tentait toujours de donner à ses révisions une réelle qualité, Lovecraft baisse les bras devant « Le dernier examen » d’Adolpho De Castro qu’il juge « illisible » et « détestable ». En dépit d’un mois de travail, rien ne peut sauver le texte. Lovecraft acceptera pourtant de réviser, en 1930, « L’Exécuteur des hautes œuvres ». Pas très palpitant non plus.

Toujours modeste, Lovecraft refusait souvent, parfois même devant l’évidence, la paternité des textes révisés. Ainsi, en dépit des nombreuses retouches, suggestions et corrections qu’il fait subir aux « Deux bouteilles noires » de Wilfrid Blanch Talman il n’estime pas « sa participation suffisante pour mériter le titre de co-auteur » et incite Talman à « publier l’histoire sous votre seul nom ».

August Derleth reconnaissait le caractère forcément inégal de ces « révisions » mais ajoutaient que les meilleures d’entre elles étaient « certainement d’assez bonne qualité pour figurer parmi les histoires de Lovecraft » avant de conclure avec logique que « Lovecraft était responsable de ce qu’il y avait de plus digne d’être retenu » dans ces contes. Nous pouvons d’ailleurs ajouter que tous les écrivains « aidés » par Lovecraft sont aujourd’hui tombés dans l’oubli et que « leurs » uniques nouvelles encore publiées sont justement celles sur lesquelles Lovecraft a posé le stylo. 

Un recueil plus intéressant et historique que réellement transcendant mais qui saura satisfaire les complétistes de Lovecraft.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Golden Age, #Horreur, #Lovecraft, #Recueil de nouvelles

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