Publié le 10 Août 2022

M. JE SAIS TOUT: CONSEILS IMPURS D'UN VIEUX DEGUEULASSE de John Waters

Le vieux dégueulasse, Mr John Waters, se livre dans ce bouquin réjouissant. Il alterne souvenirs biographiques, anecdotes sur le tournage de ses films les plus récents et considérations diverses. A mi-chemin entre le dandy provocateur, le punk distingué et le pince sans rire, Waters se raconte et se met en scène, pas dupe de son statut d’icône et de pape du trash. Il évoque « Hairspray », « Serial Mom », etc. puis discute de la valeur monétaire des œuvres d’art réalisées par des singes ou effectue une sorte de guide touristique des sex shop et autre glory hole gay.

Waters travaille sa prose et sacrifie parfois l’autobiographie au bon mot ou à la punchline de (bon) mauvais goût. Ce qui rend l’ensemble amusant et divertissant vu qu’il passe d’un sujet à un autre avec vivacité. Waters livre presque son « guide du parfait gentleman » à lui. Mais, dans sa version du gentleman, il importe de péter, roter. Bref, son gentleman pue un peu la merde, à l’image des pastilles odorantes de « Polyester » mais, finalement, cette odeur ragaillardit en ces temps de trous du cul de la cancel culture et autres offusqués éveillés.

Toutefois, Waters oublie parfois de jouer au clown et s’accorde une pause tendresse. Mélancolique et nostalgique, sentant le temps qui passe et la mort qui s’approche, le dandy décadent se reprend in extrémis et se paie un trip au LSD pour fêter son entrée dans le troisième âge. Car, bon, Waters est aujourd’hui accepté par l’intelligentsia et voit ses films édités dans de prestigieuses éditions chez Criterion notamment, ce qui ne l’empêche pas de vouloir encore, de temps en temps, mettre un bon coup de bite dans le cul du politiquement correct.

Comme il le dit lui-même : « je suis devenu quelqu’un de respectable. Je me demande bien comment. Le dernier film que j’ai réalisé s’est fait descendre par la critique et a été interdit aux moins de dix-sept ans. Six de mes contacts personnels ont été condamnés à la réclusion à perpétuité. Et puis j’ai produit une œuvre d’art intitulée Douze trous de balle et un pied sale, composée de gros plans extraits de films pornos, et un musée l’a acquise pour sa collection permanente sans que personne se fâche. Qu’est-ce qui a bien pu se passer, bordel ?”

Que l’on aime ou pas son oeuvre, difficile de ne pas trouver cette vraie / fausse autobiographie aussi drôle que necessaire (le mot est lâché) en cette période de censure de l’humour où certains illumines viennent decider de quoi on peut rire (ou pas).

Bref, un bon moment de divertissement (plus ou moins) intelligent servi aux petits oignons par cette vieille tarlouze détraquée de Waters! Long live the shit!

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Biographie, #Cinéma, #Chroniques, #Cinéma Bis, #Humour, #LGBT

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Publié le 9 Août 2022

PIRATES de Michael Crichton

1665, la Jamaïque. A Port Royal les pirates règnent en maitres. Lorsqu’arrive la rumeur de la présence, dans une île toute proche, d’un bateau aux cales remplies d’or, le capitaine Hunter rassemble les frères de la côte pour une petite razzia dans la tradition.

Dès la fin des 70’s, Crichton mentionne travailler sur un roman consacré aux Pirates des Caraïbes. A sa mort, en 2008, le « manuscrit » est découvert dans son ordinateur. PIRATES est un livre complet mais le romancier aurait probablement souhaité le retravailler et l’étoffer. Qu’importe ! En l’état il fonctionne très bien comme un pur récit d’aventures sur une trame de « film de commando », les pirates remplaçant ici les soldats.

Crichton livre une description haute en couleur de Port Royal, sans doute plus conforme à la réalité que celle, beaucoup plus enjouée, des « pirates des caraïbes » de Disney. Traitrises, violences, esclavages,…la vie ne vaut pas cher sous le soleil des tropiques. Bref, le romancier nous refait « Les canons de Navarone » version « Mission Impossible » ou « Ocean’s 11 » sur le mode classique de la poignée de baroudeurs possédant tous un « talent » particulier. L‘expert en explosifs, le froid tueur français, le spécialiste de la navigation,…

PIRATES c’est du divertissement estival en mode page-turner. De l’action, de l’action et encore de l’action. Crichton égrène tous les clichés attendus : abordages, batailles navales, duels à l’épée, opération suicide, etc. Les héros sont gentils, les filles sexy, les méchants sont d’ignobles crapules et, forcément, il y a un traitre dans l’équipe.

En dépit du réalisme et du contexte historique qui a nécessité pas mal de recherches, l’auteur ne peut s’empêcher de caser un petit kraken bien monstrueux pour donner dans la surenchère et saupoudrer le tout d’une touche fantastique.

Classique, linéaire, quelque peu prévisible (avec des rebondissements nombreux mais téléphonés), PIRATES reste un plaisant divertissement d’aventures exotiques même si le dernier tiers accuse un coup de mou quelque peu préjudiciable.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Action, #Aventures, #Historique

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Publié le 6 Août 2022

FUTURS PAS POSSIBLES présenté par Isaac Asimov

Isaac Asimov présente…divers futurs possibles. Un nom porteur pour des anthologies d’intérêt variable mais qui eurent le mérite de présenter une poignée de nouvelles au grand public. Ce recueil comprend sept textes et quelques grands noms de la SF. Ils furent généralement publiés, en VO, dans le magazine d’Asimov, d’où la « caution » apportée par le Bon Docteur.

« Dilemme » joue ainsi la carte de l’humour et de l’hommage à Asimov. Signé Connie Willis, on le retrouvera également dans LES FILS DE FONDATION. Ce petit récit plein d’humour égratigne affectueusement le très prolifique Bon Docteur et propose un plaisant « name dropping » des géants de la SF de l’âge d’or.

En parlant de géant, Silverberg ne démérite pas avec « Jouvence », récit de la quête de la fontaine miraculeuse. Un mélange de SF et d’aventures historiques fort convaincant.

George Alec Effinger propose ensuite une nouvelle, « Le cyborg sur la montagne », situé dans son univers fétiche, celui d’un Moyen Orient futuriste et cyberpunk. Un texte entre anticipation et polar d’action typique de l’auteur mais rondement mené. Du bon boulot en peu de pages.

« Loterie macabre » de S.P. Somtow détonne dans ce recueil avec une intrigue entre fantastique et épouvante : deux jeunes ados, en Thaïlande, s’apprête à passer la nuit dans un cimetière afin qu’un fantôme leur donne les numéros gagnants de la loterie. Pas mal et indéniablement exotique, notamment en ce qui concerne les coutumes, superstitions et légendes locales.

Deux autres textes, plus longs, sont signés Tiptree et Charles Sheffield mais la pièce de résistance reste la courte et excellente « le jour où les ours ont découvert le feu » de Terry Bisson. Récompensé par le Hugo, le Nebula, le Locus, le Sturgeon et le Asimov (excusez du peu !), voici une nouvelle où la SF sert simplement de décor (à la suite de l’événement décrit dans le titre) pour un récit intimiste d’une grande originalité.

Comme toutes les anthologies de ce style, il y a donc à boire et à manger mais, dans l’ensemble, les textes rassemblés ici sont d’une grande qualité et méritent la lecture.

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Publié le 5 Août 2022

NOUS QUI N'EXISTONS PAS de Mélanie Fazi

Lorsque la fiction n’a plus suffi, Mélanie Fazi a d’abord signé un texte sur son blog, « Vivre sans étiquette » qui explique son cheminement personnel. Ce livre en constitue, en quelque sorte, le prolongement, plus personnel, plus intime. Il s’apparente à une confession de l’auteur qui annonce avoir renoncé aux relations amoureuses et leur préférer la solitude. Le cheminement a été long, avec l’aide d’une thérapeute bienveillante qui a mis la novelliste sur la « bonne piste ». L’acceptation de son asexualité et de son attirance pour les femmes, non suivie d’un passage à l’acte (d’où le terme de « lesbienne non pratiquante ») a pris du temps. L’auteur nous raconte ses difficultés à gérer cette absence de désir, son décalage avec ses amies qui parlent de garçons, son refus de la vie de couple, sa non envie d’enfant,…

En parallèle, elle nous propose également un voyage dans son imaginaire, au travers de différents récits éclairés par son parcours personnel. Qu’elles expriment une sexualité différente via la lycanthropie, un attrait sensuel pour la nature ou un refus « d’aimer le dragon », les nouvelles de l’auteur reflètent son questionnement.

Un parcours épuisant, marqué par la dépression et la fatigue qui prend plusieurs années et qui explique sans doute que l’auteur n’ait plus vraiment écrit de fictions depuis une dizaine d’années. Trop occupée aussi, peut-être par son métier de traductrice, l’auteur, qui a toujours privilégié la forme courte (en dépit de la publication de deux romans, ce qu’elle ne souhaite pas réitérer) ne nous a pas vraiment donné de ses nouvelles depuis le recueil LE JERDIN DES SILENCES.

Dommage, la qualité de ses récits fantastiques manque dans le paysage actuel. Alors souhaitons qu’après ce livre confession (et le suivant, L’ANNEE SUSPENDUE, sur les TSA), Mélanie Fazi nous revienne enfin avec un nouveau recueil aussi réussi que ses trois premiers !

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Autobiographie, #LGBT

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