CANYON ROUGE de Michel Honaker
Publié le 26 Avril 2021
Michel Honaker est déjà une valeur sure de l’horreur, de la SF et du fantastique au milieu des années ’80 lorsqu’il publie le premier de ses 2 « Gore ». On lui doit, par exemple, la très brutale saga du Commandeur, des bouquins de gare nerveux, très cul et très gore (du moins dans leur forme originelle puisqu’ils seront réédités dans des versions assagies). Du coup, le lecteur se dit qu’une fois adoubé par la collection Gore Honaker va se lâcher complètement. Surprise, CANYON ROUGE s’avère plutôt timoré : certes il y a quelques passages sanglants et l’une ou l’autre scènes « érotiques » mais, dans l’ensemble, nous sommes loin d’un Houssin ou d’un Necrorian. Pas grave ! Ce que le lecteur perd en potentiel trash, il le gagne au niveau du récit, très réussi, maitrise et bien mené.
Nous sommes à San Isabel, petite communauté brûlée de soleil où les individus, poissés de sueurs, vivotent en espérant, un jour, partir pour la grande ville. Stone Face, le chef indien Zunis, dirige une réserve dans le désert. Son peuple s’est adapté aux Blancs et lui-même ne croit plus en ses dieux, ce qui ne l’empêche pas de déposer, chaque année, des présents aux esprits de la rivière. Or, un flic, Joe McCurdy, n’aime guère les Indiens et décide de dévaster les offrandes laissées aux entités surnaturels, les Kachinas. Ce geste aura de lourdes conséquences…Honaker livre un Gore dominé par l’atmosphère étouffante d’un été caniculaire avec des personnages partagés entre modernité et tradition. Le chef Stone Face a droit, par exemple, a un développement intéressant et devient un protagoniste possédant une réelle épaisseur, loin des clichés. Ce climat donne au roman un côté intéressant, assez peu usité, parfois proche du western moderne. En réalité, avec CANYON ROUGE, Honaker braconne sur les terres d’un Graham Masterton première époque mais réussit un roman fantastique et horrifique de haute volée ponctué de rares mais effectifs scènes sanglantes. La plus réussie reste sans doute l’attaque d’un car de touristes dans la canyon maudit et le viol de la guide par le chauffeur décapité.
Dans son déroulement et ses références à la culture amérindienne, CANYON ROUGE s’avère soigné et, osons le dire, se montre au moins aussi réussi que le célèbre MANITOU de l’Anglais. Un des meilleurs Gore francophone de la collection, sans doute moins novateur que ceux de Corsélien ou moins rentre-dedans que ceux de Houssin mais tout aussi efficace et palpitant.