NOTRE DAME AUX ECAILLES de Mélanie Fazi
Publié le 9 Décembre 2019
Ecrites à la première personne, ces douze nouvelles, très personnelles, imposent un fantastique discret et délicat, loin des normes tapageuses de bien des récits courts.
Nous explorons par exemple deux villes hantées, Venise (« La cité travestie ») et New Orleans (« Mardi-gras ») qui, derrière leurs vitrines attrayantes de piège à touristes, cachent de sombres secrets. Après lecture, on regarde différemment la Cité des Doges, ville vivante vengeresse pétrie de légendes aquatiques. Par comparaison, New Orleans semble plus attrayante malgré ses blessures puisqu’elle revit après le passage de Katrina et se pare une fois de plus des atours du Carnaval. « Rien n’annule Mardi Gras »
Dans « En forme de dragon » nous assistons au pouvoir de création par la musique d’une jeune fille décidée à donner corps à son imagination après l’effacement des dessins de son paternel. Où l’intrusion du merveilleux au cœur de l’existence routinière.
« Langage de peau » se fait délicat et sensuel pour décrire la relation physique qui s’établit entre deux loups-garous. Autre récit sensuel, pour ne pas dire érotique, « la danse au bord du fleuve » convie la narratrice à assister aux ébats d’une nouvelle amie avec les eaux d’un fleuve.
L’excellente « Noces d’écumes » revisite, elle, le thème lovecraftien de l’individu irrémédiablement attiré par les flots océaniques (et ce qui s’y cache) au point de délaisser sa jeune épouse.
La nouvelle qui donne son titre au recueil célèbre, pour sa part, la relation entre une jeune cancéreuse et une statue guérisseuse. Très réussie (lauréate du Prix Masterton), tout comme « Fantôme d’épingles » et sa poupée de chiffon absorbant la douleur d’une jeune femme après chaque deuils. Citons encore « Le nœud cajun » qui mêle vaudou et boucle temporelle ou les multiples hantises de la « Villa Rosalie », sans oublier ce « Train de nuit » accueillant les désespérés pour les emmener vers…ailleurs.
Objet recelant une part de magie, hantise, malédiction, train fantôme, lycanthropes, épousailles contre nature, vaudou, piège temporelle,…Mélanie Fazi revisite les thèmes classiques du fantastique mais d’une manière totalement personnelle et originale. A chaque fois, son écriture impeccablement ciselée fait mouche, avec une grande économie de mots (pas une ligne de trop alors que l’époque est aux romans fleuves interminables) et d’effets (pas de « jump scare », même littéraires). Si le lecteur a bien sûr le droit de préférer l’une ou l’autre de ces nouvelles, toutes sont réussies et brillantes, sans déchet, sans texte faible.
Du grand art.