JAMES BOND: BROKENCLAW de John Gardner
Publié le 15 Novembre 2019
L’écrivain britannique John Gardner se fait connaitre dans la seconde moitié des sixties avec sa série parodique du LIQUIDATEUR puis reprend le personnage de Moriarty dans trois romans (seul le premier fut traduit). Au début des années ’80, Gardner accepte de succéder à Ian Flemming pour relancer les aventures de James Bond avec le plaisant PERMIS RENOUVELLE. Prolifique, Gardner en écrira quatorze au total (seize si on y ajoute les novélisations de PERMIS DE TUER et GOLDENEYE) au rythme d’un par an mais seul sept seront traduits.
BROKENCLAW poursuit la saga de manière assez standard et tente, comme les autres « continuations » de combiner le héros littéraire et le héros cinématographique (lesquels sont, on le sait, relativement éloignés) en un tout harmonieux. John Gardner essaie aussi de prendre en marche le train du thriller technologico-politique à la Tom Clancy mais sans parvenir à convaincre. L’intrigue, tout d’abord, reste légère et peine à se mettre en place : il faudra au lecteur une solide dose de bonne volonté pour passer le premier tiers, aussi confus que languissant, voyant Bond rencontrer sa nouvelle alliée chinoise, Chi-Chi, afin de contrecarrer les plans du nouveau grand méchant, Brokenclaw. Comme toujours la demoiselle souhaite être traitée à l’égale des hommes mais lorsque le danger menace elle se précipite dans les bras virils de Bond. Rien de neuf.
Les romans Bond post-Flemming écrits par Gardner obéissent tous à une formule similaire (assez calquée sur le septième art au point de ressembler à des scénarios abandonnés plus qu’à des bouquins). Parfois cela fonctionne, parfois cela parait simplement plat et sans vie, avec un Bond ressemblant finalement si peu à Bond que l’on pourrait l’échanger contre SAS ou OSS117 sans guère modifier l’intrigue. Ici, le tout ressemble à un ersatz de GOLDFINGER avec son grand méchant voulant provoquer un écroulement généralisé du système monétaire. En gros…parce que tout ça n’est pas franchement limpide et on peine un peu à voir les motivations des différents protagonistes.
BROKENCLAW constitue donc un Bond « Canada Dry » qui a la couleur de Flemming, parfois le goût de Flemming mais qui ne possède décidément pas la qualité brute des meilleurs Flemming. On sauve cependant les derniers chapitres où, pour prouver leur virilité, Bond et Brokenclaw se lancent dans la version « coutumes tribales indiennes » du concours de bite façon « Un homme nommé cheval ». Suspendus par des crochets, condamnés à courir les jambes lacérées et à s’affronter au tir à l’arc, nos deux mâles plongent, et le bouquin avec eux, dans l’exploitation façon série B. Pas très crédible mais, au moins, cela sort le lecteur de sa torpeur.
Reconnaissons toutefois que le bouquin n’est pas trop ennuyeux…à condition de passer outre une traduction abominable et une présentation désastreuse de l’éditeur Lefrancq. Comment a-t-on pu passer un tel nombre de coquilles, de fautes de frappes, d’expressions traduites littéralement (et donc ne voulant rien dire), de phrases dont les mots semblent avoir été mélangés, de grammaire approximative et de néologismes comme « ils voyèrent »
De quoi couler n’importe quel roman, on se croirait presque devant une traduction pirate de THE KILLING ZONE des années 2000. Avec cette édition consternante, BROKENCLAW perd au moins un point et il faut beaucoup d’abnégation pour le lire jusqu’au bout. A quand une traduction révisée ?