AUX CONFINS DE L'ETRANGE de Connie Willis
Publié le 15 Juillet 2019
Sorti dans sa version originale en 1993, ce recueil de Connie Willis (couronné par le Locus) succède aux VEILLEURS DU FEU et rassemble, après une préface de Gardner Gozoi, onze titres assortis, à chaque fois, d’une courte présentation. Nous débutons avec le célèbre « le dernier des Winnebago » lauréat du Nebula, du Hugo et du Prix Asimov dans la catégorie des « romans courts ». Il s’agit d’un texte mélancolique sur la fin d’un monde (le nôtre) plus que sur la fin du monde puisque celle-ci se déroule chaque jour et voit disparaitre diverses espèces. L’auteur effectue ainsi un parallèle entre la fin des caravanes Winnebago, symbole d’une Amérique disons post-soixante-huitarde et l’extinction de certains animaux comme les chiens.
On continue avec une nouvelle récompensée par le Nebula, le Hugo, le Locus et le Asimov (!) : « Même sa majesté », texte humoristique anti féministe écrit par une femme, une belle réussite souvent très drôle.
« Ado » est un autre excellent texte court humoristique, une des histoires les plus mémorables imaginées par Connie Willis au sujet de la censure des œuvres littéraires par diverses associations bien pensantes style Social Justice Warriors et autres abrutis. Immanquable et terriblement actuel.
Le court roman « Pogrom spatial », récompensée par le prix Asimov, ne m’a pas spécialement convaincu mais n’est pas mauvais pour autant juste (à mon sens) un peu longuet. « Temps mort » et ces abracadabrantes théories sur le voyage temporel assorties de romance (on pense parfois à la très chouette rom-com science-fictionnel « About time ») fonctionne de plus belle manière mais peut apparaitre un peu confuse au lecteur. Le début semble également un peu long à se mettre en place (voire laborieux) et il faut attendre les dernières pages pour que la construction narrative de Willis se déploie réellement.
« A la fin du crétacé » constitue une autre nouvelle humoristique, ou plutôt satirique, qui vise les Universités américaines. Malgré quelques notes amusantes elle risque de laisser sur le carreau les lecteurs moins familiers avec cet univers et apparait comme anecdotique. « Conte d’hiver » et « Hasard », plaisants, pâtissent de la comparaison avec l’excellent « Rick ». Situé dans le cadre de Londres durant le blitz, un univers bien connu de l’écrivaine puisqu’elle le revisitera dans son fameux diptyque BLACK OUT / ALL CLEAR (BLITZ), cette longue nouvelle (80 pages) revisite avec brio un thème classique du fantastique. Prenant son temps pour aborder le « genre », le récit montre que, durant la dernière guerre mondiale, certains trouvèrent leur vocation, de la jeune fille soudainement entourée de soupirants au sauveteur cachant une créature bien connue du « bestiaire ».
Enfin, « Au Rialto », gagnant du Nebula, termine ce recueil sur une nouvelle note humoristique en effectuant un parallèle entre deux mondes incompréhensibles : la physique quantique et Hollywood. Les théories des physiciens paraissent aussi délirantes que les tentatives d’apprentis réceptionnistes / comédiens de percer dans la cité des Anges. Cette nouvelle, dans lequel le lecteur se sent logiquement perdu, permet de passer un bon moment et termine sur une note positive un recueil forcément inégal mais dans l’ensemble très plaisant. A noter que les trois textes primés se retrouveront logiquement dans l’anthologie « best of » LES VEILLEURS.