UNE CHALEUR VENUE D'AILLEURS de Michael Moorcock
Publié le 2 Janvier 2019
Cycle romanesque en trois tomes (accompagné d’un recueil de nouvelles annexes), LES DANSEURS DE LA FIN DES TEMPS envisage l’avenir extrêmement lointain d’une humanité déifiée. Les hommes, devenus immortels, s’ennuient fatalement et se complaisent dans les spectacles grandioses (quitte à incendier un continent pour la beauté de la vision), les perversions sexuelles et la collectionnite. Jherek, par exemple, s’intéresse quasi exclusivement au XIXème siècle de la Terre. Il faut dire qu’en cette époque proche de la fin des temps « il n’y a plus grand-chose à faire ». Alors Jherek décide, par ce qu’il faut bien s’occuper (comme disait l’autre, « l’éternité c’est très long, surtout vers la fin »), de s’enticher d’une prude jeune mariée du XIXème siècle et de l’arracher à son époque. Dès lors, Moorcock, qui ne devait pas fumer que du tabac, se lance dans une aventure picaresque et déjantée, revisitant d’une certaine manière ALICE AU PAYS DES MERVEILLE par sa propension à construire un univers coloré et sous acide, dans lequel tout devient possible : se balader dans une locomotive volante en pierres précieuses, voyager dans le temps, garder des ménageries où vivent des extra-terrestres,…C’est la fête, le carnaval de Venise et de Rio mélangé pour une bande de partouzards défoncés qui attendent impatiemment la fin des temps parce qu’au moins il va se produire quelque chose d’inattendu dans leur vie ennuyeuse.
Bref, dans ce roman très marqué par son époque, on croise de nombreux voyageurs de l’espace ou du temps, y compris le petit frère de Mao qui critique les « pratiques sexuelles immondes de ces bourgeois dégénérés ». Comme quoi, même dans un million d’années, il restera toujours des gauchistes pour emmerder le monde.
Si la première moitié du roman souffre de quelques longueurs en dépit de son inventivité, Moorcock se lâche dans la seconde partie qui convoque le roman feuilleton et l’esprit des romanciers victorien. L’écrivain, très inspiré, plonge son candide immortel dans le fog épais d’un Londres pétri de convention. Jherek ne comprend rien à ce qui lui arrive (il se rend complice d’un vol, passe en jugement, se fait emprisonner et finalement condamner à mort), ce qui permet à l’iconoclaste Moorcock d’offrir des passages très drôles. Dès lors, cette CHALEUR VENUE D’AILLEURS s’inscrit dans la brève liste des réussites de la SF humoristique.
En résumé, cette vision futuriste mêle humour et désespoir dans un grand foutoir parfois légèrement irritant (on sent l’auteur, sous l’emprise du « new world », vouloir jouer la provocation à grand coup de sexualité débridée, d’inceste et autres perversions) mais souvent vivifiant et divertissant. Une explosion d’inventivités et de non-sens qui réconcilie science-fiction et comédie. Conseillé !