SILHOUETTES DE MORT SOUS LA LUNE BLANCHE de Kââ
Publié le 12 Juin 2017
Prof de philo en Bretagne, Pascal Marignac (1945 – 2002) se lance dans le roman noir en 1984 avec ce SILHOUETTES DE MORT SOUS LA LUNE BLANCHE publié sous le pseudonyme de Kââ. Par la suite il signera une quinzaine de polars, quatre « gore » sous le nom de Corselien et un autre récit d’horreur pour la collection concurrente Maniac sous le pseudo de Behemoth.
Le principal protagoniste de SILHOUETTES DE MORT SOUS LA LUNE BLANCHE a abattu, au cours d’un hold-up, le jeune Vila, gangster détraqué un peu trop prompt à défourailler sur tout un chacun. Depuis, il se planque avec son complice Straub et se réfugie dans une maison auvergnate, traqué par les deux frangins de la victime, bien décidés à lui faire la peau. Il supprime aussi son copain Detwiller, trop porté sur la trahison, et se barre avec sa veuve, plutôt joyeuse, Corinne. Le trio fuit à travers la France, affrontant régulièrement les frères Vila, les gendarmes ou de soi-disant amis qui mettraient bien la main sur le butin ou sur Corinne ou sur les deux…
SILHOUETTES DE MORT SOUS LA LUNE BLANCHE est un roman noir sanglant, sexualisé, brutal, avec des personnages en fuite qui se la jouent Bonnie & Clyde. Un anti-héros atypique amateur de littérature, de musique classique et fin gourmet. Une belle veuve pas tellement éplorée qui prend un peu trop vite goût aux armes à feu. Un type blessé. Des gangsters aux abois embarqués dans un road trip désespéré qui ne peut que mal finir, façon western option « Horde sauvage ».
Le style, haché, de Kââ est déjà bien reconnaissable dans ce premier roman annonçant ses œuvres ultérieures. Il est particulier, composé de phrases très courtes, de ruptures brusques. Parfois, l’épure est telle qu’il semble manquer des mots tant le romancier démontre une économie langagière pour aller droit vers l’essentiel, visant l’efficacité maximale et dégraissant le récit à la manière d’un Brussolo (qui saluait en Kââ le meilleur auteur de roman noir de ces dernières années). Quelques longueurs pointent cependant, une certaine répétitivité des situations dans la seconde partie du bouquin, nourri de coups fourrés, de trahisons et de fusillades.
Les personnages ne sont pas des anges, loin de là, plutôt des cyniques, en particuliers le « héros » amateur de vin et de bouffe. Un bon vivant qui, parfois (et même souvent) bute les gêneurs, sans en éprouver de plaisir mais sans grand regret non plus. Il trace sa route en lettre de sang.
et l’auteur nous propose un véritable panier de crabes où chacun se trahit ou retourne sa veste par vengeance, appât du gain ou pour des raisons plus troubles comme en témoigne Corinne, sans doute la plus frappadingue : une veuve très excitée qui s’embarque avec le meurtrier de son mari dans une cavale dominée par le sexe et le sang. Deux ingrédients que Kââ utilisera beaucoup durant son passage remarqué par la collection Gore.
Avec SILHOUETTES DE MORT SOUS LA LUNE BLANCHE, Kââ livre un polar âpre, violent et nihiliste. Pas vraiment un bouquin divertissant donc, ce qui lui confère à la fois sa force et sa faiblesse car ce n’est sans doute pas le genre de lecture « coup de poing » dont on aura envie régulièrement. Mais cette plongée violente se lit toutefois avec intérêt et devrait enthousiasmer les amateurs de romans très noirs.