BATMAN: POIDS LOURD de Scott Snyder & Greg Capullo
Publié le 13 Mai 2017
Dernier grand arc narratif avant le Rebirth de l’univers DC, POIDS LOURD (« Superheavy » en VO) s’est étalé sur près d’un an de publication, soit dix épisodes et plus de 300 pages de bandes dessinées. Alors, vaste épopée réussie ou coup publicitaire raté ? Un peu des deux…
Suite à « Endgame », le précédent arc narratif de la série scénarisée par Scott Snyder, Batman est apparemment mort lors d’un ultime combat contre le Joker. Cependant, Gotham doit toujours être protégé par un Batman et la société Powers réfléchit au problème en construisant une impressionnante bat-armure destinée à être pilotée par un homme d’élite. C’est le commissaire Gordon qui est finalement choisi pour endosser le costume et assurer la difficile succession du Caped Crusader face à un nouvel ennemi, Mr Bloom.
Ce n’est pas la première fois que Batman, supposé mort ou disparu, doit être remplacé par un successeur comme en témoigne le fameux « Knightfall ». Plus récemment (en 2009), la mort supposée de Bruce Wayne des mains de Darkseid (lors de « Final Crisis ») avait entrainé une véritable guerre de succession développée dans la série limitée « Battle for the cowl ». Après diverses péripéties et une quarantaine de numéro de la revue régulière « Batman », DC Comics relance l’idée d’un nouveau héros sous le costume de la Chauve-Souris. Incroyablement, le quadragénaire moustachu James Gordon, ancien Marines mais également flic (ancien) fumeur fort peu athlétique, est choisi pour reprendre le rôle du Chevalier Noir. Cela surprend mais, en dépit d’un soupçon de second degré (le costume cybernétique se voit régulièrement raillé pour son aspect plus proche d’un lapin que d’un chiroptère), cela reste peu crédible. Passe encore lorsque le vieux flic pilote l’armure mais que dire lorsqu’il intervient, simplement vêtu d’une combinaison moulante, et accomplit des exploits physiques totalement aberrants ?
Comme toujours avec Snyder, l’arc traite essentiellement de Gotham, cette ville tentaculaire et empoisonnée qui corrompt ses habitants. Un nouvel ennemi, Mister Bloom, se charge de la menacer et Gordon doit le combattre tandis qu’un Bruce Wayne amnésique coule des jours heureux en compagnie d’une jeune demoiselle, Julie Madison. Une sous-intrigue assez anecdotique vient compliquer cette romance improbable : le père de Julie, Mallory Madison, risque d’obtenir sa libération conditionnelle. Il serait l’homme qui vendit jadis le révolver avec lequel Joe Chill tua les parents de Bruce. Beaucoup de digressions pour aboutir, au final, à pas grand-chose, tout comme les discussions, sur le banc d’un parc, entre Bruce et un étrange Joker.
De son côté, Mister Bloom n’est pas le super-vilain le plus réussi de l’histoire : cet antagoniste vaguement végétal, sorte de pendant monstrueusement mutant de Poison Ivy, ne convainc pas et ses desseins dominateurs restent aussi sommaires que brumeux pour le lecteur. L’arc se dirige néanmoins vers un combat final attendu mais explosif entre Gordon et un Bloom gigantesque, sorte d’hommage à toute la tradition nippone du super sentaï. L’affrontement est sympathique, visuellement réussi mais quand même assez inopportun dans une série se voulant sérieuse et dramatique. Passons.
Pendant ce temps Bruce Wayne recouvre la mémoire, se souvient qu’il est le Batman et demande à Alfred de le conduire à la batcave où il veut utiliser sa machine à clonage pour se reprogrammer lui-même. Au terme de dix épisodes et de près de 300 pages, les choses rentrent dans l’ordre et retournent au statu quo. Autrement dit Bruce redevient Batman et Gordon range le robot…ne parlons pas de spoiler puisque chacun savait, dès le départ, qu’il ne pouvait y avoir d’autre conclusion à cette histoire, d’où un « tout ça pour ça » compréhensible.
Avec cette longue saga, sommes clairement dans la continuité thématique du long (et controversé) run de Snyder sur le personnage : le souci d’introduire de nouveaux concepts et de lier différentes sous-intrigues en une ambitieuse toile labyrinthique (avec la mystérieuse Cour des Hiboux œuvrant dans l’ombre) mais, également, des conclusions narratives souvent décevantes, des facilités parfois fatigantes et des digressions inabouties. Au final, l’impression dominante est que tout cela ne reste qu’une parenthèse susceptible de créer le buzz (Batman est mort ! Gordon est Batman !) mais vite refermée (après quatre années de publication mensuelle !) lors d’un épilogue qui remet à plat la mythologie (Bruce Wayne renait vierge de toutes cicatrices et même l’infirme Alfred récupère son bras manquant) avant le prochain « rebirth » du personnage.
Si on demeure sur une impression mitigée, ce « Poids lourd » (édité chez Urban Comics dans les mensuels BATMAN UNIVERS 1 à 11 ou en deux recueils sous le titre LA RELEVE, 1ère et 2ème PARTIE) s’avère une lecture globalement satisfaisante et aux dessins (de Greg Capullo) de grande qualité. Un arc qu’il vaut mieux aborder d’une traite et qui constitue, avec ses hauts et ses bas, une conclusion acceptable à cette longue page de l’histoire du Chevalier Noir.