whodunit

Publié le 20 Septembre 2021

LE CLOCHER DE NOEL ET AUTRES CRIMES IMPOSSIBLES de Roland Lacourbe

Roland Lacourbe s’est fait le spécialiste des récits de meurtres en chambre close et autres crimes impossibles via de nombreuses collections de nouvelles souvent efficaces. Cette nouvelle anthologie ne surprendra donc pas l’amateur, d’autant que la plupart des textes furent précédemment publiés dans d’autres « compilations » de Lacourbe. Heureusement, les récits s’avèrent de bonne tenue et les lire (ou, le plus souvent, les relire) permet de passer un bon moment.

Les nouvelles sont souvent anciennes, notamment « Le suicide de Kiairos » de Frank L. Baum (auteur du fameux MAGICIEN D’OZ) datée de 1897 que l’on peut donc qualifier de classique ou de précurseur du thème. Matthias McDonnel Bodkin propose de son côté une amusante enquête à propos de diamants disparus tandis que la Machine à Penser, le fameux détective de Jacque Futrelle, brille à nouveau avec une histoire de boule de cristal et de voyance fort bien orchestrée. Une des réussites du recueil qui invite à se pencher sur le « best of » que Lacourbe a consacré spécifiquement à Futrelle, écrivain disparu voici plus d’un siècle lors du naufrage du Titanic.

Dans les grands classiques que l’on prend plaisir à lire ou relire « Le problème du pont de Thor » demeure une des rares occasions où Sherlock Holmes s’est trouvé confronté à un crime apparemment impossible. La solution, très ingénieuse dans sa simplicité, ne déçoit pas. Une des meilleurs énigmes concoctées par Conan Doyle. Michel Leblanc, lui aussi, a offert un meurtre impossible dans la tradition du MYSTERE DE LA CHAMBRE JAUNE à son Arsène Lupin confronté à une mort inexplicable dans une cabine de chambre. Pas mauvais mais un peu trop inspiré de Leroux.

De son côté, G.K. Chesterton se sert, une fois de plus, du récit policier pour permettre à son Père Brown de discourir de manière philosophique tout en résolvant un crime dont la victime serait une sorte de vampire. L’Oncle Abner, autre détective de l’âge d’or, débroussaille une énigme insoluble à la solution certes tarabiscotée mais fort ingénieuse. Plaisant.

Autre classique, « l’indice de la feuille de thé », récit quasi archétypal du meurtre impossible déjà publié à maintes reprises. La simplicité de la solution et son élégance en rendent la lecture toujours aussi agréable.

Lacourbe termine par deux nouvelles plus récentes : « du mouron pour les petits poissons » qui témoigne une nouvelle fois de l’imagination débordante de Joseph Commings en proposant le meurtre d’un scaphandrier, poignardé alors qu’il explore, seul, un navire naufragé. Enfin, dans un registre tout aussi imaginatif, Edward D Hoch termine ce recueil avec son fameux docteur Hawthorne, lequel tente de disculper un Bohémien du meurtre du prêtre local, assassiné dans son clocher. L’auteur propose ici une première solution (quelque peu décevante) avant une seconde, plus élaborée, qui s’assortit d’une réflexion sur la justice personnelle.

Au final, une bonne anthologie que l’on conseillera néanmoins plutôt aux lecteurs profanes, la plupart des nouvelles étant bien connues des amateurs, lesquels seront toutefois satisfaits de cette sélection de bonne qualité.

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Publié le 10 Août 2021

LE MONSTRE DU LOCH NESS de Christian Jacq

Christian Jacq emmène son inspecteur intemporel, Higgins, en Ecosse pour une nouvelle enquête dont le principal suspect n’est autre que Nessie, le fameux monstre du Loch Ness. Deux corps ont en effet été découverts, étrangement mutilés. Très vite, la rumeur enfle, les médias s’emparent de l’affaire et les touristes affluent. Higgins, lui, reste pragmatique et méthodique, interrogeant divers suspects et adoptant une attitude plus terre à terre. L’inspecteur flaire l’entourloupe. Mais si le meurtrier n’est pas Nessie, qui peut-il être ?

La saga des « Enquêtes de l’inspecteur Higgins » s’inscrit dans une tradition de whodunit à l’ancienne, gentiment surannée et souvent teintée d’un climat empreint de fantastique, de mystère ou d’étrange. L’auteur se lance donc fréquemment sur les traces de John Dickson Carr ou de Conan Doyle. Quoique située à note époque, l’enquête aurait pu se dérouler voici un siècle sans qu’elle nécessite de réelle réécriture. L’essentiel du roman propose donc différentes rencontres avec des personnages pittoresques : le chef de clan des Highlands qui rêve d’un soulèvement contre l’Anglais, la responsable d’un petit musée local dédié à Nessie, le vieux libraire bougon, la nymphette virginale un brin foldingue, le paléontologue qui veut prouver l’existence du monstre, une sorcière locale escortée de son chien nommé Lucifer, etc.

Christian Jacq (précédemment dissimulé sous le pseudo de J.B. Livingstone lorsque le bouquin s’intitulait LES DISPARUS DU LOCH NESS) soigne son atmosphère écossaise sans lésiner sur les clichés : plats bizarres, dégustation de whisky à la chaine, châteaux, légendes et hantises,…Les Ecossais y sont décrits de manière caricaturale mais avec un côté chaleureux qui fait pardonner les outrances de l’auteur. De toutes manières, l’ensemble vise surtout à amuser et à donner le sourire. L’enquête en elle-même s’avère par contre moins palpitante : elle se contente d’aligner les entrevues des différents suspects jusqu’à ce que l’inspecteur énonce la solution (un brin décevante) dans le dernier chapitre. Un épilogue légèrement attendu mais plaisant achève toutefois sur une note positive ce petit roman plus agréable que passionnant, suffisamment rythmé et court pour assurer au lecteur un bon moment de détente, que ce soit à la plage ou au coin du feu.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Humour, #Policier, #Whodunit

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Publié le 27 Mai 2021

LA CLAIRVOYANCE DU PERE BROWN de G.K. Chesterton

Le Père Brown reste un des premiers grands détectives modernes en compagnie de Sherlock Holmes et de Dupin. Ce recueil reprend ses faits d’armes pour démêler diverses énigmes, des enquêtes publiées dans des magazines en 1910 et 1911. Autrement dit nous sommes au tout début (et même un peu avant !) de cette période ensuite dénommée le « golden age » de l’histoire de détection. La première originalité reste, évidemment, la personnalité de ce petit prêtre rondouillard, débrouillard et sagace qui profite des énigmes rencontrées pour professer une philosophie d’ailleurs plus humaniste que simplement religieuse en dépit de la conversion de l’auteur au catholicisme.

Occupant la 57ème place du fameux « top 100 » des meilleurs livres policiers établi par la Mystery Writers of America, LA CLAIRVOYANCE DU PÈRE BROWN garde son intérêt historique et propose quelques mystères bien ficelés. On peut, par exemple, citer « Le jardin secret », prototype souvent réédité des meurtres en chambre close (ou en jardin clos ici), « L’Homme invisible » dont le thème (ce qui est visible et ce qui nous est devenu invisible tellement nous avons perdu l’habitude de nous y intéresser) sera fréquemment repris dans les problèmes de crimes impossibles, « Le marteau de dieu », sans doute la nouvelle la plus connue de Chesterton traitant, encore une fois, d’un assassinat apparemment insoluble ou encore « Les 3 instruments de la mort » à la résolution hautement improbable mais cependant astucieuse et non dénuée d’un plaisant humour. Enfin l’original « Œil d’Apollon » fonctionne de belle manière et se clôt sur une chute efficace qui en font un des meilleurs récits de ce recueil.

Cependant, à côté de ces récits efficaces et réussis, d’autres paraissent plus datés comme tous ceux où intervient le cambrioleur Hercule Flambeau. Le style volontiers excessif et archaïque de l’auteur peut également s’avérer rébarbatif sur la longueur et il est sans doute préférable de lire ces histoires à petite dose plutôt qu’en une fois, sous peine d’indigestion.

En résumé ce recueil comprend une série d’histoires plaisantes, à l’intérêt historique indéniable, mais quelques peu inégales…Cinq ou six récits divertissants et réussis compensent néanmoins les nouvelles moins convaincantes ou trop datées pour passionner. Une lecture intéressante, instructive et sans doute nécessaire pour les amateurs de policiers traditionnels.

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Publié le 23 Mai 2021

LA VAMP AUX YEUX VERTS de Erle Stanley Gardner

Publié en 1953 voici une des innombrables enquêtes policières de l’incorruptible avocat Perry Mason. Il doit aider une jeune femme qui, comme le titre l’indique, est une irrésistible beauté aux yeux vert, Sylvia Atwood, dont le père, Ned, a jadis amassé une fortune considérable. Or il semble qu’il ait ai emprunté cet argent à un type peu fréquentable, J.J. Fritch…un magot provenant, en réalité, d’un hold-up. Bien que Ned ait été de bonne foi l’origine douteuse de l’argent pourrait porter atteinte à sa réputation. Et Fritch menace de révéler toute l’histoire à la police à moins, bien sûr, que Ned paie le prix de son silence. L’histoire se complique, des meurtres se produisent et, encore une fois, Perry Mason va devoir se démener dans une intrigue tortueuse. Il sera même suspecté de meurtre mais résoudra l’affaire au tribunal.

Erle Stanley Gardner se trouve ici à son meilleur et a trouvé sa vitesse de croisière, le lecteur ne sera donc guère surpris du déroulement puisqu’il se conforme à la recette de tous les Perry Mason : une histoire complexe, des points juridiques obscurs, un chantage, un meurtre, un Mason combattif embarqué quasiment malgré lui dans le tourbillon des rebondissements et, forcément, un dernier acte au tribunal. Dans cette ultime partie le lecteur aura son content de révélations, surprises et « objection votre honneur ! » au cours d’une bataille de plaidoirie haletante. Le style de Gardner ne change pas : dégraissé au maximum, pratiquement dénué de descriptions, focalisé sur les dialogues,…Nous sommes presque dans une pièce de théâtre rythmée par les dialogues incisifs qui confèrent un côté haletant au récit. Le roman est ramassé à l’extrême, chaque scène étant pertinente, bien trouvée (quoique techniquement datée le long passage où Mason doit copier un enregistrement puis l’effacer afin de neutraliser le maitre-chanteur reste un bon moment de suspense) et efficace. Si Gardner mentionne un fait il sera utilisé dans la narration, que ce soit pour aider à la résolution de l’énigme ou, au contraire, pour embrouiller le lecteur en le conduisant sur une fausse piste.

Un solide whodunit bien emballé en moins de 200 pages : divertissant et plaisant, tout comme la plupart des Perry Mason. Les fans savent à quoi s’attendre et seront pleinement satisfaits.

 

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Policier, #Whodunit

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Publié le 12 Mai 2021

ELLE NOUS EMPOISONNE de Joanna Cannan

Née en 1896, Joanna Cannan débute sa carrière en 1922 et va livrer environ un roman par an jusqu’en 1961, année de son décès suite à la tuberculose. Dès 1929 elle rédige des romans policiers mais c’est la saga de l’inspecteur Ronald Price qui lui assure une certaine notoriété. ELLE NOUS EMPOISONNE constitue la première des cinq enquêtes de Price (la seule traduite en français).

Le personnage s’avère savoureux et original : il s’agit d’un horrible gauchiste amené à enquêter dans la grande demeure, reconvertie en pension, d’aristocrates désargentés suite à la Seconde Guerre Mondiale. Price ne peut, dès lors, s’empêcher de trouver ce petit monde affreux : des maitres et des serviteurs, des chatelains qui partent à la chasse à courre malgré la mort d’une de leur pensionnaire, des pièces si grandes qu’elles pourraient abriter des familles entières de travailleurs, des repas somptueux (que notre hypocrite détective désapprouve vigoureusement mais déguste avec plaisir),…Bref, un inspecteur absolument insupportable, bouffi de prétention, aveuglé par ses préjugés politiques, cataloguant immédiatement les suspects (le vieil aristocrate forcément à demi-sénile, la chatelaine qui l’a épousée pour son argent, etc.) et soucieux de faire cadrer les faits avec ses convictions (tout en se félicitant que certains puissent différencier les faits et les impressions). Le détective, gangréné par un gauchisme maladif, devient dès lors très drôle et le roman n’hésite pas à le ridiculiser pour amuser le lecteur.

Autre protagoniste original, Bunny, la paresseuse et sensuelle épouse qui porte des robes trop courtes, y compris en période de deuil, et prend son petit déjeuner au lit, habitude détestable qui s’explique par ses origines françaises et sa vie trop légère sur la Riviera.

Dans l’ensemble, ELLE NOUS EMPOISONNE constitue un roman policier plaisant et fort porté sur la satire, aucun intervenant ne semble recueillir les faveurs de l’auteur qui déroule donc joyeusement son petit jeu de massacre jusqu’à sa conclusion. Un cosy murder typique, ni particulièrement original ni franchement mémorable mais qui se distingue des nombreux bouquins similaires par son humour grinçant et ses commentaires socio-politiques acides.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Policier, #Whodunit

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Publié le 7 Avril 2021

FLETCH ET LES FEMMES MORTES de Gregory McDonald

Dans cette nouvelle aventure, Fletch s’invite dans une campagne politique. Une femme est tombée d’un immeuble où se trouvait Caxton Wheeler, candidat à la présidence des Etats-Unis. Fletch devient donc organisateur de campagne pour le compte de Wheeler tout en essayant de résoudre une série de meurtres. En effet, le détective découvre rapidement que l’équipe politique, en allant de villes en villes, laisse derrière elle une série de femmes mortes. Mais une équipe de campagne compte une bonne centaine de membres et la plupart paraissent suspects alors comment résoudre l’énigme sans compromettre les chances d’élections de Wheeler ?

Avec ce roman l’auteur nous plonge dans une campagne politique à l’ancienne mais déjà marquée par les travers qui deviendront de plus en plus prégnants, à savoir les coups bas des candidats pour détruire la réputation de leurs adversaires. Engagements et convictions n’ont, dès lors, que peu d’importance et McDonald décrit avec humour le cirque politique qui s’apparente à une sorte de show rock & roll démesuré…on trouve même des groupies de politiciens ! Les considérations sur la manière dont vont se gagner les élections futures et l’importance croissante de la technologie (le roman date de 1983) paraissent assez pertinentes et prémonitoires.

Et l’intrigue policière ? Disons qu’elle n’est pas la priorité de l’auteur. Cependant, elle reste satisfaisante et quoique menée en dilettante n’est pas traitée par-dessus la jambe. La recherche du coupable parait néanmoins presque superflue et McDonald prend surtout le temps de démonter les mécanismes politiques. Comme dans les précédentes aventures de Fletch, il use de bons mots, de situations amusantes et d’un humour volontiers caustique. Ceux qui recherchent uniquement le « whodunit » pourraient se sentir un brin floué mais les lecteurs désireux de lire une satire socio-politique enlevée et bien menée, additionnée d’une intrigue policière correcte rendue très vivante par la personnalité bien trempée des protagonistes, passeront un bon moment. Un divertissement intelligent, comme on dit.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Humour, #Policier, #Whodunit

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Publié le 5 Avril 2021

A L’HOTEL BERTRAM d'Agatha Christie

Roman tardif d’Agatha Christie, A L’HOTEL BERTRAM est publié en 1965 en Angleterre. Autant dire que l’époque a beaucoup changé depuis les whodunit du « Golden Age ». Cependant, l’hôtel Bertram demeure un lieu quasiment inchangé, un vestige du passé fréquenté par les ladies bien habillées, les ecclésiastiques, les anciens officiers de l’armée de sa majesté, les jeunes filles de bonne famille, etc. On y sert le thé accompagné de véritables muffins, on y déguste d’authentiques déjeuners anglais, bref tout y est « cosy ». C’est donc le décor idéal pour un « cosy murder mystery » et lorsque Miss Marple débarque dans cette capsule temporelle londonienne les événements mystérieux se multiplient : disparition d’un chanoine, jeune fille agressée, portier tué, bandits cachés parmi la clientèle supposée huppée,…

Intrigue classique avec son lot de rebondissements (pas toujours totalement vraisemblables mais ce n’est pas si important que ça, le livre étant clairement ludique et voulu comme un pur divertissement), présence comme souvent restreinte de Miss Marple (peu présente durant la majeure partie du roman), révélations finales légèrement alambiquées,… Le roman n’innove guère et ne peut prétendre au rand de classique mais s’avère toutefois fort plaisant.

En filigrane mais de manière sans doute plus intéressante et « historique » se dessine le portrait d’une Angleterre en pleine (r)évolution : jeunes gens aux cheveux longs, blousons de cuir et musique des Beatles. Le monde a changé : les vieilles ladies qui dégustent leur thé accompagné de muffin et les anciens militaires qui lisent leurs journaux en fumant un cigare n’y ont plus leur place. L’hôtel Bertram qui, trente ans plus tôt, aurait constitué le décor idéal d’un roman policier « golden age » se révèle n’être plus que ça : un décor ! D’ailleurs trop parfait pour être honnête ou réel. Les portiers stylés et les majordomes impeccables ne peuvent plus exister dans l’Angleterre des années ’60, ils sont donc, forcément, les acteurs d’une vaste machination policière. D’où un côté théâtral et presque autoparodique du récit.

Quelques personnages excentriques se retrouvent, eux aussi, en séjour à l’hôtel Bertram : une riche héritière plusieurs fois menacée de mort, sa mère, aventurière et coutumière du scandale, un chanoine constamment distrait, un coureur automobile (et de femmes !) et, forcément, Miss Marple. Laquelle, comme souvent, intervient finalement assez peu. Il faut dire que, durant les trois quarts de l’intrigue, peu d’événements marquants surviennent : l’ecclésiastique disparait, l’héritière tente de gagner l’Irlande après avoir volé un bijou,…Pendant ce temps, on apprend un nouveau vol spectaculaire d’un train postal. Bien sûr, tout est lié. Au final et après un meurtre apparemment commis au hasard, Miss Marple dénouera l’énigme.

En résumé, un roman à la fois très traditionnel et relativement original que l’on pourrait qualifier, à coup de mots modernes, de « méta » ou de « réflexif ». Pas renversant mais tout à fait agréable à lire et c’est bien l’essentiel.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Agatha Christie, #Policier, #Whodunit

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Publié le 31 Mars 2021

LA NUIT DU 12 AU 13 de Stanislas André Steeman

Steeman propose, avec ce roman, une tentative d’humanisation du récit policier d’énigme : il veut donner de la consistance à ses personnages et s’éloigner du « simple » problème à la façon d’un puzzle. Une première version du bouquin date de 1931 mais Steeman le réécrit à la fin des années 40 en vue de son adaptation cinématographique sous le titre de « Mystère à Shanghai ». A l’époque il était impossible d’envisager un trafic de drogues à Anvers (hum !) et l’écrivain déplace donc l’action de son récit à Shanghai. Une bonne idée puisque l’atmosphère très « péril jaune / Fu Manchu » du livre constitue une de ses réussites.

Le début se montre par conséquent classique : un homme d’affaires, Herbert Aboody, établi à Shanghai, est menacé par le Dragon Vert, un maitre chanteur qui exige 50 000 dollars…sinon Aboody sera abattu durant la nuit du 12 au 13. Le secrétaire d’Aboody, Steve, requiert l’aide du fameux détective Mr Wens qui se propose d’exercer la fonction de garde du corps pendant la nuit fatidique. En parallèle, le commissaire Malaise essaie de démanteler un trafic d’opium…Diverses aventures trouveront leur résolution au fil des pages.

Avis mitigé concernant ce roman qui commence bien mais se perd un peu en route : si l’intrigue de base est assez simple, Steeman brouille ensuite les pistes en ajoutant au chantage des sous-intrigues concernant des bijoux volés, de l’opium, etc. L’auteur donne aussi dans le méli-mélo amoureux à base d’adultère et de trahisons diverses. Malheureusement tout cela accentue le côté daté des péripéties.

De son côté, Mr Wens occupe peu l’espace, il passe la majeure partie du roman hospitalisé après avoir été gravement blessé…Le roman est donc une curiosité, servi (ou desservi selon les opinions) par des dialogues travaillés et souvent amusants mais qui ne sonnent guère réalistes, avec souvent un argot ayant fatalement vieilli (« être poivre » veut donc dire être ivre !).

Très théâtral, LA NUIT DU 12 AU 13 ne retrouve pas le charme de L’ASSASSIN HABITE AU 21 ou la construction ingénieuse de SIX HOMMES MORTS. Cette lecture reste plaisante mais peut donc, également, décevoir ce qui, à mon humble avis, me conforte dans l’avis que Steeman peut, selon son inspiration, se montrer excellent, tout juste passable ou, comme ici, simplement moyen.  

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Golden Age, #Policier, #Whodunit

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Publié le 3 Février 2021

L'EMPREINTE DE LA JUSTICE de Ngaio Marsh

Dix-huitième roman de la série d’enquêtes menées par l’inspecteur Roderick Alleyn, L’EMPREINTE DE LA JUSTICE, bien que publié en 1955, garde toute l’ambiance des whodunit du « golden age ».

L’intrigue nous conduit dans une petite communauté rurale, Swevenings, au sein d’un petit groupe de suspects. C’est là que le colonel Carterette, un fanatique de la pèche, a été assassiné. Alleyn va, bien sûr, mettre à jour une série de secrets enfouis et en particulier la possibilité d’un acte de trahison jadis commis par un notable et que le colonel s’apprêtait à dévoiler dans ses mémoires.

Les « usual suspects » sont donc de sortie : un ancien militaire de la Navy, une lady locale et son fils récemment élevé au rang de « Sir », une infirmière prenant de l’âge, un jeune couple romantique avec des problèmes familiaux à la Roméo et Juliette, un voisin bougon,…

« Scales of justice », le titre original à double sens, révèle davantage un des éléments clés de l’enquête, à savoir le fait que les écailles (« scales ») de poisson soient aussi dissemblables entre elles que les empreintes digitales. Car une truite d’une taille exceptionnelle, surnommée « La vieille », joue un rôle central dans l’histoire et dans la rivalité entre plusieurs villageois.

« Swevenings est décidément un très petit village », déclare un des personnages tandis que le livre nous apprend, à quelques pages de la fin, qu’il n’y a plus beaucoup de gentlemen et que les plus nantis sont souvent les plus décevants. Bref, L’EMPREINTE DE LA JUSTICE, datant de l’après Seconde Guerre Mondiale, illustre bien la fin du « Golden Age » de la littérature policière : les aristocrates bien sous tous les rapports d’hier ont laissé place à des arrivistes qui se déchirent pour grapiller les miettes d’une richesse s’en allant à vau l’eau.

Au final une lecture divertissante et plaisante qui manque peut-être un peu de rebondissements et souffre d’une enquête légèrement flegmatique mais qui parviendra certainement à satisfaire les amateurs de whodunit traditionnel et de « cosy murders » à l’anglaise. Classique et fun.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Golden Age, #Policier, #Whodunit

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Publié le 17 Janvier 2021

UN MEURTRE EST-IL FACILE? d'Agatha Christie

Dans l’esprit des « Miss Marple » (il fut d’ailleurs adapté dans le cadre de la série Miss Marple de 2009), voici une plaisante enquête au cœur d’un petit village anglais, théâtre idéal pour un (ou plutôt des) cozy murder(s). Le début de l’intrigue se montre immédiatement original et intrigant. Le héros, Luke, rencontre une vieille demoiselle, la mal / bien nommée apprentie détective Pinkerton, laquelle se rend à Scotland Yard pour y raconter ses soupçons à l’encontre d’une personnalité bien connue de son village. La vieille dame affirme, en effet, qu’une série de morts supposées accidentelles cache, en réalité, des meurtres commis par la même personne qu’elle se refuse à nommer. Luke prend tout cela pour des fariboles mais, peu après, il apprend que miss Pinkerton a été renversée par un chauffard ayant pris la fuite…Et si elle avait eu raison ?

Roman typiquement british dans la tradition d’Agatha Christie, UN MEURTRE EST-IL FACILE aurait pu être la dernière enquête de Miss Marple tant la Pinkerton rappelle la vieille demoiselle. Mais, cette fois, celle-ci meurt avant d’avoir pu résoudre le mystère, laissant l’enquête à un homme rencontré, par hasard, dans un train.

L’ambiance campagnarde est, comme toujours, bien rendue, avec ce fond de superstitions qui trainent dans la région, permettant au héros, Luke, de venir enquêter incognito en prétextant l’écriture d’un livre sur le surnaturel, ce qui donne un petit cachet supplémentaire au récit imprégné des légendes locales. Le roman se base également sur une série de meurtres tous, au départ, considérés comme accidentels. Les suspects principaux sont le très maniéré Lord Whitfield, le major Horton dont l’épouse est morte d’une gastrite suspecte, le docteur Geoffrey Thomas, l’avoué Abbott, passionné de courses de chevaux et Ellsworthy, un antiquaire qui organise des cérémonies pas très catholiques au bien nomme Pré aux sorcières.

Comme toujours, l’enquête s’avère rondement menée, les pistes sont adroitement disséminées pour orienter le lecteur dans la bonne direction et, comme l’auteur joue franc-jeu, il est possible de deviner une grande partie de la solution juste avant le principal protagoniste. Mais quelques révélations supplémentaires viendront éclairer la résolution dans les dernières pages. Un très bon policier classique.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Agatha Christie, #Golden Age, #Policier, #Whodunit

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