Publié le 13 Novembre 2017
Dans un futur proche seuls les déclassés de la technologie continueront à surfer sur l’Internet. Le vrai réseau c’est l’Intersphère, créé par la société Amalgam, un champ d’énergie invisible qui ceinture la terre et où circulent les données. Pour en bénéficier, il faut posséder une connexion cérébrale, autrement dit être un « plugged ». Cependant, l’accès à cette Intersphère nécessite l’intervention d’humains aux capacités spéciales, les connecteurs. L’un d’entre eux, Frédéric Lorca, se voit engager par Amalgam et mène rapidement la grande vie, passant son temps de travail dans un caisson d’isolement et son temps libre auprès de la Jet set. Mais Lorca découvre qu’Amagalm dissimule bien des secrets : contacté par une jeune femme appartenant à une brigade de contrôle éthique, notre héros réalise qu’il est peut-être un clone. Pour en avoir le cœur net, il s’enfuit vers l’Ecosse en compagnie d’une employée d’Amalgam, Sarah Klein. Son objectif ? Demander des comptes au grand patron, Willy Van der Braden, vivant reclus dans son castel des Highlands en véritable Maitre du Haut Château…
Christophe Lambert propose ici un avenir crédible où la fracture technologique s’est élargie au point qu’elle divise l’humanité en deux : d’un côté les « plugged » capables de surfer sur l’Intersphère, de l’autre les laisser pour compte « unplugged » condamnés à la lenteur exaspérante de l’Internet. Si les nantis semblent mener une vie agréable, le monde a poursuivi sa décrépitude : la pollution s’est accrue (les eaux de la Seine sont à ce point polluées qu’y plonger vous tue en quelques secondes), les animaux ont mutés, le tunnel sous la Manche a été détruit par un attentat,… Les véritables dirigeants ne sont plus les hommes politiques mais les patrons de multinationales, à l’image de Van der Braden, mélange (assumé) entre Bill Gates et Ozymandias (des Watchmen). Ce-dernier veut le bien du peuple mais à n’importe quel prix, ce qui le conduit à transgresser les lois et à se lancer dans le clonage humain, pourtant interdit.
Voici une nouvelle réussite de Lambert dans le domaine de la littérature jeunesse (quoique les adultes y trouveront, eux aussi, largement leur compte) : un mélange de suspense, d’aventures et de questionnements éthiques et philosophiques. Ceux-ci sont dispensés avec efficacité, sans jamais ralentir le rythme de cette course poursuite dans les Highlands. L’auteur se permet également quelques clins d’œil envers son lectorat plus âgés, notamment à son homologue « qui fut acteur au siècle dernier ». Car, comme souvent, Lambert ponctue le récit de références discrètes (Star Wars, le cinéma de Spielberg, etc.). On sent aussi, plus nettement, l’influence de Philip K. Dick et cette intrigue renvoie aux questionnements du Blade Runner Rick Deckard sur sa propre humanité mais aussi, plus généralement, aux intrigues de Dick basées sur des faux semblants et une réalité toujours quelque peu fluctuante. L’interrogation finale du héros en témoigne d’ailleurs : à qui peut on se fier ? Qui est réellement humain ?
Contrairement à de nombreux romans de SF très épais mais vides, CLONE CONNEXION est un roman aussi court (200 pages) que riche et passionnant. A lire ou relire d’urgence !