policier

Publié le 19 Novembre 2017

DEUIL EN ROUGE de Paul Gerrard

Ecrit en 1959 et couronné par le Grand Prix de Littérature Policière, DEUIL EN ROUGE rappelle le point de départ du roman de Nicolas Blake (adapté par la suite par Chabrol) QUE LA BETE MEURE. Un riche industriel rentre chez lui au volant de sa luxueuse Arion noire. Sa femme et ses deux filles se précipitent pour l’accueillir mais sont fauchées par un chauffard conduisant, lui aussi, une Arion noire. Décidé à se venger, notre homme voit l’enquête ne point aboutir. Il va alors demander à Steve Darras, son plus proche collaborateur (apparemment très proche de la défunte) de reprendre l’enquête avec l’aide de détective privé. Heureusement pour eux, l’Arion est une voiture peu courante et, rapidement, le nombre de suspects se restreint à trois.

Jean-Marie-Edmond Sabran (1908 – 1994), souvent caché sous le pseudonyme de Paul Berna, se dissimule cette fois sous le nom de Paul Gerrard. Il livre ici un roman court, rythmé et fort bien mené, en particulier durant sa première partie où l’homme de confiance Steve Darras enquête minutieusement afin de restreindre le nombre de coupables potentiels. « Est-ce vraiment un roman policier ? » se demandèrent les critiques de l’époque. Pas vraiment, en effet, plutôt un mélange de roman très noir, de drame psychologique et de suspense agrémenté d’une énigme sur l’identité du chauffard meurtrier. Ici, il n’y a pas de crime intentionnel, pas de complexe jeu d’alibi comme pouvait en présenter les romans d’énigme de l’âge d’or, seulement la conduite complètement imprudente d’une crapule voulant frimer dans sa voiture de luxe. On ne trouvera pas non plus de policier ni de détective dans ce DEUIL EN ROUGE : les héros sont des quidams dégouttés par l’inaction des forces de l’ordre et décidés à se venger.

Roman bien tassé n’ayant guère vieilli à l’exception de quelques tournures et vocabulaires argotiques (mais cela contribue également, quelque part, au charme de ces petits bouquins ancrés dans leur époque), DEUIL EN ROUGE propose 150 pages qui se lisent d’une traite et sans le moindre ennui. Du bon polar !

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Policier, #Polar

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Publié le 6 Novembre 2017

LE GEANT DE PIERRE de Paul Halter

Au milieu des années ’80, Paul Halter (né en 1956) a ressuscité le roman d’énigme en chambres closes avec une série de titres publiés au Masque comme LA MALEDICTION DE BARBEROUSSE ou LA QUATRIEME PORTE (récompensé par un Prix à Cognac) et LE BROUILLARD ROUGE (lauréat du Prix du roman d’aventures).

Devenu le plus prolifique épigone de John Dickson Carr, Halter a écrit une quarantaine de livres qui renouvellent toutes les situations classiques du crime impossible : chambre close, pièce surveillée par des témoins dignes de foi, corps découvert environné de neige ou de sables, prémonition, bilocation, réincarnation, voyage dans le temps, etc. On lui doit ainsi quelques chefs d’œuvres du genre comme LA MORT VOUS INVITE, LE CERCLE INVISIBLE, l’extraordinaire LA SEPTIEME HYPOTHESE ou le formidable LE VOYAGEUR DU PASSE, véritable tour de force de récit policier tarabiscoté.

D’emblée, LE GEANT DE PIERRE apparait comme quelque peu différent du reste de la production de l’auteur. En effet, le crime en chambre close, commis aux temps minoens, s’avère ici anecdotique, l’intrigue principale se consacrant à « la plus grande énigme de tous les temps », à savoir la disparition de l’Atlantide. Autre différence notable avec la plupart des romans d’Halter : le livre approche des 300 pages.

Ce mélange d’énigme historique et de crime en chambre close aurait pu donner une grande réussite mais, malheureusement, tout cela n’est pas très convaincant. Le narrateur, après la mort de son épouse durant l’éruption du mont Saint Helens, décide d’employer l’argent de son héritage (cinq millions de dollars !) à résoudre le mystère entourant la disparition de l’Atlantide. Un jour, en 1980, il rencontre Hélène, une jeune femme un peu hippie qui abuse de la marijuana et semble avoir des réminiscences d’un passé très lointain. Passionné par l’Atlantide, notre héros décide d’en découvrir l’emplacement, qu’il situe à l’île de Santorin. Accompagné d’Hélène, il se rend sur cette île où il retrouve un ami de la jeune femme, Guy. Or, au cours d’une plongée, ce-dernier meurt transpercé par un trident. Un crime inexplicable, à moins d’invoquer la colère de Poséidon…

Avec LE GEANT DE PIERRE, Paul Halter, passionné par l’Antiquité, tente de résoudre l’énigme de l’Atlantide. Le voici donc sur les traces de l’île engloutie en retournant aux sources du récit de Platon et en expliquant les principales hypothèses sur le sujet, ce qui rend l’histoire plutôt bavarde. Les lecteurs peu intéressé par ce mystère peuvent passer leur chemin tant Halter nous abreuve de détails sur cette civilisation disparue. Toutefois, pour contenter ses admirateurs, l’écrivain concocte un crime impossible (un nageur tué par un trident sans quel nul n’ait pu l’approcher) qui renvoie à un autre meurtre commis peu avant la destruction de l’Atlantide. Un grand prêtre s’enferme dans une pièce après avoir blasphémé contre les dieux, ce qui entraine la colère de Poséidon : lorsque la porte s’ouvre on découvre son corps percé d’un trident. Ces deux crimes impossibles ne sont pas vraiment à la hauteur de ce que l’auteur nous a précédemment proposé : les solutions sont assez classiques et évidentes. L’explication de la mort du plongeur, en particulier, s’impose immédiatement…ce qui conduit le lecteur à comprendre où Halter veut nous mener. Or, la pirouette finale déçoit (tout comme les explications de LA MALEDICTION DE BARBEROUSSE) et laisse une impression amère. A croire que la partie policière a été plaquée par l’écrivain sur son intrigue afin de rassurer ses fans.  La partie historique, pour sa part, n’intéressera que les curieux de l’Atlantide. Bref, LE GEANT DE PIERRE n’est pas un mauvais roman (demeure le talent de conteur d’Halter et les notations historiques pour ceux qui aiment ça) mais constitue une déception indéniable et sans doute un des trois ou quatre romans les moins réussis de Paul Halter. Dommage.

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Publié le 20 Octobre 2017

ORIGINE de Dan Brown

ORIGINES constitue la cinquième aventure du professeur de symbologie Robert Langdon, à nouveau embarqué dans une énigme qui menace la stabilité mondiale. Crée en l’an 2000 dans l’efficace ANGES & DEMONS, Langdon acquiert la célébrité suite au triomphe inimaginable de DA VINCI CODE, vendu à ce jour à 86 millions d’exemplaires. Ces deux romans furent adaptés avec succès au grand écran. Par la suite, Dan Brown poursuivit la saga avec LE SYMBOLE PERDU et INFERNO (lui aussi adapté pour le cinéma mais sans guère de réussite au box-office).

Cette cinquième livraison reprend une formule à présent balisée : un « prégénérique » intriguant puis l’introduction de Langdon, à nouveau confronté au mystère. Un de ses anciens étudiant, Edmond Kirsch, a, en effet, rencontré trois délégués du « Parlement des religions » (un rabbin, un archevêque et un imam) pour leur annoncer que ses découvertes allaient remettre en question les fondements de leurs croyances. Athée convaincu, expert futurologue et milliardaire des nouvelles technologies, Kirsch organise, trois jours plus tard, une réunion au musée Guggenheim de Bilbao à laquelle est convié son vieux professeur Robert Langdon. Kirsch promet d’apporter une réponse aux deux questions fondamentales de l’Humanité : « d’où venons-nous et où allons-nous » ce qui, selon lui, conduira inévitablement à la fin des trois grands monothéismes. Mais, avant qu’il ait pu annoncer sa découverte, Kirsch est abattu par un ancien amiral espagnol. Et voici Langdon, accompagné d’Ambra, la directrice du musée (et accessoirement future reine d’Espagne), lancé sur la piste du mot de passe qui permet d’accéder aux découvertes de son élève. Pour l’aider, il peut compter sur Winston, une intelligence artificielle dernier cri, sorte de « Siri ultra améliorée ».

Construit sur la recette familière de l’auteur (et qui, malheureusement, se voit appliquée dans les trois quarts des techno thrillers actuels), ORIGINE est avant tout une course poursuite, pas si éloignée des films d’Hitchcock dans lesquels un quidam se voyait embarqué dans une affaire d’envergure mondiale au risque d’y laisser la vie. Les grandes révélations théologiques tiennent donc lieu de McGuffin et permettent de dérouler un suspense mené à cent à l’heure entrecoupé des habituelles – mais plutôt réussies – digressions de l’auteur sur les religions, l’intelligence artificielle ou l’art contemporain (qu’il ne semble guère apprécié).

Bien sûr, Dan Brown ne serait pas Dan Brown s’il ne recourait pas aux ficelles des sectes, des assassins illuminés croyant servir une juste cause et des collusions entre les différences instances du pouvoir, notamment la religion et la politique. Ici, l’écrivain s’intéresse à une dissidence de l’Eglise catholique lancée en 1978, l’église palmarienne. Son fondateur, proclamé pape sous le nom de Grégoire XVII, récuse l’autorité du Pontife romain et professe une doctrine ultra conservatrice. Par la suite, la secte canonise de nombreuses personnalités (dont Franco). Le roman insiste sur l’oppression exercée à l’encontre des fidèles, le refus des adeptes de « tendre l’autre joue » pour proclamer la loi du talion et l’ambition de mener une guerre sainte totale contre les ennemis du Christ.

L’auteur joue aussi les guides touristiques, notamment à Barcelone, sur les traces de Gaudi avec sa Casa Mila et sa Sagrada Familia. Le roman se voit d’ailleurs rattrapé par l’actualité puisqu’il décrit une Espagne souffrant d’instabilité politique qui s’interroge sur l’abandon de la monarchie. De plus un des personnages a vu sa famille décimée par un attentat anti-chrétien et décide de réagir en menant se propre guerre sainte.

Pour le reste, les grandes révélations annoncées par le héros martyrisé pourraient-elles réellement mettre à bas les religions ? Peu crédible puisque la foi, par définition, est personnelle. Les religions ont toujours réussi à s’adapter, intégrant les découvertes successives pour continuer d’exister en opérant un subtil jeu d’équilibre entre croyance et science. La révélation finale, un peu longuette et fort verbeuse (l’auteur semble vouloir tout expliciter pour ne pas lâcher son lecteur), n’est finalement pas si extraordinaire que ça et on voit mal ce qui empêcherait les religions de rebondir et de continuer à prospérer. Si Brown semble croire au triomphe prochain de la raison et de l’athéisme sur le fondamentalisme religieux l’actualité parait pourtant le démentir. Qu’importe, l’essentiel réside, une fois de plus, dans la capacité d’émerveillement procuré par l’auteur, souvent dénigré et pourtant doté d’un solide métier dans l’art du divertissement et du « page turner ». Une fois de plus, toutes les informations sont d’ailleurs présentées comme authentiques et Brown enrichit la narration d’extraits d’un site web (fictif) conspirationniste afin de relancer l’intérêt.

Bien sûr, Langdon lui-même reste toujours schématique et stéréotypé : son implication véritable est minime, il se contente de courir d’un coin à l’autre de l’Espagne, visite des lieux emblématiques et déchiffre des énigmes. Mais Brown a parfois le sens de la formule : lorsque l’emballement médiatique atteint son plus haut niveau et que l’affaire est suivie par deux cent millions de curieux, il déclare « le reste du globe est devenu le studio d’une émission de téléréalité ».

Comme dans les précédents romans de l’écrivain, le grand jeu de piste finit toutefois par lasser le lecteur, embarqué dans une énième chasse au trésor qui retarde au maximum les révélations attendues depuis les premières pages. Mais on pardonnera ce bémol car, si les recettes sont connues (chapitres très courts, cliffhangers nombreux, retournements de situation, alternance de point de vue), elles demeurent mitonnées avec une efficacité éprouvée qui place Brown, que l’on le veuille ou non, dans le peloton de tête des auteurs de thrillers politico-ésotérico-anticipatifs actuels.

Au final, un bon divertissement.

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Publié le 18 Octobre 2017

MEURTRES AU CLAIR DE LUNE de Gladys Mitchell

Moins connue que ses consoeurs Agatha Christie, Dorothy Sayers ou Ngaio Marsh, l’Anglaise Gladys Mitchell reste cependant une valeur sûre du whodunit. Née en 1901, elle obtient son diplôme en 1921 et devient alors enseignante toute en écrivant des romans policiers. Dès 1929, Mitchell lance, avec SPEEDY DEATH, le personnage de Miss Bradley, conseillère de Scotland Yard. Cette héroïne reviendra dans la majorité des romans policiers (pas moins de 66 bouquins !) ultérieurs de Mitchell. Très prolifique, la romancière en proposa un ou deux par an jusqu’à son décès survenu en 1983. Quelque peu délaissée, voire oubliée durant les dernières années du second millénaire, Mitchell bénéficie, comme beaucoup d’auteurs de l’Age d’Or, d’un regain d’attention depuis le début du XXIème siècle mais reste peu connue en France. Cependant, sept de ses romans furent traduits dans la collection « Grands Détectives » chez 10/18.

MEURTRES AU CLAIR DE LUNE, souvent considéré comme un de ses récits les plus aboutis, prend place au printemps dans la tranquille petite ville de Brentford, une localité du Grand Londres. Deux meurtres y sont commis durant les soirs de pleine lune : d’abord une acrobate de cirque puis une barmaid. Un suspect est arrêté puis disculpé et alors que l’enquête n’avance guère, chacun redoute de voir la série macabre se poursuive. Le roman s’intéresse plus particulièrement à Simon et Keith, deux jeunes garçons qui vivent à Brentford en compagnie de leur grand-frère, Jack, et de leur belle-sœur, June. La famille loue également une chambre à la jeune et trop jolie Christina dont Simon, âgé de 13 ans, tombe bien sûr amoureux.

Après un troisième crime, Simon découvre différents indices qui semblent incriminer Jack : absent à l’heure du meurtre, celui-ci s’est lavé dans la rivière et, surtout, a égaré son couteau. Afin d’innocenter leur grand frère, Simon et Keith volent un couteau exposé dans la vitrine d’une de leur amie antiquaire et espèrent égarer la police. Par la suite, Miss Bradley débarque à Brentford décidée à résoudre le mystère avec l’aide des deux frangins.

L’originalité du roman, qui peut déstabiliser le lecteur de « Golden Age », réside dans le narrateur : un garçon de 13 ans, ce qui confère à cette intrigue assez classique (un tueur en série à l’œuvre dans une ville tranquille) toute son originalité. Gladys Mitchell capture avec bonheur la psychologie de son principal protagoniste et donne à l’histoire une réelle authenticité.

L’énigme, elle, parait plus faible et sa résolution semble téléphonée, tout comme l’identité du coupable. On devine que cet aspect intéressait peu Mitchell, plus soucieuse de dépeindre avec bonheur les états d’âme de son jeune héros en route vers l’âge adulte. Un roman original, joliment écrit et effectif, qui tranche avec les recettes traditionnelles des romans policiers d’énigme de cette époque.

Malgré ses bémols et le côté prévisible de l’intrigue policière proprement dite, MEURTRES AU CLAIR DE LUNE reste à découvrir pour les curieux.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Policier, #Whodunit, #Golden Age

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Publié le 16 Octobre 2017

IREZUMI d'Akimitsu Takagi

Paru en 1948, ce roman fut un gros succès au Japon et se retrouva par la suite fréquemment listé parmi les meilleures histoires de crime en chambre close. Il a fallu attendre plus de 60 ans pour le voir publié en France. Son auteur, Akimitsu Takagi, est pourtant bien connu dans son pays natal, et plusieurs de ses romans figurèrent sur la liste des Tozai Mystery Best 100 (littéralement Les 100 meilleurs romans policiers de l'Orient et l'Occident), notamment ce IREZUMI (son premier livre) qui, en 1985, occupait encore la douzième place du classement.

Nous sommes ici dans le whodunit le plus pur (assorti d’un « how done it ») puisqu’il s’agit d’un crime impossible commis dans une chambre close ou, plus précisément, une salle de bain fermée de l’intérieur. On y retrouve une jeune femme découpée en morceau et dont le tronc a disparu. Pourquoi cette mutilation ? Tout simplement car la victime, la belle Kinué Noruma, portait un tatouage de grande valeur exécuté par son père, véritable maitre de cette discipline. Deux enquêteurs tentent de résoudre l’énigme : l’étudiant en médecine Kenzo Matsushita et le collectionneur de tatouage Heishiro Hayakawa. Devant la complexité du problème, Kenzo demande conseil à son ami Kyosuke Kamitsu.

En plus du récit policier, fort bien mené et captivant, l’originalité du roman réside dans les commentaires donnés sur la société japonaise de l’immédiat « après Seconde Guerre Mondiale ». La question de l’Irezumi, ces très larges tatouages qui couvrent de grandes parties du corps, s’avère centrale dans la compréhension de l’intrigue. Interdit sous l’ère Edo puis au début de l’ère Meiji, la pratique continua de manière clandestine mais fut associée aux « personnes de mauvaise vie », en particuliers les prostituées et les membres d’organisations mafieuses de type Yakuza. Légalisé en 1945, l’Irezumi entraine toujours, à l’époque du roman, des réactions contradictoires faites de répulsions et d’attractions, majoritairement érotique lorsqu’il recouvre le corps féminin.

L’enquête en elle-même avance de manière assez lente jusqu’à l’arrivée du génial investigateur Kyosuke Kamitsu dont les raisonnements n’ont rien à envier à ses maitres Sherlock Holmes ou Dupin. Evidemment, sa suffisante est, comme souvent, parfois agaçante mais ce bémol (une constance des détectives comme peuvent en témoigner Poirot ou Merrivale) reste mineur tant le roman démontre la maitrise du pourtant débutant Akimitsu Takagi : dialogues efficaces, rythme bien géré, stratagème criminel bien imaginé, personnages adroitement campés et contexte sociétal travaillé sans qu’il devienne envahissant. Bref, voici un roman policier étonnamment moderne dans son écriture, une excellente découverte du roman policier nippon à rapprocher du plus connu et tout aussi passionnant TOKYO ZODIAC MURDERS. Hautement recommandé pour tous les amateurs de crimes impossibles, de chambres closes et, plus largement, de whodunit.

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Publié le 13 Octobre 2017

L'EXECUTEUR: PLUIE DE COKE A OCEAN BEACH de Frank Dopkine

Si la série de l’Exécuteur fut lancée par Don Pendleton à la fin des années ’60, elle fut poursuivie par la suite par de nombreux auteurs américains restés anonymes, du moins sur la couverture des livres puisque les fans les ont, aujourd’hui, identifiés pour la plupart.

Les choses se compliquent lorsque la série, publiée chez Gérard de Villiers, évolue vers l’aventure guerrière et s’éloigne de ses fondamentaux (une période désignée sous le terme de « guerre à la mafia »). Selon les rumeurs, de Villiers ne souhaite pas voir l’Exécuteur emprunter cette voie, qu’il juge concurrentiel pour son propre SAS.

Quoiqu’il en soit, l’Exécuteur cesse d’être traduit pour être « adapté ». Autrement dit, la plupart des romans soi-disant « traduits » sont, en réalité, directement écrits par des Français, toujours sans les signer. A l’époque, le « roman de gare » se trouve déjà en perte de vitesse et les ventes diminuent, ce qui n’empêche pas la série de se poursuivre de longues années. Elle compte plus de 300 bouquins en français et se poursuit toujours aux Etats-Unis où, en comptant les spin-off, elle approche du millier de livres consacrés à Mack Bolan et ses alliés.

Outre Gérard Cambri (connu pour son coup de gueule contre l’éditeur), Frank Dopkine, vieux routier de la littérature populaire croisés à la Brigandine, fut un des pourvoyeurs de ces romans « Exécuteur » officiellement toujours attribués à un Don Pendleton pourtant décédé.

PLUIE DE COKE A OCEAN BEACH revient donc au classique affrontement de l’implacable Mack Bolan contre la Mafia. Cependant, le Guerrier (ou la Grande Pute comme le surnomme affectueusement les » pourris ») y a un temps de présence plus restreint que de coutume. Voici, en effet, Bolan embarqué, une fois de plus, dans une guerre de gangs, les anciens mafiosi se voyant dessouder par de nouveaux venus aux dents longues. Le tout se déroule dans le milieu du surf, avec les habituels passages d’action, les explosions de bateaux, les enlèvements et autres tortures.

Tout cela est certes convenu mais donne au lecteur ce qu’il est venu chercher, à savoir une bonne dose d’action et de violences plutôt agréablement troussée (pour ce genre de bouquin). Ce n’est certes pas de la grande littérature mais l’écriture est efficace et l’intrigue un peu plus solide que les sempiternels massacre de mafieux auquel l’Exécuteur nous a habitué.

Les amateurs de ce justicier impitoyable passeront donc un bon moment sous cette PLUIE DE COKE plutôt plaisante.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Policier, #Roman de gare, #Thriller, #Gérard de Villiers, #Exécuteur

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Publié le 9 Octobre 2017

L'OEIL DE VERRE de Earl Stanley Gardner

Un homme, Peter Brunold, se présente au célèbre avocat Peter Mason car il a perdu un de ses « œil de verre ». Or, pour Brunold, cela ne peut vouloir dire qu’une chose : quelqu’un souhaite utiliser l’accessoire, éminemment reconnaissable et aussi incriminant que des empreintes digitales, pour l’accuser d’un crime. Peu après, en effet, Harry Bassett se suicide et on découvre, dans sa main crispée, un œil de verre. Un suicide, vraiment ? Pourquoi, dans ce cas, le mort avait-il trois révolvers sur lui ?

Sixième roman de la longue série des Perry Mason, le bouquin introduit le futur ennemi (uniquement dans le prétoire !) récurrent de notre expert du barreau : H.M. Burger. L’intrigue, passablement tarabiscotée et rocambolesque, débute par une série d’explications, d’ailleurs plutôt intéressantes, sur la création des « œil de verre » aux Etats-Unis. Un travail effectué par de véritables artistes, fort peu nombreux, et au travail immédiatement identifiable. La suite du récit ménage bien des rebondissements et retournements de situations, dans une veine très feuilletonnesque plaisante et enlevée, bien qu’il ne faille pas s’arrêter aux détails d’une intrigue à la crédibilité relative.

Le dernier acte, comme toujours, se déroule au tribunal où Maitre Mason use de tous ses talents orateurs (et de sa roublardise coutumière) pour qu’éclate la vérité. Classique mais efficace. Quoique le roman soit riche en péripétie, l’enquête policière laisse le lecteur dans le brouillard et il faut attendre la brillante démonstration de Mason, en fin de volume, pour que la solution se fasse jour. Notons d’ailleurs que la méthode purement déductive de l’avocat ne se base sur rien de réellement concret : il « découvre » le coupable et ses motivations en usant uniquement de son intelligence et précise qu’avec un peu de réflexion la solution est limpide. Le juge acquiesce d’ailleurs : « tout cela me parait évident à présent : si on ne s’était pas laissé aveuglé par des détails secondaires on pouvait arriver à la solution de cette affaire ».

La manière de procéder de Mason se situe donc bien loin de la méticulosité d’un Holmes ou des savants recoupements d’un Poirot. L’avocat professe en outre une conception très personnelle de la loi : il n’hésite pas à trafiquer les preuves, multiplie les mensonges afin d’arriver à ses fins et opère même une peu crédible substitution de témoin. La moitié des actions accomplies par Mason dans ce court roman aurait justifié de le voir rayé du barreau, voire emprisonné. Mais puisqu’il agit pour le « plus grand bien » chacun lui pardonne, y compris le juge qu’il a ridiculisé et qui s’exclame après réflexion « bon, n’en parlons plus ».

Mais qu’importe, le plaisir de lecture est, une nouvelle fois, présent en dépit du côté « forcé » des derniers chapitres où l’intrigue s’emballe littéralement sans laisser au lecteur le temps de souffler. La présence d’une émule féminine de Barbe-Bleue accumulant les maris (condamnés à périr) et l’incongruité de la situation de départ rendent cet ŒIL DE VERRE (aussi connu sous le titre du BORGNE BIZARRE) divertissant à souhait, au point que l’on pardonne les coïncidences et invraisemblances un peu trop nombreuses du récit. Un bon moment.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Policier, #Whodunit, #Golden Age, #Perry Mason

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Publié le 4 Octobre 2017

TREIZE INVITES de Joseph Jefferson Farjeon

Treize invités…Voici un titre court et particulièrement bien choisi pour ce whodunit classique. Il se déroule dans la propriété – Bringley Court – de Lord Aveling. Ce-dernier organise une partie de chasse et douze personnes sont donc réunies. La plupart ne se connaissent pas mais elles constituent un échantillon représentatif de la « bonne société » comprenant homme politique, journaliste, actrice en vue, artiste peintre, etc.

John Foss, pour sa part, n’appartient pas vraiment au même monde. Cependant, il se tord la cheville sur le quai d’une gare et le voilà accueilli à Bringley Court. Très vite, les invités discutent, se jaugent et nul ne semblent apprécier un dénommé Chater, personnage louche un peu trop porté sur les ragots et, peut-être, le chantage. Evidemment, ce qui devait arriver arrive. Un tableau est vandalisé, un chien assassiné et, finalement, Chater et un inconnu sont retrouvés morts. Mais a-t-on idée aussi de rassembler treize invités…

Joseph Jefferson Farjeon (1883 – 1955) connut le destin classique de bien des auteurs du Golden Age : en dépit d’une adaptation par Alfred Hitchock (NUMERO 17), son œuvre sombra dans l’oubli avant d’être récemment redécouverte à l’occasion d’une réédition du MYSTERE DE LA MONTAGNE en 2014 par la British Library. L’ouvrage se vendit en Angleterre à 60 000 exemplaires (!), entrainant un regain d’intérêt pour Farjeon qui vit également Z et 13 INVITES réédités.

Farjeon utilise ici la fameuse superstition voulant que lorsque treize personnes se retrouvent à la même table l’une d’elles connaitra un sort funeste dans l’année. Agatha Christie s’en était servie quelques années auparavant dans LE COUTEAU SUR LA NUQUE et, par la suite, d’autres romanciers utiliseront cette base afin de construire leur whodunit. Un nombre conséquent de suspects, une touche d’irrationnel avec les craintes superstitieuse, un lieu clos,… quoi de plus inspirant pour un spécialiste du récit d’énigme.

 

L’auteur use d’une technique éprouvée en présentant, certes rapidement, les différents invités et leurs griefs. Cependant, il ne semble pas se décider à choisir un héros, partagé entre le partiellement immobilisé John Foss, un journaliste fouineur et l’inspecteur Kendall qui se manifeste, classiquement, dans la seconde moitié du roman. Le tout se montre également quelque peu verbeux et les nombreux personnages (certains à peine esquissés) rendent l’intrigue longuette à se mettre en place.

13 INVITES possède donc le charme so british et quelque peu suranné de ces romans d’énigmes situés dans un lieu clos et entre « gens de bonne compagnie » mais, s’il se lit sans déplaisir, il ne peut prétendre figurer parmi les classiques du genre. Cependant, le bouquin donne envie de se pencher avec plus d’attention sur la pléthorique production de Farjeon.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Policier, #Whodunit, #Golden Age

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Publié le 25 Septembre 2017

LE MORT DE LA TOUR D'ANGLE d'Yves Dermèze

Paul Bérato (1915 – 1989) est un écrivain aujourd’hui quelque peu oublié. C’est bien dommage : il fut un pilier de la littérature populaire sous divers pseudonymes, principalement celui de Paul Béra (une vingtaine de « Fleuve noir Anticipation », de Paul Mystère (une douzaine de romans) et, enfin, de Yves Dermèze. Il reçut le Prix du roman d’aventures en 1950 pour SOUVENANCE PLEURAIT et le Prix de l’imaginaire pour l’ensemble de son œuvre en 1977. On conseille notamment deux romans de science-fiction très ruéssis et originaux : LE TITAN DE L’ESPACE et VIA VELPA.

LE MORT DE LA TOUR D’ANGLE fut publié dans une éphémère collection (le Gibet) riche de dix-huit titres appartenant tous au « policier historique » (avant que le terme et le genre ne soit à la mode). Le Gibet avait la volonté de publier des titres peu portés sur le sexe et la violence comme en témoigne la présentation, en fin de volume, de la collection.

L’intrigue, située au Moyen-âge, se montre plaisante. Elle débute comme un « meurtre en chambre close » et, superstition oblige, le crime se voit imputé à Satan. Toutefois, l’explication (basique et déjà souvent employée) est donnée au tiers du bouquin. Cependant, pour une fois, trouver le comment n’entraine pas immédiatement de comprendre qui est l’assassin.

Gacherat, une très âgée voyante, prédit un sort funeste au seigneur Guillaume de Séchelles mais celui-ci refuse de s’en alarmer. Il gagne ainsi le castel d’Alzon mais, la nuit tombée, notre homme meurt poignardé dans sa chambre pourtant close. Les nobles Marigny, Varennes et Aussey se précipitent, constatent que la porte était fermée de l’intérieur et s’épouvantent ! On crie à Satan avant d’imputer le crime à l’intervention du Malin. Seul le bourgeois Perrinet réfute cette explication : il démontre comment l’assassin a procédé. Et pour le mobile, il procède de la manière la plus classique qui soit en cherchant simplement la femme, à savoir demoiselle Gisèle, en âge de prendre époux. Un bien beau parti. Si le meurtrier a éliminé son plus dangereux rival il reste donc trois suspects : Marigny, Varennes et le très chevaleresque Aussey, dit sans cervelle pour son manque d’intelligence. A Perrinet de déterminer le coupable et rapidement car « les trois seigneurs ne sont d’humeur à lui pardonner ses accusations ». Une seule personne connait la vérité, la Gacherat. Mais celle-ci est retrouvé « accommodée », comprenez frappée au cœur à coup de poignard. Et, comme le dit Perrinet « Carogne ! Ne pouvait-elle me faire quérir avant de trépasser ? »

Roman sympathique, relativement court (moins de deux cents pages) et rythmé, LE MORT DE LA TOUR D’ANGLE utilise un vocabulaire et des tournures volontairement obsolète qui empruntent à l’ancien français. Cela lui donne son style mais en rend parfois la lecture moins fluide quoique l’Heroic Fantasy nous ait, depuis, habitué à ces tournures désuètes. A cette époque on n’est pas tué pas mais occis et les dialogues sont donc construits à l’aide de « non point », « oui-da », « que nenni », « n’est-il point », « carogne », « fol », « messire », etc.

L’enquête policière, pour sa part, s’avère plaisante et réserve son lot de rebondissements. Une seconde tentative de meurtre impossible (la victime est frappée dans une pièce close dont le sol est recouvert de farine) se voit rapidement résolue par l’apprenti détective. Une seule explication était, en effet, possible.

Si les habitués des récits à la John Dickson Carr ne seront guère mystifiés par les procédés utilisés par l’assassin, les amateurs de Paul Doherty devraient apprécier ce mélange précurseur entre énigme policière et contexte historique bien typé.

Un roman agréable qui mérite la redécouverte.

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Publié le 18 Septembre 2017

MEURTRES EN MAJUSCULES de Sophie Hannah

En 1975, Hercule Poirot quittait la scène après une ultime enquête. Depuis, le détective belge a été revu dans de nombreux épisodes de série télévisée et quelques long-métrages mais, à l’exception de la novelization de la pièce de théâtre BLACK COFFEE publiée en 1999 par Charles Osborne (qui procéda de la même manière pour plusieurs autres œuvres dramatiques de Christie), nous en étions sans nouvelles.

Tout change en 2014. Sophie Hannah, poète et écrivain anglaise (né en 1971) se voit choisie pour poursuivre les aventures de Poirot. Cette première « nouvelle » enquête se déroule en 1929. Poirot, réfugié de la Grande Guerre, y est encore au début de sa carrière de détective quoiqu’il ait déjà résolu plusieurs épineuses affaires. Nous sommes, dans le « canon », entre LE TRAIN BLEU et LA MAISON DU PERIL. Hastings (qui, en réalité, n’apparait que dans huit des romans originaux) en est absent, remplacé ici par le jeune policier Edward Catchpool, lequel sert de narrateur principal à l’intrigue.

Cette dernière débute par la visite d’une jeune femme terrifiée, Jennie, à Hercule Poirot, en vacances à quelques centaines de mètres à peine de son logement londonien. Le récit de Jennie s’avère plutôt incohérent mais il en ressort qu’elle se sent menacée de mort tout en excusant par avance son futur assassin. Poirot aimerait l’aider mais la demoiselle s’enfuit. Bien évidemment, le détective, aidé d’Edward Cathpool, prend l’enquête en main et relie rapidement cette visite impromptue à un étrange triple meurtre ayant eu lieu à l’hotel Bloxham. Les victimes ont été découvertes dans une position similaire, à trois étages différents, et chacune a un bouton de manchette placé dans la bouche. Pour Poirot aucun doute n’est possible, le bouton manquant est destiné à Jennie, future quatrième personne à tomber sous les coups du mystérieux criminel.

Poirot se montre ici toujours aussi fier de ses petites cellules grises. Sûr de lui et suffisant, il tente de guider le jeune Catchpool mais se refuse à répondre à ses questions où à lui servir la solution sur un plateau. Le jeune policier aura donc parfois bien du mal à supporter le petit Belge plutôt avare d’informations.

On retrouve le défaut coutumier d’auteurs comme John Dickson Carr qui n’hésitent pas à interrompre les explications afin de retarder les révélations. Les romans de Christie se montraient cependant plus « coulant » et moins alambiqués en dépit des énigmes développées parfois très complexes. Ici, Sophie Hannah semble ne pas pouvoir se restreindre et son bouquin s’étire sur près de 400 pages. C’est beaucoup, surtout lorsque les explications finales en occupent une large part.

On sent qu’Hannah veut bien faire mais elle rate, en partie, le coche : au lieu d’un plaisant ping pong verbal elle assomme le lecteur sous des bavardages incessants, au lieu d’une intrigue tortueuse explicité en quelques lignes elle propose un récit plutôt convenu (on devine rapidement plusieurs twists narratifs) mais rendu extrêmement tordu par les épuisantes explications de l’interminable climax.

Poirot lui-même ne semble pas au mieux de sa forme, en dépit de sa prétention coutumière certaines de ses déductions apparaissent capilotractées…à sa décharge le plan d’ensemble du criminel semble lui aussi hasardeux, relativement stupide et fort peu crédible.

Bref, dans l’ensemble, MEURTRES EN MAJUSCULE s’avère fort moyen, pour ne pas dire médiocre. Il eut sans doute fallu élaguer une bonne centaine de pages, resserrer l’intrigue, mieux équilibrer le récit (on comprend beaucoup de choses rapidement puis le livre semble faire du sur place jusqu’à la conclusion…ais-je déjà mentionné à quel point elle était interminable ?) et rendre Poirot un poil plus sympathique (la pédanterie caractérise le personnage mais doit-on n’en retenir que ses aspects les plus agaçants ?) pour obtenir un roman divertissant. Sans être un complet ratage, MEURTRES EN MAJUSCULE ne peut donc que décevoir.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Policier, #Whodunit, #Golden Age, #Agatha Christie

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