horreur

Publié le 8 Mars 2019

L’OUTSIDER de Stephen King

Après FIN DE RONDE, le lecteur a dit adieu à Bill Hodges mais pas à son amie détective Holly, laquelle n’intervient cependant qu’à la moitié de ce nouveau roman qui débute à la manière d’un « policier » classique. Du pur « procédural », avec la découverte du corps d’un petit garçon violé et assassiné dans un parc de Flint City et l’enquête, minutieuse, pour retrouver le coupable. Les témoignages et empreintes accusent rapidement l’entraineur de l’équipe sportive local, Terry Maitland, homme marié sans histoires aimé de tous. Si tout l’accuse, Terry possède pourtant un alibi parfait : sa présence, au moment du meurtre, à une conférence donnée à plus de 100 km par Harlan Coben. Terry a même été filmé et un livre trouvé sur place porte ses empreintes. Un alibi trop parfait ? Comment Terry aurait-il pu être à deux endroits à la fois ? L’inspecteur Ralph Anderson soupçonne que tout n’est pas normal dans cette histoire…de là à croire en des entités surnaturelles proches des vampires vus dans des films d’horreur mexicains il y a cependant un pas. Un pas qu’Holly, elle, peut franchir car elle a jadis été confrontée au paranormal.

King revient ici à un mélange de fantastique et de policier très efficace, un subtil équilibre entre le rationnel et le surnaturel qui commence à la manière d’un thriller pour basculer dans le fantastique teinté d’épouvante. Le King s’appuie à présent sur cinquante ans de métier et autant de romans avec, certes, quelques ratés mais une incroyable collection de classiques incontournables. Il maitrise toutes les ficelles de la narration et livre un condensé de son œuvre, passant du fantastique quelque peu tapageur de ses débuts au polar noir plus subtil qu’il semble priser depuis une bonne dizaine d’années. L’OUTSIDER n’est donc pas sans rappeler les grandes réussites de son rival Dean Koontz qui s’était un temps spécialiser dans ce style de récit aux indéniables qualités de « page turner ». Alors bien sûr l’écrivain se laisse parfois aller à délayer son récit, l’étirant sur près de 600 pages là où un rythme plus resserré (et un plus raisonnable 400 pages) n’aurait pas été de refus. Mais c’est devenu à ce point une habitude chez King de « prendre son temps » qu’on peut difficilement encore considérer cela comme un défaut. On parlera donc plus volontiers d’un style personnel, sans doute volontairement plus lent, plus posé, plus travaillé aussi, notamment dans la construction des personnages, que la majorité des thrillers fantastiques actuels. A plus de 70 ans, King ne changera sans doute plus sa méthode, sa recette pourrait-on dire, mais comme il reste le meilleur pour cuisiner ce genre de plat le lecteur ne s’en plaindra pas.

Dans L’OUTSIDER, forcément, Holly vole la vedette à l’inspecteur Anderson, sorte de substitut à Bill Hodges, pourtant bien campé. Mais rien à faire, on préfère Holly. Holly et ses manies, ses tics, ses petits carnets dans lesquels elle note les milliers de films qu’elles visionnent (notamment les Kubrick mais pas « Shining »… qu’elle n’aime pas évidemment).

En filigrane au fantastique, King scrute toujours l’Amérique, et reste toujours à l’écart des grandes villes : après le Maine il voyage cette fois vers le Texas aux côtés d’un paquet d’« Américains moyens », ni ange ni démon, qui ont subi les effets du 11 septembre et de la crise de 2008 sans s’en remettre vraiment. Des Américains prompts à lyncher le coupable désigné dans des scènes frisant l’hystérie collective. Mais des personnages bien brossés et loin de la caricature.

S’il n’est pas le meilleur livre de son auteur, L’OUTSIDER prouve néanmoins que le roi du fantastique en a encore sous le capot. D’ailleurs, dans son domaine, il ne connait aucun rival.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Horreur, #Polar, #Policier, #Thriller

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Publié le 6 Mars 2019

FUREUR CANNIBALE de Glenn Chandler

Dramaturge, romancier et scénariste écossais, Glenn Chandler (né en 1949) crée au début des années 80 la série télévisée « Taggart » (qui durera près de 30 ans !). On lui doit aussi de nombreuses pièces de théâtre (ou de radio pour la BBC) et un paquet d’ouvrages variés parmi lesquels deux curiosités, de petits romans horrifiques écrits pour l’éditeur spécialisé Hamlyn. Et, avec cette unique publication chez Gore, Chandler frappait fort (on eut d’ailleurs aimé voir traduit son autre bouquin d’horreur) en traitant, de manière relativement sérieuse, du cannibalisme.

FUREUR CANNIBALE (« The Tribe » en VO) se distingue ainsi des autres titres de la collection beaucoup plus porté sur la gaudriole anthropophage (de 2000 MANIAQUES à GRILLADES AU FEU DE BOIS) en optant pour une approche anthropologique du sujet, un peu à la manière des classiques du bis italien comme « Cannibal Ferox » ou « Zombie Holocaust ».

Le roman débute par un massacre horrible : une femme est découverte éviscérée aux côtés d’une fillette à moitié dévorée. Le père, devenu principal suspect, a disparu. Il était étudiant du célèbre professeur Braithwaite, lequel avait conduit une douzaine d’années auparavant une expédition en Papouasie au cours de laquelle il fut, avec cinq étudiants, confronté à d’horribles rituels cannibales. Braithwaite est également en possession de cinq têtes réduites mais vivants à l’influence pernicieuse.

Ecrit de manière convaincante, FUREUR CANNIBALE dépasse son simple statut de « boucherie » quoique l’auteur ne se prive pas d’accumuler les passages vomitifs. Il parvient à lier l’ensemble des scènes choc avec talent, développe une enquête crédible et réussit, en peu de pages, à offrir une réelle caractérisation acceptable des différents protagonistes. L’édition originale comptant seulement 190 pages, on suppose que le bouquin n’eut pas trop à souffrir de sa réduction aux formats de la collection.

Au final, une jolie réussite, captivante, bien ficelée, originale et trouvant le juste équilibre entre une intrigue fantasico-horrifique bien menée et des scènes gore vomitives. Un incontournable de la collection.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Gore, #Horreur, #Roman de gare

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Publié le 4 Mars 2019

H.P. LOVECRAFT - CONTRE LE MONDE, CONTRE LA VIE de Michel Houellebeck

Dans cet essai court mais dense, Houellebeck donne son avis sur Lovecraft, un des rares créateurs d’un « mythe fondateur » moderne à l’image du SEIGNEUR DES ANNEAUX, de CONAN LE BARBARE ou de STAR WARS. Son analyse est précise, poussée, érudite mais très accessible et l’écrivain décortique l’œuvre de HPL en proposant de nombreux exemples tirés de ses « grands textes » mais aussi de récits plus mineurs, de nouvelles quasi autobiographiques (« lui ») et de sa nombreuse correspondance. Il évoque également les continuateurs du mythe avec une prose très agréable car, quoique l’on puisse penser de Houellebeck, le bougre sait façonner des textes de haute volée à la fois simples et impeccablement structurés. Si il  ne retient qu’une partie de l’œuvre foisonnante du reclus de Providence, Houellebeck reste objectif et explique, notamment, pourquoi le sexe et l’argent, si prisés des écrivains actuels, n’ont pas leur place chez HPL, gentleman d’un autre temps déjà suranné voici un siècle. Il ne cache pas non plus le racisme parfois délirant de Lovecraft ni sa fascination pour Hitler mais apporte des nuances en rappelant le contexte de l’époque, l’influence déterminante de sa désastreuse expérience new-yorkaise sur le vécu d’HPL, sa confrontation à la misère et son inadaptation sociale, ainsi que le côté réactionnaire quasiment naturel pour un Américain puritain du début du XXème siècle. Houellebeck souligne aussi les contradictions d’un personnage à la fois anti-sémique et marié à une Juive qui fut, sans doute, l’unique femme de sa vie. N’étant pas à une contradiction près, le terriblement misanthrope Lovecraft était pourtant d’une incroyable gentillesse envers ses amis et correspondait avec des dizaines de personnes. Une existence marquée par le malheur qui prouve que si HPL a raté sa vie (selon nos conceptions en tout cas) il a réussi son œuvre en obtenant un succès posthume jamais démenti.

Quelque part entre la biographie, l’analyse objective d’une œuvre et l’appréciation personnelle, Houellebeck signe un texte incontournable pour les admirateurs de l’écrivain de Providence devenu au fil du temps l’égal (si ce n’est plus) de Poe.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Horreur, #Lovecraft, #essai, #Biographie

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Publié le 25 Février 2019

LE MASQUE DE CTHULHU d'August Derleth d'après H.P. Lovecraft

Moins poétique, moins onirique que Lovecraft, le style de Derleth s’avère plus simple, plus direct, davantage dans l’esprit du « pulp » et ses récits sont également plus classiques, avec une construction traditionnelle terminée par une chute plus ou moins surprenante et horrible. Nous sommes vraiment dans le Weird Tales et les revues similaires, pour le pire et le meilleur (on se reportera d’ailleurs aux excellentes anthologies de Jacques Sadoul sur ces magazines mythiques de l’âge d’or). A vrai dire les histoires de Derleth se ressemblent toutes et il vaut mieux picorer dans les recueils que les lire d’une traite pour éviter l’indigestion. L’idéal est probablement de lire une ou deux nouvelles entre deux romans, en  guise d’aimable récréation. Car on y aligne les mêmes litanies de citations, les mêmes références à des tas de grimoires obscures, les mêmes déités qui cherchent à recouvrir leur pouvoir sur l’humanité. Ces passages se retrouvent, quasiment inchangés, d’une nouvelle à l’autre, donnant l’impression que Derleth tire à la ligne ou cherche à coller à Lovecraft mais sans apporter beaucoup de nouveauté au mythe. Pourtant ces récits s’avèrent dans l’ensemble agréables, ils sont rythmés, plus faciles d’accès que ceux du maître et recourent souvent au dialogue pour faire avancer les intrigues. Bref, « ça se lit bien », sans doute pas avec un enthousiasme excessif mais généralement sans ennui.

La première nouvelle, « Le retour d’Hastur », constitue un des ajouts d’August Derleth à la mythologie lovecraftienne. Précédemment mentionné par Ambrose Bierce, Robert Chambers et HPL lui-même, Hastur se voit défini ici comme le demi-frère et rival de Cthulhu. Ce long récit établit les bases du « révisionnisme » de Derleth, ce-dernier imaginant un panthéon de « dieux » qui s’affrontent pour la suprématie de la Terre. Il unifie ainsi « le mythe » et lui donne davantage de cohérence, notamment en « annexant » des textes provenant d’autres écrivains dans le but louable de lui conférer une portée plus universelle. Dans ses récits, Derleth fait également souvent référence à Lovecraft lui-même (soit nommément soit en parlant d’un « auteur de récits fantastiques »), considéré non pas comme un écrivain de l’imaginaire mais comme un initié ayant, dans ses nouvelles, décrit un monde réel dissimulé aux profanes. Si l’auteur s’oppose au matérialisme athée développé par Lovecraft, « Le retour d’Hastur » reste un récit très réussi et efficace, peut-être un des meilleurs de Derleth. Créature de l’air, Hastur, « celui qui ne peut être nommé », affronte le tentaculaire Cthulhu, monstre aquatique. La rébellion de ces divinités cosmiques a été transposée par la suite dans le christianisme sous la forme du récit de la révolte des anges à l’encontre de Dieu nous apprend également Derleth. Une autre constance de son « révisionnisme », nettement plus marqué par le christianisme.

Les quatre récits suivants (« Les engoulevents de la colline », « quelque chose en bois », « le pacte des Sandwin » et « La maison dans la vallée ») sont similaires : de plaisants récits fantastiques dans lesquels se multiplient les références aux événements évoqués par Lovecraft et les classiques cultes innommables perpétués par les adorateurs de Cthulhu. Relativement prévisibles et souffrant parfois de lenteurs consécutives aux trop nombreuses citations et clins d’œil plaqués sur les récits, ils n’en demeurent pas moins globalement plaisants.

Le dernier récit, « le sceau de R’lyeh » s’avère plus original tout en partant des prémices habituelles : un homme hérite de la maison de son oncle, lequel (refrain archi connu) s’intéresse aux créatures légendaires, possède une vaste bibliothèque « interdite » et se demande ce qui s’est réellement passé à Innsmouth en 1928. La construction se montre efficace et s’achemine vers une conclusion prévisible mais à la logique implacable. On soupçonne le récit d’avoir d’ailleurs grandement influencé l’excellent long-métrage « Dagon » de Stuart Gordon tant sa progression s’avère similaire et ce jusqu’à une conclusion identique.

Au final, Derleth ne démérite pas avec ce recueil qui satisfera les amateurs de Cthulhu. A l’époque certains ont fait la fine bouche mais devant tout ce qui a été publié comme âneries « inspirées par Lovecraft » les hommages respectueux ici rassemblés acquièrent une saveur nostalgique bien réelle.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Fantasy, #Golden Age, #Horreur, #Lovecraft, #Recueil de nouvelles

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Publié le 22 Février 2019

DAGON de Howard Philip Lovecraft

Comme souvent signalé, DAGON constitue un assemblage de contes disparates, de longueurs variables et d’intérêt divers. Ce sont, pour la plupart, des textes mineurs à réservé aux inconditionnels de l’écrivain. Le recueil commence pourtant très bien par l’évocateur « Dagon » qui nous conduit sur la piste des mythes ancestraux et des anciens dieux. « Herbert West, ré-animateur », lui succède. Il s’agit d’une novella épisodique, constituée de six chapitres, qui conte l’existence d’un étudiant en médecine désireux de ramener les morts à la vie. Ce long récit, que HPL considérait comme « alimentaire » souffre de nombreuses redondances d’un chapitre à l’autre. L’écrivain n’appréciait guère le principe de ces chapitres « à chute » et ne s’intéressait qu’à l’argent que lui procurait cet hommage à Mary Shelley. Néanmoins, le récit parvient à maintenir l’intérêt et reste plaisant quoique l’on se souviendra davantage des adaptations cinématographiques signées Stuart Gordon et Brian Yuzna.

Au niveau des récits adaptés on pointera également le court mais efficace « De l’au-delà » devenu le très réussi et gluant « From Beyond ». Le plaisant « Le clergyman maudit » s’apparente plus à une tranche d’ambiance qu’à une réelle nouvelle à la narration construite mais son pouvoir d’évocation fonctionne. On conseille, là aussi, le sketch avec Jeffrey Combs et Barbara Crampton disponible dans l’anthologie « Pulse Pounders » longtemps considérée comme perdue et miraculeusement retrouvée voici quelques années.  Autre nouvelle intéressante, « Horreur à Red Hook » traite de sacrifice d’enfants et de cultes innommables. Elle fut inspirée par le mal-être de Lovecraft dans ce quartier populaire peuplé d’étrangers.

 

Au rayon des curiosités on pointe « Dans les murailles d’Eryx », rare exemple de pure science-fiction écrite en collaboration avec Kenneth Sterling au sujet de la colonisation de Venus. « Prisonnier des pharaons », pour sa part, a été écrit avec le célèbre magicien Houdini mais ne s’élève pas au-dessus de la curiosité sympathique.

Le reste des textes, disparates, alterne récits très courts, poésies et nouvelles oniriques et descriptives à l’intrigue minimaliste. On peut facilement les considérer comme des fonds de tiroirs ou des ébauches de thèmes traités dans d’autres histoires plus maitrisées. Les admirateurs ou complétistes de l’écrivain seront néanmoins ravis d’y avoir accès (la plupart de ces récits dit « oniriques » furent par la suite rassemblés dans un autre recueil, LES CONTREES DU RÊVE). A noter également, car les publications françaises de Lovecraft furent longtemps une véritable jungle, que huit récits de DAGON se retrouvèrent au sommaire d’un petit « Librio » pas cher sous l’intitulé LES AUTRES DIEUX. Aujourd’hui, les plus fortunés et les plus inconditionnels se tourneront plus volontiers vers l’intégrale (en trois gros volumes) consacrée à Lovecraft mais ces petits recueils (qui connurent moult éditions) gardent leur charme. Quoiqu’il en ce DAGON est loin d’un incontournable de l’écrivain et le lecteur occasionnel ferait bien de n’y picorer que l’un ou l’autre récit ou opter pour les textes les plus célèbres d’HPL sous peine de rester dubitatif.

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Publié le 18 Février 2019

LA MORT NOIRE de Christian Vila

Après CLIP DE SANG et L’OCEAN CANNIBALE, Christian Vila revient pour son troisième et dernier « Gore ». Les deux précédents constituaient de sympathiques réussites bien qu’ils s’inscrivaient dans les schémas classiques du genre et fonctionnaient comme des hommages aux séries B horrifiques. Ce troisième roman (depuis réédité, comme les deux autres, chez ActuSF) se montre plus original et ambitieux. Il mélange fantastique, horreur rentre-dedans et, comme souvent, polar avec une vague enquête menée par Chipalon, flic précédemment croisé dans CLIP DE SANG.

Une prostituée droguée, Béa, reçoit une nouvelle drogue de la part d’Evil, une inconnue sexy mais guère fréquentable. La pastille noire lui offre un trip mémorable et sans équivalent mais la laisse aussi dans un état de souffrance et de faim insatiable qu’elle ne peut calmer qu’en absorbant l’énergie vitale d’autres personnes. Devenue une sorte de succube junkie Béa assiste à la prolifération de la drogue dans les milieux sordides.

LA MORT NOIRE est probablement le meilleur des trois « gore » signés par Vila : l’originalité du sujet, la description des milieux interlopes, les personnages bien brossés (dans les limites de ce genre de littérature), la touche d’érotisme assez poussée et les scènes sanglantes et répugnantes en pagaille en font une lecture tout à fait recommandable (et recommandée) pour les amateurs. C’est de l’horreur efficace, sans beaucoup de subtilité, mais fort appréciable et qui ne triche pas avec le lecteur dans son intention manifeste de lui en mettre plein la vue et de lui soulever l’estomac.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Gore, #Horreur

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Publié le 11 Février 2019

LE MYTHE DE CTHULHU de H.P. Lovecraft

Les recueils consacrés à Lovecraft sont innombrables tandis que le corpus littéraire est, lui, limité. Aujourd’hui il est évidemment possible d’opter pour la monumentale intégrale « omnibus » en trois volumes (soit près de 4 000 pages) mais, pour ceux désirant aller à l’essentiel, cette courte anthologie rassemble probablement les meilleurs récits de l’écrivain.

Nous débutons avec le fondateur et incontournable « Appel de Cthulhu », publiée en 1926, et qui servira de base à ce que l’on nommera par la suite « le mythe de Cthulhu ». Présentée de manière éclatée et non linéaire comme une suite de documents et de témoignages, le récit, divisé en trois chapitres, donne pour la première fois au lecteur un aperçu de ces dieux en sommeil qui attendent en rêvant de reconquérir le monde.

Autre texte fameux, « Par-delà le mur du sommeil » nous emmène dans un hôpital psychiatrique dans lequel un être de lumière d’origine extra-terrestre prend possession d’un homme accusé de meurtre.

Après le court « La tourbière hantée », le lecteur a droit à un nouveau classique, « la peur qui rôde », assez proche d’une précédente nouvelle de l’auteur, « La bête de la caverne ». Nous sommes ici dans un récit d’horreur plus traditionnel au sujet de ghoules venant rôder, la nuit, dans les montagnes des Catskills.

Le recueil se termine avec deux classiques déjà chroniqués, « La couleur tombée du ciel » et « Celui qui chuchotait dans les ténèbres », deux incontournables qui constituent probablement les meilleures réussites de Lovecraft et mélangent excellent fantastique, horreur et science-fiction.

Pour ceux qui ne désirent pas investir dans les gros recueils de chez Laffont ou Bragelonne mais qui veulent découvrir Lovecraft au travers de ces récits les plus célèbres, LE MYTHE DE CTHULHU constitue certainement une entrée en matière idéale.

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Publié le 8 Février 2019

COSMIC EROTICA présenté par Jean-Marc Ligny

Cette anthologie, dirigée par Jean-Marc Ligny, donne la plume à une quinzaine d’écrivains…tous des femmes ! Autre point commun des textes : traiter de la sexualité avec, ou non, une intention érotique. Bien évidemment, comme tous les recueils de nouvelles, cette « anthologie féminine » s’avère inégal et alterne le bon et le moins convaincant. Les premiers textes laissent d’ailleurs circonspects : celui de Poppy Z. Britte ne propose rien de bien innovant par rapport à ses précédentes œuvres et celui de Pat Cadigan n’est pas vraiment réussi.

Heureusement la suite relève le niveau avec l’excellent, très hard et humoristique « Prix coûtant » de Carol Ann Davis et ses jeunes filles élevées façon poulet (ou plutôt poule) en batterie pour répondre à tous les désirs des hommes. De la sexe-science-fiction bien crue mais sans verser dans l’excès. Sylvie Denis imagine, elle, un « Carnaval à Lapètre » ou, dans une ambiance légère et sur un ton volontiers sexy, elle s’attaque aux coutumes absurdes de l’excision et l’infibulation encore pratiquées, dans un avenir indéterminé, par des religieux arriérés. La suite est plaisante avec Sara Docke, Jeanne Faivre d’Arcier et une Anne Deguel que l’on a cependant connue plus inspirée. Kathe Koja propose, pour sa part, une histoire d’anges amoureux sensuelle et bien troussée (hum !) et Tanith Lee donne, sans surprise, dans la fantasy.

Un des meilleurs récits, signé Birgit Rabisch, propose avec « inversion, jeu de miroir » une anticipation plausible sur les dérives de l’eugénisme. Dans un monde où tous les individus se ressemblent (il ne reste que trois « types » standards) et où la moindre imperfection conduit - au mieux - à un camp de concentration, un homme sent naitre une attirance incestueuse pour sa sœur « imparfaite » qu’il garde cloitrée et observe à travers un miroir sans tain. Avec ses références aux situations et fantasmes classiques des romans érotiques d’antan et sa thématique d’actualité ce récit que l’on pourrait résumer par une variation hard de « Bienvenue à Gattaca » mérite à lui seul l’achat de l’anthologie.

Plus classique mas cependant efficace, Valérie Simon, dans « Le loup », traite des conséquences d’un viol commis envers une sorcière qui décide qu’un homme se comportant en loup mérite de devenir lui-même…un loup. Connie Willis et Joelle Wintrebert ferment l’anthologie avec deux textes aux antipodes : le premier, très cru, traite de l’inceste et de la frustration sexuelle, le second confronte une femme aux résultats de son combat d’antan dans un monde ayant éliminé tous les hommes.

Dans l’ensemble, ce recueil se montre intéressant, les textes les plus réussis compensant pour les plus faibles. Il parvient surtout à donner une photographie pertinente des récits féminins traitant de l’imaginaire au tout début des années 2000. Passant des auteures débutantes aux incontournables (Tanith Lee, Poppy Z. Brite, Connie Willis), du fantastique à la science-fiction en passant par l’horreur, de l’érotisme à l’anti-érotisme, voici une compilation variée et globalement satisfaisante que l’on se plait à picorer.

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Publié le 6 Février 2019

CELUI QUI CHUCHOTAIT DANS LES TENEBRES d'Howard Phillips Lovecraft

Cette novella qui semble synthétiser toutes les thématiques et obsessions de Lovecraft pourrait bien être la porte d’entrée idéale pour découvrir l’écrivain. Elle commence, comme souvent, par une lettre revue par le professeur Albert Wilmarth de l’université d’Arkham spécialiste du folklore. Le courrier provient d’un autre lettré, Henry Akeley, habitant d’une région du Vermont où se produisent d’étranges phénomènes. On y entendrait, par exemple, des chuchotements dans la nuit qui seraient émis par des créatures venues d’un autre monde.

CELUI QUI CHUCHOTAIT DANS LES TENEBRES oppose classiquement deux personnalités cultivées : Wilmarth est le sceptique, qui s’intéresse aux superstitions et aux croyances mais les considèrent simplement comme des racontars. Face à lui il trouve Akeley le convaincu, persuadé qu’il existe des créatures surnaturelles dans les collines du Vermont. Il recueille des témoignages, des preuves diverses de la présence extra-terrestre comme d’étranges pierres couvertes de symboles ésotériques.

La relation épistolaire de ces précurseurs de Mulder et Scully confère au récit son originalité car, sinon, nous sommes dans le Lovecraft pur jus : un mélange de science-fiction cosmique, de fantastique et d’horreur avec les fameux grimoires maudits et autres connaissances interdites. Les différentes lettres échangées suivent la progression de l’angoisse et la multiplication des phénomènes terrifiants, créant une atmosphère étouffante. Comme toujours avec l’écrivain nous restons dans un certain flou, un mystère entretenu par des descriptions vagues et une épouvante allusive qui se refuse à donner trop d’explications. Ce texte, de part sa forme (un court roman) reste toutefois plus limpide et moins alambiqués que la plupart des nouvelles de l’écrivain, sa progression se montre plus traditionnelle et linéaire.

Comme souligné précédemment CELUI QUI CHUCHOTAIT DANS LES TENEBRES n’est peut-être pas le meilleur texte de Lovecraft mais il reste sans doute le plus représentatif, le plus…lovecraftien dirait on ! Si on apprécie ce style, cette narration parfois ampoulée, ce vocable souvent désuet alors il très probable que l’on devienne un amateur de Lovecraft. Dans le cas contraire il est sans doute préférable de ne pas poursuivre.

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Publié le 30 Janvier 2019

L'OMBRE QUI VIENT DE L'ESPACE d'August Derleth et Howard Phillip Lovecraft

Ce recueil reprend une série de textes écrits par August Derleth afin de prolonger l’univers de Lovecraft. C’est, en effet, en partie grâce à Derleth, loué soit-il, que le reclus de Providence connait aujourd’hui la célébrité et n’a pas sombré dans l’oubli qui a englouti la plupart de ses contemporains ayant œuvré pour Weird Tales et autres magasine « pulp ». Derleth a ainsi retrouvé de nombreuses esquisses plus ou moins complètes sur lesquelles il a brodé avec plus ou moins de réussite. Il a transformé le panthéon de Lovecraft en imaginant le champ de bataille cosmique des Anciens Dieux. Il a aussi inventé de nombreux nouveaux grimoires maléfiques à ranger aux côtés du Necronomicon, développant une véritable bibliothèque de l’étrange ensuite largement reprise par les continuateurs du mythe. Tous ces éléments, souvent seulement cités chez Lovecraft, ont ainsi pris de plus en plus d’ampleur avec Derleth et les autres disciples lovecraftien au point qu’ils paraissent aujourd’hui indissociables des histoires « dans le style de Lovecraft ».

De plus, Derleth reprend le style de Lovecraft, avec un souci de mimétisme rendant difficile de déterminer ce qui appartient au maitre et ce qui relève de son épigone. Le style se montre donc volontairement ampoulé, un brin daté, avec une multiplication d’adjectifs et d’adverbes qui surchargent les phrases. Tout y est « répugnant », « obscène », « abominable », « indicible », etc. On peut se gausser de ces hyperboles ou trouver qu’elles traduisent la folie dans laquelle sombrent les protagonistes de ces récits, pour la plupart racontés à la première personne et à la construction similaire.

La première histoire, « Le survivant », s’avère plaisante et efficace en dépit d’une chute aujourd’hui éculée. « Le jour à Wentworth » est tout aussi réussie, plus typiquement « pulp » : ce récit horrifique à base de mort sorti de sa tombe et de sorcellerie aurait très bien pu être illustré à la manière des « Tales from the crypt ». Plus conventionnel, plus banal, « L’héritage Peabody » traite de sorcellerie, de sacrifices d’enfants, etc. Classique, définitivement « pulp » mais plutôt plaisant. « La lampe d’Alhazred », court récit en forme de mise en abîme, présente un écrivain d’horreur nommé Ward Phillips qui, par l’intermédiaire d’une vieille lampe à huile, découvre un monde parallèle. Une idée similaire est développée dans « La fenêtre à pignons » qui fonctionne de belle manière en dépit d’une construction très convenue et d’une chute attendue. « L’ancêtre » constitue, pour sa part, une curiosité : Lovecraft avait rédigé un résumé du roman « The Dark chamber » de Leonard Cline, publié en 1927 et qu’il tenait en haute estime. Retrouvant ces notes, Derleth pensa qu’il s’agissait du plan d’une nouvelle inédite et rédigea ce texte, encore une fois très classique mais efficace jusqu’à sa conclusion prévisible. La dernière nouvelle, « L’ombre venue de l’espace » se montre ambitieuse : Derleth y développe (et trahit) la mythologie de son maître à penser en la teintant de christianisme, imaginant la terre comme un champ de bataille pour deux races extra-terrestres, l’une bienveillante, l’autre redoutable. On peut tiquer devant cette interprétation manichéenne du mythe mais aussi apprécier que, pour une fois, Derleth apporte une vision plus personnelle et moins empruntée à ses récits.

Les continuateurs de Lovecraft sont nombreux, à l’image des successeurs de Robert E. Howard ou Conan Doyle. Si nombreux, aujourd’hui, que leurs récits éclipsent complètement, du moins par la quantité, les authentiques nouvelles de Lovecraft. Il y a évidemment du bon et du moins bon (voire du très mauvais) dans ces continuations. Dans ce style de pastiche L’OMBRE VENUE DE L’ESPACE est loin d’être inintéressant et, dans l’ensemble, les histoires sont réussies et capturent bien l’esprit du maître.

D’agréables « à la manière de… » pour les nostalgiques.

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