golden age

Publié le 15 Avril 2021

CONAN (Tome 1) de Robert E. Howard, Lyon Sprague de Camp et Lin Carter

Ce premier volume correspond au grand cycle chronologique de Conan établit par L. Sprague De Camp et Lin Carter à partir des nouvelles et fragments laissés par Robert Howard.  Depuis, bien sûr, le puriste a pu se procurer les versions originales non retouchées des aventures du Cimmérien. Est-ce à dire qu’il faut se débarrasser de ces remaniements ? Certes non ! D’abord parce que, souvent, les lecteurs plus âgés ont découverts par ce biais le célèbres barbare. La nostalgie joue donc son rôle et ravive les souvenirs. Ensuite car cette progression chronologique, quoiqu’elle ne soit ni proposée ni voulue par Howard (qui écrivit les nouvelles dans le désordre) fonctionne bien. L’œuvre, une fois assemblée et complétée, dépeint une biographie fantasmée d’un héros plus grand que nature. L. Sprague De Camp et Lin Carter ont rempli les blancs, complétés les passages manquants, écrit certaines nouvelles parfois à partir de notes, de brouillons ou, simplement, en laissant aller leur imagination. Faut-il les en blâmer ? Laissons cela aux exégètes et aux puristes…

Dans ce premier recueil nous avons droit à trois nouvelles de Howard seul, à deux nouvelles de Howard et L. Sprague De Camp, à une nouvelle de Howard et Carter et, enfin, à une nouvelle située dans l’adolescence de Conan, par les seuls L. Sprague De Camp et Lin Carter.

Le récit adopte par conséquent un aspect « fix-up » puisque les nouvelles sont liées par quelques lignes d’introduction qui explicitent le parcours de Conan. Encore une fois, bien que ce n’était pas la volonté d’Howard, celà fonctionne plutôt bien. Après « la chose dans la crypte » où le Cimmérien se confronte (surprise !) à… une chose dans une crypte alors qu’il n’a que quinze ans, nous entrons dans le vif du sujet avec la célèbre « Tour de l’Eléphant ». Dans cette nouvelle classique, Conan s’allie à un voleur réputé pour dérober un trésor dans une tour bien gardée. Les nouvelles suivantes suivent le même schéma et démontrent les talents d’un Conan plus malin qu’on le pense souvent. Il est voleur, mercenaire, esclave, combattant,…Il affronte également diverses créatures improbables. L’écriture est enlevée, quelque peu archaïque mais sans que cela nuise au plaisir ressenti, bien au contraire. Ecrites voici près d’un siècle, ces nouvelles ont gardé intactes leur force évocatrice, leur énergie bouillonnante et leur façon de dépayser le lecteur.
Hautement recommandé, tous les dix ans il faudrait relire CONAN, pour retourner aux bases les plus saines. Quitte à prier ensuite Crom et à rêver de tailler ses ennemis en tranches à coup de hache.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Aventures, #Golden Age, #Fantasy, #Recueil de nouvelles

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Publié le 31 Mars 2021

LA NUIT DU 12 AU 13 de Stanislas André Steeman

Steeman propose, avec ce roman, une tentative d’humanisation du récit policier d’énigme : il veut donner de la consistance à ses personnages et s’éloigner du « simple » problème à la façon d’un puzzle. Une première version du bouquin date de 1931 mais Steeman le réécrit à la fin des années 40 en vue de son adaptation cinématographique sous le titre de « Mystère à Shanghai ». A l’époque il était impossible d’envisager un trafic de drogues à Anvers (hum !) et l’écrivain déplace donc l’action de son récit à Shanghai. Une bonne idée puisque l’atmosphère très « péril jaune / Fu Manchu » du livre constitue une de ses réussites.

Le début se montre par conséquent classique : un homme d’affaires, Herbert Aboody, établi à Shanghai, est menacé par le Dragon Vert, un maitre chanteur qui exige 50 000 dollars…sinon Aboody sera abattu durant la nuit du 12 au 13. Le secrétaire d’Aboody, Steve, requiert l’aide du fameux détective Mr Wens qui se propose d’exercer la fonction de garde du corps pendant la nuit fatidique. En parallèle, le commissaire Malaise essaie de démanteler un trafic d’opium…Diverses aventures trouveront leur résolution au fil des pages.

Avis mitigé concernant ce roman qui commence bien mais se perd un peu en route : si l’intrigue de base est assez simple, Steeman brouille ensuite les pistes en ajoutant au chantage des sous-intrigues concernant des bijoux volés, de l’opium, etc. L’auteur donne aussi dans le méli-mélo amoureux à base d’adultère et de trahisons diverses. Malheureusement tout cela accentue le côté daté des péripéties.

De son côté, Mr Wens occupe peu l’espace, il passe la majeure partie du roman hospitalisé après avoir été gravement blessé…Le roman est donc une curiosité, servi (ou desservi selon les opinions) par des dialogues travaillés et souvent amusants mais qui ne sonnent guère réalistes, avec souvent un argot ayant fatalement vieilli (« être poivre » veut donc dire être ivre !).

Très théâtral, LA NUIT DU 12 AU 13 ne retrouve pas le charme de L’ASSASSIN HABITE AU 21 ou la construction ingénieuse de SIX HOMMES MORTS. Cette lecture reste plaisante mais peut donc, également, décevoir ce qui, à mon humble avis, me conforte dans l’avis que Steeman peut, selon son inspiration, se montrer excellent, tout juste passable ou, comme ici, simplement moyen.  

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Golden Age, #Policier, #Whodunit

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Publié le 3 Mars 2021

LA CHOSE DES TENEBRES de H.P. Lovecraft, A. Derleth, etc.

Les anthologies consacrées au Mythe de Cthulhu sont souvent de véritables casse-têtes pour l’amateur. On plaint d’ailleurs le lecteur d’avant Internet qui devait se retrouver dans ce fatras. LA CHOSE DES TENEBRES, « présentée » par Lovecraft et Derleth fut ainsi également publiée sous le titre LEGENDES DU MYTHE DE CTHULHU TOME 2. Mais ce n’est que le début du dédale car les nouvelles qui composent ce recueil se sont également retrouvées dans de nombreux bouquin. A tout saigneur tout horreur, nous commençons avec Lovecraft lui-même et son hommage amusé à Robert Bloch, « La Chose des ténèbres ». Le récit figura dans les recueils LE CAUCHEMAR D’INNSMOUTH, PAR DELA LE MUR DU SOMMEIL, LEGENDES DU MYTHE DE CTHULHU, LE CYCLE DE NYARLATOTHEP, CTHULHU LE MYTHE et LA MAISON MAUDITE, sans oublier, forcément, la volumineuse INTEGRALE LOVECRAFT de chez Laffont. Pour compliquer les choses la nouvelle (« The haunter of the dark » en VO) fut tour à tour affublée des titres suivants : « la chose des ténèbres », « L’habitué des ténèbres », « La créature de la nuit », « celui qui hante les ténèbres » et « celui qui hante la nuit ».

La « réponse » donnée par Robert Bloch, « The shadow from the steeple », eut pratiquement autant de succès puisqu’on la retrouve non seulement dans LA CHOSE DES TENEBRES mais également dans les recueils AUX PORTES DE L’EPOUVANTE, HUIT HISTOIRES DE CTHULHU, LES YEUX DE LA MOMIE, LES MYSTERES DU VER et L’INTEGRALE LOVECRAFT. On reste avec Robert Bloch et son « manuscrit trouvé dans une maison abandonnée », là aussi maintes fois publié : HUIT HISTOIRES DE CTHULHU, HISTOIRES D’HORREUR, LES YEUX DE LA MOMIE, ENFANTS ROUGES, LES MYSTERES DU VER et L’INTEGRALE LOVECRAFT. Une histoire classique mais convaincante.

« Epouvante à Salem » de Harry Kuttner se retrouva également dans HUIT HISTOIRES DE CTHULHU, dans LE LIVRE DE IOD et bien sûr dans L’INTEGRALE LOVECRAFT qui, décidément, fut une bénédiction pour le déchiffreur du Mythe. Cette nouvelle efficace reprend les thématiques classiques de la maison maudite absorbant, tel un vampire, la force vitale de ses habitants et l’influence pernicieuse exercée par une sorcière jadis exécutée.

« La Chose dans le cimetière » de John Vernon Shea se retrouva également dans HUIT HISTOIRES DE CTHULHU et L’INTEGRALE LOVECRAFT. Pareil pour le « Sueurs froides » de Ramsey Campbell et « La cité sœur » de Brian Lumley (auquel on peut ajouter une publication dans COMPARTIMENT TERREUR) et « Le rempart de béton » du même Lumley (également trouvable dans COMPARTIMENT TERREUR et RECITS CTHONIENS). La plus-value de ce recueil était donc le plus rare « Ceux des profondeurs » de James Wade et « Le retour des Lloigors » de Colin Wilson…qui se retrouveront, par la suite, dans L’INTEGRALE LOVECRAFT. Le présent recueil ne sera donc indispensable qu’à ceux qui ne possède pas cette brique (en trois tomes !) sur H.P.L. ou les collectionneurs maladifs. Mais les nouvelles sont, pour la plupart, plaisantes et méritent bien une relecture, « Ceux des profondeurs » bien que classique fonctionne efficacement et « Le retour des Lloigors », une novella de 80 pages bien tassée s’élève au-dessus de la mêlée. Wilson, très intéressé par l’occultisme, y combine divers thèmes mystérieux : le manuscrit Voynich (qui serait en réalité le Necronomicon originel), la disparition du continent de Mu, les anciens astronautes (venus des étoiles et ayant réduits l’Homme en esclavage), les légendes galloises (déjà évoquées par Machen), sans oublier des considération philosophiques et ésotériques. Une réussite qui, en se basant sur des thèmes classiques déjà évoqués par HPL, renouvelle habilement l’épouvante cosmique chère à Lovecraft.

Dans l’ensemble un très bon recueil de textes relativement variés (thèmes, longueurs, modernisme ou récits à l’ancienne) inspirés par les écrits de Lovecraft. Recommandé.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Fantastique, #Golden Age, #Horreur, #Lovecraft, #Recueil de nouvelles

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Publié le 3 Février 2021

L'EMPREINTE DE LA JUSTICE de Ngaio Marsh

Dix-huitième roman de la série d’enquêtes menées par l’inspecteur Roderick Alleyn, L’EMPREINTE DE LA JUSTICE, bien que publié en 1955, garde toute l’ambiance des whodunit du « golden age ».

L’intrigue nous conduit dans une petite communauté rurale, Swevenings, au sein d’un petit groupe de suspects. C’est là que le colonel Carterette, un fanatique de la pèche, a été assassiné. Alleyn va, bien sûr, mettre à jour une série de secrets enfouis et en particulier la possibilité d’un acte de trahison jadis commis par un notable et que le colonel s’apprêtait à dévoiler dans ses mémoires.

Les « usual suspects » sont donc de sortie : un ancien militaire de la Navy, une lady locale et son fils récemment élevé au rang de « Sir », une infirmière prenant de l’âge, un jeune couple romantique avec des problèmes familiaux à la Roméo et Juliette, un voisin bougon,…

« Scales of justice », le titre original à double sens, révèle davantage un des éléments clés de l’enquête, à savoir le fait que les écailles (« scales ») de poisson soient aussi dissemblables entre elles que les empreintes digitales. Car une truite d’une taille exceptionnelle, surnommée « La vieille », joue un rôle central dans l’histoire et dans la rivalité entre plusieurs villageois.

« Swevenings est décidément un très petit village », déclare un des personnages tandis que le livre nous apprend, à quelques pages de la fin, qu’il n’y a plus beaucoup de gentlemen et que les plus nantis sont souvent les plus décevants. Bref, L’EMPREINTE DE LA JUSTICE, datant de l’après Seconde Guerre Mondiale, illustre bien la fin du « Golden Age » de la littérature policière : les aristocrates bien sous tous les rapports d’hier ont laissé place à des arrivistes qui se déchirent pour grapiller les miettes d’une richesse s’en allant à vau l’eau.

Au final une lecture divertissante et plaisante qui manque peut-être un peu de rebondissements et souffre d’une enquête légèrement flegmatique mais qui parviendra certainement à satisfaire les amateurs de whodunit traditionnel et de « cosy murders » à l’anglaise. Classique et fun.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Golden Age, #Policier, #Whodunit

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Publié le 17 Janvier 2021

UN MEURTRE EST-IL FACILE? d'Agatha Christie

Dans l’esprit des « Miss Marple » (il fut d’ailleurs adapté dans le cadre de la série Miss Marple de 2009), voici une plaisante enquête au cœur d’un petit village anglais, théâtre idéal pour un (ou plutôt des) cozy murder(s). Le début de l’intrigue se montre immédiatement original et intrigant. Le héros, Luke, rencontre une vieille demoiselle, la mal / bien nommée apprentie détective Pinkerton, laquelle se rend à Scotland Yard pour y raconter ses soupçons à l’encontre d’une personnalité bien connue de son village. La vieille dame affirme, en effet, qu’une série de morts supposées accidentelles cache, en réalité, des meurtres commis par la même personne qu’elle se refuse à nommer. Luke prend tout cela pour des fariboles mais, peu après, il apprend que miss Pinkerton a été renversée par un chauffard ayant pris la fuite…Et si elle avait eu raison ?

Roman typiquement british dans la tradition d’Agatha Christie, UN MEURTRE EST-IL FACILE aurait pu être la dernière enquête de Miss Marple tant la Pinkerton rappelle la vieille demoiselle. Mais, cette fois, celle-ci meurt avant d’avoir pu résoudre le mystère, laissant l’enquête à un homme rencontré, par hasard, dans un train.

L’ambiance campagnarde est, comme toujours, bien rendue, avec ce fond de superstitions qui trainent dans la région, permettant au héros, Luke, de venir enquêter incognito en prétextant l’écriture d’un livre sur le surnaturel, ce qui donne un petit cachet supplémentaire au récit imprégné des légendes locales. Le roman se base également sur une série de meurtres tous, au départ, considérés comme accidentels. Les suspects principaux sont le très maniéré Lord Whitfield, le major Horton dont l’épouse est morte d’une gastrite suspecte, le docteur Geoffrey Thomas, l’avoué Abbott, passionné de courses de chevaux et Ellsworthy, un antiquaire qui organise des cérémonies pas très catholiques au bien nomme Pré aux sorcières.

Comme toujours, l’enquête s’avère rondement menée, les pistes sont adroitement disséminées pour orienter le lecteur dans la bonne direction et, comme l’auteur joue franc-jeu, il est possible de deviner une grande partie de la solution juste avant le principal protagoniste. Mais quelques révélations supplémentaires viendront éclairer la résolution dans les dernières pages. Un très bon policier classique.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Agatha Christie, #Golden Age, #Policier, #Whodunit

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Publié le 28 Décembre 2020

ORAGE SUR LA GRANDE SEMAINE de Marcel Lanteaume

Marcel Lanteaume reste un écrivain très mystérieux et aujourd’hui hélas oublié. Né en 1902 (et décédé en 1988), il écrira plusieurs romans policiers pour distraire ses compagnons de Stalag entre 1940 et 1942. Après-guerre, trois d’entre eux furent publiés dans la collection « Le Labyrinthe » mais souffrirent de ventes insuffisantes. Le romancier cessa alors d’écrire et, selon la légende (et son fils), détruisit alors au moins cinq manuscrits ! Des trois romans existants, l’un reste quasiment introuvable (LA 13ème BALLE), les deux autres ayant été réédités au Masque à la fin des années ’90.

ORAGE SUR LA GRANDE SEMAINE constitue un parfait exemple de « chambre close » : deux frères, Marc et Edgar Kuss, invitent quelques personnes, dont le détective privé Bob Slowman et son biographe Charles Termine à diner. Une amie des frères, l’actrice américaine Gertrud Ross, est également de la partie. Mais la jeune femme, enfermée dans la salle de bain, est brutalement assassinée alors que pièce ne comporte aucune issue excepté une porte constamment surveillée par les convives. Slowman mène l’enquête et découvre que la maison servait jadis à des cultes sataniques. De plus un ancien amant de Gertrud, « initié » aux arts noirs, voulait sa mort. Tout comme un mystérieux « club des 9 », un réseau d’espionnage à qui Gertrud a dérobé d’importants documents. Ou encore José Montero, un gangster que la belle avait doublé ! Si les suspects ne manquent pas, restent à déterminer qui est l’assassin, et surtout comme il a pu agir.

Après un excellent démarrage, l’enquête patine un peu et le lecteur peut se sentir quelque peu dérouté, voire perdu, devant la multiplication des personnages et de leurs mobiles. Heureusement Bob Slowman (avatar transparent de l’auteur Lenteaume) nous offrira quelques belles démonstrations de son talent, avec, en outre, l’explication d’un fameux numéro d’illusionniste. Si la partie centrale du roman reste en deçà de son entrée en matière fracassante et de sa conclusion, elle reste, toutefois, agréable à lire.

Le meurtre impossible en chambre – pardon, en salle de bain ! – close se verra finalement et logiquement expliqué dans les dernières pages. Beau joueur, l’écrivain avait offert, peu avant, un énorme indice afin d’orienter le lecteur vers l’explication. Mais le familier du genre avait probablement deviné l’essentiel assez rapidement : il est, en effet, vite évident qu’une seule solution est possible. Car, c’est le paradoxe (ou pas ?) du genre : plus la situation parait inextricable et moins il existe de possibilité réelle pour le criminel d’avoir procédé pour commettre son méfait. Lorsqu’une pièce est « simplement » close le problème se montre, au final, plus compliqué à résoudre que lorsque l’auteur multiplie les impossibilités : une pièce petite, sans cachette possible, sans fenêtre, dont l’unique porte d’entrée est surveillée par plusieurs témoins dignes de foi. En appliquant la méthode dite de « Sherlock Holmes » et en étant attentif aux indices dissimulés (mais relativement transparent) par l’auteur, le lecteur devrait parvenir à résoudre le mystère. L’écrivain prend d’ailleurs la peine d’inclure un de ses fameux défis, si cher à Ellery Queen, pour lui signaler le moment où, ayant tous les indices en sa possession, il peut découvrir le qui, le comment et le pourquoi.

Si ORAGE SUR LA GRANDE SEMAINE reste en deçà de TROMPE L’ŒIL, le 3ème roman de Lenteaume à la solution stupéfiante, il n’en demeure pas moins un classique francophone du crime en chambre close.

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Publié le 6 Décembre 2020

LES MAGICIENS DU CRIME de Roland Lacourbe

Roland Lacourbe, grand spécialiste des crimes impossibles, des meurtres en chambre close et des énigmes insolubles, propose une nouvelle anthologie de 20 nouvelles consacrées aux prestidigitateurs. Car quels personnages sont les plus à même de résoudre les assassinats étranges que ces spécialistes du détournement d’attention, du truc et astuce et des tours de passe-passe ? Le recueil se divise en trois sections : « magiciens criminels et magiciens détectives », « sur les traces d’Houdini » (autrement dit on va parler d’évasions impossibles) et « Occultisme et charlatans », à chaque fois précédées d’un article d’une dizaine de pages signé Lacourbe.

Le livre s’ouvre donc sur « le maitre du temps » de Rafael Sabatini (auteur de « L’aigle des mers » et « Scaramouche ») un récit historique intéressant consacré au célèbre Cagliostro. Plus classique, Clayton Rawson propose avec « Meurtre sans assassin » une enquête du magicien détective Merlini (par la suite reprise dans le recueil du Masque dédié à Merlini). Une histoire de soucoupes volantes et de petits hommes verts amusante avec un coupable évident mais un procédé particulièrement inventif et ingénieux. Joseph Commings, spécialiste du crime impossible, livre « la balle ensorcelée » et « la malédiction d’Othello », deux jolies réussites quoique le modus operandi soit un peu aléatoire et nécessite une bonne dose de chance pour fonctionner…qu’importe, l’amateur ne cherche pas la vraisemblance mais plutôt l’inventivité dans le procédé.

Parmi les autres nouvelles on signale, dans la partie consacrée aux évasions impossibles, le macabre « L’ultime évasion » que l’on imagine facilement transposé dans les pages des « Tales from the crypt » ou encore l’efficace « le moment de décision » et sa conclusion sous forme de point de suspension efficace.

Enfin, au rayon « occulte », c’est encore une fois John Dickson Carr qui emporte le morceau avec « la mort dans les ténèbres », crime impossible fort bien ficelé perpétré durant une séance de spiritisme. La narration, sous forme de pièce radiophonique, rend le récit très haletant et efficace.

Joseph Commings clôt cette anthologie avec sa troisième participation, « Le spectre sur la terrasse » dans lequel il se surpasse niveau impossibilité : apparition de fantôme, lévitation, double spectral, téléportation,…Les explications tiennent la route et démontrent l’ingéniosité de l’écrivain.

Trop inégal, LES MAGICIENS DU CRIME n’est sans doute pas la meilleure anthologie de Lacourbe mais le thème général de la magie et de la prestidigitation s’avère intéressant et finalement pas aussi souvent traité qu’on le pense dans la littérature d’énigme. Whodunit et tour de passe-passe ont pourtant beaucoup en commun dans l’art de la misdirection et dans la manière de cultiver une atmosphère de merveilleux et de fantastique. Ce recueil de nouvelles reste donc recommandable pour l’amateur de crime impossible et de délit mystérieux.

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Publié le 12 Novembre 2020

20 DEFIS A L'IMPOSSIBLE de Roland Lacourbe & Robert Adey

Roland Lacourbe a déjà proposé de nombreuses anthologies consacrées aux crimes parfaits, aux meurtres en chambre close et autres actes criminels impossibles. Avec l’aide du spécialiste Robert Adey il rassemble ici une série de nouvelles destinées « aux amateurs d’insolite ».

Le gros volume se divise en plusieurs sections aux titres accrocheurs : « chambres closes et crimes impossibles », « situations énigmatiques », « malédictions » « disparitions mystérieuses » et « crimes à distance ». Soit 20 récits étalés sur 450 pages et accompagnés d’un bien pratique dictionnaire des auteurs puisque les anthologistes ont compilés des écrivains bien connus mais aussi d’autres nettement plus obscurs.

A tout seigneur tout honneur, le maître incontesté du crime impossible, John Dickson Carr, s’illustre par « la malédiction de la lampe de bronze » et « la chose dans la piscine », deux pièces radiophoniques agréables. Joseph Commings et Edward D. Hoch, deux autres grands spécialistes, offrent également des nouvelles de bonne tenue, tout comme le maître français Paul Halter avec une histoire de voyance efficace, « la Hache », inspirée de faits réels. Autre grand nom francophone, le vénérable Pierre Boileau imagine un « crime en sursis » réussi.

Dans les noms connus (du moins des amateurs du genre) on retrouve encore John Lutz avec le plaisant mais prévisible « Un métier de chien » et C. Daly King avec « Le codex maudit » mettant en scène Travis Tarrant, détective spécialisé dans le surnaturel.

Au rayon des découvertes récentes (comme quoi le genre n’est pas mort en dépit de la prédominance du roman noir social !), Susanna Gregory livre avec « Terreur au pôle » un excellent récit que l’on pourrait situer entre DIX PETITS NEGRES et le film « The Thing ». Edward Marston, de son côté, propose une nouvelle fort amusante dans laquelle la statue de Nelson est remplacée par celle de Napoléon, un vrai « Coup de Trafalgar » à savourer.

Bien sûr, comme toute compilation de ce style, certaines nouvelles s’avèrent moins réussies, plus prévisibles ou tombent un peu à plat. Mais, dans ces 20 DEFIS A L’IMPOSSIBLE le lecteur friand de whodunit ou plutôt de howdunit picorera avec bonheur. Globalement satisfaisant et divertissant, comme toutes les anthologies de Lacourbe.

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Publié le 6 Novembre 2020

FER DE LANCE de Rex Stout

Publié en 1934, FER DE LANCE marque la première apparition du détective Nero Wolfe, quinquagénaire agoraphobe excentrique obèse et amateur d’orchidée, et de son homme de main, Archie Goodwin, narrateur de ses enquêtes. Vu le succès, la série se poursuivra au long de 33 romans et de nombreux recueils de nouvelles et novellas et ce jusqu’en 1975. Deux films (dans les années ’30) et quatre séries télé plus tard, Nero Wolfe est un des détectives majeurs du whodunit américain. Une de ses investigations, ON SONNE A LA PORTE, occupe même la 66ème place de la liste des meilleurs romans policiers établie par les Mystery Writers of America. La série entière reçue également la distinction de « meilleure série policière de tous les temps ».

Cette première énigme, en pleine prohibition, voit Nero recevoir une cliente, Maria Maffei, qui lui demande de retrouver Carlo, son frère disparu. Celui-ci a été poignardé et sa mort parait liée à celle d’un riche recteur d’université, Peter Oliver Barstow, mort mystérieusement sur un terrain de golf.

Vu la réputation de la série, la déception domine à la lecture de FER DE LANCE. Le roman, beaucoup trop long pour son propre bien (et pour le peu qu’il raconte), avance à un rythme paresseux et l’intrigue, alambiquée (mais dans le mauvais sens du mot pour un policier classique !), peine à passionner. Les personnages sont certes typés et mémorables mais, là aussi, Nero Wolfe apparait comme outré, sorte d’assemblages d’excentricités visant à le rendre le plus étrange possible. Les échanges verbaux entre Nero et son assistant font, parait-il, le véritable sel de leurs enquêtes. Admettons. Dans FER DE LANCE le lecteur a surtout l’impression de recevoir un tas de passages verbeux et souvent soporifiques conduisant, au final, à une série de révélations qui paraissent surtout sorties du chapeau de l’énorme détective.

En dépit de tous les défauts de cette mixture indigeste de « détection en fauteuil » et de polar « hardboiled », FER DE LANCE donne cependant envie de poursuivre la saga afin de se forger une opinion plus définitive sur ce « monument » du policier US. Mais ce premier roman s’avère trop médiocre et languissant pour emporter l’adhésion. Pas franchement recommandé donc…

 

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Golden Age, #Polar, #Policier, #Whodunit

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Publié le 2 Novembre 2020

UN BEL ENDROIT PRIVE de Ellery Queen

Pour sa dernière enquête et le dernier roman piloté par les deux cousins derrière le pseudonyme, Ellery Queen quitte la scène avec les honneurs bien que le livre ne soit pas à la hauteur des grands classiques des années ’30.

Nino Importuna, très riche et superstitieux vieillard obsédé par le chiffre 9, est assassiné lors du cinquième anniversaire de son mariage avec Virginia Whyte, très jeune et très belle demoiselle sur laquelle les soupçons se portent immédiatement, d’autant qu’on murmure qu’elle a une aventure avec Peter Ennis, le secrétaire de son époux décédé. Cependant Ellery Queen pense que la solution de l’énigme est plus complexe et qu’il pourra la trouver en résolvant différents indices liés au fameux « 9 ». Pour Ellery, comme pour le lecteur, il importe d’isoler le véritable indice dissimulé dans une floppée d’informations bizarres qui confèrent au roman son côté quelque peu déjanté et outrancier.

Assez amusante, l’intrigue parait néanmoins « capilotractée » à plaisir, transformant un scénario basique en une succession de saynètes étranges liées au chiffre 9. Ellery Queen renoue avec la manière de procéder de ses romans des années ’30 construits autour d’un puzzle en apparence fantastique mais que le détective finit par rendre logique. Ici, avouons-le, la construction reste habile mais nécessite une bonne dose de suspension d’incrédulité et les mécanismes coincent parfois sur les détails assemblés de manière un peu trop artificiels pour convaincre. Le casting de protagonistes se montre, heureusement, intéressant et ils sont tous « vivants » et bien typés, ce qui compense leur nombre restreint. D’où un whodunit finalement rudimentaire puisque le nombre de suspects se limite à 2 ou 3.

Pas grave, en dépit de ses bémols, le tout reste divertissant, la pagination restreinte permettant un rythme soutenu aidé par des dialogues agréables. Quelques notes humoristiques frisent l’autoparodie, les auteurs affirmant à demi-mot, mais à plusieurs reprises, que les indices et autres trucs utilisés par l’assassin auraient fonctionné dans un roman policier des années ’30 mais n’ont plus leur place à la fin des sixties.

Quoiqu’il en soit, UN BEL ENDROIT PRIVE demeure très sympathique et se lit pratiquement d’une traite, sans ennui et parfois avec une relative jubilation qui rappelle les hauts faits d’arme du duo. Si la transposition des principes du whodunit de la fin des 30’s en plein Summer of Love 30 ans plus tard parait quelque peu anachronique, le roman reste certainement plus réussi que les œuvres de fin de carrière de ses rivaux Agatha Christie et John Dickson Carr. Plaisant et distrayant, ce qui est l’essentiel pour ce genre de romans.

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Rédigé par hellrick

Publié dans #Golden Age, #Policier, #Whodunit

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